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04/05/2016 | FRANCE | N°15-16829

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 mai 2016, 15-16829


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 février 2015), qu'ayant constaté que des feuilles de soins électroniques avaient été facturées et transmises à partir de la carte professionnelle de santé de Mme X..., pharmacienne titulaire d'officine, alors que celle-ci faisait l'objet d'une décision d'interdiction d'exercer la pharmacie prononcée par la chambre de discipline du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la cais

se) lui a notifié, le 22 septembre 2009, une demande de rembourseme...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 février 2015), qu'ayant constaté que des feuilles de soins électroniques avaient été facturées et transmises à partir de la carte professionnelle de santé de Mme X..., pharmacienne titulaire d'officine, alors que celle-ci faisait l'objet d'une décision d'interdiction d'exercer la pharmacie prononcée par la chambre de discipline du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la caisse) lui a notifié, le 22 septembre 2009, une demande de remboursement correspondant aux prestations servies ; que contestant le bien fondé de cette décision, Mme X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer le montant des prestations indûment servies pendant la durée de son interdiction d'exercer, alors, selon le moyen :
1°/ que seul est tenu de rembourser à l'organisme d'assurance maladie les sommes versées du fait des ordonnances exécutées, le pharmacien privé du droit de servir des prestations aux assurés sociaux par une décision prononcée par la section des assurances sociales du conseil régional et du conseil central de certaines sections ou par la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des pharmaciens ; que cette obligation de remboursement ne concerne pas le pharmacien frappé d'une interdiction temporaire d'exercer la pharmacie prononcée par le conseil central, régional ou national de l'ordre des pharmaciens statuant en chambre de discipline ; qu'en l'espèce, Mme X... s'était vu infliger une interdiction d'exercer la pharmacie par la chambre de discipline du conseil national de l'ordre des pharmaciens, et n'avait pas été l'objet d'une interdiction de servir des prestations aux assurés sociaux prononcée par une section des assurances sociales du conseil régional, central ou national ; qu'en décidant cependant que la caisse était fondée à réclamer à Mme X... le remboursement des prestations servies aux assurés sociaux, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R. 145-3 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 4234-6 du code de la santé publique ;
2°/ qu'en admettant même que l'obligation de remboursement des prestations servies aux assurés sociaux soit applicable au pharmacien s'étant vu infliger par la chambre de discipline du Conseil de l'Ordre une interdiction d'exercer la pharmacie, seul le constat d'une infraction à cette interdiction par les autorités chargées de vérifier l'exécution de la sanction serait de nature à justifier le remboursement de prestations servies aux assurés sociaux ; que Mme X... faisait valoir, sans être contestée, qu'à l'issue des deux contrôles effectués les 29 juillet et 11 août 2009, le pharmacien inspecteur de santé publique avait conclu, dans son rapport du 17 septembre 2009, que l'intéressée exécutait la sanction d'interdiction d'exercer prononcée à son encontre ; qu'en condamnant Mme X... à rembourser à la caisse les prestations servies aux assurés sociaux sur la base d'une enquête de cette caisse, sans s'expliquer sur le moyen tiré de ce que l'inspection régionale de la pharmacie considérait que la pharmacienne respectait l'interdiction d'exercer la profession, ni indiquer de quelle règle de droit elle tirait qu'un enquêteur d'une caisse est compétent pour contrôler l'application de la sanction d'interdiction d'exercer prononcée par les instances disciplinaires du conseil de l'ordre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 145-3 du code de la sécurité sociale et L. 4234-6 du code de la santé publique ;
3°/ qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que le protocole fixant les conditions d'usage de la carte de professionnel de santé signé par Mme X... prévoit, comme seule sanction à une mauvaise utilisation de la carte, et notamment à son usage pendant la durée d'une interdiction d'exercice de la profession, la mise en opposition de la carte ; qu'en décidant cependant que par suite de l'infraction commise par Mme X... à l'interdiction d'utiliser sa carte de professionnel de santé après le 1er juillet 2009, la caisse était fondée à lui réclamer le remboursement des prestations indûment servies à compter de cette date, la cour d'appel a violé les articles L. 161-33 et R. 161-52 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article R. 145-3 du même code et l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'un pharmacien qui fait l'objet, dans les conditions prévues par l'article L. 4234-6 du code de la santé publique, d'une interdiction temporaire d'exercer la pharmacie prononcée par la juridiction disciplinaire du conseil de l'Ordre des pharmaciens, ne pouvant légalement exercer son activité, les prestations délivrées par l'intéressé en violation d'une telle interdiction ne peuvent être prises en charge par l'assurance maladie ;
Et attendu que l'arrêt constate que les feuilles de soins électroniques avaient été facturées et transmises à partir de la carte professionnelle de santé de Mme X..., alors que celle-ci faisait l'objet d'une décision d'interdiction d'exercer la pharmacie prononcée par la chambre de discipline du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens ;
Qu'il en résulte que les frais pharmaceutiques afférents aux feuilles de soins litigieuses ne pouvaient donner lieu à prise en charge par l'assurance maladie, de sorte que la caisse était fondée à demander la restitution de leur montant à Mme X... ;
Que par ce motif de pur droit, substitué d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour Mme X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Mme X... à payer à la CPAM du Val-de-Marne une somme de 40. 821 €, à titre de remboursement des prestations indûment servies ;
AUX MOTIFS QUE l'article 2 du protocole fixant les conditions d'usage de la carte de professionnel de santé (CPS) indique que cette carte a pour objet de permettre au professionnel de s'identifier, d'authentifier et de sécuriser les messages échangés et de signer électroniquement les transactions qu'il effectue ; qu'en application de l'article 4. 1 de ce protocole, le titulaire utilise sa carte dans le respect des principes déontologiques et règles propres à sa profession, est responsable de son utilisation et de sa conservation, l'utilise personnellement et veille à la sécurisation de son utilisation ; qu'il s'évince de l'article 4. 4 que dans l'hypothèse où le titulaire fait l'objet d'une décision lui interdisant l'exercice de sa profession pendant une durée inférieure ou égale à six mois, il s'engage sur l'honneur à ne pas utiliser sa carte pendant la durée de l'interdiction ou à ne l'utiliser que dans les conditions non interdites ; que tout manquement à cet engagement entraîne la mise en opposition de la carte ; que l'article R. 145-3 du code de la sécurité sociale prévoit que le pharmacien qui sert des prestations à un assuré social alors qu'il est privé du droit de le faire à la suite d'une décision de la section des assurances sociales du conseil régional, des conseils centraux des sections D, G et H ou du conseil national de l'ordre des pharmaciens, est tenu de rembourser à l'organisme de sécurité sociale les sommes versées du fait des ordonnances exécutées ; que Mme X... a signé le protocole fixant les conditions d'usage de la CPS et les obligations du titulaire de la carte le 15 mai 2003 ; qu'elle a fait l'objet d'une interdiction d'exercice de la pharmacie pendant un an à compter du 1er juillet 2009, dont six mois ferme entre le 1 "'juillet et le 31 décembre 2009, par le conseil national de l'ordre des pharmaciens ; que cette interdiction imposait le respect des règles précitées et par voie de conséquence, la non-utilisation de sa carte professionnelle ; que la CPAM a constaté que des feuilles de soins électroniques facturées sur la période du 1er juillet au 15 août 2009, date de fermeture de l'officine pour congés, ont été transmises à l'aide de la carte professionnelle de Mme X... pour un montant de 40. 821 € ; qu'effectuant ensuite un contrôle à l'officine le 1er septembre 2009, l'enquêteur de la caisse a relevé la présence de Mme X... dans une pièce à l'arrière de la boutique, Mme Y..., pharmacienne remplaçante, attestant n'utiliser que la carte professionnelle non nominative " employé " pour télétransmettre les facturations, ce qui contredisait les constatations précitées ; qu'il également relevé que Mme X..., au cours du contrôle, était allée aider sa remplaçante en difficulté informatique avec le dossier d'une cliente ; que Mme X... ne conteste pas l'utilisation de sa carte professionnelle pendant la période litigieuse par Mme Y... mais invoque l'erreur, indiquant avoir oublié sa carte dans le boîtier ; que sur sa présence dans l'officine, elle déclare être venue retirer son courrier, se retranchant derrière les déclarations de Mme Y... et d'une autre salariée, qui est sa bellesoeur ; que toutefois, ses déclarations ne sont pas convaincantes dans la mesure où elles se heurtent aux constatations d'un agent assermenté de la caisse ; qu'en outre, connaissant ses obligations professionnelles issues du protocole qu'elle a signé, et que lui ont rappelées les inspecteurs de la santé publique lors de leurs contrôles les 29 juillet et 11 août 2009, Mme X... savait qu'elle ne devait pas laisser sa carte à disposition de Mme Y... pour effectuer des télétransmissions au mépris de son interdiction d'exercice et alors qu'elle se trouvait, du fait de cette interdiction, hors convention au sens de l'article 70 de la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie ; qu'elle ne démontre pas une responsabilité de Mme Y... dans l'utilisation de la carte litigieuse ; qu'en enfreignant volontairement l'interdiction d'utiliser sa CPS pendant la durée de la sanction et en assistant sa collègue remplaçante au sein de l'officine au traitement de la facturation d'un dossier de sorte qu'elle était mise en relation avec la clientèle, Mme X... a servi des prestations aux assurés sociaux alors qu'elle était privée du droit de le faire au sens de l'article R. 145-3 précité du code de la sécurité sociale, et que la CPAM est dès lors fondée à lui réclamer le remboursement des prestations indûment servies ;

1) ALORS QUE seul est tenu de rembourser à l'organisme d'assurance maladie les sommes versées du fait des ordonnances exécutées, le pharmacien privé du droit de servir des prestations aux assurés sociaux par une décision prononcée par la section des assurances sociales du conseil régional et du conseil central de certaines sections ou par la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des pharmaciens ; que cette obligation de remboursement ne concerne pas le pharmacien frappé d'une interdiction temporaire d'exercer la pharmacie prononcée par le conseil central, régional ou national de l'ordre des pharmaciens statuant en chambre de discipline ; qu'en l'espèce, Mme X... s'était vu infliger une interdiction d'exercer la pharmacie par la chambre de discipline du conseil national de l'ordre des pharmaciens, et n'avait pas été l'objet d'une interdiction de servir des prestations aux assurés sociaux prononcée par une section des assurances sociales du conseil régional, central ou national ; qu'en décidant cependant que la CPAM était fondée à réclamer à Mme X... le remboursement des prestations servies aux assurés sociaux, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R. 145-3 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 4234-6 du code de la santé publique ;
2) ALORS en outre QU'en admettant même que l'obligation de remboursement des prestations servies aux assurés sociaux soit applicable au pharmacien s'étant vu infliger par la chambre de discipline du conseil de l'ordre une interdiction d'exercer la pharmacie, seul le constat d'une infraction à cette interdiction par les autorités chargées de vérifier l'exécution de la sanction serait de nature à justifier le remboursement de prestations servies aux assurés sociaux ; que Mme X... faisait valoir, sans être contestée, qu'à l'issue des deux contrôles effectués les 29 juillet et 11 août 2009, le pharmacien inspecteur de santé publique avait conclu, dans son rapport du 17 septembre 2009, que l'intéressée exécutait la sanction d'interdiction d'exercer prononcée à son encontre ; qu'en condamnant Mme X... à rembourser à la CPAM les prestations servies aux assurés sociaux sur la base d'une enquête de cette caisse, sans s'expliquer sur le moyen tiré de ce que l'inspection régionale de la pharmacie considérait que la pharmacienne respectait l'interdiction d'exercer la profession, ni indiquer de quelle règle de droit elle tirait qu'un enquêteur d'une CPAM est compétent pour contrôler l'application de la sanction d'interdiction d'exercer prononcée par les instances disciplinaires du conseil de l'ordre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 145-3 du code de la sécurité sociale et L. 4234-6 du code de la santé publique ;
3) ALORS enfin QU'il ressort des propres constatations de l'arrêt que le protocole fixant les conditions d'usage de la carte de professionnel de santé signé par Mme X... prévoit, comme seule sanction à une mauvaise utilisation de la carte, et notamment à son usage pendant la durée d'une interdiction d'exercice de la profession, la mise en opposition de la carte ; qu'en décidant cependant que par suite de l'infraction commise par Mme X... à l'interdiction d'utiliser sa carte de professionnel de santé après le 1er juillet 2009, la CPAM était fondée à lui réclamer le remboursement des prestations indûment servies à compter de cette date, la cour d'appel a violé les articles L. 161-33 et R. 161-52 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article R. 145-3 du même code et l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-16829
Date de la décision : 04/05/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Pharmacie - Pharmacien - Exercice de la pharmacie - Interdiction temporaire - Interdiction prononcée par la juridiction disciplinaire du conseil de l'Ordre des pharmaciens - Effets - Détermination - Portée

SECURITE SOCIALE - Caisse - Créances - Prestations indues - Recouvrement - Prestations délivrées par un pharmacien en violation d'une interdiction temporaire d'exercer la pharmacie

Un pharmacien qui fait l'objet, dans les conditions prévues par l'article L. 4234-6 du code de la santé publique, d'une interdiction temporaire d'exercer la pharmacie prononcée par la juridiction disciplinaire du conseil de l'Ordre des pharmaciens, ne pouvant légalement exercer son activité, les prestations délivrées par l'intéressé en violation d'une telle interdiction ne peuvent être prises en charge par l'assurance maladie


Références :

article L. 4234-6 du code de la santé publique

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 mai. 2016, pourvoi n°15-16829, Bull. civ. d'information 2016, n° 850, II, n° 1318
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles d'information 2016, n° 850, II, n° 1318

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat général : M. de Monteynard
Rapporteur ?: M. Hénon
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Monod, Colin et Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.16829
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