LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 4 avril 2001, M. Maxime X..., qui circulait à vélo et était alors âgé de treize ans, a été victime d'un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. Y..., assuré auprès de la société Gan assurances (l'assureur) ; qu'il a été atteint d'une incapacité permanente partielle de 75 % ; que M. Maxime X..., assisté de son curateur, a assigné M. Y... et son assureur en indemnisation de ses préjudices ; que M. Jacky X... et Mme Jocelyne X..., ses parents, ainsi que Romain et Alexandre X..., ses frères, ont assigné M. Y... et son assureur en indemnisation de leurs préjudices par ricochet ;
Attendu que l'arrêt énonce que les deux parents de M. Maxime X... ont été placés en arrêt de travail pour maladie à la suite de l'accident ; que M. Jacky X... a repris son poste le 10 juin 2001 tandis que Mme Jocelyne X... n'a repris un emploi à temps partiel que le 2 octobre 2001 avant de faire valoir ses droits à la retraite ; que la gravité des blessures de l'enfant était de nature à affecter la santé physique et psychique de ses parents durant quelques mois ; que, toutefois, après cette période dont le terme doit être fixé à la fin du mois de juin 2001 au vu des pièces produites, le lien de causalité directe entre l'accident et l'état de santé de Mme Jocelyne X... nécessitant un arrêt pour maladie n'est pas démontré ; qu'en effet, aucun élément médical ne fait état d'une telle relation de causalité ; que Mme Jocelyne X... indique dans ses conclusions avoir cessé son travail pour s'occuper de son fils et non en raison de son état de santé ; que, dès lors, les pertes de gains professionnels ou de droits à la retraite subis ultérieurement par elle n'apparaissent pas être la conséquence de la dégradation de son propre état de santé dû à l'accident mais résulter de sa décision d'assister son fils ; que les consorts X... ayant demandé et obtenu l'indemnisation des besoins du blessé en assistance d'un tiers, l'assureur soutient à bon droit que faire droit en outre à la demande de Mme Jocelyne X... au titre de ses pertes de revenus professionnels et de retraite, mettrait à sa charge l'obligation d'indemniser doublement la même assistance d'une tierce personne ; qu'il appartient en effet à M. Maxime X..., assisté de son curateur, d'embaucher et de rémunérer la tierce personne qui lui apporte son aide, qu'elle soit étrangère à la famille ou un proche ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si Mme X... avait été obligée d'abandonner son emploi pour s'occuper de son fils et si, de ce fait, elle avait subi un préjudice économique personnel en lien direct avec l'accident consistant en une perte de gains professionnels et de droits à la retraite qui ne serait pas susceptible d'être compensée par sa rémunération telle que permise par l'indemnité allouée à la victime directe au titre de son besoin d'assistance par une tierce personne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande formée par Mme Jocelyne X... de réparation de son préjudice économique, l'arrêt rendu le 2 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Gan assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme Jocelyne X... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de frais irrépétibles dirigée contre M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Jocelyne X... de sa demande de réparation de son préjudice économique, évalué à 579 472,45 € ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des pièces produites et des écritures des parties que les deux parents de Monsieur Maxime X... ont été placés en arrêt de travail pour maladie à la suite de l'accident ; que Monsieur X... a repris son poste le 10 juin 2001 tandis que Madame X... n'a repris son emploi à temps partiel que le 2 octobre 2001 avant de faire valoir ses droits à la retraite ; qu'il y a lieu de constater que la gravité des blessures de l'enfant était de nature à affecter la santé physique et psychique de ses parents durant quelques mois, toutefois, après cette période dont le terme sera fixé, au vu des pièces produites, à la fin juin 2001, le lien de causalité directe entre l'accident et l'état de santé de Madame X... nécessitant un arrêt pour maladie, n'est pas démontré ; qu'en effet aucun élément médical ne fait état d'une telle relation de causalité et madame X... indique dans ses conclusions avoir cessé son travail pour s'occuper de son fils et non en raison de son état de santé ; que dès lors, les pertes de gains professionnels ou de droits à la retraite subis ultérieurement par Madame X... n'apparaissent pas être la conséquence de la dégradation de son propre état de santé dû à l'accident mais résulter de sa décision d'assister son fils ; que les consorts X... ayant demandé et obtenu l'indemnisation des besoins du blessé en assistance d'un tiers, la société GAN ASSURANCES soutient à bon droit que faire droit en outre à la demande de Madame X... au titre de ses pertes professionnelles et de retraite, mettrait à sa charge l'obligation d'indemniser doublement la même assistance d'une tierce personne ; qu'il appartient en effet à Monsieur Maxime X..., assisté de son curateur, d'embaucher et de rémunérer la tierce personne qui lui apporte son aide ; qu'elle soit étrangère à la famille ou un proche ; que Madame X..., qui ne conteste pas avoir bénéficié du maintien par le centre hospitalier Louis Pasteur de son salaire jusqu'à la fin juin 2001, n'établit pas avoir subi une perte de rémunération avant cette date ; qu'elle sera en conséquence déboutée de sa demande en réparation d'un préjudice économique ;
1/ ALORS QUE l'indemnisation allouée à la victime au titre de l'assistance d'une tierce personne ne prive pas un membre de la famille de celle-ci d'être indemnisé du préjudice lié à l'assistance apportée à la victime, qui est la conséquence directe de l'accident ; qu'en refusant d'indemniser Madame X... au titre de son préjudice économique résultant de l'assistance apportée à son fils par suite de l'accident dont il avait été victime, pour la raison qu'une telle assistance résulterait de sa décision personnelle et qu'une indemnisation des besoins de la victime en assistance d'un tiers avait déjà été obtenue, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
2/ ALORS QU'en statuant de la sorte, sans rechercher si l'assistance apportée par Madame X... à son fils n'était pas, nonobstant l'indemnisation allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne, en lien direct avec l'accident, la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil et du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.