LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 625 du code de procédure civile ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que lors des élections des représentants du personnel au comité de l'établissement Ile-de-France de la société Brink's Evolution du 24 octobre 2013, la Fédération nationale des syndicats de transports CGT (le syndicat CGT), a obtenu 10 % des voix dans le premier collège ; que par un jugement du 30 janvier 2014, ces élections ont été annulées ; que de nouvelles élections ont été organisées le 14 mars 2014, à l'issue desquelles le syndicat CGT a recueilli 4,4 % des voix ; que par un arrêt du 2 juillet 2014 la Cour de cassation a annulé le jugement précité ; que par lettre du 4 novembre 2014, le syndicat CGT a désigné M. Philippe X... en qualité de délégué syndical au comité de l'établissement Ile-de-France de la société Brink's Evolution ;
Attendu que pour rejeter la demande d'annulation de cette désignation, le tribunal d'instance retient qu'il résulte de l'application combinée des articles 625 et 1034 du code de procédure civile que les parties doivent être placées dans l'état où elles se trouvaient avant l'annulation des élections du premier collège du 24 octobre 2013 par le jugement du 30 janvier 2014 ; qu'à l'occasion du scrutin du 24 octobre 2013, la CGT avait réuni 10 % des voix ; qu'au jour de la désignation critiquée, le syndicat CGT était donc représentatif au sens de l'article L. 2143-2 du code du travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la cassation du jugement ayant annulé les élections du 24 octobre 2013 n'entraînait pas, par elle-même, l'annulation des élections qui ont suivi et à l'encontre desquelles aucune demande d'annulation n'a été formée dans le délai de quinze jours prévu par les articles R. 2314-28 et R. 2324-24 du code du travail de sorte que le résultat de ces dernières élections devait être pris en compte pour établir la représentativité des syndicats, le tribunal a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 mai 2015, entre les parties, par le tribunal d'instance de Paris 13e ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Paris 14e ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Brink's Evolution.
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR rejeté la demande d'annulation de la désignation de Philippe X... en qualité de délégué syndical de l'établissement ILE DE FRANCE de la Société BRINK'S EVOLUTION ;
AUX MOTIFS QUE « en application de l'article 625 du code de procédure civile, sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé ; qu'elle entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'en outre, en application de l'article 1034 du code de procédure civile, à moins que la juridiction de renvoi n'ait été saisie sans notification préalable, la déclaration doit, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, être faite avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt de cassation faite à la partie ; que l'absence de déclaration dans le délai ou l'irrecevabilité de celle-ci confère force de chose jugée au jugement rendu en premier ressort lorsque la décision cassée avait été rendue sur appel de ce jugement ; qu'il résulte de l'application combinée de ces deux articles que, faute de saisine de la juridiction de renvoi après cassation d'un jugement rendu en premier et dernier ressort, au plus tard avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt de l'arrêt de cassation, les parties sont replacées dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé ; qu'en l'espèce, par arrêt du 2 juillet 2014, la Cour de cassation a cassé et annulé le jugement du 30 janvier 2014, a « remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement », et a renvoyé les parties devant le tribunal d'instance de Paris 12ème ; qu'il n'est pas contesté que la juridiction de renvoi n'a pas été saisie dans le délai de quatre mois précité ; qu'en application des textes et de l'arrêt susvisés, les parties doivent être placées dans l'état où elles se trouvaient avant l'annulation des élections du 1er collège du 24 octobre 2013 par le jugement du 30 janvier 2014 ; qu'à l'occasion du scrutin du 24 octobre 2014, la CGT avait réuni 10 % des voix ; qu'au jour de la désignation critiquée, la CGT était donc représentative au sens de l'article L. 2143-2 du code du travail ; que, dans ces conditions, la CGT était fondée à désigner Monsieur Philippe X... en qualité de délégué syndical ; que la demande d'annulation de la désignation de Philippe X... sera donc rejetée » ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QU'en vertu de l'article L. 2122-1 du code du travail, dans l'entreprise ou l'établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 du même Code et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants ; que le tribunal d'instance a constaté qu'à la suite de l'annulation des opérations électorales concernant le premier collège au sein de l'agence Ile-de-France de la Société BRINK'S EVOLUTION, tenues le 24 octobre 2013, de nouvelles élections au sein du premier collège avaient eu lieu le 14 mars 2014 à l'issue desquelles la CGT a recueilli 4,4 % des suffrages exprimés ; que pour refuser d'annuler la désignation de Monsieur X..., le tribunal d'instance s'est fondé sur les résultats des élections du 24 octobre 2013 aux motifs que le jugement prononçant l'annulation des opérations électorales survenues le 24 octobre 2014 concernant le premier collège avait été cassé et annulé par un arrêt de la Cour de cassation en date du 2 juillet 2014, et que bien que cette dernière ait renvoyé les parties devant le tribunal d'instance de Paris 12ème, la juridiction de renvoi n'avait pas été saisie dans les délais fixés par le code de procédure civile, de sorte que les parties devaient être placées dans l'état où elles se trouvaient avant l'annulation des élections du 1er collège ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant qu'il n'était pas contesté que les résultats des opérations électorales ayant eu lieu le 14 mars 2014 n'avaient pas fait l'objet d'une action en justice dans les délais prescrits par la loi, de telle sorte que ces élections constituaient les dernières élections au sens de l'article L. 2122-1 du code du travail, et que c'était donc en considération des résultats du premier tour de ces élections que la représentativité de la Fédération des transports CGT au sein de l'établissement Ile de France devait être appréciée, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2122-1 et L. 2143-3 du code du travail ;
ALORS, DE DEUXIEME PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le tribunal d'instance n'a prononcé ni l'annulation, ni la caducité des opérations électorales survenues le 14 mars 2014, nullité et caducité qui ne pouvaient s'induire de la décision de la Cour de cassation ayant cassé et annulé le jugement du 30 janvier 2014 ayant annulé les opérations électorales dans le 1er collège tenues le 24 octobre 2013, ces opérations électorales de mars 2014 ne constituant pas une décision de justice qui serait la suite, l'application ou l'exécution de ce jugement annulé ou qui s'y rattacherait par un lien de dépendance nécessaire ; que ces élections de mars 2014 constituaient donc les dernières élections au sens de l'article L. 2122-1 du code du travail dans le cadre du premier collège de l'agence Ile-de-France de la Société BRINK'S EVOLUTION et devaient donc être prises en compte pour déterminer la représentativité des organisations syndicales au sein de cet établissement au moment de la désignation contestée; qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2122-1, L. 2143-3 et R. 2324-24 du code du travail, ainsi que l'article 625 du code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : 1° Le respect des valeurs républicaines ; 2° L'indépendance ; 3° La transparence financière ; 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, cette ancienneté s'appréciant à compter de la date de dépôt légal des statuts ; 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 du Code du travail ; 6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; 7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations ; que si les critères posés par l'article L. 2121-1 du code du travail doivent être tous réunis pour établir la représentativité d'un syndicat et si ceux tenant au respect des valeurs républicaines, à l'indépendance et à la transparence financière doivent être satisfaits de manière autonome , ceux relatifs à l'influence prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience, aux effectifs d'adhérents et aux cotisations, à l'ancienneté dès lors qu'elle est au moins égale à deux ans et à l'audience électorale dès lors qu'elle est au moins égale à 10 % des suffrages exprimés, doivent faire l'objet d'une appréciation globale ; qu'il en résulte qu'un syndicat ne peut être jugé représentatif dans un cadre donné au seul motif qu'il y a atteint le seuil de 10 % des suffrages exprimés, cette condition étant nécessaire mais pas suffisante ; qu'au cas présent, pour dire le syndicat CGT représentatif dans l'agence Ile-de-France de la Société BRINK'S EVOLUTION, le tribunal d'instance s'est borné à constater que la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DES TRANSPORTS CGT y avait recueilli 10 % des suffrages exprimés ; qu'en statuant de la sorte, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 2121-1, L. 2122-1 et L. 2143-3 du code du travail.