LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 24 mars 2014), que, par acte du 22 mars 1988, la société de la Grande Baie a acquis de M. X... une parcelle cadastrée CE424 ; que, par cet acte, elle renonçait à la condition suspensive, prévue dans une promesse de vente du 7 novembre 1974, de reconnaissance des droits de propriété du vendeur par l'Etat pour les parties du terrain cadastrées au nom de ce dernier ; qu'elle a ensuite saisi la commission départementale de vérification des titres de la Guadeloupe qui, par décision du 21 janvier 2001, a déclaré sa demande irrecevable au motif que son titre était postérieur au décret du 30 juin 1955 ; qu'après rejet des recours formés contre cette décision, elle a assigné l'Etat en indemnisation de « l'expropriation de fait » qu'elle estimait avoir subie ;
Attendu que la société de la Grande Baie fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que toute personne a droit au respect de ses biens ; que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme la société la Grande Baie le lui demandait dans ses écritures d'appel, d'une part, si une fraction de l'héritage que la société de la Grande Baie a acquise de M. Hubert X... se trouve dans la zone dite des cinquante pas géométriques, d'autre part, si cette fraction de son héritage a été expropriée de fait comme il résulte de l'arrêt rendu le 2 février 2004 par la cour d'appel de Basse-Terre, de l'arrêt rendu, le 16 novembre 2005, par la cour de cassation et de la décision d'irrecevabilité rendue, le 25 mai 2010, par la Cour européenne des droits de l'homme, et, enfin, si la société de la Grande Baie a droit dès lors à l'indemnité que prévoit l'article 545 du code civil, la cour d'appel a violé les articles 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et 545 du code civil ;
2°/ que la société de la Grande Baie faisait valoir, dans ses écritures d'appel (p. 8,6e alinéa, p. 9, 1er alinéa, et p. 10, 6e alinéa), (1) qu'une fraction de l'héritage qu'elle a acquise de M. Hubert X... se trouve dans la zone dite des cinquante pas géométriques, (2) que cette fraction de son héritage a été expropriée de fait comme il résulte de l'arrêt rendu le 2 février 2004 par la cour d'appel de Basse-Terre, de l'arrêt rendu, le 16 novembre 2005, par la Cour de cassation et de la décision d'irrecevabilité prise, le 25 mai 2010, par la Cour européenne des droits de l'homme, et (3) qu'elle a donc droit à l'indemnité que prévoit l'article 545 du code civil ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que la société de la Grande Baie avait acquis le 22 mars 1988 la parcelle CE424 de M. X..., qui n'avait pas demandé la vérification de son titre selon la procédure qui lui était ouverte par l'article 10 du décret du 30 juin 1955 et qu'elle avait renoncé à la condition suspensive de reconnaissance des droits de propriété du vendeur par l'Etat pour les parties du terrain cadastrées au nom de ce dernier, et, d'autre part, que le propre titre de la société de la Grande Baie, postérieur au décret précité, rendait irrecevable sa demande de vérification formée au titre de l'article L. 89-2 du code du domaine de l'Etat, la cour d'appel, répondant aux conclusions dont elle était saisie, en a exactement déduit que la société ne pouvait revendiquer une quelconque indemnisation et que sa demande devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société La Grande Baie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société La Grande Baie ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour la société de la Grande Baie.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté la société de la Grande baie de l'action qu'elle formait contre l'État pour le voir condamner à réparer le préjudice qu'elle a subi du fait qu'elle a été exproprié de fait d'une partie de l'héritage qu'elle a acquis, le 22 mars 1988, de M. Hubert X..., et qui est sis au Gosier, département de la Guadeloupe ;
AUX MOTIFS QU'« il résulte du dossier que la sci de la Grande baie, qui a acquis de M. Hubert X..., le 22 mars 1988, une parcelle cadastrée ce n° 424 sise à Pointe-de-la-Verdure, au Gosier, a saisi la commission départementale de vérification des titres qui, par décision du 22 janvier 2001, a déclaré sa demande irrecevable » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 1er alinéa) ; que, « par arrêt du 2 février 2004, la cour a confirmé la décision de la commission, au motif que la sci ne pouvait se prévaloir d'un titre antérieur au 30 juin 1955 » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 2e alinéa) ; que, « dans la présente instance, la sci de la Grande baie déduit la non-délimitation précise du rivage, l'absence d'incorporation de la parcelle objet du litige dans la réserve des cinquante pas géométriques et l'inapplication de la procédure de validation des titres découlant du décret de 1955 » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 3e alinéa) ; qu'« elle ajoute que c'est pas erreur qu'elle a demandé la validation de son titre à la commission de validation des titres de la Guadeloupe, car la parcelle n'a jamais correspondu à la définition de la réserve des cinquante pas géométriques donnée par l'article 3 du décret de 1955 et qu'elle ne relevait donc pas de ces dispositions » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 4e alinéa) ; que « le fait que les opérations de délimitation du rivage naturel aient été différées n'a pas eu pour effet ¿ de remettre en cause l'existence de la zone des cinquante pas géométriques, et d'anéantir le dispositif mis en place par le décret de 1955 pour valider les titres antérieurs à cette date » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 5e alinéa) ; que, « de fait, la sci de la Grande baie entend, par la voie d'une demande en indemnisation pour voie de fait, revenir sur une décision de justice irrévocable, étant constaté qu'aucune autre voie de droit n'a été ouverte par le législateur pour valider des titres non validés par la commission créée pour ce faire et permettre le déclassement afférent de parcelles situées, depuis la loi du 6 janvier 2006, dans le domaine public de l'État » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 6e alinéa) ; que « la sci, qui a acquis le bien en toute connaissance de cause, puisqu'elle a renoncé à la condition suspensive de reconnaissance par l' État des droits de propriété de M. Hubert X... sur les parties cadastrées au nom de l'État, prévue à la promesse du 24 mai 1981, et dont la cour européenne des droits de l'homme a jugé, le 25 mai 2010, la requête irrecevable, au motifs "qu'à aucun moment, la requérante ne pouvait prétendre avoir une ¿espérance légitime d'obtenir la validation de son titre de propriété et qu'en conséquence l'article 1 du protocole n° 1 ne saurait s'appliquer en l'espèce", ne peut, en toute bonne foi, solliciter une indemnisation pour, à s'en tenir à son raisonnement, une appropriation illégale par l'État d'une propriété qui aurait eu lieu entre 1985 (date du titre dont elle se prévaut) et 30 juin 1955 ou du 3 janvier 1986, dates auxquelles la sci de la Grande baie n'était, en toute hypothèse, pas propriétaire de la parcelle, objet du litige » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 7e alinéa) ; que « la sci de la Grande baie, qui a pris le risque délibéré d'acheter une parcelle portant une référence cadastrale au nom de l'État et qui n'a pas pu voir sa demande en revendication de propriété satisfaite aux termes des décisions juridictionnelles, ne saurait à bon droit revendiquer une quelconque indemnisation du fait de la perte de valeur de la parcelle, d'un préjudice de jouissance ou réclamer une indemnité de remploi » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 8e alinéa) ; qu'« il convient de rappeler qu'en 2010, à l'issue de la procédure judiciaire de vérification des titres, la sci de la Grande baie a échoué à faire valider son droit de propriété sur la parcelle ce 424 comprise dans la zone des cinquante pas géométriques » (cf. jugement entrepris, p. 4, 14e alinéa) ; qu'« en effet, il a été jugé que le titre dont se prévaut la sci sur la parcelle litigieuse est postérieur au décret de 1955 puisqu'il s'agit de l'acte de vente du 22 mars 1988 par lequel elle a renoncé aux bénéfices des conditions suspensives de la reconnaissance des droits de propriété par l'État et a acquis les droits de M. Hubert X... » (cf. jugement entrepris, p. 5, 1er alinéa) ; que « la question de la délimitation du rivage est sans objet dans la mesure où le droit de propriété de l'État, tranché par la précédente procédure judiciaire, ne peut être remis en cause puisqu'il n'a été ni cédé et ni fait l'objet d'une validation par la commission départementale de validation des titres » (cf. jugement entrepris, p. 5, 2e alinéa) ; qu'« ainsi, la sci de la Grande baie ne peut se prévaloir valablement de la qualité de propriétaire de la parcelle ce 424 » (cf. jugement entrepris, p. 5, 3e alinéa) ; que, « dès lors, elle ne rapporte pas la preuve d'une expropriation ou d'une quelconque atteinte au droit de propriété qui suppose nécessairement l'existence d'un droit, de sorte que la faute de l'État n'est pas établie » (cf. jugement entrepris, p. 5, 4e alinéa) ;
1. ALORS QUE toute personne a droit au respect de ses biens ; que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme la société la Grande baie le lui demandait dans ses écritures d'appel , d'une part, si une fraction de l'héritage que la société de la Grande baie a acquise de M. Hubert X... se trouve dans la zone dite des cinquante pas géométriques, d'autre part, si cette fraction de son héritage a été expropriée de fait comme il résulte de l'arrêt rendu le 2 février 2004 par la cour d'appel de Basse-Terre, de l'arrêt rendu, le 16 novembre 2005, par la cour de cassation et de la décision d'irrecevabilité rendue, le 25 mai 2010, par la cour européenne des droits de l'homme, et, enfin, si la société de la Grande baie a droit dès lors à l'indemnité que prévoit l'article 545 du code civil, la cour d'appel a violé les article1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et 545 du code civil ;
2. ALORS QUE la société de la Grande baie faisait valoir, dans ses écritures d'appel (p. 8, 6e alinéa, p. 9, 1er alinéa, et p. 10, 6e alinéa), (1) qu'une fraction de l'héritage qu'elle a acquise de M. Hubert X... se trouve dans la zone dite des cinquante pas géométriques, (2) que cette fraction de son héritage a été expropriée de fait comme il résulte de l'arrêt rendu le 2 février 2004 par la cour d'appel de Basse-Terre, de l'arrêt rendu, le 16 novembre 2005, par la cour de cassation et de la décision d'irrecevabilité prise, le 25 mai 2010, par la cour européenne des droits de l'homme, et (3) qu'elle a donc droit à l'indemnité que prévoit l'article 545 du code civil ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.