LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que salarié de la société Peugeot Citroën automobiles (la société) de 1979 à 1993, M. X... a adressé, le 11 février 2010, une déclaration de maladie professionnelle à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes (la caisse) qui en a reconnu le caractère professionnel au titre du tableau n° 30 B des maladies professionnelles ; qu'ayant indemnisé M. X..., le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA), subrogé dans les droits de celui-ci, a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que la décision de prise en charge de la caisse lui est opposable, alors, selon le moyen, que la caisse primaire d'assurance maladie a l'obligation de communiquer la déclaration de maladie professionnelle, à l'employeur actuel de l'assuré ou à son dernier employeur si l'assuré a cessé son activité ; qu'à défaut de communication de la procédure au dernier employeur la procédure d'instruction est irrégulière et les décisions de prise en charge subséquentes sont inopposables aux précédents employeurs du salarié ; qu'en considérant que la caisse n'était pas tenue de mener l'instruction contre le dernier employeur, et qu'était opposable la décision de prise en charge de la caisse à la société qui était l'employeur à qui ladite décision était susceptible de faire grief bien que n'étant pas le dernier employeur du salarié, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction issue du décret du 29 juillet 2009 ;
Mais attendu qu'ayant pour objet exclusif la prise en charge ou le refus de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident, de la maladie ou de la rechute, la décision prise par la caisse dans les conditions prévues par l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Et sur le même moyen, pris en ses deux dernières branches :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en production forcée de pièces détenues par des tiers, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'un fait, susceptible de modifier la solution du litige, ne peut être établi par une partie faute pour elle d'avoir accès aux éléments de preuve pertinents, le juge est tenu d'ordonner une mesure d'instruction ; qu'en l'espèce, l'exposante soutenait que la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle avait été menée à tort à son encontre dès lors que la société n'était pas le dernier employeur de M. X... mais une entreprise du bâtiment ou des travaux publics ; qu'il était impératif de retrouver ce dernier employeur auprès de qui M. X... pouvait avoir été exposé au risque et avoir contracté sa maladie professionnelle ce qui était de nature à permettre d'inscrire les conséquences financières de la maladie professionnelle au compte spécial, voire d'exonérer l'exposante de toute responsabilité ; que la société n'ayant pas accès aux données confidentielles relatives au parcours professionnel de son ancien salarié, seule une mesure d'instruction était susceptible de déterminer qui avaient été le dernier employeur puis les employeurs successifs du salarié ; qu'en refusant de faire droit à la demande d'instruction de la société, la cour d'appel a violé les articles 146, alinéa 2, et 232 du code de procédure civile ;
2°/ que constitue une atteinte au principe de l'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales le fait d'interdire à une partie de faire la preuve d'un élément de fait essentiel pour le succès de ses prétentions ; qu'en refusant de faire droit à la demande de la société de diligenter une mesure d'instruction aux fins de déterminer le dernier employeur de M. X..., ce qui constituait le seul moyen de faire la preuve de ce que la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle avait été menée à tort à son encontre, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la seule allégation de la société selon laquelle la victime avait eu un employeur relevant du secteur des bâtiments et travaux publics, ne suffisait pas à faire apparaître, ni même présumer, qu'il aurait alors subi une exposition à l'amiante, la cour d'appel a pu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis à son examen, sans porter atteinte au droit à un procès équitable ni rompre l'égalité des armes entre les parties, décider que les demandes en production forcée de pièces détenues par des tiers devaient être rejetées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
Attendu que pour fixer l'indemnisation des souffrances physiques et morales subies par M. X..., l'arrêt retient qu'il s'évince suffisamment du dossier que les souffrances indemnisées sont distinctes de celles incluses dans la réparation du déficit fonctionnel permanent ;
Qu'en statuant ainsi, sans préciser quelles étaient les pièces du dossier auxquelles elle se référait, alors qu'était discutée l'existence de souffrances physiques et morales avant la consolidation, la cour d'appel a méconnu les exigences du premier des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à 14 400 euros le préjudice de M. X... au titre de ses souffrances physiques et morales, l'arrêt rendu le 5 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Peugeot Citroën automobiles.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR dit que la décision de prise en charge de la Caisse de la maladie de M.
X...
était opposable à la société PCA, et d'AVOIR débouté la société PCA de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est à tort que la SA PCA entend à nouveau soutenir que la décision de la CPAM ayant reconnu le caractère professionnel de la maladie devrait lui être déclarée inopposable ; que les premiers juges avaient constaté que la SA PCA avait abandonné à l'audience les moyens qu'elle émettait à l'époque de ce chef, à savoir l'insuffisance du délai de consultation du dossier ; que nonobstant ce constat, qui n'emportait pas sans équivoque abandon de la prétention, la SA PCA qui fonde celle-ci sur un moyen totalement nouveau, demeure donc recevable à l'invoquer, mais elle est néanmoins toujours mal fondée, et le jugement sera complété en ce sens par le débouté de cette demande comme de celle d'inscription au compte spécial ; que de ces chefs la SA PCA entend faire grief à la CPAM de s'être abstenue de rechercher si le salarié, dont elle-même n'avait pas été le dernier employeur, n'avait pas été exposé au risque chez ce dernier, ce qu'elle estime suffisamment caractérisé pour au moins justifier sa demande de communication de pièces complémentaires dont elle a avant l'audience saisi la cour et qui a été jointe au fond, étant en tout état de cause souligné que cette discussion ne concerne que les rapports entre la SA PCA et la CPAM et est sans emport vis à vis du FIVA ; que la CPAM observe d'abord exactement que la SA PCA supporte la charge de prouver - ne serait ce qu'en vue de l' inscription au compte spécial qui est sa demande subsidiaire - que Monsieur X... aurait été exposé au risque dans d'autres entreprises, et qu'à cet égard elle s'avère défaillante ; que la seule allégation de la SA PCA selon laquelle l'intéressé avait eu, au vu des recherches auprès de l'ARRCO, en dernier lieu un employeur relevant du secteur des Bâtiments Travaux Publics, ne suffit pas à faire nécessairement apparaître, ni même présumer, qu'il aurait alors subi une exposition à l'amiante ; que partant la SA PCA ne saurait, sans tendre à voir suppléer sa carence dans l'administration de la preuve - ce que prohibe l'article 146 du code de procédure civile - solliciter la communication forcée de pièces par des tiers ; que c'est de surcroît à bon droit que la CPAM, en considération de l'évolution des textes régissant la matière, fait valoir qu'elle n'était pas tenue de mener l'instruction contre le dernier employeur, obligation qui résultait de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 5 février 2006 au 1er janvier 2010, mais seulement envers l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief', ceci en vertu des termes de l'article précité applicable depuis le 1er janvier 2010, et devant gouverner le litige alors que la déclaration de maladie professionnelle du salarié est du 11 février 2010 ; qu'au vu de tout ce qui précède, il est avéré que la décision de la CPAM était de nature à faire grief à la SA PCA, de sorte que celle-là a parfaitement respecté ses obligations envers cette dernière ;
1) ALORS QUE la CPAM a l'obligation de communiquer la déclaration de maladie professionnelle, à l'employeur actuel de l'assuré ou à son dernier employeur si l'assuré a cessé son activité ; qu'à défaut de communication de la procédure au dernier employeur la procédure d'instruction est irrégulière et les décisions de prise en charge subséquentes sont inopposables aux précédents employeurs du salarié ; qu'en considérant que la caisse n'était pas tenue de mener l'instruction contre le dernier employeur, et qu'était opposable la décision de prise en charge de la caisse à la société PCA qui était l'employeur à qui ladite décision était susceptible de faire grief bien que n'étant pas le dernier employeur du salarié, la cour d'appel a violé l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction issue du décret du 29 juillet 2009 ;
2) ALORS QUE lorsqu'un fait, susceptible de modifier la solution du litige, ne peut être établi par une partie faute pour elle d'avoir accès aux éléments de preuve pertinents, le juge est tenu d'ordonner une mesure d'instruction ; qu'en l'espèce, l'exposante soutenait que la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle avait été menée à tort à son encontre dès lors que la société PCA n'était pas le dernier employeur de M. X... mais une entreprise du bâtiment ou des travaux publics ; qu'il était impératif de retrouver ce dernier employeur auprès de qui M. X... pouvait avoir été exposé au risque et avoir contracté sa maladie professionnelle ce qui était de nature à permettre d'inscrire les conséquences financières de la maladie professionnelle au compte spécial, voire d'exonérer l'exposante de toute responsabilité ; que la société PCA n'ayant pas accès aux données confidentielles relatives au parcours professionnel de son ancien salarié, seule une mesure d'instruction était susceptible de déterminer qui avaient été le dernier employeur puis les employeurs successifs du salarié ; qu'en refusant de faire droit à la demande d'instruction de la société PCA, la cour d'appel a violé les articles 146 § 2 et 232 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE constitue une atteinte au principe de l'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales le fait d'interdire à une partie de faire la preuve d'un élément de fait essentiel pour le succès de ses prétentions ; qu'en refusant de faire droit à la demande de la société PCA de diligenter une mesure d'instruction aux fins de déterminer le dernier employeur de M. X..., ce qui constituait le seul moyen de faire la preuve de ce que la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle avait été menée à tort à son encontre, la Cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR fixé les préjudices de M. X... à la somme totale de 14400 ¿, d'AVOIR dit que les conséquences financières de la faute inexcusable devront être supportées par la société Peugeot Citroën Automobiles, y compris en ce qui concerne la majoration maximale des indemnités et leur évolution en fonction du taux d'IPP retenu en cas d'aggravation de l'état de santé de Monsieur X... et d'AVOIR débouté la société PCA de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'en ce qui concerne la réparation intégrale des préjudices du salarié, ainsi que l'étendue envers la SA PCA de l'action subrogatoire du FIVA, comme celle du recours en garantie de la CPAM, les premiers juges par une motivation complète et pertinente au visa des articles L 452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale, non critiquée par des moyens nouveaux, que la cour adopte donc, - sauf à ajouter qu'il s'évince suffisamment du dossier que les souffrances indemnisées sont distinctes de celles incluses dans la réparation du déficit fonctionnel permanent ¿ ont fondé leur décision, et c'est donc la confirmation du jugement qui s'impose ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en ce qui concerne les souffrances physiques et morales, l'article L 452-3 du Code de la sécurité sociale dispose qu'indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit, la victime d'une faute inexcusable a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées ; que ce texte n'opère aucune distinction entre les souffrances physiques et morales avant et après consolidation ;
1) ALORS QUE sont uniquement réparables en application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale les souffrances physiques et morales du salarié avant consolidation, les souffrances endurées après consolidation étant déjà réparées au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'en condamnant la société PCA à supporter l'indemnisation du salarié au titre de ses souffrances physiques et morales, sans opérer de distinction entre celles endurées avant consolidation et celles supportées après consolidation, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
2) ALORS QUE ne donne pas à sa décision une véritable motivation le juge qui procède par voie de simple affirmation sans donner à ses constatations de fait une précision suffisante ; qu'en affirmant péremptoirement qu'il s'évinçait suffisamment du dossier que les souffrances indemnisées étaient distinctes de celles incluses dans la réparation du déficit fonctionnel permanent, sans préciser de quel élément de preuve elle tirait de telles constatations, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile.