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11/02/2016 | FRANCE | N°14-25682;15-50079

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 février 2016, 14-25682 et suivant


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois numéros E 14-25. 682 et U15-50. 079 ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 juin 2014), que M. X... et M. et Mme Y... ont pris à bail un appartement dans un immeuble appartenant à Mme Anne-Marie de Z..., Mme Jeanne de Z..., M. Bertrand A..., Mme Anne A..., M. Jacques A..., Mme Yvonne B..., Mmes Claire C..., M. Jehan C... et Mme Clotilde C... (les consorts de Z...) ; que, le 2 juillet 2007, les bailleurs

ont vendu l'immeuble en son entier à la société Paris 9e 46 rue ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois numéros E 14-25. 682 et U15-50. 079 ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 juin 2014), que M. X... et M. et Mme Y... ont pris à bail un appartement dans un immeuble appartenant à Mme Anne-Marie de Z..., Mme Jeanne de Z..., M. Bertrand A..., Mme Anne A..., M. Jacques A..., Mme Yvonne B..., Mmes Claire C..., M. Jehan C... et Mme Clotilde C... (les consorts de Z...) ; que, le 2 juillet 2007, les bailleurs ont vendu l'immeuble en son entier à la société Paris 9e 46 rue de Provence (la société Paris 9e) ; que, soutenant que cette vente avait été réalisée en violation de leur droit de préemption, les locataires ont assigné la société Paris 9e et les consorts de Z... afin d'en obtenir l'annulation ;
Attendu que M. X... et M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejeter cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que constitue un logement, au sens de l'article 10-1- I-A de la loi du 31 décembre 1975, tout local qui n'est pas impropre à habitation ; que, compte tenu de leur finalité protectrice des locataires contre les opérations spéculatives de vente « à la découpe » en leur accordant un droit de préemption, tous les locaux à usage d'habitation de l'immeuble vendu en entier doivent être pris en compte dans le calcul du seuil de dix logements qui conditionne l'exercice de ce droit ; qu'en retenant, pour considérer que la vente de l'immeuble n'avait pas à être précédée d'une offre de vente aux locataires, que seuls les logements présentant les caractéristiques fixées par le décret du 20 janvier 2002 devaient être pris en compte pour le calcul du seuil de dix logements, la cour d'appel a violé l'article 10-1- I-A de la loi du 31 décembre 1975 ;
2°/ que si un local à usage d'habitation ne remplit pas les critères du « logement décent », il est seulement non susceptible d'être donné à bail mais, n'étant pas impropre par nature à l'habitation, le propriétaire peut en disposer, notamment le revendre, de telle sorte qu'il doit être pris en compte pour calculer le seuil de dix logements visé par la loi ; qu'en retenant que le terme « logement » visé par le texte s'entendait nécessairement du « logement décent » remplissant les critères fixés par le décret du 30 janvier 2002, l'arrêt attaqué a appliqué des dispositions édictées pour régir les rapports locatifs au calcul du seuil de dix logements qui conditionne l'exercice du droit de préemption des locataires de l'immeuble vendu en entier ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a derechef violé l'article 10-1- I-A de la loi du 31 décembre 1975 ;
Mais attendu que seuls doivent être pris en compte, pour le calcul du nombre de logements rendant applicables les dispositions de l'article 10-1- I-A de la loi du 31 décembre 1975, les logements susceptibles d'être offerts à la location présentant les caractéristiques de décence fixées par le décret du 30 janvier 2002 ; qu'ayant relevé que les chambres de service du 6ème étage ne répondaient pas à ces critères qualitatifs et constaté que l'immeuble ne comportait pas plus de dix logements lors de sa vente à la société Paris 9e, la cour d'appel a exactement déduit, de ces seuls motifs, que les dispositions relatives au droit de préemption des locataires n'avaient pas à être mises en ¿ uvre ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les troisième et quatrième branches qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. X... et M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... et M. et Mme Y... à payer à Mme Yvonne B..., à Mme Claire C..., à M. Jehan C... et à Mme Clothilde C... la somme de globale de 2 000 euros et à la société Paris 9e 46 Provence la somme de 2 000 euros ; rejette la demande de M. X... et de M. et Mme Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen identique produit aux pourvois n° E 14-25. 682 et U 15-50. 079 par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X... et de M. et Mme Y...,
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les locataires d'un immeuble vendu en entier (les époux Y... et M. X..., les exposants) de leur action en nullité pour méconnaissance de leur droit de préemption ;
AUX MOTIFS PROPRES et ADOPTES QUE c'était par des motifs pertinents et exacts que la cour adoptait que le tribunal avait jugé que l'immeuble du 46 rue de Provence ne comportait pas, à la date de sa vente à la société Paris 9e 46 Provence, plus de dix logements, de sorte que les dispositions de l'article 10-1 I. A de la loi du 31 décembre 1975 n'étaient pas applicables et qu'en conséquence la vente n'avait pas, à peine de nullité, à être précédée d'une offre de vente aux locataires ; qu'en effet, si l'article précité ne définissait pas ce qu'il convenait d'entendre par « logement », c'était que d'autres textes l'avaient fait avant lui auxquels il convenait de se référer ; que seuls pouvaient constituer un logement et donc être pris en compte dans le calcul, les logements qui présentaient les caractéristiques fixées par le décret du 20 janvier 2002, à savoir : un local comportant au moins une pièce principale d'une surface minimale de 9 m ² ou d'un volume minimal de 20 m3 avec le raccordement au réseau d'eau courante, la présence d'un système de chauffage et d'aération minimales, ce qui excluait les chambres du sixième étage qui ne répondaient pas aux critères qualitatifs visés par ce décret sur les normes de décence et ce quand bien même, elles ne seraient pas considérées comme « impropres à l'habitation », au sens du code de la santé publique ; que, par ailleurs, l'existence ou non d'un bail sur lesdites chambres était sans influence sur le litige, le problème juridique se situant sur la définition même du terme « logement », à la date de la vente du 2 juillet 2007 et ce indépendamment de toute autre considération ; qu'enfin, la loge de la gardienne, qui était une partie commune attribuée en raison de l'exercice d'une fonction, ne pouvait être assimilée à un logement au sens de la loi, ainsi que les chambres de service, annexes d'un appartement ; qu'il appartenait aux appelants, pour voir valablement prospérer leur demande, de rapporter la preuve qu'au moment de la vente l'immeuble litigieux comportait plus de dix logements au sens des dispositions de la loi du 13 juin 2006 ; qu'ils prétendaient en avoir trouvé dix-sept, sachant que huit n'étaient contestés par aucune des parties ; que le neuvième logement était la loge de la gardienne qui devait être exclue du calcul pour les motifs ci-dessus ; que les chambres 7 et 8 sur rue et sur cour (« 10e logement ») ne satisfaisait pas à ces conditions : ces chambres sur cour étaient réunies mais ne comportaient pas d'alimentation en eau ni évacuation (cf. document du géomètre-expert du 15 décembre 2006) ; qu'il en était de même du « 11e logement » : chambre numéro 16, dont aucune des trois pièces n'avait une surface de 9 m ², du « 12e logement » : chambre numéro 17 sur rue dont la superficie était inférieure ou égale à 9 m ² et dont la hauteur sous plafond était inférieure à 2 m 20, ce qui impliquait que le volume minimal était inférieur à 20 m3, du « 13e logement » : chambres 23 et 24 sur rue dont les superficies respectives étaient inférieures à 9 m ² pour l'une et à 7, 20 m ² pour l'autre, du « 14e logement » : chambre 4 et 5 qui étaient séparées par un couloir et l'une avait une superficie de 5, 10 m ² et l'autre pas de point d'eau, du « 15e logement » : chambres 23 et 24 sur cour dont aucune n'avait une superficie égale à 9 m ² ; des « 16e et 17e logements » : appartement loué aux époux D... constitué par la réunion de trois chambres de service qui, en tant que tel, ne constituait qu'un seul logement, déjà décompté dans les huit non contestés ; que les neufs « logements » supplémentaires invoqués par les locataires ne pouvaient donc être pris en compte (arrêt attaqué, p. 8, 2ème considérant, à p. 9, 1er alinéa) ; que l'article 10-1 I. A avait été ajouté aux dispositions de la loi du 31 décembre 1975 par celles du 13 juin 2006 ; que le terme « logement » qu'il citait désignait indéniablement un local susceptible d'être affecté à l'habitation et donc « décent », au sens des dispositions du décret du 30 janvier 2002 pris pour l'application de la loi du 13 décembre 2000, dispositions en vigueur lors de la publication de cette loi ; qu'il ressortait du constat d'huissier que les demandeurs avaient fait établir que, au 6ème étage de l'immeuble, la plupart des locaux, même s'ils avaient été antérieurement loués, alors que la législation ne comportait pas d'exigences qualitatives, n'étaient pas en état décent permettant leur affectation à l'usage d'habitation sous l'empire des dispositions du décret susvisé ; qu'ils ne pouvaient donc être qualifiés de « logements » ; que le document établi par un géomètre-expert en date du 15 décembre 2006, intitulé « état des lieux et analyse des locaux du 6ème étage au regard de la législation sur les locaux d'habitation », annexé à l'acte de vente du 2 juillet 2007, parvenait aux mêmes conclusions en prenant en considération également les exigences portées par l'article L. 111-6-1 du code de la construction et de l'habitation ; que seuls les locaux n° 6 (réunis aux locaux n° s 4 et 5) et n° 16 pouvaient présenter un volume suffisant mais le respect des critères d'équipement et des normes n'avait pu être vérifié ; qu'il devait d'ailleurs être relevé que la plupart des locaux du 6ème étage étaient vacants ; qu'il était ainsi établi que seuls deux locaux au 6ème étage étaient, à la date de la vente, susceptibles de revêtir la qualification de « logements », en dépit des indications portées par la société Paris IXème 46 Provence à son courrier du 6 octobre 2008 ; que, par ailleurs, et également en contradiction avec les courriers de la société Paris IXème 46 Provence des 22 juillet et 6 octobre 2008, le local correspondant à la loge de la gardienne ne pouvait non plus être qualifié de « logement » dans la mesure où il était principalement destiné à l'exercice des fonctions et où les conditions de son occupation relevaient du contrat de travail et ne conféraient pas à l'occupant les droits attachés à un bail d'habitation, d'autant moins qu'en l'espèce les gardiens, M. et Mme D..., s'étaient vu consentir la location des locaux n° s 4, 5 et 6 à usage d'habitation, au 6ème étage ; qu'en conséquence de ces exclusions, il apparaissait que l'immeuble 46 rue de Provence ne comportait pas, à la date de sa vente à la société Paris IXème 46 Provence, plus de dix logements, de sorte que les dispositions de l'article 10-1 IA de la loi du 31 décembre 1975 n'étaient pas applicables (jugement confirmé, p. 5, alinéa 5, à p. 6, alinéa 1er) ;
ALORS QUE, d'une part, constitue un logement, au sens de l'article 10-1 IA de la loi du 31 décembre 1975, tout local qui n'est pas impropre à habitation ; que, compte tenu de leur finalité protectrice des locataires contre les opérations spéculatives de vente « à la découpe » en leur accordant un droit préemption, tous les locaux à usage d'habitation de l'immeuble vendu en entier doivent être pris en compte dans le calcul du seuil de dix logements qui conditionne l'exercice de ce droit ; qu'en retenant, pour considérer que la vente de l'immeuble n'avait pas à être précédé d'une offre de vente aux locataires, que seuls les logements présentant les caractéristiques fixées par le décret du 20 janvier 2002 devaient être pris en compte pour le calcul du seuil de dix logements, la cour d'appel a violé l'article 10-1 I A de la loi du 31 décembre 1975 ;
ALORS QUE, d'autre part, si un local à usage d'habitation ne remplit pas les critères du « logement décent », il est seulement non susceptible d'être donné à bail mais, n'étant pas impropre par nature à l'habitation, le propriétaire peut en disposer, notamment le revendre, de telle sorte qu'il doit être pris en compte pour calculer le seuil de dix logements visé par la loi ; qu'en retenant que le terme « logement » visé par le texte s'entendait nécessairement du « logement décent » remplissant les critères fixés par le décret du 30 janvier 2002, l'arrêt attaqué a appliqué des dispositions édictées pour régir les rapports locatifs au calcul du seuil de dix logements qui conditionne l'exercice du droit de préemption des locataires de l'immeuble vendu en entier ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a derechef violé l'article 10-1 I A de la loi du 31 décembre 1975 ;
ALORS QUE, en toute hypothèse, le logement décent dispose au moins d'une pièce principale ayant soit une surface habitable de 9m ², soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cube ; que les exposants faisaient valoir (v. leurs concl. signifiées le 31 mars 2014, p. 22) que la chambre n° 16, qui avait été initialement prise en compte par les propriétaires pour le calcul du seuil de dix logements, était constituée de trois chambres de service regroupées d'une surface totale de 20 m ² et décrite dans le rapport de repérage de l'amiante établi par la société Allodiagnostic, à l'issue de visites du 2 août et 11 octobre 2006, comme composée d'une entrée, d'une cuisine et deux chambres ; qu'en se bornant, pour exclure la chambre n° 16 du calcul du seuil de dix logements, à retenir qu'aucune des trois pièces la composant n'avait une superficie de 9 m ², sans rechercher si ces trois pièces avaient été réunies pour former un seul et unique logement d'une superficie nécessairement supérieure à 9 m ² ou d'un volume habitable de 20 m3, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 4 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ;
ALORS QUE, enfin, seule importe, pour l'application du droit de préemption des locataires, la nature du local considéré, de sorte que tout local affecté à l'habitation ou à un usage mixte doit être pris en compte, indépendamment de la nature juridique de l'acte d'occupation ou de l'absence de celle-ci, pour déterminer le nombre de logements composant l'immeuble à la date de sa vente ; qu'en refusant de comptabiliser la loge de la gardienne au prétexte qu'il s'agissait d'une partie commune attribuée pour l'exercice d'une fonction sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la loge constituait un local à usage d'habitation servant de logement à la gardienne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 10-1 I A de la loi du 31 décembre 1975.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-25682;15-50079
Date de la décision : 11/02/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

VENTE - Immeuble - Droit de préemption des locataires ou occupants de logements - Loi du 31 décembre 1975 - Exercice - Seuil de dix logements - Calcul - Modalités - Détermination

BAIL (règles générales) - Vente de la chose louée - Droit de préemption des locataires ou occupants de logements - Loi du 31 décembre 1975 - Exercice - Seuil de dix logements - Calcul - Modalités - Détermination

Seuls doivent être pris en compte, pour le calcul du nombre de logements rendant applicables les dispositions de l'article 10-1, I, A, de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975, les logements susceptibles d'être offerts à la location présentant les caractéristiques de décence fixées par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002


Références :

Cour d'appel de Paris, 26 juin 2014, 13/02795
article 10-1, I, A, de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975

décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 juin 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 11 fév. 2016, pourvoi n°14-25682;15-50079, Bull. civ. 2016, III, n° 932
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, III, n° 932

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat général : Mme Salvat (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Parneix
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Foussard et Froger, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.25682
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