LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 2 juillet 2014), que la société Road froid a transporté à la demande de la société Les Transports Robin-Chatelain, devenue la société LC Immo, (la société Robin Chatelain) des produits surgelés sous température dirigée, de Noyal-sur-Vilaine à destination de la société Toupargel à Montauban ; que la marchandise ayant été livrée à une température supérieure à celle contractuellement prévue, la société Toupargel l'a refusée et a maintenu son refus après les expertises qui ont conclu à l'absence d'altération macroscopique de la marchandise et à leur conformité bactériologique ; qu'après avoir vendu les marchandises en sauvetage et avoir indemnisé la société Toupargel, la société Robin Chatelain a assigné la société Road froid et l'assureur de cette dernière, la société Covea Fleet, en paiement de la somme versée à la société Toupargel, déduction faite du produit de la vente en sauvetage ;
Attendu que les sociétés Road froid et Covea Fleet font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article L. 133-1, alinéa 2, du code de commerce, le voiturier « est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeure » ; que la notion « d'avarie » s'entend du dommage subi par la marchandise au moment de la livraison ; qu'en l'espèce, il est constant que les prélèvements effectués sur les marchandises au moment de leurs livraisons et confiés à un laboratoire d'expertise indépendant pour analyse de bactériologie alimentaire ont établi la conformité des produits à la consommation ; qu'il s'en inférait une absence de dommage subi par la marchandise au moment de sa livraison et, corrélativement, une absence de responsabilité du transporteur pour « avarie » ; qu'en statuant en sens contraire en disant « (...) l'absence d'altérations macroscopiques des produits (est) indifférente, la responsabilité du transporteur est engagée », la cour d'appel a violé l'article L. 133-1 du code du commerce ;
2°/ qu'aux termes du contrat type applicable au transport litigieux, la notion « d'envoi » est définie comme portant sur une : « quantité de marchandises, mise effectivement au même moment à la disposition du transporteur et dont le transport est demandé par un même donneur d'ordre pour un même destinataire d'un lieu de chargement unique à un lieu de déchargement unique et faisant l'objet d'un contrat de transport » ; que l'ordre de transport de la société Robin Chatelain à la société Road froid a donné lieu à l'établissement de six lettres de voiture distinctes faisant état d'expéditeurs et de lieux de prise en charge différents ; lettre de voiture n° 885433 : expéditeur « Geldelis » et un lieu de prise en charge de la marchandise à « Torcé 35 » ; lettre de voiture n° 1344583 : expéditeur « charcuterie Go » et un lieu de prise en charge de la marchandise « ZA du Bardef 56500 Moreac » ; lettre de voiture n° 882360 : expéditeur « Comapeche » et un lieu de prise en charge de la marchandise à « Lanvallay 22100 » ; lettre de voiture n° 1344584 : expéditeur « Delifrance » et un lieu de prise en charge de la marchandise « ZI Camagnon 56800 Ploërmel » ; lettre de voiture n° 863675 : expéditeur « LFE » et un lieu de prise en charge de la marchandise à « Plouedern » ; lettre de voiture n° 1343418 : expéditeur « Youinou » et un lieu de prise en charge de la marchandise à « Carhaix-Plouguer 29270 » ; qu'il s'en inférait que la notion « d'envoi » devait être appréciée par référence à chacune des différentes lettres de voitures prises séparément ne serait-ce qu'en raison de lieux de prise en charge distincts de la marchandise ; que par voie de conséquence, le calcul du montant de l'indemnité, en application de l'article 20 du contrat type, devait être effectué au regard du poids de la marchandise mentionné à chacune des différentes lettres de voiture ; qu'en statuant en sens contraire en considérant qu'il y avait lieu, pour le calcul du montant de l'indemnité due à la société Robin Chatelain, de prendre en compte l'existence d'un contrat de transport unique consistant en l'envoi de 24 palettes pour un poids total de 8 995 kg, en raison « d'un lieu de chargement unique, en l'espèce Noyal- sur-Vilaine (...) », la cour d'appel a dénaturé le contenu des lettres de voiture établies au transport litigieux, partant violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'il résulte de l'article 8.2 du contrat type de transport « marchandises périssables sous température dirigée », suivant lequel le transporteur est responsable du maintien de la température ambiante à l'intérieur du véhicule selon les indications portées sur le document de transport ou selon les instructions écrites du donneur d'ordre, que la non-conformité de la température à celle contractuellement prévue constitue une avarie, même en l'absence d'altération physique de la marchandise ; qu'ayant constaté que les marchandises avaient été prises en charge sans réserve par la société Road froid et devaient voyager à - 22°, mais qu'à l'arrivée des températures comprises entre - 17° et - 10,3° avaient été relevées, c'est exactement que la cour d'appel a retenu que la rupture de la chaîne du froid pendant le transport engageait la responsabilité du transporteur malgré l'absence d'altérations macroscopiques des produits ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que la société Robin Chatelain, donneur d'ordre unique, avait, au même moment, mis à la disposition du transporteur les marchandises en vue de leur acheminement à un même destinataire, la société Toupargel, depuis un lieu unique de chargement, à Noyal-sur-Vilaine, vers un lieu unique de déchargement, à Montauban, la cour d'appel s'est, pour retenir l'existence d'un seul envoi, conformée à la définition de l'envoi donné par l'article 2.1 du contrat type précité, peu important l'émission de plusieurs lettres de voiture, qu'elle n'a donc pas pu dénaturer ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Road froid et Covea Fleet aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société LC Immo la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour la société Road Froid et la société Covea Fleet
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné in solidum la Société ROAD « FLEET » et la Société COVEA FLEET à payer à la Société LES TRANSPORTS ROBIN-CHATELAIN la somme de 35.980 € augmentée des intérêts légaux à compter du 20 avril 2011 ;
AUX MOTIFS QUE « (...) selon l'article L.133-1 du Code de commerce, le voiturier est garant de la perte des objets à transporteur, hors les cas de la force majeure. Il est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeure. Toute clause contraire insérée dans toute lettre de voiture, tarif ou autre pièce quelconque, est nulle ; que le transport litigieux porte sur des marchandises périssables sous température dirigée, régi par le contrat type objet du décret du 12 février 2001, modifié par les décrets du 28 décembre 2001 et 20 août 2007 ; que selon l'article 3 relatif aux informations et documents à fournir au transporteur, le donneur d'ordre, en l'espèce la S.A.S. les TRANSPORTS ROBIN-CHATELAIN, doit fournir au transporteur, en l'espèce la S.A.R.L. ROAD FLEET, assurée par la S.A. COVEA FLEET, des indications notamment sur la température de la marchandise à maintenir au cours du transport (3-I) ; que la confirmation de l'ordre de transport mentionne pour les 24 palettes à transporter "denrées périssables à transporter à -22°" ; que selon l'article 8.1.c du contrat type relatif à la température au départ, une vérification contradictoire de la température du véhicule avant l'ouverture des portes et de la marchandise est effectuée avec mention sur le document de transport ; qu'en l'espèce, le document de transport n'en fait pas état. Le rapport d'expertise versé aux débats mentionnant en page 10 qu'aucune réserve n'avait été émise au départ ; qu'en revanche, il mentionne "marchandise refusée voir réserve sur lettre de voiture" ; qu'effectivement, les différentes lettres de voiture concernant les marchandises transportées, mentionnent la température demandée de -22°, à l'exception d'une mentionnant la température de -18° et précisent que les marchandises sont refusées en raison des températures constatées à l'arrivée, par application de l'article 8.3 du contrat type ; que les températures constatées à l'arrivée étaient comprises entre -10,3° et - 17° ; que selon l'article 8.2 du contrat type, intitulé maintien de la température en cours de transport, le transporteur est responsable du maintien de la température ambiante à l'intérieur du véhicule réfrigérant, frigorifique ou calorifique, selon les indications portées sur le document de transport ou selon les instructions écrites du donneur d'ordre ou, à défaut, selon la nature de la marchandise conformément à la réglementation en vigueur ; que dès lors qu'il est établi que la rupture de la chaîne du froid s'est produite en cours de transport, l'absence d'altérations macroscopiques des produits étant indifférente, la responsabilité du transporteur est engagée ; que selon l'article 20 du contrat type, pour les envois égaux ou supérieurs à trois tonnes, l'indemnisation pour pertes ou avaries ne peut excéder une somme supérieure au produit du poids brut de l'envoi exprimé en tonnes multiplié par 4.000 euros ; qu'en l'espèce, le poids total des 24 palettes était de 8 995 kilogrammes (page 10 du rapport d'expertise -pièce 9 de l'appelante) ; que contrairement à ce que soutiennent les intimées, le donneur d'ordre était unique, en l'espèce la S.A.S. les TRANSPORTS ROBIN-CHATELAIN, peu important qu'il y ait eu plusieurs expéditeurs. L'opération litigieuse correspondant à la définition de l'envoi donnée par le contrat type : l'envoi est la quantité de marchandises, emballage et support de charge compris, mise effectivement, au même moment, à la disposition d'un transporteur et dont le transport est demandé par un même donneur d'ordre pour un même destinataire, en l'espèce TOUPARGEL, d'un lieu de chargement unique, en l'espèce NOYAL/VILAINE, à un lieu de déchargement unique, en l'espèce MONTAUBAN, et faisant l'objet d'un même contrat de transport ; que de la sorte, l'indemnisation atteint la somme de 35.980 euros ; que reste à se prononcer sur l'application de la réduction de l'indemnité d'un tiers en vertu des dispositions de l'article 20 du contrat type qui prévoit un tel abattement lorsque le donneur d'ordre impose la destruction de la marchandise laissée pour compte, pour autant consommable, ou en interdit le sauvetage ; qu'en l'espèce, il est indiqué en page 21 du rapport que compte tenu de l'importance du démarquage et de la perte de valeur en découlant, la meilleure offre obtenue pour le sauvetage s'est élevée à 3.150 euros HT. Il en résulte que la S.A.S. les TRANSPORTS ROBIN-CHATELAIN n'a pas interdit le sauvetage. Il n'y a donc pas lieu à procéder à la réduction du tiers ; que le montant de l'indemnisation allouée(35.980 euros) étant inférieur au montant de la facture en date du 11 juin 2010, réclamée par la S.A.S. les TRANSPORTS ROBIN-CHATELAIN (44.435,42 euros), après déduction de la valeur de sauvetage (3.150 euros), il n'y a pas lieu de déduire cette valeur de l'indemnisation calculée en application de l'article 20 du contrat type ; qu'en conséquence, la S.A.R.L. ROAD FLEET et la S.A. COVEA FLEET seront condamnées in solidum à payer à la S.A.S. les TRANSPORTS ROBIN-CHATELAIN la somme de 35.980 euros qui portera intérêt non pas comme demandé par l'appelante à compter du 11 juin 2010, date de la facture émise, mais du 20 avril 2011, date de l'assignation en justice »
ALORS QUE 1°) aux termes de l'article L. 133-1 alinéa 2 du Code de commerce, le voiturier « est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeure » ; que la notion « d'avarie » s'entend du dommage subi par la marchandise au moment de la livraison ; qu'en l'espèce, il est constant que les prélèvements effectués sur les marchandises au moment de leurs livraisons et confiés à un laboratoire d'expertise indépendant pour analyse de bactériologie alimentaire ont établi la conformité des produits à la consommation ; qu'il s'en inférait une absence de dommage subi par la marchandise au moment de sa livraison et, corrélativement, une absence de responsabilité du transporteur pour « avarie » ; qu'en statuant en sens contraire en disant (p. 5, alinéa 7) « (...) l'absence d'altérations macroscopiques des produits (est) indifférente, la responsabilité du transporteur est engagée », la Cour d'appel a violé l'article L. 133-1 du Code du commerce ;
ALORS QUE 2°) aux termes du contrat-type applicable au transport litigieux, la notion « d'envoi » est définie comme portant sur une : « Quantité de marchandises, mise effectivement au même moment à la disposition du transporteur et dont le transport est demandé par un même donneur d'ordre pour un même destinataire d'un lieu de chargement unique à un lieu de déchargement unique et faisant l'objet d'un contrat de transport » ; que l'ordre de transport de la Société TRANSPORTS ROBIN-CHATELAIN à la Société ROAD FROID a donné lieu à l'établissement de 6 lettres de voiture distinctes faisant état d'expéditeurs et de lieux de prise en charge différents : Lettre de voiture n° 885433 : expéditeur « GELDELIS » et un lieu de prise en charge de la marchandise à « Torcé 35 » ; Lettre de voiture n° 1344583 : expéditeur « CHARCUTERIE GO » et un lieu de prise en charge de la marchandise « ZA du Bardef 56500 Moreac » ; Lettre de voiture n° 882360 : expéditeur « COMAPECHE » et un lieu de prise en charge de la marchandise à « Lanvallay 22100 » ; Lettre de voiture n° 1344584 : expéditeur « DELIFRANCE » et un lieu de prise en charge de la marchandise « ZI Camagnon 56800 Ploërmel » ; Lettre de voiture n° 863675 : expéditeur « LFE » et un lieu de prise en charge de la marchandise à « Plouedern » ; Lettre de voiture n° 1343418 : expéditeur «Youinou » et un lieu de prise en charge de la marchandise à «Carhaix-Plouguer 29270 » ; qu'il s'en inférait que la notion « d'envoi » devait être appréciée par référence à chacune des différentes lettres de voitures prises séparément ne serait-ce qu'en raison de lieux de prise en charge distincts de la marchandise ; que par voie de conséquence le calcul du montant de l'indemnité, en application de l'article 20 du contrat-type, devait être effectué au regard du poids de la marchandise mentionné à chacune des différentes lettres de voiture ; qu'en statuant en sens contraire en considérant qu'il y avait lieu, pour le calcul du montant de l'indemnité due à la Société TRANSPORTS ROBIN-CHATELAIN, de prendre en compte l'existence d'un contrat de transport unique consistant en l'envoi de 24 palettes pour un poids total de 8.995 kg, en raison (p. 5, dernier alinéa) « (...) d'un lieu de chargement unique, en l'espèce NOYAL/VILAINE (...) », la Cour d'appel a dénaturé le contenu des lettres de voiture établies au transport litigieux, partant violé l'article 1134 du Code civil.