Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Patrick Z...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 23 octobre 2014, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 20 novembre 2013, n° 13-80. 952), l'a condamné, pour organisation d'un mariage aux seules fins de faire obtenir un titre de séjour ou de faire acquérir la nationalité française, à deux ans d'emprisonnement avec sursis, à 12 000 euros d'amende et à trois ans d'interdiction d'exercer la profession d'avocat ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 novembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Caron, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAUTHIER ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 131-27 du code pénal, L. 623-1 et L. 623-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. Z...coupable du seul délit d'organisation d'un mariage aux seules fins de faire obtenir un titre de séjour ou d'acquérir la nationalité française, et l'a condamné à un emprisonnement de deux ans avec sursis, 12 000 euros d'amende, ainsi qu'à l'interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant trois ans ;
" aux motifs qu'il est constant que Mme A... a cherché à contracter un mariage parce qu'elle était en situation irrégulière en France depuis plusieurs mois, peu important qu'elle ait déposé par l'intermédiaire de son avocat un dossier pour régulariser sa situation ; qu'au jour où ce projet de mariage s'est finalisé, son visa touristique était dépassé depuis plusieurs mois et elle a consulté Maître Z... avocat autre que le sien-que lui avait conseillé M. X...à qui elle avait exposé l'incertitude de sa situation, dans cette finalité, ce qui a fondé sa culpabilité et sa condamnation par le tribunal correctionnel de Perpignan ; que M. Z...est l'organisateur de ce mariage en ce qu'il était le seul à avoir rencontré les deux époux et à les avoir mis en relation, soutenant cependant qu'il s'agissait d'un « mariage sérieux » ; qu'or, les circonstances et les conditions d'organisation de ce mariage viennent démontrer que l'intention matrimoniale n'était pas le fondement de cette union ; que d'abord, il résulte des déclarations de Mme A... et de M. Z...ainsi que de leur confrontation devant les services de police, que dès la première « consultation » donnée dans un café parisien, ont été abordés tant la situation irrégulière de Mme A... - qui sera confortée par la remise de ses documents administratifs-que son mariage avec M. Y..., de sorte que les deux sont manifestement liés, peu important les nuances que M. Z...a faites ultérieurement, qui ne reposent sur aucune donnée objective, ses déclarations initiales étant encore confirmées par celles de l'intermédiaire M. X...; qu'ensuite, les deux époux ne se sont jamais rencontrés et auraient échangé une dizaine de conversations téléphoniques, ce qui est peu pour bâtir un projet de vie commune de surcroît dans un contexte où Mme A... n'a qu'une connaissance très moyenne du français pour avoir été entendue dans la procédure par le truchement d'un interprète tant par les services de police qu'au cours de l'instruction ainsi qu'à l'audience du tribunal correctionnel de Perpignan ; que de plus, ni l'un ni l'autre des époux ne s'était préparé à accueillir l'autre chez lui, ainsi que cela résulte non seulement de la perquisition chez M. Y...de la part de Mme A... dans des circonstances suspectes et au motif allégué de l'avance du coût du voyage pour que les époux se rencontrent, rencontre qui ne s'était pourtant pas encore réalisée à la veille de la cérémonie ; qu'enfin, le caractère artificiel de cette union est encore conforté par l'extrême rapidité avec laquelle la date du mariage a été arrêtée au 30 juillet 2005, après un premier contact courant mai 2005, soit moins de trois mois, date qui a été imposée à M. Y...et Mme A... ; que rien n'explique une telle célérité, de surcroît dans un contexte où les futurs époux ne s'étaient jamais rencontrés et où M. Y...avait affiché le souhait de faire la connaissance de son épouse avant le mariage, sauf à rechercher un objectif autre qu'une intention matrimoniale ; que depuis l'origine du projet, ces éléments sont connus et maîtrisés par M. Z...qui est au coeur de l'organisation de ce mariage, voisin et ami de M. Y..., connaissance de Mme A..., avocat spécialisé dans le droit des étrangers, et l'établissement par lui du dossier de mariage qui sera déposé en mairie avec les pièces montrant d'évidence l'irrégularité de la situation de la future épouse, constitue l'acte final du plan qu'il a élaboré à partir de la demande de cette dernière et ce, au cours de plusieurs rencontres ; qu'ainsi, les éléments matériel et moral du délit de l'article L. 623-1 et L. 623-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à savoir l'organisation d'un mariage dans le but d'acquisition de la nationalité française ou pour obtenir un titre de séjour ou pour éviter une mesure d'éloignement sont caractérisés ; que ce délit est en cumul idéal avec le délit d'aide au séjour irrégulier d'un étranger prévu par l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et sera retenu sur le fondement du principe que le délit spécial prime sur le délit général ; que le jugement sera donc infirmé en ce sens, ainsi que sur les peines principales en raison de la particulière gravité des faits qui résulte, pour M. Z..., de l'utilisation à la fois de ses relations amicales, et d'une forme de détresse liée à la solitude pour M. Y..., ou à l'incertitude du quotidien pour Mme A... en situation irrégulière ; qu'il sera condamné à la peine de deux d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 12 000 euros ; qu'en revanche, la peine complémentaire de trois ans d'interdiction professionnelle sera confirmée, les faits ayant été commis par M. Z...à l'occasion de l'exercice de sa profession ainsi que cela résulte de la consultation par Mme A... d'un avocat ;
" 1°) alors que le délit d'organisation d'un mariage aux seules fins d'acquérir la nationalité française est un délit intentionnel qui suppose que soit établie avec certitude la volonté du prévenu d'organiser un mariage en parfaite connaissance de son caractère frauduleux ; que pour condamner M. Z...du chef de ce délit, la Cour d'appel se borne à déduire sa culpabilité de l'établissement par ce dernier du dossier de mariage déposé en mairie avec les pièces montrant d'évidence l'irrégularité de la situation de la future épouse ; qu'en déduisant ainsi la culpabilité du prévenu de la seule connaissance de l'irrégularité de la situation de la future épouse quand cette irrégularité était insuffisante à faire présumer un exercice frauduleux de la liberté de mariage, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément moral du délit de l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et méconnu les exigences de l'article 121-3 du code pénal ;
" 2°) alors qu'il résulte de l'article L. 623-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que seule l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise peut faire l'objet d'une interdiction ; qu'en l'espèce, M. Z...a toujours affirmé être intervenu dans un cadre amical et non en qualité d'avocat ; qu'il résulte, par ailleurs, des constatations de l'arrêt attaqué, non seulement que M. Y...et M. Z...entretenaient des « relations de bon voisinage », mais encore que Mme A... avait un avocat et qu'elle avait rencontré M. Z...dans un « café parisien » ; qu'en prononçant, néanmoins, la peine complémentaire d'interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant trois ans, quand il n'était en rien établi que les conseils fournis par M. Z...l'auraient été dans l'exercice ou à l'occasion de sa profession d'avocat, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé " ;
Sur le moyen, pris en sa première branche ;
Attendu qu'en l'état des motifs reproduits au moyen, qui établissent que M. Z..., contacté par Mme A... afin qu'il lui procure, en sa qualité d'avocat, une solution de régularisation de sa situation sur le territoire français, lui a organisé un mariage ne reposant sur aucune intention conjugale, dans le seul but de lui permettre d'acquérir par ce moyen un titre de séjour, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Sur le moyen, pris en sa seconde branche ; Attendu que, pour condamner M. Z...à trois ans d'interdiction d'exercer l'activité d'avocat, l'arrêt relève que l'infraction dont il a été déclaré coupable a été commise à l'occasion de l'exercice de cette profession ;
Attendu qu'en tenant compte, pour prononcer cette peine, des circonstances de l'espèce qui établissent que c'est en sa qualité d'avocat que M. Z...a été consulté par Mme A..., étrangère dépourvue de titre de séjour, pour obtenir ses conseils en vue de la régularisation de sa situation sur le territoire français, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Attendu que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize janvier deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.