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15/12/2015 | FRANCE | N°15-82013

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 décembre 2015, 15-82013


Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Patrick X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 17 mars 2015, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1er décembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Finidori, Monfort, Buisson, Mme Durin-Karse

nty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, conseillers de la chambre, M. Talab...

Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Patrick X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 17 mars 2015, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1er décembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Finidori, Monfort, Buisson, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, conseillers de la chambre, M. Talabardon, conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Lagauche ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BARBIER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 1er juin 2015, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'une information a été ouverte des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs ; qu'à la suite des investigations opérées sur commission rogatoire, M. X... a été mis en examen des chefs précités ; qu'il a déposé une requête en nullité, motif étant pris de ce qu'un procès-verbal relatant les opérations relatives à l'exploitation d'un relevé d'empreinte digitale était irrégulier et de ce que les interrogatoires d'autres mis en examens menés par ce même magistrat étaient empreints de déloyauté ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article préliminaire, les articles 81, 591 à 593 du code de procédure pénale, ensemble violation de la loyauté procédurale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler le procès-verbal coté D 1035 ainsi que tous les actes dont il est le support nécessaire ;
" aux motifs que les opérations ordonnées par le magistrat instructeur et exécutées dans le cadre de commissions rogatoires au cours de la procédure d'information ont toujours pu faire l'objet d'un contrôle de leur exécution par les personnes concernées et leurs avocats, les mémoires déposés notamment à l'appui des multiples saisines de la chambre de l'instruction évoquaient déjà, courant mars 2014, une contestation relative aux traces papillaires de M. X... sur l'emballage de produits stupéfiants, les avocats relevant, d'ailleurs, l'existence d'une mention parfaitement objective de l'officier de police judiciaire à la cote D 1035 qui indique avoir été avisé de l'existence « que de dix points de comparaison identiques » ; que cette dernière mention a donc fait l'objet d'un débat contradictoire à plusieurs stades de la procédure ; qu'ainsi, le grief invoqué d'un procédé de preuve déloyal, à le supposer démontré, ne peut avoir eu pour effet de porter atteinte au caractère équitable et contradictoire de la procédure ou de compromettre l'équilibre des droits des parties ; que, de surcroît, l'erreur sus-évoquée commise dans le procès-verbal du 14 novembre 2013 n'a aucun caractère volontaire et procède manifestement d'un malentendu lors de la transcription, par le service enquêteur, dans le procès-verbal en cause, des informations données par le service de la police technique et scientifique concernant les investigations réalisées par ce service sur la trace papillaire découverte sur l'emballage du paquet de cocaïne ; qu'en outre, des investigations complémentaires n'étaient pas nécessaires pour valider le résultat des recherches initiales sur la trace découverte ayant établi la présence de dix points de concordance avec l'empreinte de M. X..., de sorte que l'absence d'investigations complémentaires sur la trace découverte, annoncées dans le procès-verbal, n'est pas de nature à faire grief au requérant ; qu'enfin, si, selon les protocoles en vigueur dans la police technique et scientifique, seule la présence de douze points caractéristiques concordants entre une trace et une empreinte digitale permet de prononcer une identification dactylotechnique formelle, aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit de mentionner dans une procédure d'enquête les résultats d'une comparaison entre une trace et une empreinte ayant révélé un nombre de points de concordance inférieur à douze ; qu'il convient de rappeler, par ailleurs, que les contenus des procès-verbaux d'enquête ne valent qu'à titre de simples renseignements sauf si la loi en dispose autrement ; que l'article 81 du code de procédure pénale impose effectivement au juge d'instruction de vérifier les éléments d'information recueillis dans le cadre des commissions rogatoires ; qu'en l'espèce, celui-ci n'a pas contrevenu à cette obligation puisque c'est précisément à sa demande expresse que le rapport du 10 octobre 2014 a été établi par le service de la police technique et scientifique et a été joint à la procédure le 15 octobre 2014 (D 2983) ; que, dans ces conditions la demande d'annulation n'apparaît pas fondée et elle sera rejetée ;
" 1°) alors qu'est un procédé déloyal le maintien dans la procédure pénale d'un procès-verbal mentionnant la découverte d'une trace sur un paquet de cocaïne ayant dix points de concordance avec l'empreinte papillaire de M. X..., bien qu'il en faut douze pour une identification formelle, tout en indiquant faussement que ce résultat nécessite des recherches plus précises auprès de services techniques spécialisés ; que, dès lors, en refusant d'annuler un tel procès-verbal irrégulier et déloyal, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés ;
" 2°) alors que, lorsqu'un procès-verbal est entaché d'irrégularité en raison de l'emploi d'une manoeuvre déloyale, il doit être retiré de la procédure ; qu'en l'espèce, en refusant de retirer de la procédure le procès-verbal litigieux en relevant que le grief d'un procédé de preuve déloyal, qui a pu être discuté contradictoirement, ne peut avoir eu pour effet de porter atteinte au caractère équitable et contradictoire de la procédure ou de compromettre l'équilibre des droits des parties, la chambre de l'instruction a violé les textes et le principe susvisés ;
" 3°) alors que la chambre de l'instruction n'a pas justifié son refus de retirer le procès-verbal litigieux, en se bornant à relever qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit de mentionner dans une procédure d'enquête les résultats d'une comparaison entre une trace et une empreinte ayant révélé un nombre de points de concordance inférieur à douze, mais sans s'expliquer sur les autres indications erronées du procès-verbal litigieux mentionnant faussement l'envoi d'un échantillon à un service spécialisé pour des examens complémentaires ; que, dès lors, sa décision est dépourvue de base légale " ;
Attendu que, pour rejeter la requête prise de la violation du principe de loyauté des preuves, tendant à l'annulation d'un procès-verbal en raison de ce qu'il fait état, d'une part, du relevé sur un sachet de cocaïne d'une empreinte digitale ne comportant que dix points de comparaison pertinents avec l'empreinte de M. X..., d'autre part, d'investigations supplémentaires en cours, alors que de telles investigations n'ont jamais été entreprises, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors que le nombre de points de comparaison pertinents relevés sur une empreinte digitale, qui constitue un simple élément de preuve soumis au principe de contradiction et à l'appréciation des juges, est sans incidence sur la régularité de la procédure, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 171, 802, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe d'impartialité ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de M. X... tendant à la nullité des procès-verbaux d'interrogatoires de M. Patrick E...et de Mme Valérie F...devant le magistrat instructeur ;
" aux motifs que, s'agissant de la recevabilité de sa demande de nullité concernant des procès-verbaux d'interrogatoire de tiers, le requérant invoque une jurisprudence de la chambre criminelle, du 31 mai 2007, selon laquelle une personne mise en examen est recevable à invoquer l'irrégularité d'un acte concernant une autre personne également mise en examen à condition d'établir en quoi cette irrégularité a porté atteinte à ses intérêts (Crim., 31 mai 2007) ; que, par un arrêt du 14 février 2012, dans une espèce où l'acte dont l'annulation était demandée était susceptible de faire grief au requérant, la chambre criminelle, effectuant un revirement de sa jurisprudence, a affirmé que le demandeur était sans qualité pour se prévaloir de la méconnaissance d'un droit qui appartient en propre à une autre personne (Crim., 14 février 2012) ; que, dans ces conditions, la demande de nullité concernant des actes qui ne concernent pas le requérant sera également rejetée pour défaut de qualité pour agir ;
" 1°) alors que l'exigence d'impartialité implique que le juge soit impartial mais également qu'il présente une apparence d'impartialité ; que cette exigence n'est notamment pas satisfaite lorsque la chambre de l'instruction reproduit littéralement les réquisitions du ministère public dans sa décision ; qu'en l'espèce, en écartant les moyens de nullité soulevés par M. X... concernant les procès-verbaux d'interrogatoires de M. Patrick E...et de Mme Valérie F..., en reproduisant littéralement le réquisitoire du ministère public, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés ;
" 2°) alors que la personne mise en examen est recevable à proposer à la chambre de l'instruction des moyens de nullité pris de l'irrégularité d'actes accomplis à l'égard de tiers, dès lors qu'ils lui portent griefs ; que, dès lors, en refusant d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité des interrogatoires de M. Patrick E...et de Mme Valérie F..., au motif que le demandeur était sans qualité pour se prévaloir de la méconnaissance d'un droit qui appartient en propre à une autre personne, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés " ;
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Attendu que la référence faite par les motifs de l'arrêt à la jurisprudence de la Cour de cassation dans les mêmes termes que le réquisitoire du procureur général n'est pas de nature à faire naître un doute sur l'impartialité de la juridiction ;
D'où il suit que le grief doit être écarté ;
Sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que, si c'est à tort que la chambre de l'instruction, pour rejeter la requête du mis en examen tendant à l'annulation d'interrogatoires d'autres mis en examen, énonce que celui-ci est sans qualité pour se prévaloir de la méconnaissance d'un droit appartenant en propre à une autre personne, alors que le demandeur invoquait la déloyauté d'actes accomplis par le juge d'instruction, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer, par l'examen des pièces de la procédure, que la déloyauté prétendue demeure à l'état de simple allégation ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze décembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-82013
Date de la décision : 15/12/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de la procédure - Annulation d'actes - Demande de la personne mise en examen - Acte concernant un tiers - Interrogatoires d'autres mis en examen - Atteinte au principe de loyauté à son égard - Recevabilité - Défaut de qualité (non)

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de la procédure - Annulation d'actes - Demande de la personne mise en examen - Acte concernant un tiers - Interrogatoires d'autres mis en examen - Atteinte au principe de loyauté à son égard - Exclusion - Cas - Contestation demeurée à l'état de simple allégation

Une personne mise en examen est recevable, sans que puisse lui être opposé un défaut de qualité pris de l'appartenance en propre à une autre personne du droit supposé méconnu, à présenter un moyen de nullité portant sur les interrogatoires d'autres personnes mises en examen, dès lors qu'elle invoque une déloyauté à son égard dans l'accomplissement de ces actes. Si c'est ainsi à tort qu'une chambre de l'instruction déclare irrecevable pour défaut de qualité du demandeur un tel moyen, la cassation de l'arrêt n'est pas pour autant encourue dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer, par l'examen des pièces de la procédure, que la déloyauté des actes accomplis par le juge d'instruction demeure à l'état de simple allégation


Références :

articles préliminaire, 81 et 171 du code de procédure pénale

principe de loyauté de la preuve

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-En-Provence, 17 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 déc. 2015, pourvoi n°15-82013, Bull. crim. 2016, n° 841, Crim., n° 592
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle 2016, n° 841, Crim., n° 592

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Lagauche
Rapporteur ?: M. Barbier
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:15.82013
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