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01/12/2015 | FRANCE | N°14-86516

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 décembre 2015, 14-86516


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Dominique X..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 11e chambre, en date du 10 septembre 2014, qui, dans la procédure suivie, sur sa plainte, contre M. Michel Y..., du chef de diffamation publique envers une personne chargée d'un mandat public, a déclaré son action irrecevable et renvoyé le prévenu des fins de la poursuite ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 octobre 2015 où étaient présents dans la

formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, prés...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Dominique X..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 11e chambre, en date du 10 septembre 2014, qui, dans la procédure suivie, sur sa plainte, contre M. Michel Y..., du chef de diffamation publique envers une personne chargée d'un mandat public, a déclaré son action irrecevable et renvoyé le prévenu des fins de la poursuite ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 octobre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Monfort, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller MONFORT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 31 et 48 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré irrecevable l'action en diffamation exercée par M. X... et a renvoyé le prévenu des fins de la poursuite ;
"aux motifs que les propos incriminés contiennent la critique d'actes de la fonction de maire de M. X... ou d'abus de sa fonction et se rattachent donc directement à sa qualité de maire de Saint-Quay-Portrieux, à la date des faits ; que si M. X... est recevable, à raison de sa qualité de citoyen chargé d'un mandat public à agir en son nom, à titre personnel sur le fondement des articles 31 et 48 de la loi du 29 juillet 1881, contre l'auteur de la diffamation commise à raison de sa fonction ou qualité la citation qu'il a fait délivrer au prévenu le 26 octobre 2012, mentionne cependant expressément qu'elle est délivrée à la requête de M. Dominique, Pierre, André X... (...) "agissant en sa qualité de maire, domicilié à la mairie, 52 Boulevard Foch 13P1, 22410 Saint-Quay-Portrieux (...)" et indique sous le titre "objet de la demande": "M. X... agissant en sa qualité de maire de la Commune de Saint-Quay-Portrieux, sollicite en conséquence du tribunal correctionnel (...) qu'il statue ce que de droit sur l'action publique, qu'il déclare M. X..., ès qualité, recevable et bien fondé en sa constitution de partie civile (...) qu'il constate que ces faits ont causé au requérant un préjudice fonctionnel et moral (...) ; qu'il condamne le prévenu à lui payer à titre de dommages-intérêts : (...) ; qu'il se déduit de ces termes, que c'est en sa qualité de maire, représentant la commune de Saint-Quay-Portrieux, et non en son nom personnel, que M. X... qui se déclare dans l'acte domicilié en cette qualité à la mairie de Saint-Quay-Portrieux, a saisi le tribunal correctionnel de son action en diffamation contre M. Y... ; que son action telle que formulée dans l'acte, ne peut dès lors qu'être déclarée irrecevable, pour défaut de droit d'agir, en l'absence de délégation du pouvoir d'ester en justice du conseil municipal ; qu'en conséquence il y a lieu de renvoyer le prévenu des fins de la poursuite ;
"1°) alors que le maire d'une commune qui poursuit sur le fondement de l'article 31, alinéa 1er de la loi du 31 juillet 1881, l'auteur du propos qu'il estime diffamatoire à son égard n'a pas besoin d'une délibération ou d'un mandat du conseil municipal pour agir ; qu'il résulte des éléments de la cause que M. X..., alors maire de la commune de Saint-Quay-Portrieux a agi en tant que citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public au sens de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881, c'est-à-dire en sa qualité de maire pour des faits le visant personnellement dans l'exercice de ses fonctions de maire, citoyen chargé d'un mandat public ; qu'en effet la citation ne visait que des allégations diffamatoires envers M. X... en sa qualité de maire de la commune de Saint-Quay-Portrieux et non envers le conseil municipal, et l'arrêt relève que les propos incriminés contiennent la critique de la fonction de maire de M. X... et se rattachent directement à sa qualité de maire ; qu'en déclarant son action néanmoins irrecevable, pour défaut du droit d'agir en l'absence de pouvoir d'ester en justice du conseil municipal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2°) alors que, en toute hypothèse, la cour d'appel a directement méconnu et dénaturé la citation soumise à son examen, en prétendant que M. X... se serait présenté comme représentant la commune lorsque la mention de sa qualité de maire était destinée uniquement à justifier de l'engagement des poursuites sur le fondement de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ; que la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal";
Vu les articles 31 et 48 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que, selon le dernier alinéa de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881, en cas de diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public, la poursuite peut être exercée à la requête de la partie lésée, sans qu'il soit besoin d'une délibération ou d'un mandat du corps auquel elle appartient pour agir ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X..., agissant, selon l'acte, en sa qualité de maire de la commune de Saint-Quay-Portrieux, a fait citer devant le tribunal correctionnel M. Michel Y..., du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, au visa des articles 29 alinéa 1, 31 alinéa 1, 30 de la loi du 29 juillet 1881, en raison de la publication sur le blog "sant-ke-portrieux.blogpost.com" d'un texte intitulé "Plus dure sera la chute...", lui imputant des comportements frauduleux et des pratiques occultes dans la gestion de la commune ; que le tribunal l'ayant déclaré coupable à raison de l'une des allégations litigieuses, M. Y... a relevé appel de cette décision, ainsi que le ministère public ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action de la partie civile, et renvoyer le prévenu des fins de la poursuite, l'arrêt retient que, la citation mentionnant que M. X... agit en sa qualité de maire de la commune de Saint-Quay-Portrieux, domicilié à la mairie, il s'en déduit que c'est en qualité de représentant de la commune qu'il a saisi le tribunal, et qu'en l'absence de délégation de pouvoir du conseil municipal pour agir en justice, son action n'est pas recevable ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi alors que l'acte initial de la poursuite qualifiait les faits de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, visait l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881, renvoyait à l'article 30 pour les pénalités applicables, et mentionnait la qualité de maire du plaignant à seule fin de justifier la qualification retenue dans la poursuite, qui n'était pas intentée au nom de la commune, et qui n'était pas subordonnée à une délibération ou un mandat du conseil municipal, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés, et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 10 septembre 2014, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes autrement composée à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier décembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-86516
Date de la décision : 01/12/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Procédure - Action publique - Mise en mouvement - Diffamation envers un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public - Conditions - Délibération ou mandat du corps auquel il appartient (non)

ACTION PUBLIQUE - Mise en mouvement - Presse - Diffamation envers un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public - Conditions - Délibération ou mandat du corps auquel il appartient (non) PRESSE - Diffamation - Personnes et corps protégés - Citoyens chargés d'un service ou d'un mandat public - Action civile - Recevabilité - Conditions - Délibération ou mandat du corps auquel il appartient (non) ACTION CIVILE - Recevabilité - Presse - Diffamation envers un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public - Conditions - Délibération ou mandat du corps auquel il appartient (non)

Selon le dernier alinéa de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881, en cas de diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public, la poursuite peut être exercée à la requête de la partie lésée, sans qu'il soit besoin d'une délibération ou d'un mandat du corps auquel elle appartient pour agir. Encourt la cassation l'arrêt qui déclare irrecevable l'action du maire d'une commune, au motif que le plaignant agit en sa qualité de représentant de celle-ci sans justifier d'une délégation de pouvoir du conseil municipal, alors que l'acte initial de la poursuite qualifie les faits de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, vise l'article 31 de la loi de 1881, renvoie, pour les pénalités, à l'article 30 et mentionne sa qualité de maire à seule fin de justifier de la qualification retenue dans la poursuite, qui n'est pas intentée au nom de la commune et n'est pas subordonnée à une délibération ou un mandat du conseil municipal


Références :

articles 30, 31 et 48 de la loi du 29 juillet 1881

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 10 septembre 2014

Sur la nécessité d'une délibération ou d'un mandat du corps constitué pour mettre en mouvement l'action publique du chef de diffamation envers un corps constitué, à rapprocher : Crim., 11 avril 2012, pourvoi n° 11-86331, Bull. crim. 2012, n° 92 (1) (cassation partielle)

arrêt cité ;Crim., 25 juin 2013, pourvoi n° 12-84696, Bull. crim. 2013, n° 160 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 déc. 2015, pourvoi n°14-86516, Bull. crim. criminel 2015, n° 272
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2015, n° 272

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Liberge
Rapporteur ?: M. Monfort
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.86516
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