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18/11/2015 | FRANCE | N°14-21286

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 novembre 2015, 14-21286


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches : Vu les articles 377, alinéa 3, et 1351 du code civil, ensemble les articles 1190, alinéa 1er, et 1209 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que des relations de Mme X...et de M. Y...sont nés deux enfants Naïrati Y..., le 17 juin 2005 à Tsingoni (Mayotte) et Nadhirati Y..., née le 17 juin 2006 à Conibani (Mayotte) ; que « par jugement du 24 juillet 2006, le tribunal cadial de Tsingoni (collectivité départementale

de Mayotte) » a confié l'autorité parentale de l'enfant Naïrati Y...à M...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches : Vu les articles 377, alinéa 3, et 1351 du code civil, ensemble les articles 1190, alinéa 1er, et 1209 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que des relations de Mme X...et de M. Y...sont nés deux enfants Naïrati Y..., le 17 juin 2005 à Tsingoni (Mayotte) et Nadhirati Y..., née le 17 juin 2006 à Conibani (Mayotte) ; que « par jugement du 24 juillet 2006, le tribunal cadial de Tsingoni (collectivité départementale de Mayotte) » a confié l'autorité parentale de l'enfant Naïrati Y...à Mme Z..., demeurant à Marseille, grand-mère paternelle de l'enfant ; que, par acte du 5 juin 2012, Mme X...a assigné M. Y...devant un juge des affaires familiales afin qu'il soit statué sur l'exercice conjoint de l'autorité parentale sur les deux enfants, la fixation de la résidence habituelle de ceux-ci à son domicile, l'organisation du droit d'hébergement du père et une contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande de Mme X...concernant Naïrati, l'arrêt retient qu'elle n'a pas relevé appel de la décision du tribunal cadial de Tsingoni, qui est devenue définitive, que cette décision ne saurait être dépourvue de valeur juridique et a autorité de chose jugée, la formalité de l'exequatur des décisions cadiales de Mayotte ayant été supprimée par l'ordonnance n° 210-590 du 3 juin 2010 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la suppression de la formalité de l'exequatur, depuis le 3 juin 2010, ne la dispensait pas de rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si cet acte de délégation d'autorité parentale, établi à la requête du père, avait été porté à la connaissance de la mère, selon les principes de droit commun, et partant, pouvait lui être opposé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence nécessaire, la cassation sur les deux autres moyens ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de Mme X...concernant l'enfant commun Naïrati, l'arrêt rendu le 5 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y...à payer la somme de 2 500 euros à la SCP Monod, Colin et Stoclet ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille quinze.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'acte de délégation de l'autorité parentale, rédigé par le tribunal cadial de Tsingoni le 24 juillet 2006, est applicable en France, a autorité de la chose jugée et qu'il ne saurait dès lors être écarté des débats, d'avoir déclaré irrecevables les demandes de madame Bini X...concernant l'enfant Naïrati Y..., et d'avoir rejeté les demandes de Mme X...tendant à voir attribuer aux deux parents l'exercice de l'autorité parentale à l'égard de l'enfant commun Naïrati Y..., à voir fixer la résidence de cette dernière au domicile de la mère, visant à voir accorder à M. Y...un droit de visite et d'hébergement à l'égard de l'enfant Nairati et tendant à voir fixer la part contributive du père aux frais d'entretien et d'éducation de cette dernière à la somme de 150 € par mois ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'ordonnance n° 81. 295 du 1er avril 1981 relative à l'organisation de la justice à Mayotte a maintenu les dispositions du décret du 1er juin 1939 relatives à l'organisation de la justice musulmane à Mayotte ; qu'il est constant que la justice cadiale à Mayotte se composait de quinze tribunaux cadiaux comprenant un cadi, un secrétaire greffier ainsi qu'un grand cadi et que les décisions des quinze cadis importants en matière d'état des personnes et des litiges inférieurs à 2. 000 francs pouvaient être déférées en appel devant le grand cadi et que les décisions du grand cadi rendues en premier ressort pouvaient être soumises en appel du tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou ; que Mme X...n'a pas relevé appel de la décision du tribunal cadial de Tsingoni (collectivité départementale de Mayotte) qui est devenue définitive ; que cette décision ne saurait être dépourvue de valeur juridique, a autorité de chose jugée et que cette décision ne saurait être dépourvue, comme le soutient l'appelante, au motif que l'ordonnance n° 250-590 du 3 juin 2010 portant dispositions relatives au statut civil du droit local applicable à Mayotte et aux juridictions pour en connaître a abrogé la déclaration n° 64. 12 bis du 3 juin 1964 de la chambre des députés des Comores portant réorganisation de la procédure en matière de justice musulmane ; qu'il importe en outre de souligner que la formalité de l'exequatur des décisions cadiales de Mayotte a été supprimée par l'ordonnance n° 210-590 du 3 juin 2010 susvisée ayant abrogé la délibération n° 12 bis du 3 juin 1964, en sorte qu'elle n'existe plus depuis l'ordonnance du 3 juin 2010 ; qu'il suit de ce qui précède que la décision du tribunal cadial de Tsingoni (collectivité départementale de Mayotte) en date du 24 juillet 2006 ne peut plus être revêtue de la formalité de l'exequatur, qu'elle est applicable en France et qu'elle ne saurait dès lors comme le sollicite l'appelante être écartée des débats ; qu'il est constant, comme l'a souligné le premier juge, que M. Nourdine Mohamed et que Mme X...ne disposent pas de l'exercice de l'autorité parentale sur leur fille Naïrati Y..., et qu'il leur appartient de solliciter devant le juge compétent la restitution de l'autorité parentale sur cette dernière ; qu'il convient dès lors de rejeter les demandes de Mme X...tendant à voir attribuer aux deux parents l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant commun Naïrati, tendant à voir fixer la résidence de cette dernière au domicile de la mère, visant à voir accorder un droit de visite et d'hébergement à M. Y...à l'égard de l'enfant Naïrati, et tendant à voir fixer la part contributive du père à l'entretien de cette dernière à la somme mensuelle de 150 euros ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, compte tenu du jugement du 24 juillet 2006 du tribunal cadial de Tsingoni (Collectivité départementale de Mayotte) ayant confié l'autorité parentale de l'enfant Naïrati Y...et Mme Z..., il y a lieu de constater qu'à ce jour M. Nourdine Y...et Mme Bini X...ne disposent pas de l'exercice de l'autorité parentale sur leur fille aînée et que leurs demandes à son égard sont irrecevables ; qu'il leur appartient de diligenter toute procédure utile pour récupérer l'exercice de l'autorité parentale sur leur enfant ;
1°) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard d'une décision rendue entre les mêmes parties, par elles et contre elles en la même qualité ; qu'en l'espèce, Mme X...n'a pas été appelée devant le tribunal cadial de Tsingoni et n'était pas partie à l'instance ayant donné lieu à « l'acte de délégation de l'autorité parentale » du 24 juillet 2006 ; qu'en jugeant que cet acte était revêtu de l'autorité de la chose jugée dans le litige opposant Mme X...à M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
2°) ALORS QUE, en tout état de cause, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard ce qui fait l'objet d'une contestation ; qu'en l'espèce, Mme X...n'ayant pas été partie à la procédure ayant donné lieu à l'acte de délégation de l'autorité parentale du 24 juillet 2006, et n'ayant pu s'opposer en conséquence à la demande M. Y..., cet acte ne peut être regardé comme tranchant une contestation entre Mme X...et M. Y...; qu'en jugeant que cet acte était revêtu de l'autorité de la chose jugée dans le litige opposant Mme X...à M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
3°) ALORS QUE le juge aux affaires familiales est compétent pour déterminer les modalités d'exercice de l'autorité parentale, fixer la résidence des enfants et les modalités du droit de visite et d'hébergement ; qu'en se fondant, pour rejeter les demandes de Mme X..., sur le fait qu'il lui appartenait de solliciter devant le juge compétent la restitution de l'autorité parentale, cependant que le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nice puis la cour d'appel étaient compétents pour statuer sur la demande de restitution de l'autorité parentale consécutive à la délégation de celle-ci, la cour d'appel a violé les articles 373-2-6 du code civil et 1202 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE, en tout état de cause, Mme X...avait fait valoir que la décision du tribunal cadial devait être conforme à l'ordre public procédural et qu'elle ne lui était pas opposable dans la mesure où elle méconnaissait le droit à un procès équitable, les droits de la défense, le principe du contradictoire et le droit au recours, dès lors qu'elle n'avait pas été mise en cause et en mesure de se défendre et d'exercer un recours (conclusions, p. 6 § 1 s.) ; qu'en jugeant que la décision cadiale du 24 juillet 2006 lui était opposable, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes formées par Mme X...tendant à voir fixer la part contributive du père aux frais d'entretien et d'éducation de l'enfant Naïrati à la somme de 150 euros par mois ;
AUX MOTIFS QU'« il est constant comme l'a souligné le premier juge que M. Nourdine Y...et que Mme Bini X...ne disposent pas de l'exercice de l'autorité parentale sur leur fille Naïrati Y..., et qu'il leur appartient de solliciter devant le juge compétent la restitution de l'autorité parentale sur cette dernière ; qu'il convient dès lors de rejeter les demandes de Mme Bini A... tendant à voir attribuer aux deux parents l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant commun Naïrati, tendant à voir fixer la résidence de cette dernière au domicile de la mère, visant à voir accorder un droit de visite et d'hébergement à M. Y...à l'égard de l'enfant Naïrati et tendant à voir fixer la part contributive du père à l'entretien de cette dernière à la somme mensuelle de 150 euros » ;
ALORS QUE le parent qui n'exerce pas l'autorité parentale doit contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant en versant les sommes correspondantes au parent qui assume la charge effective de l'enfant, alors même que les parents ne disposeraient pas de l'autorité parentale ; qu'en se fondant, pour juger que M. Y...ne devait payer aucune contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant Naïrati, sur le fait que les parents étaient privés de l'autorité parentale, cependant que Mme X...pouvait obtenir une telle contribution dès lors qu'elle assumait la charge effective de l'enfant, la cour d'appel a violé les articles 371-2 alinéa 1er et 373-2-1 alinéa 5 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de Mme X...tendant à voir fixer la résidence de l'enfant Naïrati à son domicile et à accorder un droit de visite et d'hébergement à M. Y...à l'égard de l'enfant Naïrati ;
AUX MOTIFS QU'« il est constant comme l'a souligné le premier juge que M. Nourdine Y...et que Mme Bini X...ne disposent pas de l'exercice de l'autorité parentale sur leur fille Naïrati Y..., et qu'il leur appartient de solliciter devant le juge compétent la restitution de l'autorité parentale sur cette dernière ; qu'il convient dès lors de rejeter les demandes de Mme Bini A... tendant à voir attribuer aux deux parents l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant commun Naïrati, tendant à voir fixer la résidence de cette dernière au domicile de la mère, visant à voir accorder un droit de visite et d'hébergement à M. Y...à l'égard de l'enfant Naïrati et tendant à voir fixer la part contributive du père à l'entretien de cette dernière à la somme mensuelle de 150 euros » ;
1°) ALORS QUE, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'en refusant de fixer la résidence de Naïrati au domicile de Mme X..., par des motifs inopérants sans rechercher quel était l'intérêt de l'enfant, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 3 § 1 de la Convention de New York du 26 janvier 1900 relative aux Droits de l'enfant ;
2°) ALORS QU'en refusant d'accorder un droit de visite et d'hébergement à M. Y...sans rechercher quel était l'intérêt de l'enfant, par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 3 § 1 de la Convention de New York du 26 janvier 1900 relative aux Droits de l'enfant.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-21286
Date de la décision : 18/11/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

AUTORITE PARENTALE - Délégation - Acte établi à la requête de l'un des parents - Opposabilité à l'autre parent - Conditions - Notification - Office du juge - Etendue - Détermination

OUTRE-MER - Mayotte - Décisions cadiales - Exequatur - Suppression - Portée

La suppression de la formalité de l'exequatur des décisions cadiales par l'ordonnance n° 2010-590 du 3 juin 2010 portant dispositions relatives au statut civil de droit local applicable à Mayotte et aux juridictions compétentes pour en connaître ne dispense pas le juge de rechercher si l'acte de délégation d'autorité parentale, établi à la requête d'un des parents, avait été porté à la connaissance de l'autre parent, selon les principes de droit commun, et partant, pouvait lui être opposé. Viole en conséquence les articles 377, alinéa 3, et 1351 du code civil, ensemble les articles 1190, alinéa 1, et 1209 du code de procédure civile, la cour d'appel qui n'a pas procédé à cette recherche qui lui était demandée


Références :

articles 377, alinéa 3, et 1351 du code civil

articles 1190, alinéa 1, et 1209 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 05 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 18 nov. 2015, pourvoi n°14-21286, Bull. civ. 2016, n° 840, 1re Civ., n° 493
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 840, 1re Civ., n° 493

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Bernard de La Gatinais (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Guyon-Renard
Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.21286
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