LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 622-21, II du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;
Attendu que le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute procédure d'exécution de la part des créanciers du débiteur tant sur ses meubles que sur ses immeubles ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, selon un protocole du 11 juin 2001 et un acte notarié du 9 novembre suivant, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes-Provence (la caisse) a consenti un prêt à la société civile immobilière LMP, laquelle a affecté en garantie, à titre hypothécaire, l'immeuble lui appartenant ; que la caisse, ayant vainement mis en demeure la SCI LMP de lui rembourser la somme de 1 222 528, 36 euros, lui a délivré, le 11 septembre 2012, un commandement de payer valant saisie immobilière en vertu de l'acte notarié du 9 novembre 2001 ; que, le 5 décembre 2012, la caisse a assigné la SCI LMP à l'audience d'orientation ; que, le 22 octobre 2013, la SCI LMP a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, M. X... étant désigné mandataire judiciaire ; que, par jugement d'orientation du 4 novembre 2013, le juge de l'exécution a rejeté les contestations soulevées par la SCI LMP, ordonné la vente aux enchères publiques de l'immeuble saisi et fixé la date d'audience d'adjudication au 10 mars 2014 ;
Attendu que, pour refuser de surseoir à statuer en l'état de la procédure de sauvegarde ouverte à l'égard de la SCI LMP et rejeter ses contestations relatives à la régularité de la saisie immobilière diligentée contre elle, la cour d'appel, après avoir retenu que le juge de l'exécution était valablement saisi de toute contestation relative à la saisie immobilière jusqu'à la clôture des débats, a décidé de suspendre la saisie et de réformer le jugement d'orientation, mais seulement en ce qu'il avait ordonné la vente forcée de l'immeuble, non en ce qu'il avait rejeté les contestations de la SCI ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la procédure de saisie immobilière étant arrêtée, elle n'avait pas à se prononcer sur les contestations concernant sa régularité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement d'orientation du 4 novembre 2013 en ce qu'il a statué sur les contestations relatives à la régularité de la procédure de saisie, l'arrêt rendu le 28 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes-Provence aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la SCI LMP et M. X..., en sa qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de celle-ci, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la SCI LMP et M. X..., ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, statuant sur appel d'un jugement d'orientation, d'avoir refusé de surseoir à statuer en l'état de la procédure de sauvegarde ouverte à l'égard de la SCI LMP, et d'avoir, par suite, rejeté les contestations de cette dernière relatives à la régularité de la saisie immobilière diligentée contre elle par la CRCAM Alpes Provence ;
Aux motifs que le Crédit Agricole produit l'original de la copie exécutoire de l'acte notarié de prêt comportant la formule exécutoire ; qu'aucune des feuilles n'est en effet revêtue du paraphe du notaire, et qu'elles ne reproduisent pas les paraphes et signatures de la minute ; que toutes les feuilles sont reliées par un procédé empêchant toute substitution ou addition, en l'occurrence par leur insertion dans une chemise cartonnée rivetée en deux points et leur assemblage par un papier collant spécial bleu, traversant par une fente la totalité des pages numérotées et récapitulées, et dont l'intégrité est constatable, dit « procédé ASSEMBLACT RC » selon la mention portée en dernière page ; qu'en vertu des dispositions applicables le 9 novembre 2001 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, article 15, le paraphe du notaire n'est alors pas requis ; que le moyen n'est pas fondé ; que le premier juge a exactement rejeté le moyen tiré d'un vice de la signification à la société LMP tiré de son changement de forme ; que le GFR est une société civile formée en vue de rassembler et gérer des immeubles à usage agricole et forestier (L. 322-22 du code rural), et que les particularités qui sont attachées à son caractère agricole ne s'opposent pas à la saisie immobilière ; qu'au reste, les appelants n'invoquent aucune disposition précise au soutien de leur moyen qui est inopérant ; que sur la prescription, que le titre exécutoire dont se prévaut le Crédit Agricole est l'acte notarié du 9 novembre 2006, dont le protocole d'accord plus ample du 11 juin 2001 n'était que préparatoire et dont il ne constitue qu'une application particulière ; que le Crédit Agricole est fondé à soutenir que la prescription ne commence à courir qu'à compter de la date d'exigibilité de la créance, en l'occurrence après un différé de trois ans, c'est-à-dire le 9 novembre 2004, ce dont il suit qu'au jour où le commandement a été délivré les 4 et 11 septembre 2012, il s'était concrètement écoulé moins de huit ans, en sorte que quelle que soit la nature civile ou commerciale de la créance, la prescription ne s'était pas accomplie, ce qu'a exactement retenu le premier juge ; que le protocole d'accord a défini l'opération dont il trace les contours comme un plan global de restructuration des prêts qu'il consent de manière habituelle, pour le financement de leurs besoins d'exploitation, à un ensemble de huit sociétés, dont cinq commerciales en la forme et trois civiles oeuvrant, selon ce que révèlent quelques rares indices et à défaut de plus d'explications, dans le domaine immobilier et la construction, et ce, à la suite d'une importante crise de trésorerie apparue dans le courant de l'année 1999 consécutivement à une accumulation de difficultés qui ont affecté le niveau d'activité et précipité le désengagement d'un établissement de crédit (le CEPME), le tout dans le cadre d'une procédure de mandat ad hoc ordonnée par le président du tribunal de commerce ; qu'il s'ensuit que le prêt ne s'inscrit manifestement pas dans les crédits relevant du code de la consommation, ce que l'acte exclut du reste expressément par la mention en page 4 : « prêts hors loi Scrivener » ; que sur la prescription des intérêts, que la banque en a admis l'effet et a présenté un nouveau décompte mettant en évidence des intérêts au taux majoré courant du 4 septembre 2007 au 4 septembre 2012 (pièce 7) dont le caractère suffisamment explicite, rapproché du précédent (pièce 6) est vainement discuté dès lors que, comme précisé par la banque dans ses écritures, le principal comporte des intérêts qui sont capitalisés en vertu d'une clause du prêt, ce qui n'est pas contesté ; qu'il n'y a pas matière à surseoir à statuer, la juridiction de l'exécution ayant été valablement saisie jusqu'à la clôture des débats et le jugement d'orientation ici confirmé ayant pu mentionner la créance retenue ; que sur la nullité du prêt comme contraire à l'intérêt social, qu'il résulte de la description ci-dessus esquissée du protocole d'accord du 11 juin 2001 que le prêt s'insère dans une opération d'ensemble complexe mettant en cause 8 sociétés dont trois civiles dont, faute d'en décrire précisément les tenants et aboutissants au-delà de l'expression purement schématique ou d'apparence qui en est donnée, et alors que l'opération se faisait dans le cadre d'un mandat ad hoc ordonné par le président du tribunal de commerce, la société LMP ne démontre pas qu'elle aurait généré pour elle, sans contrepartie, un engagement contraire à l'intérêt social de la société qui devrait par suite être jugé nul ; que les demandes afférentes à un bail rural à long terme consenti par acte du 3 janvier 2013 pour prendre effet à compter du 1er janvier 2000, sont d'office irrecevables devant la Cour faute d'avoir été formées avant l'audience d'orientation ; que par jugement du 22 octobre 2013, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société civile LMP ; qu'il résulte des dispositions d'ordre public de l'article L. 622-21 paragraphe II du code de commerce que le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute procédure d'exécution de la part des créanciers dont la créance n'est pas née régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure tant sur les meubles que sur les immeubles ; qu'il s'ensuit que le jugement est réformé en ce qu'il a ordonné la vente forcée de l'immeuble, et que la suspension de la saisie doit être ordonnée ; que la demande d'autorisation de vente amiable est donc prématurée ; qu'il suit de l'ensemble de ces motifs que le jugement dont appel est confirmé, sauf en ce qu'il a ordonné la vente forcée ;
ALORS QUE le jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde arrête ou interdit toute procédure d'exécution de la part des créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ; qu'en statuant sur la régularité de la saisie litigieuse après avoir pourtant constaté que, par jugement du 22 octobre 2013, une procédure de sauvegarde avait été ouverte à l'encontre de la société LMP et que la suspension de la saisie devait ainsi être ordonnée, au motif inopérant que le juge de l'exécution avait été valablement saisi jusqu'à la clôture des débats, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article L. 622-21, II du code de commerce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
subsidiaireIL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la contestation relative à la nullité du prêt, fondement de la saisie diligentée par la CRCAM Alpes Provence à l'encontre de la SCI LMP, tirée de la contrariété de l'objet du prêt à l'intérêt social ;
Aux motifs propres que le protocole d'accord a défini l'opération dont il trace les contours comme un plan global de restructuration des prêts qu'il consent de manière habituelle, pour le financement de leurs besoins d'exploitation, à un ensemble de huit sociétés, donc cinq commerciales en la forme et trois civiles oeuvrant, selon ce que révèlent quelques rares indices et à défaut de plus d'explications, dans le domaine immobilier et la construction, et ce, à la suite d'une importante crise de trésorerie apparue dans le courant de l'année 1999 consécutivement à une accumulation de difficultés qui ont affecté le niveau d'activité et précipité le désengagement d'un établissement de crédit (le CEPME), le tout dans le cadre d'une procédure de mandat ad hoc ordonnée par le président du tribunal de commerce ; (...) que sur la nullité du prêt comme contraire à l'intérêt social, il résulte de la description ci-dessus esquissée du protocole d'accord du 11 juin 2001 que le prêt s'insère dans une opération d'ensemble complexe mettant en cause 8 sociétés dont trois civiles dont, faute d'en décrire précisément les tenants et les aboutissants au-delà de l'expression purement schématique ou d'apparence qui en est donnée, et alors que l'opération se faisait dans le cadre d'un mandat ad hoc ordonné par le président du tribunal de commerce, la société LMP ne démontre pas qu'elle aurait généré pour elle, sans contrepartie, un engagement contraire à l'intérêt social de la société qui devrait par suite être jugé nul ;
Et aux motifs adoptés que l'acte de prêt consenti à la société LMP est un acte authentique, il a été souscrit par la société LMP dans le cadre d'un mandat ad hoc, sous le contrôle de maître Douhaire ès qualité de mandataire ad hoc ; cet acte n'apparaît pas, dans ces circonstances, être contraire à l'intérêt social de la société ;
1) ALORS QU'en se bornant à relever, pour écarter le moyen de nullité du prêt et de la procédure de saisie immobilière poursuivie sur son fondement, tiré de la contrariété de l'objet du prêt à l'intérêt social, que l'opération globale réalisée par le protocole du 11 juin 2001 dans laquelle s'insérait le prêt litigieux, était insuffisamment précise, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'objet du prêt consenti à la SCI LMP, portant sur le remboursement du solde débiteur du compte de la SARL Eugelec et l'affectation sur un compte courant bloqué d'un million de francs dans les comptes de la SA Thomas Investissement, n'était pas, quant à lui, parfaitement défini et contraire à l'intérêt de la SCI LMP, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1849 du code civil ;
2) ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'il résulte du protocole du 11 juin 2001 que le prêt litigieux portait sur le remboursement du solde débiteur du compte de la SARL Eugelec et l'affectation sur un compte courant bloqué d'un million de francs dans les comptes de la SA Thomas Investissement ; qu'à supposer que la cour d'appel ait retenu que l'objet de ce prêt n'était pas précisément défini, elle a dénaturé les termes clairs et précis du protocole du 11 juin 2001, et a violé l'article 1134 du code civil ;
3) ALORS QU'en faisant peser sur la société LMP la charge de la preuve de l'absence d'une contrepartie dont elle aurait bénéficié en souscrivant le prêt litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
4) ALORS QUE ni le caractère authentique du prêt ni la circonstance que l'opération avait été réalisée dans le cadre d'un mandat ad hoc ordonné par le président du tribunal de commerce n'étaient de nature à valider un prêt dont l'objet était contraire à l'intérêt de la société LMP ; qu'en se prononçant par de tels motifs, qui étaient inopérants, la cour d'appel a violé l'article 1849 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
très subsidiaireIL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de vente amiable formée par la société LMP et Me Eric X... en qualité de mandataire désigné dans le cadre de la procédure de sauvegarde de la société LMP ;
Aux motifs que par jugement du 22 octobre 2013, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société civile LMP ; qu'il résulte des dispositions d'ordre public de l'article L. 622-21 paragraphe II du code de commerce que le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute procédure d'exécution de la part des créanciers dont la créance n'est pas née régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure tant sur les meubles que sur les immeubles ; qu'il s'ensuit que le jugement est réformé en ce qu'il a ordonné la vente forcée de l'immeuble, et que la suspension de la saisie doit être ordonnée ; que la demande d'autorisation de vente amiable est donc prématurée ;
ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ; qu'en rejetant la demande de vente amiable formée par la société LMP et Me Eric X... ès qualités après avoir seulement considéré que cette demande était prématurée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.