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04/11/2015 | FRANCE | N°14-84661;14-86836

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 novembre 2015, 14-84661 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Pascal X...,

contre l'arrêt de la cour d'assises de la MANCHE, en date du 28 mai 2014, qui, pour viols aggravés, l'a condamné à neuf ans d'emprisonnement et à une interdiction professionnelle définitive ainsi que contre l'arrêt, en date du 3 octobre 2014, par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 septembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Drai, co

nseiller rapporteur, MM. Castel, Raybaud, Mme Caron, MM. Moreau, Stephan, conseillers d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Pascal X...,

contre l'arrêt de la cour d'assises de la MANCHE, en date du 28 mai 2014, qui, pour viols aggravés, l'a condamné à neuf ans d'emprisonnement et à une interdiction professionnelle définitive ainsi que contre l'arrêt, en date du 3 octobre 2014, par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 septembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, MM. Castel, Raybaud, Mme Caron, MM. Moreau, Stephan, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Béghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Wallon ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DRAI, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
I- Sur le pourvoi formé contre l'arrêt pénal :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 379 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que le procès-verbal des débats mentionne : « Le président a spécialement demandé au docteur Gérard E..., en application des dispositions de l'article 168, alinéa 2, du code de procédure pénale et 131-36-4, alinéa 2, du code pénal, si l'accusé était susceptible de faire l'objet d'un traitement. Cet expert a répondu par la négative concernant l'injonction de soins et par l'affirmative concernant le suivi socio-judiciaire » ;
"1°) alors que faute par le président de la cour d'assises d'avoir ordonné qu'il soit fait mention au procès-verbal des débats du contenu de la déposition de l'expert Gérard E..., cette mention méconnaît les dispositions de l'article 379 du code de procédure pénale ;
"2°) alors qu'il résulte sans ambiguïté des énonciations du procès-verbal des débats que le contenu de cette déposition était en relation avec la culpabilité de l'accusé dès lors que l'injonction de soins et le suivi socio-judiciaire ne peuvent être appliqués qu'en cas de réponse affirmative de la cour et du jury aux questions portant sur la culpabilité" ;
Attendu que le procès-verbal des débats mentionne, sans préciser que l'ordre en a été donné par le président, que le docteur E..., expert, interrogé sur le point de savoir si l'accusé pouvait faire l'objet d'un traitement, a répondu par la négative en ce qui concerne l'injonction de soins et par l'affirmative en ce qui concerne le suivi socio-judiciaire ;
Attendu que la cassation n'est pas encourue dès lors que les dispositions de l'article 379 du code de procédure pénale ne sont pas applicables aux déclarations des experts sur les opérations techniques auxquelles ils ont procédé, ces déclarations étant sans relation directe avec la culpabilité de l'accusé ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 378 du code de procédure pénale, du principe de l'oralité des débats, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que, par deux fois, le procès-verbal des débats constate "qu'au cours des débats, le président, agissant en vertu de son pouvoir discrétionnaire, a donné lecture de diverses cotes du dossier" ;
"1°) alors que le principe de l'oralité des débats est un principe fondamental du procès d'assises, dont la Cour de cassation doit pouvoir contrôler l'application effective à la lecture du procès-verbal des débats ;
"2°) alors que ce principe interdit de manière absolue au président de la cour d'assises de donner lecture à l'audience de cotes de la procédure écrite contenant des déclarations de témoins et d'experts acquis aux débats et non encore entendus ;
"3°) alors qu'en l'espèce, la formule générale utilisée dans le procès-verbal des débats de lecture « de diverses cotes du dossier » ne permet pas à la Cour de cassation de s'assurer que les lectures dont s'agit auxquelles il a été procédé par le président n'ont pas concerné des déclarations de témoins ou d'experts non encore entendus ;
"4°) alors que le principe de l'oralité des débats étant d'ordre public et sa violation constituant une nullité absolue qui ne peut être couverte ni par le silence ni par le consentement de l'accusé, la circonstance que le procès-verbal des débats constate « qu'aucune observation n'a été faite par le ministère public, ni par aucune des parties, les avocats de l'accusé puis l'accusé lui-même ayant eu la parole en dernier » ne saurait faire échapper l'arrêt de condamnation à la censure de la Cour de cassation" ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que, au cours de l'audience des 26 et 27 mai 2014, le président, agissant en vertu de son pouvoir discrétionnaire, "a donné lecture de diverses cotes du dossier", sans que soit précisé le contenu de ces cotes ;
Attendu que si, ces pièces ne sont pas identifiées plus précisément, la cassation n'est cependant pas encourue, dès lors que l'absence de tout incident contentieux ou demande de donné-acte fait présumer qu'aucune irrégularité de nature à porter atteinte au principe de l'oralité des débats ni aux droits de la défense n'a été commise ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-22 et 222-23 du code pénal, préliminaire, 365-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de viols aggravés sur la personne d'Aurélia F... ;
"aux motifs que la cour d'assises a été convaincue de la culpabilité de Pascal X... en raison des principaux éléments à charge suivants, qui ont été discutés lors des délibérations menées par la cour et le jury préalablement aux votes sur les questions, pour le crime de viols sur Aurélia F... ;que si la date exacte des faits n'a jamais pu être déterminée par aucune des parties ou témoins, l'existence d'une nuit en commun dans le même lit ne fait l'objet d'aucune contestation, pas plus le fait qu'il a été mis fin par Aurélia F... à un stage qui devait durer 2 ans, et ce au bout de deux semaines ; qu'Aurélia F... n'a pas mis en cause initialement Pascal X... pour avoir commis une pénétration digitale, mais a annoncé à une amie dès le lendemain de sa déposition, n'avoir pas tout dit, pour mentionner par la suite de l'enquête, de l'instruction et jusqu'à l'audience cette pénétration digitale dans le sexe qui l'avait brûlée ; qu'elle a toujours déclaré n'être pas consentante, lui avoir dit d'arrêter et avoir mis ses bras en croix, serré les jambes ce qui a fini par faire arrêter Pascal X... dans un contexte où il savait qu'elle pouvait alerter les occupants de la chambre voisine ; qu'à l'inverse Pascal X... a modifié ses déclarations, admettant lui avoir caressé la poitrine, avant même que Aurélia F... soit entendue, pour ensuite nier tout attouchement, et les reconnaître de nouveau à l'audience d'appel mais en ajoutant qu'elle lui paraissait consentante ; que l'expert psychologue qui a examiné Aurélia F... retient un discours authentique, écarte toute tendance à la fabulation, alors que le retentissement des faits subis est visible et persistant ; qu'en outre, il existe des similitudes dans les faits dénoncés : même âge des deux victimes qui ont fait état des propositions de Pascal X... qui était dénudé, de sa réaction agressive face à leur refus, et de son odeur désagréable dans la proximité sexuelle imposée ;
"alors qu'en se bornant à caractériser l'élément de violence, contrainte, menace ou surprise par la seule considération que l'accusé avait eu « une réaction agressive face au refus d'Aurélia F... », la cour et le jury ont privé leur décision de condamnation de motifs" ;
Attendu que les énonciations de la feuille de questions et celles de la feuille de motivation mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'assises, statuant en appel, a caractérisé les principaux éléments à charge, résultant des débats, qui l'ont convaincue de la culpabilité de l'accusé, et justifié sa décision, conformément aux dispositions conventionnelles invoquées et à l'article 365-1 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par la cour et le jury, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis :

II - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt civil :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 238, 244, 245, 248, 249, 371, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué constate liminairement que la cour d'assises qui a rendu l'arrêt attaqué était composée de Mme Elisabeth Allannic, présidente, Mme Nathalie Malardel, premier assesseur et Mme Camille Philippart, second assesseur alors qu'en page 2 il constate que lors des débats, la cour était composée de M. Julien Simon-Delcros, président, Mme Antoinette Lepeltier-Durel, premier assesseur et Mme Camille Philippart, second assesseur ;
"alors qu'en application des textes susvisés, qui sont d'ordre public, il appartient aux magistrats régulièrement désignés pour examiner les affaires au cours d'une session de la cour d'assises d'être présents, y compris lorsque les intérêts civils sont seuls en cause, non seulement aux débats et au délibéré, mais également au prononcé de l'arrêt" ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la cour d'assises statuant sur les intérêts civils était composée, lors des débats sur le fond le 28 mai 2014, de M.Simon-Delcros, président, Mme Lepeltier-Durel, premier assesseur, et Mme Philippart, second assesseur, que la décision a été mise en délibéré au 3 octobre 2014, et que l'arrêt civil a été prononcé à cette date par Mme Philippart, à l'occasion d'une nouvelle session au cours de laquelle la cour d'assises était composée de Mme Allanic, président, Mme Malardel, premier assesseur, et Mme Philippart, second assesseur ;
Attendu que, dès lors, l'arrêt civil ayant été régulièrement prononcé par l'un des magistrats ayant participé aux débats et au délibéré, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-22 et 222-23 du code pénal , 371, 378 et 379 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'assises, statuant sur les intérêts civils, a condamné M. X... à payer des dommages-intérêts aux parties civiles défenderesses au pourvoi ;
"alors que l'annulation de l'arrêt de condamnation prononcé le 28 mai 2014 par la cour d'assises du département de la Manche entraînera par voie de conséquence celle de l'arrêt attaqué" ;
Attendu que le pourvoi contre l'arrêt pénal étant rejeté, le moyen est inopérant ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-22 et 222-23 du code pénal, 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Pascal X... à payer à M. Dominique K..., père de Marine K..., 1500 euros au titre de son préjudice personnel et à Mme Marie Laurence L... épouse K..., mère de Marine K..., la somme de 1 500 euros au titre de son préjudice personnel ;
"1°) alors que le crime de viol ne cause de préjudice direct, personnel et certain qu'à la personne qui a fait l'objet d'un acte de pénétration sexuelle par violence, menace, contrainte ou surprise et que les père et mère de cette personne sont donc irrecevables à se porter parties civiles concernant cette infraction, ce que la cour d'assises, statuant sur les intérêts civils, doit relever d'office ;
"2°) alors en tout état de cause que l'arrêt attaqué n'a nullement constaté en quoi M. et Mme K... pouvaient se prévaloir d'un préjudice direct, personnel et certain en sorte que la cassation est encourue pour défaut de motifs" ;
Attendu qu'en retenant que M.et Mme K... avaient subi un préjudice personnel résultant directement des crimes commis au préjudice de leur fille Marine K..., et en évaluant comme elle l'a fait la réparation de ce préjudice, la cour d'assises n'a fait qu'user de son pouvoir souverain d'appréciation ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-22 et 222-23 du code pénal, 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Pascal X... à payer à Mme Marine K... 10 000 euros au titre de son préjudice professionnel,
"aux motifs que compte tenu de l'âge de la victime, de ses capacités intellectuelles et de la passion qu'elle nourrit pour ses activités dans le milieu équin, il est des plus probables que Marine K... puisse à terme retrouver un emploi ; que le docteur M... indique d'ailleurs qu'elle apparaît apte à reprendre une activité professionnelle dans son domaine de formation, considérant en conséquence qu'il n'existe pas de retentissement professionnel ; que cependant il est justifié que Mme Marine K... s'est vu contrainte de refuser un emploi auprès d'un entraîneur qu'elle admirait et qu'elle vit à ce jour chez ses parents avec un projet complexe d'installation à son compte ; que le préjudice professionnel doit donc être retenu mais ramené à la plus juste proportion de 10 000 euros ;
"1°) alors que la cour d'assises ne pouvait, sans se contredire, constater qu'il résultait du rapport de l'expert M... qu'il n'existait pas de retentissement professionnel et qu'en outre Mme Marine K... avait un projet complexe d'installation à son compte et allouer cependant à celle-ci la somme de 10 000 euros au titre d'un prétendu préjudice professionnel ;
"2°) alors en tout état de cause, qu'en s'abstenant de préciser les raisons pour lesquelles Mme Marine K... aurait été "contrainte de refuser un emploi auprès d'un entraîneur qu'elle admirait", la cour d'assises a privé sa décision de motifs" ;
Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation des préjudices résultant de l'infraction pour Marine K..., la Cour n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, et par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, les indemnités propres à réparer les dommages nés de l'infraction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre novembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-84661;14-86836
Date de la décision : 04/11/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

COUR D'ASSISES - Débats - Procès-verbal - Mentions - Déclarations d'un expert - Déclarations sur des opérations techniques sans relation directe avec la culpabilité de l'accusé - Nullité (non)

EXPERTISE - Expert - Cour d'assises - Débats - Procès-verbal - Mentions - Déclarations d'un expert - Déclarations sur des opérations techniques sans relation directe avec la culpabilité de l'accusé - Nullité (non)

Les dispositions de l'article 379 du code de procédure pénale ne sont pas applicables aux déclarations de l'expert sur les opérations techniques auxquelles il a procédé dès lors que ces déclarations ne sont pas en relation directe avec la culpabilité de l'accusé


Références :

article 379 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'assises de la Manche, 03 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 nov. 2015, pourvoi n°14-84661;14-86836, Bull. crim. 2016, n° 839, Crim., n° 433
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle 2016, n° 839, Crim., n° 433

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Wallon
Rapporteur ?: Mme Drai
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.84661
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