LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Excelassur, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NÎMES, en date du 24 mars 2015, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée, des chefs d'escroquerie, faux, abus de confiance et recel, a déclaré irrecevable sa demande d'acte de procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 septembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, M. Soulard, Mmes de la Lance, Chaubon, MM. Germain, Sadot, Mme Zerbib, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Gauthier ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle BOULLEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAUTHIER ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 2 juin 2015, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 34 de la Constitution, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 81, 82-2 et 175 du code de procédure pénale, du principe de la légalité et de l'interdiction de l'excès de pouvoir ;
"en ce qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la « demande directe d'acte » ;
"aux motifs que selon l'article 175 du code de procédure pénale les parties doivent, à peine de forclusion, présenter toute demande d'acte complémentaire sur le fondement des articles 81, 9e alinéa, 82-1 et 156 du code de procédure pénale dans les trois mois qui suivent l'avis de fin d'information ; qu'en l'espèce la demande directe, même après prise en compte du délai de carence d'un mois imputable au juge d'instruction qui a expiré le 4 mars a été formée le 6 juin, soit au-delà de ce délai et est irrecevable ;
"alors qu'en matière pénale, seule la loi peut édicter un délai de forclusion ; qu'en cas de défaut de réponse du juge d'instruction à une demande d'acte fondée sur l'article 82-1 du code de procédure pénale, la saisine directe du président de la chambre de l'instruction, fût-elle effectuée dans le but de statuer sur une demande d'acte restée sans réponse, n'est soumise à aucun délai ; que ladite saisine demeure ainsi recevable tant que dure la procédure d'instruction ; qu'en considérant que la saisine directe du président de la chambre de l'instruction était une « demande directe d'acte » soumise au délai de forclusion de l'article 175 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a violé les articles et les principes visés au moyen et a commis un excès de pouvoir" ;
Vu l'article 81, dernier alinéa, du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que lorsqu'elles ont, dans le délai prévu par l'article 175, alinéa 4, du code de procédure pénale, régulièrement présenté des demandes d'actes auxquelles le juge d'instruction n'a pas répondu dans le délai d'un mois, les parties peuvent, à tout moment jusqu'à la clôture de l'information, saisir directement le président de la chambre de l'instruction ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de la procédure que, dans l'information suivie, sur la plainte de la société Excelassur contre personne non dénommée, des chefs susvisés, le juge d'instruction a délivré, le 7 novembre 2013, l'avis de fin d'information prévu par l'article 175 du code de procédure pénale à la partie civile qui, en application du 4e alinéa de ce texte, a formé deux demandes d'actes parvenues au greffe du juge d'instruction respectivement les 21 janvier et 4 février 2014 ; que le réquisitoire définitif a été notifié à la partie civile le 27 mai suivant ;
Attendu que, par requête en date du 4 juin 2014, l'avocat de la partie civile a saisi le président de la chambre de l'instruction aux motifs que le magistrat instructeur n'avait pas statué sur ses demandes dans le délai d'un mois fixé par le dernier alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable sa saisine, la chambre de l'instruction retient que la demande d'acte lui a été soumise après l'expiration du délai de trois mois prévu par l'article 175 du code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 24 mars 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil, afin qu'il soit statué sur la demande d'acte présentée par la société Excelassur ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.