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13/10/2015 | FRANCE | N°11-20746

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 octobre 2015, 11-20746


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 21 mars 2011), que la SCI Pyramide (la SCI), créée par Mme X...avec un coassocié en vue de réaliser des opérations immobilières, a souscrit, en décembre 1989, un emprunt de 620 400 francs (94 579, 37 euros) auprès de la société Soderag, aux droits de laquelle vient la Société financière des Antilles Guyane (la Sofiag) ; que la SCI ayant cessé, à partir de novembre 1991, de s'acquitter régulièrement des échéances de ce prêt, la Sofiag lui a notifié la dé

chéance du terme le 27 juin 1997 puis lui a fait délivrer un commandement a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 21 mars 2011), que la SCI Pyramide (la SCI), créée par Mme X...avec un coassocié en vue de réaliser des opérations immobilières, a souscrit, en décembre 1989, un emprunt de 620 400 francs (94 579, 37 euros) auprès de la société Soderag, aux droits de laquelle vient la Société financière des Antilles Guyane (la Sofiag) ; que la SCI ayant cessé, à partir de novembre 1991, de s'acquitter régulièrement des échéances de ce prêt, la Sofiag lui a notifié la déchéance du terme le 27 juin 1997 puis lui a fait délivrer un commandement aux fins de saisie immobilière, procédure qui a été radiée le 17 mars 1999 ; que la SCI ayant été mise en liquidation judiciaire le 9 février 2006, la Sofiag a déclaré sa créance puis a assigné Mme X... en paiement, en sa qualité d'associée de la SCI ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la Sofiag alors, selon le moyen :
1°/ que nul ne peut se prévaloir des actes d'une procédure périmée ; qu'en se fondant, pour retenir la péremption de la procédure de saisie immobilière, sur un acte de cette procédure périmée, lequel n'était pas susceptible d'entraîner l'interruption de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 389 du code de procédure civile ;
2°/ qu'aux termes de l'article 110-4 du code de commerce dans sa rédaction applicable en l'espèce, les actions en paiement de dettes commerciales se prescrivent par dix ans ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans constater, sur une période de près de onze ans courant du mois de novembre 1995, date du dernier paiement des loyers, au 6 juin 2006, date de déclaration de la créance, aucun autre acte interruptif de prescription qu'un commandement de saisie-immobilière périmé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la créance de la Sofiag avait été irrévocablement admise le 28 juin 2010 au passif de la liquidation judiciaire de la SCI, l'arrêt retient à bon droit qu'elle était ainsi définitivement consacrée dans son existence et son montant à l'égard des associés, sans que ceux-ci, tenus à l'égard des tiers indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social, puissent se prévaloir de la prescription éventuelle de la créance ; que par ce seul motif, abstraction faite de celui, erroné mais surabondant, critiqué par le moyen, la cour d'appel, devant laquelle Mme X... n'a pas prétendu avoir présenté une réclamation contre l'état des créances, a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la Sofiag la somme de 135 268, 31 euros en sa qualité d'associée de la SCI alors, selon le moyen :
1°/ que la mise en oeuvre de la responsabilité civile de droit commun ne nécessite la violation d'aucune disposition légale ou réglementaire spéciale ; qu'en refusant d'examiner la responsabilité de l'établissement de crédit, au motif inopérant qu'aucune disposition légale ne permettrait à l'associé d'une société civile d'opposer au créancier une décharge en raison de la perte d'une garantie pour le recouvrement de la créance, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 1382 et 1383 du code civil ;
2°/ que différentes fautes peuvent avoir concouru à la réalisation d'un dommage, la faute éventuelle de la victime n'excluant pas celle d'un tiers ; qu'en se bornant à affirmer que la condamnation de Mme X... n'était pas la résultante d'une faute délictuelle de l'établissement financier mais de la défaillance de la SCI et des engagements de Mme X... en tant qu'associée, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le versement de fonds nonobstant la non-réalisation des garanties prévues au contrat ne constituait pas une faute imputable à l'établissement financier et ayant concouru à la réalisation du dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ;
Mais attendu que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le préjudice subi par Mme X..., qui résulte, non d'une faute délictuelle du prêteur, mais directement de la défaillance de la SCI dans le remboursement du prêt et de son obligation corrélative de supporter les pertes sociales en sa qualité d'associée, ne présente pas le caractère personnel de nature à justifier de sa part une action en responsabilité contre le prêteur ; que par ce seul motif, abstraction faite de ceux critiqués par le moyen, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le troisième moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir limiter le montant de sa condamnation au principal à la somme de 51 185, 75 euros et de la condamner à payer à la Sofiag la somme de 135 268, 31 euros en sa qualité d'associée de la SCI alors, selon le moyen, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que par l'arrêt rendu le 28 juin 2010, la cour d'appel de Basse-Terre jugeait uniquement « que la créance de la société Sofiag sera it inscrite au passif privilégié de la liquidation de la SCI Pyramide à hauteur de 110 677, 97 euros », sans faire mention dans son dispositif d'un quelconque solde admis à titre chirographaire ; qu'en déduisant néanmoins du dit arrêt l'existence d'un solde chirographaire, d'un montant au demeurant indéterminé, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée de l'arrêt précité du 28 juin 2010 et violé l'article 1351 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel n'a pas méconnu l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 28 juin 2010 en retenant qu'il avait admis la créance de la Sofiag pour 110 667, 97 euros à titre privilégié, « le solde étant de nature chirographaire », dès lors que cet arrêt se bornait à rectifier un précédent arrêt du 20 avril 2009, lequel, en n'infirmant que partiellement l'ordonnance déférée du juge-commissaire, n'avait statué que sur le caractère privilégié d'une partie de la créance déclarée pour un montant total de 338 170, 78 euros, le solde faisant l'objet d'une admission chirographaire sans contestation ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la Sofiag ;
AUX MOTIFS QUE madame X... oppose à la Sofiag la prescription de la poursuite à son encontre ; qu'en vertu de l'article 1589 du code civil, toutes les actions contre les associés non liquidateur se prescrivent par cinq ans à compter de la publication de la dissolution de la société ; que le jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire étant intervenu le 9 février 2006, l'action n'était pas éteinte à la date de l'introduction de l'instance à l'encontre de l'appelante ; que sur l'application de l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, la Sofiag fait valoir à bon droit que la prescription a été interrompue par le commandement de saisie-immobilière délivrée à la SCI Pyramide le 4 juin 1998, et ce nonobstant le fait, d'une part, que la procédure de saisie a fait l'objet d'une radiation, entraînant la suspension de l'instance, mais le maintien des effets des actes de procédure antérieurs à cette radiation, dont l'interruption de la prescription opérée par le commandement, et que, d'autre part, l'instance est désormais périmée, depuis le 18 février 2001, les actes antérieurs à la péremption conservant leur efficacité et l'interruption de la prescription subsistant ; qu'il s'ensuit que la créance n'est pas éteinte (arrêt, p. 4, alinéas 4-7),
1°/ ALORS QUE nul ne peut se prévaloir des actes d'une procédure périmée ; qu'en se fondant, pour retenir la péremption de la procédure de saisie immobilière, sur un acte de cette procédure périmée, lequel n'était pas susceptible d'entraîner l'interruption de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 389 du code de procédure civile ;
2°/ ET ALORS QU'aux termes de l'article 110-4 du code de commerce dans sa rédaction applicable en l'espèce, les actions en paiement de dettes commerciales se prescrivent par dix ans ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans constater, sur une période de près de onze ans courant du mois de novembre 1995, date du dernier paiement des loyers, au 6 juin 2006, date de déclaration de la créance, aucun autre acte interruptif de prescription qu'un commandement de saisie-immobilière périmé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR condamné madame X... à payer à la société Sofiag la somme de 135. 268, 31 euros en sa qualité d'associée de la société civile Pyramide ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE madame Y... se prévaut de l'application de l'article 1382 du code civil, en faisant valoir que l'intimée a fait preuve de légèreté et d'imprudence dans l'exécution du contrat, en ce que la Soderag n'a pas mis en place la délégation des loyers provenant des loyers commerciaux prévue au contrat et n'a pas réalisé la condition suspensive de justification de la mobilisation en compte courant d'associés bloqué pendant toute la durée du crédit de la somme minimum de 33. 358, 75 ¿ ; que cependant la condamnation de madame X... n'est pas la résultante d'une faute délictuelle de l'intimée mais de la défaillance de la SCI et de ses propres engagements en tant qu'associée ; que madame X... est particulièrement mal fondée à arguer de l'absence d'apport en compte courant d'associés ; qu'aucune disposition légale ne permet à l'associé d'une société civile d'opposer au créancier une décharge en raison de la perte d'une garantie pour le recouvrement de la créance et qu'il n'est donc pas établi l'existence d'une faute de l'intimée liée par un lien de causalité certain et direct au préjudice résultant des condamnations de madame X... en sa qualité d'associée de la SCI (arrêt, p. 5, alinéas 1-5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'associée poursuivie en paiement invoque le fait que par sa propre faute (ayant consisté à ne pas veiller à la mise en oeuvre des garanties prévues par le contrat de prêt et à la réalisation d'une condition suspensive), la prêteuse de denier aurait contribué aux impayés de la SCI Pyramides ; que les impayés sont exclusivement dus au fait que la SCI Pyramide n'avait pas totalement remboursé son prêt ; qu'il n'existe aucun texte légal permettant à un associé tenu des dettes sociales et poursuivi de ce chef par un créancier social d'opposer à l'action en paiement de ce dernier la perte d'une garantie pour le recouvrement de sa créance ; que dans le cas de la caution par exemple, l'article 2314 du code civil permet expressément à la caution poursuivie en paiement par le créancier de solliciter sa décharge en invoquant la perte d'un droit préférentiel ; que madame X...épouse Y... est mal fondée à se prévaloir d'une prétendue faute commise à son égard par la société prêteuse, laquelle n'aurait pas veillé à la mise en place des garanties en recouvrement du prêt et de la réalisation d'une condition suspensive (jugement, p. 4, alinéas 3-7) ;
1°/ ALORS QUE la mise en oeuvre de la responsabilité civile de droit commun ne nécessite la violation d'aucune disposition légale ou réglementaire spéciale ; qu'en refusant d'examiner la responsabilité de l'établissement de crédit, au motif inopérant qu'aucune disposition légale ne permettrait à l'associé d'une société civile d'opposer au créancier une décharge en raison de la perte d'une garantie pour le recouvrement de la créance, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 1382 et 1383 du code civil ;
2°/ ET ALORS QUE différentes fautes peuvent avoir concouru à la réalisation d'un dommage, la faute éventuelle de la victime n'excluant pas celle d'un tiers ; qu'en se bornant à affirmer que la condamnation de l'exposante n'était pas la résultante d'une faute délictuelle de l'établissement financier mais de la défaillance de la SCI et des engagements de l'exposante en tant qu'associée, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée (conclusions récapitulatives de madame X... en date du 30 mars 2010, p. 4 à 6), si le versement de fonds nonobstant la non-réalisation des garanties prévues au contrat ne constituait pas une faute imputable à l'établissement financier et ayant concouru à la réalisation du dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté la demande de madame X... tendant à voir limiter le montant de sa condamnation au principal à la somme de 51. 185, 75 euros et de l'avoir condamnée à payer à la société Sofiag la somme de 135. 268, 31 euros en sa qualité d'associée de la société civile Pyramide ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE par un arrêt du 28 juin 2010, la cour a admis la nature privilégiée de la créance de la Sofiag pour un montant de 110. 667, 97 euros, le solde étant de nature chirographaire (arrêt, p. 2, alinéa 6) ; que l'admission de la créance consacre définitivement son existence et son montant à l'égard des associés sans que ceux-ci, tenus à l'égard des tiers indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation de paiement, puissent se prévaloir de l'article 2277 du code civil pour solliciter une réduction de la somme (arrêt, p. 4, dernier alinéa) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il n'est pas soutenu par madame X... que la créance déclarée au passif de la SCI Pyramide aurait fait l'objet d'une décision de rejet ; que sous réserve des voies de recours, l'admission a autorité de la chose jugée et consacre définitivement dans la procédure l'existence et le montant de la créance ; qu'en conséquence il convient de dire que le montant de la créance de la Sofiag à l'encontre de la SCI Pyramide est de 338. 170, 78 euros, somme déclarée au mandataire judiciaire le 6 juin 2006, sans que le moyen tiré de la prescription quinquennale puisse venir modifier cette somme (jugement, p. 5, alinéas 1 à 3) ;
ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que par l'arrêt rendu le 28 juin 2010, la cour d'appel de Basse-Terre jugeait uniquement « que la créance de la société Sofiag sera it inscrite au passif privilégié de la liquidation de la SCI Pyramide à hauteur de 110. 677, 97 euros » (p. 2, dernier paragraphe), sans faire mention dans son dispositif d'un quelconque solde admis à titre chirographaire ; qu'en déduisant néanmoins dudit arrêt l'existence d'un solde chirographaire, d'un montant au demeurant indéterminé, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée de l'arrêt précité du 28 juin 2010 et violé l'article 1351 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-20746
Date de la décision : 13/10/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Liquidation judiciaire - Patrimoine - Créance - Admission - Chose jugée - Autorité - Opposabilité aux associés d'une société civile

L'autorité de chose jugée qui s'attache à la décision irrévocable d'admission d'une créance au passif de la liquidation d'une société civile s'impose à ses associés, qui ne peuvent se prévaloir de la prescription éventuelle de la créance


Références :

article 1351 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 21 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 oct. 2015, pourvoi n°11-20746, Bull. civ. 2016, n° 837, Com., n° 303
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 837, Com., n° 303

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat général : Mme Beaudonnet
Rapporteur ?: M. Guérin
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boullez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:11.20746
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