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06/10/2015 | FRANCE | N°14-11680

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 octobre 2015, 14-11680


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 12 novembre 2013), que le 29 juin 2011, l'assemblée générale des actionnaires de la société anonyme d'habitations à loyer modéré Perspectives habitat et celle des actionnaires de la société anonyme d'économie mixte locale Habitation moderne, l'une et l'autre contrôlées par la ville de Strasbourg, ont approuvé dans les mêmes termes la transmission par voie de fusion du patrimoine de la première de ces sociétés à la seconde, après avoir décidé de modifier le pr

ojet de fusion dans ses dispositions relatives à la valorisation des apport...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 12 novembre 2013), que le 29 juin 2011, l'assemblée générale des actionnaires de la société anonyme d'habitations à loyer modéré Perspectives habitat et celle des actionnaires de la société anonyme d'économie mixte locale Habitation moderne, l'une et l'autre contrôlées par la ville de Strasbourg, ont approuvé dans les mêmes termes la transmission par voie de fusion du patrimoine de la première de ces sociétés à la seconde, après avoir décidé de modifier le projet de fusion dans ses dispositions relatives à la valorisation des apports, pour retenir que leur valeur réelle était égale à leur valeur comptable, et aux modalités de calcul de la parité d'échange ; que faisant valoir, à titre principal, que l'objet des résolutions ainsi adoptées était illicite en raison de la violation de l'interdiction résultant des dispositions du code de la construction et de l'habitation, y compris dans le cadre d'une opération de fusion-absorption, de transférer la totalité du patrimoine d'une société anonyme d'habitations à loyer modéré à une entité autre qu'un organisme d'habitations à loyer modéré et de l'interdiction de rémunérer les actionnaires d'une telle société au-delà d'une fois et demi le montant du capital, et invoquant, subsidiairement, la violation des règles relatives aux pouvoirs du conseil d'administration, à l'ordre du jour et à l'information des actionnaires, MM. Antoine X..., René X..., Mme Dominique X..., M. Z..., Mmes Marie-Clotilde A... et Pascale A..., M. B..., Mme C..., Mme D..., M. Y... et la société La Lucernoise, anciens actionnaires minoritaires de la société Perspectives habitat (les actionnaires minoritaires), ont assigné la société Habitation moderne pour obtenir l'annulation des délibérations des assemblées du 29 juin 2011 et, en conséquence, celle de l'opération de fusion-absorption ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les actionnaires minoritaires font grief à l'arrêt de rejeter ces demandes alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article L. 422-11 du code de la construction et de l'habitation à la dissolution d'une société d'habitations à loyer modéré, l'assemblée générale appelée à statuer sur la liquidation ne peut, après paiement du passif et remboursement du capital social, attribuer la portion d'actif qui excéderait la moitié du capital social qu'à un ou plusieurs organismes d'habitations à loyer modéré ou à l'une des fédérations d'organismes d'habitations à loyer modéré, sous réserve de l'approbation administrative donnée dans des conditions précisées par décret ; qu'il se déduit de ce texte impératif l'interdiction générale, y compris dans le cadre d'une procédure de fusion absorption, de transférer la totalité du patrimoine d'une société anonyme d'habitation à loyer modéré à une entité autre qu'un organisme d'habitations à loyer modéré et l'interdiction faite aux actionnaires d'une telle société de retirer, au-delà d'une fois et demi le montant du capital, un enrichissement personnel de la richesse sociale ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel en a violé les dispositions ;
2°/ qu'il était fait valoir que par une décision d'application volontaire, résultant des résolutions votées, les assemblées générales extraordinaires des deux sociétés avaient soumis la fusion aux dispositions de l'article L. 422-11 du code de la construction et de l'habitation lesquelles étaient dès lors impérativement et intégralement applicables à l'opération de fusion et emportaient l'interdiction de transférer à la société Habitation moderne la portion de l'actif net excédant 1, 5 fois le montant du capital social de la société Perspectives habitat ainsi que l'interdiction de rémunérer les actionnaires de cette dernière société en leur remettant des actions nouvelles dont le prix unitaire, librement négociable, était estimé à 4 260 euros ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire des écritures des actionnaires minoritaires, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé ;
3°/ qu'aux termes de l'article L. 423-4 du même code, le prix maximal de cession des actions des sociétés d'habitations à loyer modéré est limité au montant d'acquisition de ces actions, majoré, pour chaque année ayant précédé la cession, d'un intérêt calculé au taux servi au 31 décembre de l'année considérée aux détenteurs d'un livret A, majoré de 1, 5 point et diminué des dividendes versés pendant la même période ; qu'il se déduit de ce texte impératif l'interdiction générale faite aux actionnaires d'une telle société, y compris dans le cadre d'une procédure de fusion absorption, de retirer, au-delà de ce plafond légal, un enrichissement personnel de la richesse sociale ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel en a violé les dispositions ;
4°/ que réfutant très précisément ces motifs, les actionnaires minoritaires faisaient valoir que les actionnaires de la société absorbée avaient reçu, en échange de leurs actions dont la valeur marchande unitaire était légalement plafonnée à 24 euros, des actions de la société Habitation moderne dont la valeur marchande unitaire n'était pas plafonnée et était estimée à 4 260 euros, recevant donc bien la contre-valeur de la richesse nette de la société Perspectives habitat, cependant que les actionnaires majoritaires de la société absorbée, également actionnaires majoritaires de la société absorbante, pouvaient à tout moment décider de se distribuer les bénéfices accumulés par la société Perspectives habitat, ainsi que la prime de fusion, ou encore de céder à prix non plafonné les actions nouvelles qu'ils avaient reçues, de sorte qu'en se dispensant de répondre à ce moyen des écritures des actionnaires minoritaires, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant exactement énoncé que ni les dispositions de l'article L. 422-11 du code de la construction et de l'habitation, qui déterminent les règles d'attribution de l'excédent constaté après paiement du passif et remboursement du capital social en cas de dissolution d'une société anonyme d'habitations à loyer modéré suivie d'une liquidation, ni celles de l'article L. 423-4 du même code, applicables en cas de cession d'actions, ne visent l'hypothèse d'une opération de fusion-absorption, laquelle emporte transmission universelle à la société absorbante de l'ensemble des éléments d'actif et de passif de la société qui disparaît, sans liquidation de cette dernière ni cession de ses actions, la cour d'appel en a justement déduit qu'il ne résultait pas de ces textes que les délibérations des assemblées d'actionnaires ayant décidé l'opération de fusion-absorption litigieuse étaient nulles en raison de l'illicéité de leur objet ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant retenu que les dispositions de l'article L. 422-11 du code de la construction et de l'habitation ne pouvaient recevoir application en cas de fusion-absorption en raison des effets qui sont ceux d'une opération de cette nature, la cour d'appel, qui a par là-même exclu que les assemblées d'actionnaires des sociétés intéressées aient voulu soumettre l'opération de fusion qu'elles décidaient de mettre en oeuvre à des règles qui l'auraient rendue impossible, a répondu aux conclusions invoquées par la deuxième branche ;
Et attendu, en dernier lieu, qu'ayant écarté la demande d'annulation de l'opération de fusion-absorption par des motifs indépendants de ceux des premiers juges critiqués par les conclusions invoquées par la quatrième branche, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à celles-ci ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que les actionnaires minoritaires font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 236-1 du code de commerce, R. 236-1 et R. 236-3 du même code, tels qu'ils doivent être interprétés à la lumière de l'article 7, 3. de la directive 2011/ 35/ UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011, que la décision de l'assemblée générale extraordinaire doit porter sur l'approbation (ou le refus) du projet de fusion, tel qu'il a été arrêté par le conseil d'administration, mis à la disposition des actionnaires et publié, de sorte qu'en décidant que l'assemblée pouvait approuver la fusion après avoir modifié ce projet, la cour d'appel a violé par fausse interprétation les dispositions de ces textes ;
2°/ que selon l'article L. 225-105, alinéa 3, du code de commerce, sous réserve de la dérogation qu'il prévoit, l'assemblée générale des actionnaires ne peut délibérer sur une question qui n'est pas inscrite à l'ordre du jour ; que selon l'article R. 236-1 du code de commerce, le projet de fusion est arrêté par le conseil d'administration de chacune des sociétés participant à l'opération de fusion projetée ; que, selon l'article R. 236-3 du même code l'assemblée générale est appelée à se prononcer sur ce projet ; qu'il s'en déduit que toute modification de ce projet doit être soumise au vote de l'assemblée ; qu'en statuant comme elle a fait bien qu'elle eût constaté que l'assemblée générale avait voté une modification de la valeur de l'actif apporté à la société absorbante, telle que proposée par le conseil d'administration, sans que cette question eût été inscrite à l'ordre du jour, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 225-105 du code de commerce ;
3°/ qu'en statuant comme elle a fait par des motifs revenant à conférer au vote de l'assemblée générale un effet de purge des irrégularités encourues à raison de la méconnaissance des dispositions des articles L. 236-6, L. 236-9 et L. 236-10 du code de commerce relatives à l'information due aux actionnaires sur le projet de fusion qui doit leur être soumis, la cour d'appel en a violé les dispositions par refus d'application ;
4°/ qu'en opposant aux prétentions des actionnaires minoritaires l'objection, à la supposer même opérante, qu'ils n'auraient pas allégué avoir été empêchés de voter en toute connaissance de cause, cependant qu'en réfutation du motif du jugement dont appel tiré de ce que les actionnaires auraient « disposé de l'information nécessaire pour statuer en connaissance de cause », les actionnaires minoritaires faisaient précisément valoir que cette motivation payait tribut à l'erreur dès lors que les documents ayant été remis aux actionnaires de la société Perspectives habitat ne mentionnaient pas les modifications du projet de fusion sur lesquels l'assemblée avait délibéré, la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions des actionnaires minoritaires, et a partant méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient à bon droit que les assemblées générales des actionnaires des sociétés qui participent à l'opération de fusion peuvent, sans méconnaître les pouvoirs des organes sociaux ayant arrêté le projet de fusion, approuver la fusion après avoir modifié les conditions de l'opération, notamment pour tenir compte des observations du commissaire à la fusion ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l'ordre du jour de l'assemblée du 29 juin 2011 était relatif, notamment, à « l'approbation du projet de fusion prévoyant la transmission universelle du patrimoine de la société au profit de la société Habitation moderne », la cour d'appel en a exactement déduit que l'assemblée n'était pas sortie des limites de l'ordre du jour en décidant d'approuver cette opération, fût-ce après avoir modifié la valeur de l'actif net apporté à la société absorbante ;
Attendu, encore, qu'ayant retenu que les règles relatives à l'information des actionnaires n'avaient pas été violées, la cour d'appel n'a pu encourir le grief formulé par la troisième branche ;
Et attendu, enfin, que les motifs critiqués par la dernière branche sont surabondants ;
D'où il suit que le moyen, non fondé en ses trois premières branches, ne peut être accueilli pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. Antoine X..., René X..., Mme Dominique X..., M. Z..., Mmes Marie-Clotilde A... et Pascale A..., M. B..., Mme C..., Mme D..., M. Y... et la société La Lucernoise aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils pour MM. Antoine et René X..., Mme Dominique X..., M. Z..., Mmes Marie-Clotilde et Pascale A..., M. B..., Mme C..., Mme D..., M. Y... et la société La Lucernoise,
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

En ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement dont appel, a débouté les consorts X..., Z..., A..., B..., C..., D... et Y... et la société La Lucernoise et de leurs demandes principales tendant à voir annuler les résolutions 4 et 5 de l'assemblée générale extraordinaire de la société Perspectives Habitat et 12 et 13 de l'assemblée générale extraordinaire de la société Habitation Moderne réunies le 29 juin 2011 et tendant à voir annuler en conséquence la fusion entre ces deux sociétés ;
Aux motifs que si les articles L. 422-11 et L. 423-4 du code de la construction et de l'habitat ion montrent la volonté du législateur d'encadrer le fonctionnement des sociétés anonymes d'habitation à loyer modéré afin d'empêcher les actionnaires de réaliser une plus-value lors de la liquidation de la société ou à l'occasion de la cession de leurs actions et de tirer ainsi profit des subventions que perçoivent ces sociétés, ces dispositions ne peuvent s'appliquer à l'opération de fusion litigieuse qui, par ailleurs, ne fait l'objet d'aucune réglementation propre aux sociétés anonymes d'habitations à loyer modéré et reste par conséquent soumise aux règles applicables à toutes les sociétés anonymes ; qu'en effet, s'agissant d'abord de l'article L. 422-11, d'une part ce texte ne vise que l'hypothèse de la dissolution d'une société d'habitations à loyer modéré suivi d'une liquidation ; qu'il ne peut donc recevoir application à une opération de fusion-absorption concernant une société d'habitation à loyer modéré, cette opération n'entraînant pas la liquidation de la société absorbée puisqu'au contraire son actif et son passif sont universellement transmis à la société absorbante ; que, d'autre part, contrairement à ce que prétendent les appelants, le conseil d'administration de la société Perspectives Habitat n'a pas décidé de se soumettre volontairement aux dispositions de ce texte, mais seulement de calculer la valeur des sociétés participant à la fusion selon les règles applicables aux fusions entre sociétés d'habitations à loyer modéré telles qu'énoncées par une circulaire du 20 décembre 1991 en référence à ce texte ; qu'il ne résulte donc pas de cette application la soumission de l'opération à toutes les règles que les appelants déduisent de cet article ; que l'article L. 423-4, qui vise la seule hypothèse d'une cession des actions d'une société d'habitation à loyer modéré, n'est pas davantage applicable à une opération de fusion dès lors qu'elle ne conduit pas à une cession des actions des actionnaires de la société absorbée en échange de celles de la société absorbante mais à l'annulation des actions détenues par ceux-là et à leur attribution, en contrepartie, des actions de la société absorbante selon la parité convenue ; qu'il s'ensuit que les moyens tirés de l'illicéité de l'opération de fusion et d'un excès de pouvoir de l'assemblée générale qui l'a autorisée ne sont pas fondés (arrêt attaqué, p. 6 et 7) ;
1°/ Alors qu'aux termes de l'article L. 422-11 du code de la construction et de l'habitation à la dissolution d'une société d'habitations à loyer modéré, l'assemblée générale appelée à statuer sur la liquidation ne peut, après paiement du passif et remboursement du capital social, attribuer la portion d'actif qui excéderait la moitié du capital social qu'à un ou plusieurs organismes d'habitations à loyer modéré ou à l'une des fédérations d'organismes d'habitations à loyer modéré, sous réserve de l'approbation administrative donnée dans des conditions précisées par décret ; qu'il se déduit de ce texte impératif l'interdiction générale, y compris dans le cadre d'une procédure de fusion absorption, de transférer la totalité du patrimoine d'une société anonyme d'habitation à loyer modéré à une entité autre qu'un organisme d'habitations à loyer modéré et l'interdiction faite aux actionnaires d'une telle société de retirer, au-delà d'une fois et demi le montant du capital, un enrichissement personnel de la richesse sociale ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel en a violé les dispositions ;
2°/ Alors, en toute hypothèse, qu'il était fait valoir que par une décision d'application volontaire, résultant des résolutions votées, les assemblées générales extraordinaires des deux sociétés avaient soumis la fusion aux dispositions de l'article L. 422-11 du code de la construction et de l'habitation lesquelles étaient dès lors impérativement et intégralement applicables à l'opération de fusion et emportaient l'interdiction de transférer à Habitation Moderne la portion de l'actif net excédant 1, 5 fois le montant du capital social de Perspectives Habitat ainsi que l'interdiction de rémunérer les actionnaires de cette dernière société en leur remettant des actions nouvelles dont le prix unitaire, librement négociable, était estimé à 4260 euros (conclusions des exposants, p. 25 et 26) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire des écritures des exposants, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé ;
3°/ Alors enfin qu'aux termes de l'article L. 423-4 du même code, le prix maximal de cession des actions des sociétés d'habitations à loyer modéré est limité au montant d'acquisition de ces actions, majoré, pour chaque année ayant précédé la cession, d'un intérêt calculé au taux servi au 31 décembre de l'année considérée aux détenteurs d'un livret A, majoré de 1, 5 point et diminué des dividendes versés pendant la même période ; qu'il se déduit de ce texte impératif l'interdiction générale faite aux actionnaires d'une telle société, y compris dans le cadre d'une procédure de fusion absorption, de retirer, au-delà de ce plafond légal, un enrichissement personnel de la richesse sociale ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel en a violé les dispositions ;
Et aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, qu'en ce qui concerne l'esprit du texte, c'est-à-dire de l'article L. 422-11 du code de construction et de l'habitation, il apparaît que la SA d'HLM Perspectives Habitat a, selon le deuxième projet de fusion qui a été adopté, apporté un actif net de 23 149 191 ¿ dont 274 976 ¿ en capital et 22 874 215 ¿ en prime d'émission, ce qui correspond à 1/ 5 des capitaux propres de la société absorbante la société d'économie mixte Habitation Moderne, sans que les actionnaires de la société absorbée ne « recueillent la contre-valeur de la richesse nette de cette société », puisque chaque actionnaire a recueilli une action de même nominal et que celle qu'il possédait avant la fusion sans percevoir la contre-valeur, puisque l'action n'est pas annulée. Par ailleurs la société d'économie mixte locale Habitation Moderne n'a jamais distribué de dividendes depuis sa création selon ses dires non contestés, de sorte que l'ensemble des bénéfices réalisés a été intégralement réinvesti dans le financement de la production de logements sociaux ; en pratique de marché d'actions des sociétés d'économie mixte ou même d'obligation pour l'actionnaire majoritaire de se porter acquéreur des actions détenues par la catégorie d'actionnaires dont font partie les demandeurs. Ni la société absorbée ni la société absorbante, ni leurs actionnaires ne se sont enrichis par l'opération de fusion réalisée qui n'est interdite par aucun texte de portée générale ou spéciale (jugement dont appel, p. 11, pénultième §) ;
4°/ Alors que réfutant très précisément ces motifs, les exposants faisaient valoir (conclusions, p. 24) que les actionnaires de la société absorbée avaient reçu, en échange de leurs actions dont la valeur marchande unitaire était légalement plafonnée à 24 ¿, des actions Habitation Moderne dont la valeur marchande unitaire n'était pas plafonnée et était estimée à 4260 ¿, recevant donc bien la contre-valeur de la richesse nette de Perspectives Habitat, cependant que les actionnaires majoritaires de la société absorbée, également actionnaires majoritaires de la société absorbante, pouvaient à tout moment décider de se distribuer les bénéfices accumulés par Perspectives Habitat, ainsi que la prime de fusion, ou encore de céder à prix non plafonné les actions nouvelles qu'ils avaient reçues, de sorte qu'en se dispensant de répondre à ce moyen des écritures des exposants, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
En ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement dont appel, a débouté les consorts X..., Z..., A..., B..., C..., D... et Y... et la société La Lucernoise de leurs demandes subsidiaires tendant à voir constater et prononcer la nullité des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire de la société Perspectives Habitat du 29 juin 2011 ayant décidé en ses 4ème et 5ème résolutions de modifier le projet de fusion entre les sociétés Perspectives Habitat et Habitation Moderne et d'approuver le projet modifié de fusion et tendant à voir annuler en conséquence la fusion entre ces deux sociétés ;
Aux motifs, premièrement, que si l'assemblée générale ne peut décider une opération de fusion qui n'a pas donné lieu préalablement à l'établissement par le conseil d'administration d'un projet de fusion, cette assemblée, qui est souveraine, peut, sans méconnaître les pouvoirs de ce dernier, approuver la fusion après avoir modifié les conditions de l'opération, notamment pour tenir compte des observations du commissaire à la fusion ; qu'en l'espèce celui-ci avait fait remarquer que si son évaluation des apports ne fait pas apparaître d'écart significatif avec celle du projet de fusion, qui a retenu pour l'actif net de la société Perspectives Habitat une valeur de 73 242 494 euros, une surévaluation ne peut être exclue au regard de l'application éventuelle à l'opération des dispositions de l'article L. 422-11 du code de la construction et de l'habitat qui prohiberait alors une réévaluation des actifs de la société Perspectives Habitat ; qu'au surplus, le conseil d'administration, qui s'était réuni le 29 juin 2011 pour faire le " point sur les modalités d'évaluation des apports au regard notamment des rapports du commissaire à la fusion et des procédures en cours " avait lui-même proposé aux actionnaires de la société d'adopter le projet de fusion en ramenant la valeur de l'actif net apporté à la société absorbante à la somme de 23 149 191 euros conformément aux règles applicables en vertu du texte précité aux fusions entre sociétés anonymes d'habitation à loyer modéré ; que c'est donc sans encourir le grief invoqué par les appelants que l'assemblée générale a décidé d'approuver la fusion sur la base d'une valeur des apports de la société Perspectives Habitat ramenée de 73 242 494 euros à 23 149 191 euros (arrêt attaqué, p. 7 et 8) ;
1°/ Alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 236-1 du code de commerce, R. 236-1 et R. 236-3 du même code, tels qu'ils doivent être interprétés à la lumière de l'article 7, 3. de la directive 2011/ 35/ UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011, que la décision de l'assemblée générale extraordinaire doit porter sur l'approbation (ou le refus) du projet de fusion, tel qu'il a été arrêté par le conseil d'administration, mis à la disposition des actionnaires et publié, de sorte qu'en décidant que l'assemblée pouvait approuver la fusion après avoir modifié ce projet, la cour d'appel a violé par fausse interprétation les dispositions de ces textes ;
Aux motifs deuxièmement que les appelants invoquent ensuite une violation par l'assemblée générale de l'ordre du jour mentionné sur la convocation dès lors que les actionnaires n'ont pas été informés qu'ils devaient délibérer non seulement sur l'approbation du projet de fusion, mais également, et préalablement, sur la décision de modifier le projet de fusion ; que cependant si une assemblée générale ne peut se prononcer que sur les questions inscrites à l'ordre du jour indiqué dans la convocation adressée aux actionnaires, l'assemblée peut valablement délibérer sur des questions non expressément prévues à l'ordre du jour mais qui sont le prolongement normal de celles qui y sont inscrites ; que tel est le cas de la délibération litigieuse dès lors que l'opération de fusion qu'elle a décidée figurait bien sur cet ordre du jour et que la modification de la valeur de l'actif apporté à la société absorbante se rattachait directement à cette question (arrêt attaqué, p. 8, 2ème et 3ème attendus) ;
2°/ Alors que selon l'article L. 225-105, alinéa 3, du code de commerce, sous réserve de la dérogation qu'il prévoit, l'assemblée générale des actionnaires ne peut délibérer sur une question qui n'est pas inscrite à l'ordre du jour ; que selon l'article R. 236-1 du code de commerce, le projet de fusion est arrêté par le conseil d'administration de chacune des sociétés participant à l'opération de fusion projetée ; que selon l'article R 236-3 du même code l'assemblée générale est appelée à se prononcer sur ce projet ; qu'il s'en déduit que toute modification de ce projet doit être soumise au vote de l'assemblée ; qu'en statuant comme elle a fait bien qu'elle eût constaté que l'assemblée générale avait voté une modification de la valeur de l'actif apporté à la société absorbante, telle que proposée par le conseil d'administration, sans que cette question eût été inscrite à l'ordre du jour, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 225-105 du code de commerce ;
Et aux motifs enfin que les appelants soutiennent que les règles relatives à l'information des actionnaires n'ont pas été respectées puisque les documents qui leur ont été remis, à savoir le projet de fusion, le rapport du conseil d'administration et les rapports du commissaire à la fusion ne mentionnaient pas les modifications du projet de fusion sur lesquelles l'assemblée a délibéré ; mais attendu que l'assemblée générale extraordinaire de la société Perspectives Habitat ayant, dans l'exercice de son pouvoir souverain, modifié le projet de fusion qui lui avait été soumis par le conseil d'administration pour tenir compte des observations du commissaire à la fusion, il ne peut être invoqué une violation des règles régissant l'information des actionnaires pour n'avoir pas mis à leur disposition des documents relatifs aux modifications que cette assemblée avait décidé d'adopter quand bien même ces modifications avaient été demandées par le conseil d'administration ; que le grief invoqué par les appelants, qui n'allèguent d'ailleurs pas avoir été empêchés de voter en toute connaissance de cause, n'est donc pas davantage fondé (arrêt attaqué, p. 8, 4ème et 5ème attendus et p. 9, 1er al.) ;
3°/ Alors, d'une part, qu'en statuant comme elle a fait par des motifs revenant à conférer au vote de l'assemblée générale un effet de purge des irrégularités encourues à raison de la méconnaissance des dispositions des articles L. 236-6, L. 236-9 et L. 236-10 du code de commerce relatives à l'information due aux actionnaires sur le projet de fusion qui doit leur être soumis, la cour d'appel en a violé les dispositions par refus d'application ;
4°/ Et alors qu'en opposant aux prétentions des exposants l'objection, à la supposer même opérante, qu'ils n'auraient pas allégué avoir été empêchés de voter en toute connaissance de cause, cependant qu'en réfutation du motif du jugement dont appel tiré de ce que les actionnaires auraient « disposé de l'information nécessaire pour statuer en connaissance de cause », les exposants faisaient précisément valoir que cette motivation payait tribut à l'erreur dès lors que les documents ayant été remis aux actionnaires de la société Perspectives Habitat ne mentionnaient pas les modifications du projet de fusion sur lesquels l'assemblée avait délibéré, la cour d'appel qui a dénaturé les conclusions des exposants, et a partant méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-11680
Date de la décision : 06/10/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOCIETE COMMERCIALE (règles générales) - Fusion - Fusion-absorption - Projet arrêté par les organes sociaux - Modification - Assemblées générales des actionnaires - Pouvoirs - Détermination

Les assemblées générales des actionnaires des sociétés qui participent à une opération de fusion peuvent, sans méconnaître les pouvoirs des organes sociaux ayant arrêté le projet de fusion, approuver la fusion après avoir modifié les conditions de l'opération, notamment pour tenir compte des observations du commissaire à la fusion


Références :

Sur le numéro 1 : articles L. 422-11 et L. 423-4 du code de la construction et de l'habitation
Sur le numéro 1 : articles L. 422-11 et L. 423-4 du code de la construction et de l'habitation

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 12 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 oct. 2015, pourvoi n°14-11680, Bull. civ. 2016, n° 837, Com., n° 330
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 837, Com., n° 330

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat général : Mme Pénichon
Rapporteur ?: M. Fédou
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.11680
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