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09/09/2015 | FRANCE | N°14-13641

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 septembre 2015, 14-13641


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 juillet 2013), qu'une juridiction de Guernesey a, par décision du 17 juillet 2009, condamné M. X... à payer diverses sommes à la société Classic Cruising Limited ; que, par acte du 21 septembre 2010, celle-ci l'a assigné pour que soit prononcé l'exequatur du jugement étranger ;
Attendu que la société Classic Cruising Limited fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résultait de l

'attestation du juge de Guernesey que M. X... avait présenté une défense fondé...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 juillet 2013), qu'une juridiction de Guernesey a, par décision du 17 juillet 2009, condamné M. X... à payer diverses sommes à la société Classic Cruising Limited ; que, par acte du 21 septembre 2010, celle-ci l'a assigné pour que soit prononcé l'exequatur du jugement étranger ;
Attendu que la société Classic Cruising Limited fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résultait de l'attestation du juge de Guernesey que M. X... avait présenté une défense fondée pour l'essentiel sur des exceptions procédurales et quant au fond sur la simple dénégation des faits, et qu'il s'était vu enjoint par le juge à plusieurs reprises d'établir la réalité des exceptions et de développer une argumentation sur le fond ; qu'en statuant par des motifs inexacts quant aux conditions dans lesquelles la décision du juge de Guernesey a été rendue, qu'elle a à tort considéré être une décision par défaut, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile ;
2°/ que dans son attestation le juge de Guernesey précisait qu'à plusieurs reprises il avait enjoint à M. X... de développer sa défense sur le fond parce qu'il se bornait à nier les faits, que ce dernier s'en était abstenu, et qu'en considération de l'absence de réponse sur le fond il avait accueilli la demande de la société Classic Cruising Limited ; qu'en se fondant sur la considération, elle aussi inexacte, que le juge de Guernesey s'était déterminé exclusivement sur le défaut de comparution de M. X..., la cour d'appel a de plus fort privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en toute hypothèse, aux termes de son attestation le juge de Guernesey avait fait droit à la demande de la société Classic Cruising Limited parce que M. X..., outre les exceptions procédurales qu'il avait soulevé, sur le fond s'était borné à dénier les faits sans y apporter de réponse, et non pas parce que le défendeur n'aurait pas comparu ; qu'en affirmant que selon cette attestation le juge de Guernesey s'était déterminé exclusivement sur le défaut de comparution de M. X..., la cour d'appel a dénaturé ladite attestation et violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ que la société Classic Cruising Limited soulignait que le premier juge avait commis une erreur de droit en refusant l'exequatur au prétexte que la décision étrangère n'avait pas fait l'objet d'une signification par voie d'huissier à M. X...avec indication des voies de recours, et qu'il importait peu qu'elle ait été portée à sa connaissance par voie électronique ; qu'en confirmant le jugement entrepris sans répondre à ce moyen d'infirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que l'ordre public international procédural n'exige pas, au cas où le défendeur a eu connaissance de l'instance étrangère, que la signification soit faite à partie et comporte l'indication des voies de recours ; qu'à supposer qu'elle ait adopté le motif du premier juge selon lequel la décision du juge de Guernesey aurait dû faire l'objet d'une signification par voie d'huissier à M. X...avec indication des voies de recours sans qu'il importe qu'elle ait été portée à sa connaissance par voie électronique, la cour d'appel a commis une erreur de droit et violé l'article 509 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir souverainement estimé, hors toute dénaturation, qu'aucun document de nature à servir à la motivation défaillante n'avait été produit, l'attestation du juge de Guernesey n'étant pas de nature à en constituer un, la cour d'appel en a exactement déduit que cette décision étrangère n'était pas conforme à la conception française de l'ordre public international de procédure ; que le moyen, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les trois premières branches, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Classic Cruising Limited aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la société Classic Cruising Limited
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a constaté que la lecture du jugement rendu par la juridiction de Guernesey démontre qu'il est exempt de toute motivation et qu'il ne fait référence à aucun élément probant produit par la société CLASSIC CRUISING LIMITED, et ayant permis au magistrat de fonder sa décision, dit qu'en conséquence le-jugement du 17 juillet 2009 de la Cour royale de Guernesey, n'est pas conforme à l'ordre public international de procédure français, constaté que la société CLASSIC CRUISING LIMITED ne justifie de la délivrance à Monsieur Inigo X... d'aucun acte de signification équivalent aux conditions prévues par les dispositions légales ou réglementaires en vigueur en droit privé international de procédure français, dit que l'exequatur ne peut être accordé : à. une décision étrangère devenue définitive sans avoir été signifiée, dit que, le fait que le jugement du 17 juillet 2009 aurait été porté. à la connaissance de Monsieur Inigo X... par voie. de courrier électronique ne saurait constituer un mode de signification conforme aux dispositions du droit privé international de procédure français, dit qu'en conséquence le jugement du 17 juillet 2009 de la Cour royale de Guernesey n'est pas-conforme à l'ordre public international de procédure français, et débouté la société CLASSIC CRUISING LIMITED de sa demande d'exequatur du jugement du17- juillet 2009 de la Cour royale de Guernesey ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'appelant reproche à ladite décision de s'être fondée sur l'absence de signification équivalent aux conditions prévues par les dispositions en vigueur en droit privé international de procédure et sur l'absence de motivation alors qu'aujourd'hui la signification par voie électronique n'est pas contraire à la conception française de l'ordre international de procédure et que, d'autre part, ont été produits devant le Juge de Guernesey des documents comprenant les écritures du demandeur et ses pièces équivalents à la motivation ; que sur ce dernier point, si la conception française de l'ordre public international n'interdit pas l'exequatur d'une décision étrangère non motivée, encore faut-il qu'aient été produits devant celle-ci des documents de nature à servir d'équivalent à la motivation défaillante ; qu'en l'espèce c'est en vain que l'appelant croit pouvoir se prévaloir de l'attestation qu'il a obtenue du Juge de Guernesey (pièce n° 12) dès lors que celui-ci indique qu'il s'est déterminé exclusivement sur le défaut de comparution de Monsieur X... et non sur des documents probants qu'aurait produit le demandeur ; qu'il convient dans ces conditions de confirmer la décision querellée » ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « sur l'absence de motivation du jugement, non suppléée par des éléments équivalents, l'article. 455 du code de procédure civile énonce que " le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet : exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif " ; que l'article 472 du code de procédure civile dispose que : " si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée " ; que selon une jurisprudence constante, la Cour de cassation affirme " qu'est contraire à la conception française de l'ordre public international la reconnaissance d'une décision étrangère non motivée lorsque ne sont pas produits des documents de nature à servir d'équivalent à la motivation défaillante " ; que la lecture du jugement rendu par la juridiction de Guernesey démontre qu'il est exempt de toute motivation et qu'il ne fait référence à aucun élément probant produit par la société CLASSIC CRUISING LIMITED, et ayant permis au magistrat de fonder sa décision ; qu'à ce titre ce jugement n'est donc pas conforme à l'ordre public international dc procédure français ; que sur l'absence de signification du jugement et l'opportunité d'exercer une voie de recours, l'article 675 du code de procédure civile énonce que les jugements sont notifiés par voie de signification à moins que la loi n'en dispose autrement ; que l'article 680 du même code prévoit que l'acte de notification d'un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d'opposition, d'appel de pourvoi en cassation, dans les cas où l'une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; qu'il est incontestable que l'exequatur ne saurait être accordé à une décision étrangère devenue définitive sans avoir été signifiée ; qu'en l'espèce la société CLASSIC CRUISING LIMITED ne justifie de la délivrance à Monsieur Inigo X... d'aucun acte de signification équivalent aux conditions prévues par les dispositions précitées ; que le fait que le jugement du 17 juillet 2009 aurait été porté à la connaissance de Monsieur Inigo X... par voie de courrier électronique ne saurait constituer un mode de signification conforme aux dispositions du droit privé international de procédure français ; qu'en conséquence, la société CLASSIC CRUISING LIMITED doit être déboutée de la demande qu'elle a présentée et tendant à l'exequatur du jugement du 17 juillet 2009 de la Cour Royale de Guernesey » ;
ALORS premièrement QU'il résultait de l'attestation du juge de Guernesey que Monsieur X... avait présenté une défense fondée pour l'essentiel sur des exceptions procédurales et quant au fond sur la simple dénégation des faits, et qu'il s'était vu enjoint par le juge à plusieurs reprises d'établir la réalité des exceptions et de développer une argumentation sur le fond ; qu'en statuant par des motifs inexacts quant aux conditions dans lesquelles la décision du juge de Guernesey a été rendue, qu'elle a à tort considéré être une décision par défaut, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile ;
ALORS deuxièmement QUE dans son attestation le juge de Guernesey précisait qu'à plusieurs reprises il avait enjoint à Monsieur X... de développer sa défense sur le fond parce qu'il se bornait à nier les faits, que ce dernier s'en était abstenu, et qu'en considération de l'absence de réponse sur le fond il avait accueilli la demande de la société CLASSIC CRUISING LIMITED ; qu'en se fondant sur la considération, elle aussi inexacte, que le juge de Guernesey s'était déterminé exclusivement sur le défaut de comparution de Monsieur X..., la cour d'appel a de plus fort privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile ;
ALORS troisièmement QU'en toute hypothèse, aux termes de son attestation le juge de Guernesey avait fait droit à la demande de la société CLASSIC CRUISING LIMITED parce que Monsieur X..., outre les exceptions procédurales qu'il avait soulevé, sur le fond s'était borné à dénier les faits sans y apporter de réponse, et non pas parce que le défendeur n'aurait pas comparu ; qu'en affirmant que selon cette attestation le juge de Guernesey s'était déterminé exclusivement sur le défaut de comparution de Monsieur X..., la cour d'appel a dénaturé ladite attestation et violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS quatrièmement QUE la société CLASSIC CRUISING LIMITED soulignait que le premier juge avait commis une erreur de droit en refusant l'exequatur au prétexte que la décision étrangère n'avait pas fait l'objet d'une signification par voie d'huissier à Monsieur X...avec indication des voies de recours, et qu'il importait peu qu'elle ait été portée à sa connaissance par voie électronique (conclusions, p. 6) ; qu'en confirmant le jugement entrepris sans répondre à ce moyen d'infirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS cinquièmement QUE l'ordre public international procédural n'exige pas, au cas où le défendeur a eu connaissance de l'instance étrangère, que la signification soit faite à partie et comporte l'indication des voies de recours ; qu'à supposer qu'elle ait adopté le motif du premier juge selon lequel la décision du juge de Guernesey aurait dû faire l'objet d'une signification par voie d'huissier à Monsieur X...avec indication des voies de recours sans qu'il importe qu'elle ait été portée à sa connaissance par voie électronique, la cour d'appel a commis une erreur de droit et violé l'article 509 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-13641
Date de la décision : 09/09/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Reconnaissance ou exequatur - Conditions - Absence de contrariété à l'ordre public international - Conformité à l'ordre public international de procédure - Caractérisation - Défaut - Cas - Décision étrangère non motivée - Absence d'autre document de nature à servir à la motivation défaillante de celle-ci - Appréciation souveraine

POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Conflit de juridictions - Effets internationaux des jugements - Reconnaissance ou exequatur - Conditions - Absence de contrariété à l'ordre public international - Caractérisation - Défaut - Cas - Décision étrangère non motivée - Absence d'autre document de nature à servir à la motivation défaillante de celle-ci

Une cour d'appel qui estime, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et hors toute dénaturation, qu'aucun document de nature à servir à la motivation défaillante d'une décision étrangère n'a été produit, en déduit exactement que cette décision n'est pas conforme à la conception française de l'ordre public international de procédure


Références :

article 509 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 02 juillet 2013

Sur la nécessité pour une décision étrangère de se conformer à la conception française de l'ordre public international de procédure afin d'obtenir l'exequatur, à rapprocher : 1re Civ., 29 janvier 2014, pourvoi n° 12-28953, Bull. 2014, I, n° 14 (cassation)

arrêt cité. Sur la contrariété d'une décision étrangère non motivée à la conception française de l'ordre public international de procédure, en l'absence d'autre document de nature à servir à la motivation défaillante de celle-ci, à rapprocher : 1re Civ., 9 octobre 1991, pourvoi n° 90-13449, Bull. 1991, I, n° 251 (rejet)

arrêt cité ;

1re Civ., 22 octobre 2008, pourvoi n° 06-15577, Bull. 2008, I, n° 234 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 sep. 2015, pourvoi n°14-13641, Bull. civ. 2016, n° 835, 1re Civ., n° 112
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 835, 1re Civ., n° 112

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Bernard de La Gatinais (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Matet
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Foussard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.13641
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