LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 11 mars 2014), que Mme X... a confié à la société Cabinet Bidault le soin de rechercher un acquéreur pour son fonds de commerce de pharmacie ; qu'après la vente du bien, la société Cabinet Bidault a assigné Mme X... en paiement de la rémunération convenue aux termes du contrat de mandat ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité du contrat de mandat conclu avec la société Cabinet Bidault, alors, selon le moyen, qu'est protégé par les dispositions consuméristes relatives au démarchage à domicile, l'exploitant d'un fonds de commerce qui entend confier la vente de son fonds à un agent immobilier qui lui fait signer un mandat de vente à son domicile ou sur son lieu de travail ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait régulièrement valoir dans ses conclusions d'appel que le mandat de vente de son fonds de commerce, que lui avait fait signer la société Cabinet Bidault à son domicile, était dépourvu du formulaire détachable de rétractation prévu par la loi à peine de nullité du contrat et qu'en tout état de cause la société Cabinet Bidault n'aurait dû entreprendre aucune diligence avant l'expiration du délai de sept jours suivant la conclusion du mandat de vente ; qu'en jugeant néanmoins que la vente d'un fonds de commerce est en rapport direct avec l'activité de son exploitant, de sorte que les dispositions d'ordre public du code de la consommation ne sauraient bénéficier à Mme X..., pharmacienne, la cour d'appel a violé l'article L. 121-22, 4° du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable ;
Mais attendu que l'arrêt retient à juste titre que, pour un commerçant, la vente de son fonds de commerce est en rapport direct avec son activité, de sorte que l'opération est exclue du champ d'application de l'article L. 121-22 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du n° 2014-344 du 17 mars 2014 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt de la condamner à payer diverses sommes à la société Cabinet Bidault, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, en retenant d'office que Mme X... ne produisait pas le mandat de vente qu'elle avait conclu avec l'agence d'Officine en officine, de sorte qu'elle ne rapportait pas la preuve d'un tel mandat, sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de ce contrat de mandat qui figurait pourtant dans le bordereau de pièces annexées aux dernières conclusions de Mme X..., et dont la communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en cas de perte de chance, la réparation du dommage ne peut être que partielle ; qu'en l'espèce, en jugeant que la société Cabinet Bidault avait perdu « une chance de percevoir sa commission d'intermédiaire ce qui lui a occasionné un préjudice financier », tout en condamnant pourtant Mme X... à verser à la société Cabinet Bidault un montant supérieur à ce qu'aurait été celui de la commission si la vente s'était conclue par son entremise, la cour d'appel a ouvertement violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que ce moyen critique, en sa première branche, un motif surabondant, ensuite, qu'il manque en fait en sa seconde, aucun élément du débat ne permettant d'établir que l'indemnité allouée à l'agent immobilier serait d'un montant supérieur à celui de la commission prévue au mandat ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X..., condamne celle-ci à payer à la société Cabinet Bidault la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Madame X... de sa demande en nullité du contrat de mandat conclu avec le Cabinet Bidault et de l'avoir condamnée à verser au Cabinet Bidault la somme de 68.770 euros majorée des intérêts légaux à compter de l'opposition du 31 août 2011, outre celle de 534,19 euros correspondant aux frais d'actes, et la capitalisation des intérêts ;
Aux motifs que, « Considérant que Mme X... prétend que les dispositions d'ordre public des articles L. 121-23 , L. 121-24 et L. 121-25 du code de la consommation seraient applicables en l'espèce dans la mesure où la société Cabinet Bidault s'est déplacée à son domicile pour lui faire signer le contrat ; que par référence à ces dispositions, elle invoque la nullité du contrat au motif que la société Cabinet Bidault a entrepris des démarches le jour même de la signature du mandat alors qu'aucune diligence ne pouvait être entreprise avant l'expiration du délai de sept jours prévu par ces textes, d'une part, que l'exemplaire du contrat est dépourvu de formulaire détachable, d'autre part ;
Considérant que la société Cabinet Bidault prétend cependant à bon droit que les dispositions précitées n'ont pas vocation à s'appliquer, conformément à l'article L. 121-22 4° du même code lequel prévoit que sont exclues de leur champ d'application, « les ventes, locationsventes ou les prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession » ;
Considérant qu'il est en effet de jurisprudence constante que pour un commerçant, normalement avisé de la valeur de son fonds et de l'intérêt présenté par l'opération, la vente de celui-ci est en rapport direct avec l'activité exercée dans le cadre de l'exploitation dudit fonds ; que tel étant bien le cas en l'espèce, ce moyen sera rejeté » ;
Alors qu'est protégé par les dispositions consuméristes relatives au démarchage à domicile, l'exploitant d'un fonds de commerce qui entend confier la vente de son fonds à un agent immobilier qui lui fait signer un mandat de vente à son domicile ou sur son lieu de travail ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait régulièrement valoir dans ses conclusions d'appel que le mandat de vente de son fonds de commerce, que lui avait fait signer le Cabinet Bidault à son domicile, était dépourvu du formulaire détachable de rétractation prévu par la loi à peine de nullité du contrat et qu'en tout état de cause le Cabinet Bidault n'aurait dû entreprendre aucune diligence avant l'expiration du délai de sept jours suivant la conclusion du mandat de vente (conclusions, p. 5 et s.) ; qu'en jugeant néanmoins que la vente d'un fonds de commerce est en rapport direct avec l'activité de son exploitant, de sorte que les dispositions d'ordre public du code de la consommation ne sauraient bénéficier à Mme X..., pharmacienne, la Cour d'appel a violé l'article L. 121-22, 4° du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Mme X... à verser au Cabinet Bidault la somme de 68.770 euros majorée des intérêts légaux à compter de l'opposition du 31 août 2011, outre celle de 534,19 euros correspondant aux frais d'actes, et la capitalisation des intérêts ;
Aux motifs que, « Considérant que pour revendiquer le bénéfice d'un droit à rémunération, la société Cabinet Bidault prétend que l'information donnée à M. Y... aurait été déterminante de la rencontre des volontés et de la décision réciproque de cession dans la dans la mesure où sans cette information, les parties au contrat de vente n'auraient jamais été amenées à s'identifier et à connaître leurs intentions respectives pour se rencontrer et contracter ;
Considérant que la société Cabinet Bidault entend rappeler les dispositions contractuelles aux termes desquelles Mme X... s'interdisait de :
« Pendant la durée du mandat et pendant la période suivant son expiration indiquée ou recto, de traiter directement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou à visiter les locaux avec lui.
En cas de non-respect des obligations énoncées ci avant, il (le mandant) s'oblige expressément à verser au mandataire en vertu des articles 1142 et 1152 du Code civil une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue au recto » ;
Considérant qu'il est constant et non contesté que c'est bien la société Cabinet Bidault qui a, donné à M. Y... l'information relative à la mise en vente du fonds de commerce de Mme X... ; que le fichier clients de la société Cabinet Bidault a ainsi permis la découverte d'un acquéreur potentiel ; qu'il doit être souligné que la société Cabinet Bidault a fait preuve d'une particulière diligence en contactant le jour même cet acquéreur potentiel ;
Considérant qu'il se déduit de ces éléments, des réticences de Mme X... et de la déclaration de M. Y... qu'après avoir obtenu la communication de l'information par la société Cabinet Bidault, M. Y... s'est rapproché de Mme X... pour arrêter un prix d'achat, excluant tout paiement de commission par l'une outre les parties ; que dans ces conditions, il va de soi que la société Cabinet Bidault ne pouvait entreprendre aucune démarche postérieure à cette prise de contact ;
Considérant que dûment informée par la société Cabinet Bidault au moyen de l'envoi de la liste que M. Y... avait été renseigné de l'offre de vente par son intermédiaire, Mme X... ne pouvait poursuivre les négociations avec ce dernier à l'insu du mandataire ; que force est de constater que Mme X... d a pas tiré de cette information les conséquences qui s'imposaient ;
Considérant par voie de conséquence, qu'il est démontré que la société Cabinet Bidault a effectivement présenté, adressé ou indiqué à Mme X... en exécutant ainsi une prestation à la charge du mandataire contractuellement prévue ; que cette invention a été déterminante de la conclusion du contrat dans la mesure où le fonds a été très rapidement acheté après la divulgation de cette information, sans aucune difficulté, sur la base des conditions de prix du mandat ;
Considérant que Mme X... invoque l'existence d'un autre mandat conclu le dimanche 2 janvier 2011 avec l'agence d'OFFICINE EN OFFICINE sans pour autant produire le contrat de mandat, se bornant à verser aux débats les factures de l'agence ainsi que le compromis de vente mentionnant son intervention ; que surtout elle ne procède à aucune articulation de faits propres à démontrer que cette agence serait à l'origine de l'information déterminante communiquée à M. Y... ; que ce moyen est sans portée ;
Considérant que l'éviction de la société Cabinet Bidault de la vente résulte d'une collusion entre la venderesse et l'acquéreur pour se soustraire au paiement de la commission due à l'agence intermédiaire ; que cette éviction et ces circonstances constituent une faute du mandant dans l'exécution loyale de ses obligations contractuelles; que le comportement fautif de la venderesse a fait perdre à la société Cabinet Bidault une chance de percevoir sa commission d'intermédiaire ce qui lui a occasionné un préjudice financier que la Cour est en mesure d'évaluer, au vu des justificatifs produits, à la somme de 68.770 ¿ majoré des intérêts légaux à compter de l'opposition formée le 31 août 2011 outre la somme de 534,19 euros correspondant aux frais d'actes ; que conformément à la demande de la société Cabinet Bidault, la capitalisation des intérêts sera ordonnée» ;
Alors que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'en l'espèce, en retenant d'office que Mme X... ne produisait pas le mandat de vente qu'elle avait conclu avec l'agence d'Officine en Officine, de sorte qu'elle ne rapportait pas la preuve d'un tel mandat, sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de ce contrat de mandat qui figurait pourtant dans le bordereau de pièces annexées aux dernières conclusions de Mme X..., et dont la communication n'avait pas été contestée, la Cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors que, subsidiairement, en cas de perte de chance, la réparation du dommage ne peut être que partielle ; qu'en l'espèce, en jugeant que le Cabinet Bidault avait perdu « une chance de percevoir sa commission d'intermédiaire ce qui lui a occasionné un préjudice financier », tout en condamnant pourtant Mme X... à verser au Cabinet Bidault un montant supérieur à ce qu'aurait été celui de la commission si la vente s'était conclue par son entremise, la Cour d'appel a ouvertement violé l'article 1147 du code civil.