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17/06/2015 | FRANCE | N°14-17536

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 juin 2015, 14-17536


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 11 juin 2013, le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Rouen a adopté trois délibérations relatives à la souscription, à titre collectif, à compter du 1er juillet suivant, d'un contrat d'assurance « perte de collaboration » financé par l'ordre sur le budget des oeuvres sociales ; que faisant valoir que la décision d'imposer à tous les avocats du barreau de participer, par leurs cotisations, au financement d'une assurance au bénéfice des seuls avocats colla

borateurs libéraux, portait atteinte au caractère indépendant et li...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 11 juin 2013, le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Rouen a adopté trois délibérations relatives à la souscription, à titre collectif, à compter du 1er juillet suivant, d'un contrat d'assurance « perte de collaboration » financé par l'ordre sur le budget des oeuvres sociales ; que faisant valoir que la décision d'imposer à tous les avocats du barreau de participer, par leurs cotisations, au financement d'une assurance au bénéfice des seuls avocats collaborateurs libéraux, portait atteinte au caractère indépendant et libéral de la profession et rompait l'égalité entre les avocats, Mme X... et M. Y..., avocats, ont formé un recours en annulation de ces délibérations ; que le syndicat des avocats de France est intervenu volontairement aux débats ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'ordre des avocats fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours en annulation, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que, dans leur recours en date du 4 octobre 2013, Mme X... et M. Y... ont visé « la délibération du conseil de l'ordre du 11 juin 2013 » ; que, dans leur courrier en date du 12 août 2013 adressé à l'ordre des avocats de Rouen, ils ont aussi visé « la délibération du conseil de l'ordre du 11 juin 2013 » ; qu'en énonçant cependant, pour déclarer leur recours recevable, qu'ils ont entendu viser l'ensemble des délibérations prises le 11 juin 2013, la cour d'appel, qui a dénaturé le courrier en date du 12 août 2013 et le recours formé par Mme X... et M. Y..., a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ qu'aux termes de l'article 15 du décret du 27 novembre 1991, lorsqu'un avocat s'estimant lésé dans ses intérêts professionnels par une délibération ou une décision du conseil de l'ordre entend la déférer à la cour d'appel, conformément au deuxième alinéa de l'article 19 de la loi du 31 décembre 1971, il saisit préalablement de sa réclamation le bâtonnier par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans le délai de deux mois à compter de la date de notification ou de publication de la délibération ou de la décision ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que le recours formé par Mme X... et M. Y... avait pour seul objet une délibération du conseil de l'ordre en date du 11 juin 2013 bien que ce soit une délibération du 13 novembre 2012 qui avait adopté le principe de la souscription d'une assurance « perte de collaboration » ; qu'en retenant cependant, pour déclarer recevable le recours, que la délibération de principe du 13 novembre 2012 était insuffisante pour permettre la mise en oeuvre du contrat d'assurance perte de collaboration, tout en ayant constaté qu'il s'agissait d'une délibération de principe, et donc la délibération ayant permis la souscription de cette assurance, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;
Mais attendu, d'abord, que c'est par une interprétation, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté de la lettre adressée par Mme X... et M. Y... rendait nécessaire, que la cour d'appel a estimé que le recours portait sur l'ensemble des délibérations du 11 juin 2013 relatives à la garantie « perte de collaboration », lesquelles étaient indissociables ;
Attendu, ensuite, qu'ayant constaté que la délibération précédente du 13 novembre 2012, si elle retenait le principe de la souscription de la garantie litigieuse, était insuffisante pour en permettre la mise en oeuvre, la cour d'appel a pu en déduire qu'aucune décision définitive n'avait été prise, ce qui rendait recevable le recours contre les délibérations adoptant le contrat d'assurance et son mode de financement ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen, pris en ses première, quatrième et cinquième branches :
Vu les articles 1, I, alinéa 3, et 17, 6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble le principe d'égalité ;
Attendu que le conseil de l'ordre d'un barreau peut, sans excéder ses pouvoirs, décider de souscrire une assurance collective « perte de collaboration », financée par l'ordre au titre des oeuvres sociales, s'agissant d'une mesure de solidarité qui ne porte pas atteinte au principe d'égalité, dès lors qu'elle est justifiée par les conditions particulières d'exercice de la profession d'avocat qu'impose le statut de collaborateur et qu'elle n'est pas disproportionnée au regard des objectifs poursuivis ;
Attendu que, pour annuler les délibérations du conseil de l'ordre, l'arrêt retient que le choix de soumettre tous les avocats du barreau à l'obligation de participer au financement d'une assurance, en collectivisant le risque lié à la perte de collaboration, est de nature à porter atteinte au caractère libéral et indépendant de la profession d'avocat et introduit une rupture d'égalité entre ceux-ci ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;
Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule les délibérations du conseil de l'ordre des avocats au barreau de Rouen du 11 juin 2013, l'arrêt rendu le 19 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande d'annulation des délibérations du 11 juin 2013 ;
Condamne Mme X... et M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... et M. Y... à payer à l'ordre des avocats au barreau de Rouen la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour l'ordre des avocats du barreau de Rouen.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR déclaré recevable le recours en annulation de Monsieur Frédéric Y... et de Madame Marie-Laure X... à l'encontre de la délibération du Conseil de l'Ordre en date du 11 juin 2013 ;
AUX MOTIFS QUE « pour conclure à l'irrecevabilité du recours en annulation des dispositions de la délibération du conseil de l'ordre de Rouen du 11 juin 2013 en ce qu'elle autorise la souscription d'une assurance collective " perte de collaboration ", le conseil de l'ordre et le SAF font valoir : que le principe de l'adhésion à un contrat d'assurance garantissant la perte de collaboration a été adopté non le 11 juin 2013 mais le 13 novembre 2012 par le vote de la délibération suivante : " à l'issue des débats et des points de vue échangés, Monsieur le bâtonnier propose au Conseil de l'ordre de retenir le principe de la souscription à titre collectif de la garantie perte de collaboration pour l'ordre des avocats du barreau de Rouen, en sollicitant de la SCB des précisions, afin que soit affiné l'examen du risque assuré. Le Conseil de l'ordre a émis un avis favorable au terme du vote suivant... ", que cette délibération et les trois délibérations du 11 juin 2013, mettant en oeuvre la précédente, ont été portées simultanément à la connaissance de l'ensemble des avocats du barreau de Rouen par circulaire du 24 juin 2013, que le recours des deux avocats requérants, tant devant le conseil de l'Ordre aux fins de rétractation que devant la cour, ne vise que la " délibération sur l'assurance perte de collaboration en date du 11 juin 2013 ", sans que soit précisée laquelle des trois délibérations rendues à la même date est attaquée ; que le conseil de l'ordre et le SAF en déduisent que tout recours visant à obtenir l'annulation d'" une délibération sur l'assurance perte de collaboration " est irrecevable ; que, toutefois, il résulte tant de la lettre du 12 août 2013 susvisée adressée à l'ordre des avocats de Rouen que de la décision annexée au recours formé le 7 octobre 2013 devant la cour que Monsieur Y... et Madame X... ont entendu viser l'ensemble des délibérations prises le 11 juin 2013, qui concernent, aux dires mêmes du conseil de l'ordre, la mise en oeuvre de la délibération antérieure ; qu'au surplus, la remise en cause de la délibération relative à l'adoption du contrat suppose nécessairement celle des dispositions relatives à son financement et à sa date de mise en oeuvre ; que d'autre part il résulte de la délibération antérieure du 13 novembre 2012, dont le texte est intégralement repris ci-dessus, que le contrat n'était pas finalisé et que le vote visait à permettre de solliciter des précisions auprès de la SCB, afin qu'un contrat déterminé soit adopté ultérieurement ; que les délibérations du 11 juin 2013 le confirment puisque le texte du contrat est adopté après amendement de l'article 11 et que des modalités aussi importantes que le mode de financement et la date de mise en oeuvre sont précisées ; qu'en ayant suspendu l'application du contrat litigieux ainsi qu'il le précise en page 4 de ses conclusions, le conseil de l'ordre a d'ailleurs admis implicitement que la délibération de principe du 13 novembre 2012 était insuffisante pour permettre la mise en oeuvre du contrat d'assurance perte de collaboration ; qu'il s'ensuit que le recours de Monsieur Y... et de Madame X..., qui vise les délibérations du 11 juin 2013 ayant adopté le contrat d'assurance perte de collaboration et précisé son mode de financement ainsi que la date de mise en oeuvre, doit être déclaré recevable » ;
1°/ ALORS, d'une part, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que, dans leur recours en date du 4 octobre 2013, Maître Marie-Laure X... et Maître Frédéric Y... ont visé « la délibération du Conseil de l'ordre du 11 juin 2013 » ; que, dans leur courrier en date du 12 août 2013 adressé à l'Ordre des avocats de Rouen, ils ont aussi visé « la délibération du Conseil de l'Ordre du 11 juin 2013 » ; qu'en énonçant cependant, pour déclarer leur recours recevable, qu'ils ont entendu viser l'ensemble des délibérations prises le 11 juin 2013, la cour d'appel, qui a dénaturé le courrier en date du 12 août 2013 et le recours formé par Maître Marie-Laure X... et Maître Frédéric Y..., a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ ALORS, d'autre part, QU'aux termes de l'article 15 du décret du 27 novembre 1991, lorsqu'un avocat s'estimant lésé dans ses intérêts professionnels par une délibération ou une décision du conseil de l'ordre entend la déférer à la cour d'appel, conformément au deuxième alinéa de l'article 19 de la loi du 31 décembre 1971, il saisit préalablement de sa réclamation le bâtonnier par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans le délai de deux mois à compter de la date de notification ou de publication de la délibération ou de la décision ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que le recours formé par Maître Marie-Laure X... et Maître Frédéric Y... avait pour seul objet une délibération du Conseil de l'Ordre en date du 11 juin 2013 bien que ce soit une délibération du 13 novembre 2012 qui avait adopté le principe de la souscription d'une assurance « perte de collaboration » ; qu'en retenant cependant, pour déclarer recevable le recours, que « la délibération de principe du 13 novembre 2012 était insuffisante pour permettre la mise en oeuvre du contrat d'assurance perte de collaboration, tout en ayant constaté qu'il s'agissait d'une délibération de principe, et donc la délibération ayant permis la souscription de cette assurance, la cour d'appel a violé la disposition susvisée.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR annulé la délibération du conseil de l'ordre des avocats de Rouen en date du 11 juin 2013 ayant autorisé la souscription d'une assurance collective « perte de collaboration » ;
AUX MOTIFS QUE « pour conclure au rejet du recours en annulation, le conseil de l'Ordre souligne que la cour d'appel est le juge de la légalité de la décision attaquée et non de l'opportunité de cette décision ; qu'il expose que 21, 1 % des avocats rouennais ont le statut de collaborateur libéral, statut précaire puisqu'il peut être mis fin à la collaboration sans aucun motif, à tout moment, sous réserve d'un délai de prévenance ; que le conseil soutient que la décision critiquée est compatible avec la nature libérale de l'activité d'avocat, les valeurs libérales de la profession d'avocat ne s'attachant pas à une prise de risque ou à un esprit d'entreprise mais seulement à son mode d'exercice indépendant de son client et à la nature de sa prestation, un service intellectuel ; qu'il conteste également qu'il soit ainsi porté atteinte à l'égalité entre les avocats et fait valoir qu'il s'agit, durant les premiers mois suivant la perte de la collaboration, de permettre à un confrère avocat, en règle générale débutant dans la profession, d'éviter d'accepter, sous pression professionnelle et financière, une collaboration aux conditions parfois peut-être abusives ou de s'installer sans les ressources nécessaires à assurer la pérennité de son exercice ; que le conseil fait valoir que la délibération attaquée a été prise en application de l'article 17-6° de la loi, qui lui donne pouvoir "... d'administrer et d'utiliser ces ressources pour assurer les secours, allocations ou avantages quelconques attribués à ses membres... d'en répartir les charges entre ses membres... " ; que le SAF s'associe sur le fond aux moyens développés par le conseil de l'ordre ; que, toutefois, il résulte de l'article 29 de la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives que " les professions libérales groupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité de nature généralement civile ayant pour objet d'assurer, dans l'intérêt du client ou du public, des prestations principalement intellectuelles, techniques ou de soins mises en oeuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées et dans le respect de principes éthiques ou d'une déontologie professionnelle, sans préjudice des dispositions législatives applicables aux autres formes de travail indépendant " ; que, plus spécifiquement, le caractère libéral de la profession d'avocat, qui est consacré par l'article I. 1 alinéa 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, fait référence d'une part à l'indépendance de l'avocat tant par rapport à l'Etat que par rapport à ses clients, personnes morales ou physiques, mais aussi d'autre part à sa liberté et à sa responsabilité dans l'exercice de ses fonctions, sous la seule réserve du contrôle exercé par l'ordre sur l'accès et l'exercice de la profession aux termes de la loi ; qu'il s'ensuit qu'aucune charge non rendue obligatoire par la loi ou par la réglementation de la profession ne peut être imposée à l'avocat libéral ; que les collaborateurs libéraux disposent de la même indépendance en application de l'article 7 de la loi de 1971 renvoyant à l'article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, dont il résulte que " le collaborateur libéral exerce son activité professionnelle en toute indépendance, sans lien de subordination " ; que le choix d'imposer à tous les avocats du barreau de Rouen de participer par leurs cotisations et les ressources de l'ordre au financement d'une assurance non imposée par la loi est de nature à contredire le caractère indépendant et libéral de la profession, en collectivisant le risque lié à la perte de collaboration, inhérent au caractère libéral du statut d'avocat collaborateur, pour le faire supporter par l'ensemble de la profession ; qu'au surplus, l'octroi de cet avantage aux avocats collaborateurs, alors que les autres avocats libéraux, exerçant à titre individuel ou en qualité d'avocats associés, n'en disposent pas, introduit une rupture d'égalité, non prévue par la loi, dans l'exercice de la profession ; que si l'article 17-6° de la loi de 1971 permet au conseil de l'ordre de traiter toute question intéressant l'exercice de la profession et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'à la protection de leurs droits et notamment d'administrer et d'utiliser les ressources de l'ordre pour assurer les secours, allocations ou avantages quelconques attribués à ses membres ou anciens membres, ces pouvoirs ne peuvent être exercés que sous réserve du respect des règles de la profession d'avocat ; que la délibération litigieuse, non compatible avec le caractère libéral et indépendant de la profession pour les motifs ci-dessus exposés, sera en conséquence annulée » ;
1°/ ALORS, d'une part, QU'aux termes de l'article 1, I, al. 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante ; qu'il n'est pas porté atteinte au caractère libéral et indépendant de la profession d'avocat par l'imposition aux avocats d'un barreau de participer au financement d'une assurance perte de collaboration ; qu'en énonçant que le choix d'imposer à tous les avocats du barreau de Rouen de participer par leurs cotisations et les ressources de l'ordre au financement d'une assurance non imposée par la loi est de nature à contredire le caractère indépendant et libéral de la profession, en collectivisant le risque lié à la perte de collaboration, inhérent au caractère libéral du statut d'avocat collaborateur, pour le faire supporter par l'ensemble de la profession, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;
2°/ ALORS, d'autre part, QU'aux termes de l'article 1, I, al. 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante ; qu'aux termes de l'article 7, al. 2 de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, le collaborateur libéral exerce son activité professionnelle en toute indépendance, sans lien de subordination ; que, dans ses écritures (concl., p. 8), le conseil de l'ordre avait fait valoir que rien dans les délibérations attaquées ne porte atteinte au principe de l'activité libérale de la profession d'avocat, c'est-à-dire ne porte atteinte à l'indépendance que l'avocat peut avoir à l'égard de quiconque, que ce soit au regard de l'avocat auprès de qui il collabore, que ce soit au regard de ses clients et que ce soit au regard de la nature intellectuelle de la prestation qui est la sienne ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces éléments de nature à établir que l'assurance collective rupture de collaboration ne portait pas atteinte à l'indépendance de l'avocat collaborateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;
3°/ ALORS, encore QU'aux termes de l'article 1, I, al. 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante ; que, dans ses écritures d'appel, le conseil de l'ordre avait fait valoir que le coût de l'adhésion collective des avocats à l'assurance perte de collaboration était d'une somme annuelle de 22, 37 euros, soit 1, 86 euros par mois et par avocat (concl., p. 4) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur cet élément de nature à établir l'absence d'atteinte au caractère libéral et indépendant de la profession d'avocat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
4°/ ALORS, aussi, QU'aux termes de l'article 17, 6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, le conseil de l'ordre a pour tâche d'administrer et d'utiliser ses ressources pour assurer les secours, allocations ou avantages quelconques attribués à ses membres ou anciens membres, à leurs conjoints survivants ou à leurs enfants dans le cadre de la législation existante, de répartir les charges entre ses membres et d'en poursuivre le recouvrement ; qu'il entre donc dans les attributions du conseil de l'ordre de souscrire, au bénéfice des avocats collaborateurs une assurance perte de collaboration et d'en répartir les charges entre l'ensemble des avocats de son barreau ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;
5°/ ALORS, enfin, QUE le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que soit réglé de façon différente des situations différentes ; que, par définition, en raison de la précarité de sa situation, l'avocat collaborateur n'est pas dans la même situation qu'un avocat exerçant à titre individuel ou en qualité d'associé ; que, dans ses écritures (concl., p. 9), le conseil de l'ordre a fait valoir qu'au travers de la garantie perte de collaboration, il s'agit, durant les premiers mois suivant la perte de la collaboration, de permettre à un confrère avocat, en règle générale débutant dans la profession, d'éviter d'accepter, sous pression professionnelle et financière, une collaboration aux conditions qui parfois peuvent être abusives ou de s'installer, sans les ressources nécessaires à assurer la pérennité de son exercice ; qu'il ajoutait que cette prise en charge évite aux jeunes avocats de supporter des errements professionnels et financiers liés à l'obligation de s'installer sans expérience et avec peu de clientèle ; qu'en énonçant cependant que l'octroi de l'avantage résultant de la souscription d'une assurance perte de collaboration aux avocats collaborateurs, alors que les autres avocats libéraux, exerçant à titre individuel ou en qualité d'avocats associés, n'en disposent pas, introduit une rupture d'égalité, non prévue par la loi, dans l'exercice de la profession, sans se prononcer sur la situation particulière des avocats collaborateurs, la cour d'appel a violé le principe susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-17536
Date de la décision : 17/06/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Conseil de l'ordre - Attributions - Gestion des biens de l'ordre - Souscription d'une assurance collective "perte de collaboration" - Principe d'égalité - Atteinte - Défaut - Condition

Le conseil de l'ordre d'un barreau peut, sans excéder ses pouvoirs, décider de souscrire une assurance collective « perte de collaboration », financée par l'ordre sur le budget des oeuvres sociales, s'agissant d'une mesure de solidarité qui ne porte pas atteinte au principe d'égalité, dès lors qu'elle est justifiée par les conditions particulières d'exercice de la profession d'avocat qu'impose le statut de collaborateur et qu'elle n'est pas disproportionnée au regard des objectifs poursuivis


Références :

articles 1 et 17 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques

principe d'égalité

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 19 mars 2014

Sur les attributions du conseil de l'ordre en matière budgétaire, à rapprocher :1re Civ., 7 février 2006, pourvoi n° 05-11400, Bull. 2006, I, n° 51 (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 17 jui. 2015, pourvoi n°14-17536, Bull. civ. 2015, 1er Civ., n°833, arrêt n°1230 2015 n° 6, I, n° 142
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2015, 1er Civ., n°833, arrêt n°1230 2015 n° 6, I, n° 142

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Sudre
Rapporteur ?: Mme Wallon
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.17536
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