LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Met, sur sa demande, l'Institut de prévoyance du Groupe Mornay hors de cause ;
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Claude X..., après avoir occupé un emploi de cadre au sein de la société Comet, puis de la société Phocomex, ayant toutes deux souscrit une assurance collective en application des dispositions de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, a été employé depuis le 12 juin 2007 à la société 2C Continental chimie, au sein de laquelle il bénéficiait toujours de la couverture prévue par cette convention collective, gérée par le Groupe Mornay ; qu'à la suite de son suicide, le 6 mai 2008, son employeur a saisi ce groupe d'une demande de versement des capitaux prévus par le régime de prévoyance ; que le Groupe Mornay a informé Mme Y..., veuve de Claude X..., de ce qu'aucun règlement de capital décès ne pouvait être effectué à son profit ni à celui de ses enfants, compte tenu des causes du décès de son époux et de l'affiliation de ce dernier depuis moins d'un an à l'organisme de prévoyance ; que Mme Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale de sa fille mineure Fanny, et son fils, M. Adrien X... (les consorts X...), ont assigné l'Association de prévoyance du Groupe Mornay Europe (l'APGME) et l'Institut de prévoyance du Groupe Mornay en paiement de diverses sommes au titre de l'assurance de prévoyance ;
Attendu que, pour débouter les consorts X... de leurs demandes en paiement de sommes dues au titre du capital-décès, l'arrêt énonce que même si Claude X... était bénéficiaire, depuis sa première embauche en 1994 comme cadre de la société Comet, des dispositions de l'article 7 de la convention collective de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 qui imposent aux employeurs de souscrire un contrat de prévoyance collectif pour les salariés cadres de la branche, il a cependant changé de « régime », au sens de contrat et non de statut, en changeant d'employeur, et ses ayants droit ne peuvent opposer au nouvel assureur APGME dont la garantie a pris effet, selon le certificat d'admission, à la date d'engagement du salarié cadre, la durée d'adhésion antérieure auprès d'un autre assureur, pour le calcul du délai de survenance du décès par suicide par rapport à la date d'adhésion à ce deuxième contrat ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de l'article 7 de la convention collective du 14 mars 1947 que peuvent être exclus du bénéfice des avantages en cas de décès les décès résultant d'un fait de guerre ou d'un suicide volontaire et conscient survenant dans les deux premières années, non de l'adhésion au contrat d'assurance, mais de l'admission au régime de prévoyance, la cour d'appel, qui a constaté que Claude X... était adhérent au régime depuis 1994, a violé ce texte ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions mettant hors de cause l'Institut de prévoyance du Groupe Mornay et le déboutant de sa demande d'indemnité de procédure, l'arrêt rendu le 27 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne l'Association de prévoyance du Groupe Mornay Europe aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Association de prévoyance du Groupe Mornay Europe à payer la somme globale de 3 000 euros aux consorts X... ; rejette la demande de l'Association de prévoyance du Groupe Mornay Europe et de l'Institut de prévoyance du Groupe Mornay ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les consorts X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Y... veuve X... agissant tant son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice de sa fille mineure, Fanny X..., et M. Adrien X... de leur demande en condamnation de l'ASSOCIATION DE PREVOYANCE DU GROUPE MORNAY EUROPE et de l'INSTITUT DE PREVOYANCE DU GROUPE MORNAY à leur verser diverses sommes au titre du capital décès ;
AUX MOTIFS QUE « concernant la demande dirigée contre l'APGME (anciennement CGIC), il est constant que le dernier employeur de Monsieur X..., avant son décès, la société 2C CONTINENTAL CHIMIE, a adhéré à compter de l'embauche de celui-ci comme cadre, le 12 juin 2007, à un contrat d'assurance groupe auprès de CGIC, lequel était mandataire pour les compagnies FRANCE VIE et FRANCE IARD (actuellement GENERALI VIE) , et n'est pas un organisme de prévoyance régi par les dispositions de l'article L932-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Même si Monsieur X... était bénéficiaire, depuis sa première embauche en 1994 comme cadre chez COMET, des dispositions de l'article 7 de la convention collective de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 qui imposent aux employeurs de souscrire un contrat de prévoyance collectif pour les salariés cadres de la branche, il a cependant changé de « régime », au sens de contrat et non de statut, en changeant d'employeur et ses ayants droit ne peuvent opposer, au nouvel assureur APGME, dont la garantie a pris effet, selon le certificat d'admission à la date d'engagement du salarié cadre, la durée d'adhésion antérieure auprès d'un autre assureur, pour le calcul du délai de survenance du décès par suicide par rapport à la date d'adhésion à ce deuxième contrat. Par ailleurs, si contrairement à ce qu'affirme l'AGPME, les dispositions d'ordre public de l'alinéa 1 du l'article L 132-7 qui rendent le contrat de nul effet quand le suicide s'est produit au cours de la première année de souscription ne sont pas applicables au contrat d'assurance groupe souscrit pour son salarié par la société 2C, comme entrant dans la définition qui en est donnée par l'article L141-6 du même code, cette considération est toutefois sans incidence en l'espèce, dans la mesure où la liberté contractuelle des parties ne pourrait porter dans ce cas que sur une garantie étendue au suicide survenu pendant la première année mais non, comme en l'espèce, sur une non garantie contractuelle qui coïncide précisément avec les dispositions légales. Enfin, les dispositions de l'article L 112-4 du code des assurances qui exigent que les clauses d'exclusion ou de déchéance soient rédigées en termes très apparents ne s'appliquent pas, sauf dispositions particulières, aux exclusions prévues par la loi ni aux clauses définissant les conditions de la garantie, et les appelants ne sont pas fondés à solliciter, sur ce fondement, la nullité ou l'inopposabilité de la clause de non garantie, au demeurant très claire, explicite et limitée, qui a été stipulée au contrat dans les termes suivants : « Risques garantis: la couverture du risque décès est exempte de toute restriction concernant la profession, les voyages, la cause et le lieu du décès. Toutefois le suicide volontaire et conscient n'est pas couvert lorsqu'il survient moins de deux ans après l'admission de la présente convention... » Le fait que ces dispositions qui s'inspirent de l'ancienne rédaction de l'article L132-7 avant les modifications législatives intervenues le 2 juillet 1998 et le 3 décembre 2001 n'aient pas été mises à jour lors de la souscription du contrat d'adhésion pour Monsieur X... en juin 2007, est là encore sans emport dès lors que le décès par suicide de l'assuré est survenu dans l'année de non garantie, et non à l'expiration de ce délai où cette non garantie était légalement prohibée ;
1) ALORS QU'en vertu de l'article 7 de la convention collective de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, peuvent seuls être exclus du bénéfice des dispositions applicables en matière de prévoyance, les décès résultant d'un suicide volontaire et conscient survenant dans les deux premières années de l'admission au régime ; qu'en l'espèce, Claude X... s'est suicidé le 6 mai 2008 alors qu'il était adhérent au régime de prévoyance depuis sa première embauche en 1994 ; qu'en décidant que l'assureur n'avait pas à verser le capital décès dans la mesure où le suicide de l'assuré était intervenu moins d'un an après la conclusion du contrat d'assurance, la cour d'appel a violé l'article 7 de la convention collective de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ;
2) ALORS, en tout état de cause, QU'en vertu de l'article L. 112-4 du code des assurances les clauses figurant dans les polices d'assurance d'exclusion d'un risque garanti doivent être mentionnées en caractères très apparents ; que la clause qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie d'un risque en considération de circonstances particulières de réalisation du risque s'analyse comme une exclusion de garantie ; qu'en l'espèce, l'article 14 de la convention d'assurance collective stipulait que « la couverture du risque décès est exempte de toute restriction concernant la profession, les voyages ; la cause et le lieu du décès », mais que « le suicide volontaire et conscient n'est pas couvert lorsqu'il survient moins de deux ans après l'admission de la présente convention » ; qu'en considérant, pour exclure la mise en jeu de la garantie décès, que la clause litigieuse stipulée au contrat d'assurance était une clause de non-garantie très claire, explicite et limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 112-4 du code des assurances.