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10/06/2015 | FRANCE | N°14-14599

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 juin 2015, 14-14599


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 12 décembre 2013), que, le 26 avril 1977, Pierre X... et Zanéwia Y..., son épouse, tous deux de statut civil coutumier, ont acquis une maison située à Nouméa ; que Pierre X... est décédé le 24 décembre 2010 après avoir été placé en liquidation judiciaire, la société Mary-Laure Gastaud étant désignée en qualité de mandataire judiciaire ; que, par jugement du 20 juillet 2011, le tribunal mixte de commerce de Nouméa, saisi d

'un recours formé contre une ordonnance ayant ordonné la vente de la maison, a sur...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 12 décembre 2013), que, le 26 avril 1977, Pierre X... et Zanéwia Y..., son épouse, tous deux de statut civil coutumier, ont acquis une maison située à Nouméa ; que Pierre X... est décédé le 24 décembre 2010 après avoir été placé en liquidation judiciaire, la société Mary-Laure Gastaud étant désignée en qualité de mandataire judiciaire ; que, par jugement du 20 juillet 2011, le tribunal mixte de commerce de Nouméa, saisi d'un recours formé contre une ordonnance ayant ordonné la vente de la maison, a sursis à statuer et, au visa de l'article 49 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, saisi la juridiction civile de droit commun complétée par des assesseurs coutumiers de la question de savoir si l'immeuble devait répondre intégralement des dettes de la liquidation judiciaire de Pierre X... ou seulement pour la part pouvant revenir à celui-ci ;
Attendu que la société Mary-Laure Gastaud fait grief à l'arrêt de dire que le bien immobilier acquis sous le régime du droit civil par les époux X... n'est pas un bien coutumier et relève de l'application des règles du droit commun, que les rapports juridiques, entre des créanciers de statut de droit commun et des personnes de statut coutumier, sont régis par le droit commun et que la part revenant à la veuve sur le bien indivis, laquelle recouvre la moitié de la valeur du bien, ne peut être appréhendée par les créanciers du mari, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article 19 de loi organique n° 99-909 du 19 mars 1999 que la juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des litiges et requêtes relatifs au statut civil coutumier et qu'elle est alors complétée par des assesseurs coutumiers ; que, par jugement du 20 juillet 2011, le tribunal mixte de commerce de Nouméa a considéré qu'il convenait de déterminer les règles régissant les droits de chacun des époux sur le bien litigieux au regard de leur statut matrimonial qui ne relevait pas du droit civil mais du droit coutumier et a donc renvoyé à la juridiction civile composée des assesseurs coutumiers la question de savoir si ce bien devait répondre intégralement des dettes de la liquidation judiciaire ou si seulement la part pouvant revenir au mari sur ce bien devait en répondre ; qu'en excluant l'application du droit coutumier à l'espèce et en répondant néanmoins à la question posée sur le terrain du droit commun pour retenir que la part revenant à la veuve sur le bien ne pouvait être appréhendée par les créanciers, alors qu'un tel point de droit relevait de la compétence exclusive du tribunal mixte de commerce saisi du fond du litige, la cour d'appel, statuant en formation coutumière, a excédé ses pouvoirs, en violation de l'article 49 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;
2°/ qu'il résulte de l'article 1394 du code civil qu'en l'absence de convention matrimoniale, les époux sont réputés mariés sous le régime de droit commun de la communauté légale à l'égard des tiers ; que le débiteur et son épouse s'étaient mariés coutumièrement en 1964, soit antérieurement à l'acquisition en commun du bien immobilier litigieux en 1977, et n'avaient pas conclu de convention matrimoniale ; qu'en jugeant que des époux mariés coutumièrement devaient être assimilés, à l'égard de tiers de droit commun, à des indivisaires, en l'absence de régime matrimonial, pour en déduire que seule la part de l'époux débiteur pouvait être appréhendée par ses créanciers personnels, la cour d'appel a violé les articles 1394 et 1400 et suivants du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir retenu que tant l'immeuble acquis par les époux X... que leurs rapports juridiques avec les créanciers de Pierre X... relevaient des règles de droit commun, la cour d'appel a, d'une part, décidé à bon droit que, les personnes de statut civil coutumier étant régies, pour l'ensemble du droit civil, par leurs coutumes, les époux X... n'étaient pas soumis à un régime matrimonial dès lors que, le mari et la femme n'ayant pas de véritable autonomie à l'égard de leurs clans respectifs, une telle notion était inconnue du droit coutumier, d'autre part, pu décider que ceux-ci devaient, vis-à-vis des tiers de droit commun, être assimilés à des indivisaires, de sorte que c'est sans excéder ses pouvoirs qu'elle a jugé que la part revenant à Mme Y... sur l'immeuble indivis ne pouvait être appréhendée par les créanciers de Pierre X... ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mary-Laure Gastaud aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour la société Mary-Laure Gastaud.
Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'AVOIR dit que le bien immobilier acquis sous le régime du droit civil par les époux X... n'était pas un bien coutumier et relevait de l'application des règles de droit commun, dit que les rapports juridiques, entre les créanciers de statut de droit commun et des personnes de statut coutumier étaient régis par le droit commun et, en conséquence, dit que la part revenant à la veuve sur le bien indivis, laquelle recouvre la moitié de la valeur du bien, ne peut être appréhendée par les créanciers ;
AUX MOTIFS QU' « il résulte de la délibération précitée de 1980 une option de législation offerte aux personnes de statut coutumier qui leur permet d'acquérir et donc de céder et transmettre (délibération, article 1) des biens immeubles dans les conditions définies par le régime de droit commun ; que tel est manifestement le cas en l'espèce, le bien dont s'agit ayant été acquis dans les conditions du code civil ; qu'ainsi, indépendamment des règles coutumières qui régissent les rapports entre la veuve et son défunt mari, la question préjudicielle posée par le tribunal mixte de commerce ne concerne pas directement les rapports patrimoniaux entre le défunt mari et sa veuve, mais les rapports entre les consorts X... et les créanciers du défunt, Pierre X... ; qu'ainsi, la question posée porte sur la loi applicable aux rapports entre deux groupes de personnes de statuts personnels différents, lesquels rapports sont régis, pour ce motif, par les règles du droit commun, conformément aux dispositions de l'article 9, alinéa 1er, de la loi organique du 19 mars 1999 ; qu'il s'en déduit, pour ces deux motifs tenant au statut du bien et à la norme applicable aux rapports mixtes, que le droit coutumier n'a pas vocation à régir le litige opposant les créanciers à la veuve ; qu'il est constant que le droit coutumier ne connaît pas la notion de régime matrimonial, puisque le couple formé par l'union du mari et de la femme n'a pas de véritable autonomie par rapport aux clans respectifs des époux ; que de ce point de vue, la situation ne varie guère de celle d'un couple non marié en droit commun dont les intérêts patrimoniaux sont régis en référence à la théorie de la société de fait ; qu'en tout état de cause, la question posée ne porte pas prioritairement sur la détermination des droits respectifs des époux dans leurs relations réciproques, mais sur l'étendue des droits de tiers (en l'espèce de droit commun) à l'égard des biens d'un couple de droit coutumier, mais acquis pas ce couple au cours de l'union coutumière dans les conditions définies par les règles du code civil, seules applicables à un bien qui n'est pas un bien coutumier ; que le bien en cause est régi, tant pour les actes de cession que pour sa dévolution, par les règles du droit commun, en application de l'article 1er de la délibération précitée de 1980 ; qu'ainsi, indépendamment des règles coutumières qui régissent les rapports entre la veuve et son défunt mari, et dont les juges de première instance ont exposé les termes, la question posée porte sur le régime juridique du bien en cause soumis au droit commun ; qu'en effet, la question de la liquidation des droits patrimoniaux de deux époux de statut coutumier ne peut se poser qu'après qu'il ait été répondu à une question préalable portant sur la détermination des droits des créanciers à l'égard des biens des deux époux et de leur succession, la question fondamentale étant de prévenir une solution juridique qui, sous couvert d'application du droit coutumier, aboutirait à donner plus de droits aux créanciers qu'ils n'en auraient eu face à des débiteurs de droit commun ; que les créanciers peuvent, dans les termes du droit commun, chercher à appréhender les biens de leur débiteur ; que, cependant, l'absence de régime matrimonial régissant les rapports patrimoniaux entre les époux de statut coutumier conduit à assimiler la situation des époux de statut coutumier unis selon les règles coutumières, dans les rapports avec les tiers, à une situation d'indivision ; qu'en conséquence, en l'absence de régime matrimonial, chacun des partenaires de l'union coutumière conserve des droits équivalents à ceux de l'autre sur le bien qui ne constitue le gage des créanciers que pour la part du mari défunt, les créanciers n'étant, en l'occurrence, que les créanciers d'un indivisaire au titre de l'activité professionnelle de celui-ci, et non les créanciers de l'indivision ; qu'ainsi la créance invoquée étant née du chef d'un partenaire, son règlement ne pourra être poursuivies que sur les seuls actifs personnels de celui-ci, à l'exclusion de ceux de l'autre ; d'où il suit, nonobstant le fait qu'en droit coutumier existe une totale solidarité entre les époux dans leurs rapports réciproques, que ce principe de solidarité n'a pas lieu de bénéficier aux créanciers de droit commun qui n'ont vocation, du fait de leur propre statut civil, qu'à être remplis de leurs droits au regard de ce que prescrivent les règles du droit commun (droit civil ou commercial) que désigne leur propre statut et l'article 9, alinéa 1er, de la loi organique ; qu'il convient, donc, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que « le bien immobilier acquis du FSH, sous le régime du droit civil, par les époux X..., tous deux de statut civil coutumier, doit répondre intégralement des dettes de la liquidation judiciaire de feu Pierre X... », et, statuant à nouveau, de dire (...) que la part de la veuve sur le bien indivis, laquelle recouvre la moitié de la valeur du bien, ne peut être appréhendée par les créanciers du mari » ;
1) ALORS QU'il résulte de l'article 19 de loi organique n° 99-909 du 19 mars 1999 que la juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des litiges et requêtes relatifs au statut civil coutumier et qu'elle est alors complétée par des assesseurs coutumiers ; que, par jugement du 20 juillet 2011, le tribunal mixte de commerce de Nouméa a considéré qu'il convenait de déterminer les règles régissant les droits de chacun des époux sur le bien litigieux au regard de leur statut matrimonial qui ne relevait pas du droit civil mais du droit coutumier et a donc renvoyé à la juridiction civile composée des assesseurs coutumiers la question de savoir si ce bien devait répondre intégralement des dettes de la liquidation judiciaire ou si seulement la part pouvant revenir au mari sur ce bien devait en répondre ; qu'en excluant l'application du droit coutumier à l'espèce et en répondant néanmoins à la question posée sur le terrain du droit commun pour retenir que la part revenant à la veuve sur le bien ne pouvait être appréhendée par les créanciers, alors qu'un tel point de droit relevait de la compétence exclusive du tribunal mixte de commerce saisi du fond du litige, la cour d'appel, statuant en formation coutumière, a excédé ses pouvoirs en violation de l'article 49 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;
2) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'il résulte de l'article 1394 du code civil qu'en l'absence de convention matrimoniale, les époux sont réputés mariés sous le régime de droit commun de la communauté légale à l'égard des tiers ; que le débiteur et son épouse s'étaient mariés coutumièrement en 1964, soit antérieurement à l'acquisition en commun du bien immobilier litigieux en 1977, et n'avaient pas conclu de convention matrimoniale ; qu'en jugeant que des époux mariés coutumièrement devaient être assimilés, à l'égard de tiers de droit commun, à des indivisaires, en l'absence de régime matrimonial, pour en déduire que seule la part de l'époux débiteur pouvait être appréhendée par ses créanciers personnels, la cour d'appel a violé les articles 1394 et 1400 et suivants du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-14599
Date de la décision : 10/06/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

OUTRE-MER - Nouvelle-Calédonie - Statut civil coutumier - Domaine d'application - Etendue - Régime matrimonial - Portée

REGIMES MATRIMONIAUX - Règles applicables - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Epoux de statut civil coutumier kanak

Des époux de statut civil coutumier kanak, étant régis par leurs coutumes, ne sont pas soumis, en l'absence de véritable autonomie à l'égard de leurs clans respectifs, à un régime matrimonial, notion inconnue du droit coutumier, et doivent être assimilés, vis-à-vis des tiers de statut de droit commun, à des indivisaires


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 12 décembre 2013

Sur les règles régissant les personnes de statut civil coutumier kanak, à rapprocher :1re Civ., 1er décembre 2010, pourvoi n° 08-20843, Bull. 2010, I, n° 251 (rejet)

avis cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 jui. 2015, pourvoi n°14-14599, Bull. civ. 2015 n° 6, I, n° 139
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2015 n° 6, I, n° 139

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Bernard de La Gatinais (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Lesourd

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.14599
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