LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. et Mme X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Y... et Mme Z... ;
Vu la connexité, joint les pourvois n° V 14-14. 311 et U 14-20. 428 ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 544 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 décembre 2013), que les époux X... sont propriétaires d'une parcelle voisine de celle vendue par les consorts Y... à la société Foncière du Trident ; que les époux X... ont obtenu du tribunal d'instance en 2007 l'organisation en référé d'une expertise aux fins de bornage des deux fonds ; que l'expert a proposé au tribunal une alternative entre une limite conforme à un procès-verbal de bornage du 24 juin 1927 dressé entre l'auteur des consorts Y... et le propriétaire d'origine des deux fonds et une limite conforme aux plans annexés aux actes de vente de 1926 et 1947 ; que les époux Y... ont assigné les époux X... en revendication ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient qu'en signant le procès-verbal de bornage du 24 juin 1927, l'auteur des époux X... a entendu accepter d'abandonner une portion de la propriété qui restait lui appartenir ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'un procès-verbal de bornage ne constitue pas un acte translatif de propriété, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Foncière du Trident aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Foncière du Trident à payer aux époux X... la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande des époux X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen identique produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X..., demandeurs aux pourvois n° V 14-14. 311 et U 14-20. 428
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la propriété de la SCI FONCIERE DU TRIDENT, acquise des consorts Y... par acte du 18 décembre 2009, est définie par la limite fixée au procès-verbal de bornage du 24 juin 1927, telle que mentionnée en vert sur le plan dressé par l'expert judiciaire Mr A... dans son rapport déposé le 3 octobre 2008 entre les points A, A', E, E', F, F', H, I J et K et d'avoir débouté M. Georges X... et Mme Jacqueline B... épouse X... de leurs demandes tendant à déclarer la recevabilité des actes notariés de 1926 et 1947, et à déclarer conformes les limites indiquées par les actes de 1926 et 1947 et à homologuer la proposition numéro 2 de l'expert à savoir : la ligne A, E, F et G conforme au plan annexé aux actes de vente du 31 mars 1926 et du 13 février 1947, et de leur demande de dommages et intérêts ;
Aux motifs que « suivant acte reçu le 31 mars 1926 par maître M..., notaire à cannes, Monsieur jules C... et son épouse Madame D... ont vendu à Monsieur Eric E... un lot de terrains d'une contenance approximative de 5. 000m2 portant le numéro 20 du lotissement du Domaine de Miramar, commune de Mandelieu. Un plan de la parcelle vendue était annexé à l'acte. Le 24 juin 1927 Messieurs C... et E... ont signé, un procès-verbal de bornage redéfinissant les limites du lot 20 et des bornes ont été apposées. Les nouvelles ainsi définies accroissent sensiblement la superficie du lot 20. Suivant acte authentique du 13 février 1947 reçu par Maître L..., notaire à Cannes Madame Jeanne D... veuve de Jules C..., a vendu à Monsieur Louis F... une parcelle de terrain d'environ 3, 300 m2 formant le lot 301 du lotissement du domaine de Miramar, ce lot joutant au sud la propriété de monsieur E.... Un plan était annexé à l'acte. Il ressort des investigations réalisées par Monsieur A..., expert commis par le tribunal d'instance de Cannes dans le cadre de l'action en bornage opposant les mêmes parties, que les plans annexés aux actes de vente des 31 mars 1926 et 13 février 1947 fixent de manière identique la limite séparant les lots 20 et 301 tandis que le procès-verbal de bornage établi le 24 juin 1927 détermine une ligne divisoire différente. La SCI vient aux droits de Monsieur E... et les époux X... aux droits de Monsieur F... ; les parties ont un auteur commun puisque leurs fonds respectifs proviennent de la division du fonds C...-D.... Cet auteur commun en signant un procès-verbal de bornage le 24 juin 1927 modifiant les limites de la première parcelle détachée du domaine a accepté que la superficie du terrain restant lui appartenir soit sensiblement diminuée ; Même non publié, un procès-verbal de bornage est opposable aux époux X... puisqu'il a été signé par leur auteur. Quand bien même un bornage ne constitue pas un titre translatif de propriété, par la signature du procès-verbal du 24 juin 1927 qui définit de nouvelles limites avec la plus grande précision, l'auteur commun a accepté d'abandonner au profit de Monsieur E... une portion de la propriété restant lui appartenir de sorte que, ne pouvant céder plus de droit qu'il n'en avait, il n'a pu vendre à Monsieur F..., la portion de terre abandonnée à l'occasion du bornage. De plus les époux X... ne font la preuve d'aucun acte de possession sur la terre en litige. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit et jugé que la propriété des consorts Y..., aux droits desquels vient la SCI est définie par la limite fixée au procès-verbal du 24 juin 1927, telle que figurant en vert sur le pan dressé par l'expert, soit selon une ligne reliant les points AA'EE'FF'HIJK » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que « sur la portée du procès-verbal de bornage de 1927 et les demandes principales de la SCI Foncière du Trident Il résulte de l'échange des pièces et conclusions, et du rapport d'expertise judiciaire, la chronologie suivante : Originairement, tant le fonds Y... (devenu SCI Foncière du Trident) que le fonds X..., appartenaient à un seul propriétaire à savoir les époux C.... Ceux-ci vont vendre en deux fois (actes des 31 mars 1926 et 29 avril 1927) au colonel E... les parcelles qui deviendront par la suite propriété de la SCI Foncière du Trident. Les époux C... vont donc se retrouver mitoyens de M. E.... C'est dans ces conditions que les époux C... et le Colonel vont signer un procès-verbal de bornage en 1927. Par la suite en 1947, Mme C... a vendu à M. F... sa parcelle, lequel revendra à M. H... en 1958, lequel revendra aux époux I... en 1969, lesquels revendront à Mme J... en 1983, laquelle revend par acte du 9 septembre 2005 aux époux X.... En application des dispositions de l'article 646 du code civil tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs. Le bornage, c'est la détermination de la ligne séparative de deux fonds à l'aide de signes matériels que l'on appelle des bornes. Si toutes les parties sont d'accord pour y procéder le bornage résulte d'une convention que la loi n'a soumise à aucune forme particulière. (cf. civ 3eme 16 février 1968 n° 65-13546 « Mais attendu que le bornage peut être effectue du commun accord des propriétaires intéressés et résulte alors d'une convention que la loi n'a soumis à aucune forme particulière »). Le procèsverbal de bornage établi contradictoirement forme à l'avenir le seul titre entre les parties et leurs ayants droit. Le bornage amiable a une nature contractuelle, ce qui suffit à lui conférer une force exécutoire, inter partes et à l'égard des ayants cause des propriétaires signataires Le procès-verbal de bornage signé par toutes les parties fixe pour l'avenir la limite des héritages et vaut titre (Cass. 3e civ., 3 oct. 1972 : 28 mai 1970 : 23 janv. 1973). En l'espèce, il est versé aux débats un procès-verbal de bornage en date du 24 juin 1927 établi entre d'une part Monsieur Jules C... et d'autre part le colonel E.... Ce procès-verbal a été enregistré à Antibes le 3 août 1927. Cet acte est très précis et a été rédigé après que les parties se soient fait assistées d'un géomètre expert. L'acte prend soin de mentionner les bornes et leur emplacement précis avec mesures précises des distances, au centimètre près, et des angles. Ce document est bien constitutif d'un contrat de bornage, il ne s'agit pas d'une simple tentative d'accord amiable, ou d'un accord pour saisir un géomètre en vue de rechercher une convention. En effet ce document indique que les parties « ont arrêté comme suit les limites des lots ». Ce document constitue donc un titre définitif pour les limites qu'il assigne aux deux propriétés contiguës. Ce document a été enregistré, mais n'a pas fait l'objet d'une publicité foncière. Se pose donc la question de la nécessité ou non d'une publicité foncière, et de l'opposabilité aux tiers. En l'espèce les époux X... ne sont pas de simples tiers, mais des ayants droits d'un des deux signataires Ce procès-verbal a été établi avant l'entrée en vigueur du décret de 1955 sur la publicité foncière. Il a été établi sous le régime de la loi du 23 mars 1855, qui ordonnait la transcription de la constitution de droits réels immobiliers tels que la servitude, etc. Mais en soi, le procèsverbal de bornage n'est pas un acte translatif ou constitutif de propriété. L'acte de 1925 n'était pas soumis à la publicité obligatoire, et le fait qu'il ait été enregistré confirme la volonté des parties d'en faire la loi entre eux. Il est opposable aux ayants droits des parties. Le fait que par erreur les vendeurs successifs de la parcelle ayant appartenu à M. C..., n'aient pas informé leur acquéreur de l'existence de ce bornage, est indifférent à la solution du litige. L'erreur s'explique par les événements de la guerre. En effet il est produit un courrier du 16 mai 1957 par lequel le colonel E... demandait au géomètre expert de retrouver dans ses archives le plan et le procès-verbal de bornage, ayant lui-même perdu ses archives en raison de l'occupation allemande. Il n'est pas soutenu par les époux X... qu'ils auraient usucapé contre ce bornage, par un usage constant trentenaire. Au contraire, les éléments produits aux débats confirment que le colonel E... a eu à coeur de maintenir le tracé obtenu dans l'accord de 1927. Ainsi, le courrier adressé par le colonel E... à M. F... (auteur des époux X...) le 23 mai 1957 confirme que l'intéressé s'est préoccupé de faire valoir ses droits et de reconstituer la preuve de l'accord qui était intervenu en 1927 avec son voisin. Il apparaît de la sorte que M. F... a été mis au courant de l'existence de ce bornage, et qui n'a pas jugé utile d'en faire part à ses acquéreurs. L'attestation rédigée par M. Robert Y..., particulièrement circonstanciée, est de nature à démontrer que le petit chemin qui permet l'accès piétonnier à partir de la propriété Y... sur le chemin de Bellevue, en bout de ce chemin de Bellevue, a été construit par son oncle dans les années 50, afin que le partenaire de celui-ci, qui avait dû se faire amputer de la jambe, puisse circuler jusqu'au chemin de Bellevue. Ce témoignage permet de confirmer que les limites divisoires résultant du bornage de 1927 ont toujours été utilisées. Ce témoignage est en outre confirmé par celui de M. Sébastien K.... Il y a lieu dans ces conditions de dire et juger que la propriété de la SCI Foncière du Trident acquise des consorts Y... par acte du 18 décembre 2009, est définie, dans ses rapports avec le fond voisin X..., par la limite fixée au procès-verbal de bornage du 23 juin 1927, telle que mentionnée en vert sur le plan dressé par l'expert, entre les points A, A', E, E', F, F', H, I J et K. 5- Sur les autres demandes formées par les époux X... tendant à déclarer la recevabilité des actes notariés de 1926 et 1947, et déclarer conformes les limites indiquées par les actes de 1926 et 1947 et homologuer la proposition numéro 2 de l'expert à savoir : la ligne A, E, F et G conforme au plan annexé aux actes de vente du 31 mars 1926 et du 13 février 1947 Ces demandes se heurtent à deux obstacles majeurs : D'une part on ne peut tenir de son auteur plus de droit que celui-ci en avait. Dès lors que les vendeurs successifs ont omis de faire état du bornage qui faisait la loi des parties et de leur ayant cause, il ne peut être jugé, au contradictoire des consorts Y... et de la SCI, la recevabilité de l'acte de 1947 en ce qui concerne les limites divisoires. D'autre part, la revendication des époux X... porte sur le carré ABCD qui est clairement une portion du chemin de Bellevue, chemin dont ils prétendent eux-mêmes qu'il s'agit d'une voie appartenant au domaine privé du lotissement, et dont on ne peut pas faire état sans avoir préalablement fait intervenir les copropriétaires ou colotis du lotissement. Ces demandes seront donc rejetées » ;
Alors que, d'une part, le procès-verbal de bornage ne constituant pas un acte translatif de propriété, la convention sur la fixation des limites séparatives des terrains ne fait pas la loi des parties sur l'étendue des propriétés respectives ; qu'en estimant, néanmoins, en l'espèce, que, par la signature du procès-verbal du 24 juin 1927 qui définit de nouvelles limites avec la plus grande précision, l'auteur commun a accepté d'abandonner au profit de Monsieur E... une portion de la propriété restant lui appartenir de sorte que, ne pouvant céder plus de droit qu'il n'en avait, il n'a pu vendre à Monsieur F..., la portion de terre abandonnée à l'occasion du bornage, quand l'accord des parties sur la délimitation des fonds n'implique pas à lui seul, leur accord sur la propriété des parcelles litigieuses, la cour d'appel a violé l'article 544 du Code civil, ensemble l'article 646 du Code civil ;
Alors que, d'autre part, un procès-verbal de bornage ne constitue pas un acte translatif de propriété ; qu'en l'espèce, en retenant, cependant, que, par la signature du procès-verbal du 24 juin 1927 qui définit de nouvelles limites avec la plus grande précision, l'auteur commun a accepté d'abandonner au profit de Monsieur E... une portion de la propriété restant lui appartenir de sorte que, ne pouvant céder plus de droit qu'il n'en avait, il n'a pu vendre à Monsieur F..., la portion de terre abandonnée à l'occasion du bornage, la cour d'appel qui s'est fondée exclusivement sur un procès-verbal de bornage pour délimiter les propriétés respectives des parties, lequel ne constituait pas un acte translatif de propriété, a violé l'article 544 du Code civil, ensemble l'article 646 du Code civil.