LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 17 avril 2014), que, le 24 septembre 2013, le juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration des impôts à procéder à une visite et des saisies dans des locaux et dépendances sis à Marseille, 350 avenue du Prado, 71 avenue des Goumiers et 37 boulevard Tellene afin de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la société Les Editions Méditerranée (la société) dont le gérant est M. X...; que ces opérations ont été effectuées le 25 septembre 2013 ;
Attendu que la société fait grief à l'ordonnance de rejeter son recours contre le déroulement des opérations de visite alors, selon le moyen, qu'une visite domiciliaire ne peut débuter sans que l'intéressé qui le souhaite bénéficie effectivement de l'assistance d'un avocat ; qu'ainsi, l'interprétation selon laquelle l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales prévoyant que le contribuable peut faire appel à un conseil de son choix permettrait de débuter les opérations de visite et de saisie sans la présence effective de l'avocat souhaité par le contribuable est contraire aux articles 6 § 1 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que, par ailleurs, la présence de l'avocat qu'entend avoir le contribuable ne constitue aucunement une présomption de l'existence d'une volonté d'exercer des recours ; qu'en retenant, toutefois, que la faculté de faire appel à un conseil de son choix ne suspend pas le début de l'exécution de la visite et saisie et qu'un recours juridictionnel a été institué permettant de débattre contradictoirement de la régularité et du bien-fondé de la décision du juge et de la régularité du déroulement des opérations, le premier président a méconnu l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et les articles 6 § 1 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme ;
Mais attendu que les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, qui organisent le droit de visite des agents de l'administration des impôts et le recours devant le premier président de la cour d'appel, assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle ainsi que du droit d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif du déroulement de la visite avec les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale, de sorte que l'atteinte au droit au respect de la vie privée et du domicile qui en résulte est proportionnée au but légitime poursuivi ; qu'ainsi, en prévoyant que la faculté pour le contribuable de faire appel à un conseil de son choix sans l'assortir de la suspension des opérations de visite et de saisie, elles ne contreviennent pas à celles des articles 8 et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Les Editions Méditerranée aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 2 500 euros au directeur général des finances publiques ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Les Editions Méditerranée.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé l'ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de MARSEILLE du 24 septembre 2013,
Aux motifs que « (...) l'allégation d'absence de vérification du caractère proportionné de la mesure autorisée, le moyen n'est pas fondé alors que le juge des libertés et de la détention n'a pas à s'expliquer sur la proportionnalité de la mesure qu'il ordonne mais seulement sur la caractérisation des présomptions qu'il retient par des éléments concrets et justifiés ; qu'en l'espèce, les présomptions reposent sur les précédents faits de fraude fiscale imputés et établis judiciairement à l'encontre de Frédéric X...au travers d'autres sociétés ayant la même activité économique que la SARL Les Editions Méditerranée en raison d'irrégularité dans la tenue de la comptabilité, au résultat d'un contrôle URSSAF et aux premières constatations effectuées dans le cadre de la procédure de vérification ; qu'il a en effet été constaté que pour l'année 2011 la DAS 2 fait apparaître, selon les documents produits, que la société Les Editions Méditerranée a versé 2. 838. 355 euros dont 1. 987. 041 euros de commissions, 774. 045 euros d'autres rémunérations et 77. 269 euros de honoraires et vacations parmi lesquels :-90. 423 euros à David Y...dont l'entreprise est radiée suite à sa liquidation en 2006 (n° Siren 398 304 089). Il est cependant indiqué par l'appelant que cette entreprise a été réinscrite ultérieurement ce que l'administration admet à l'audience.-162. 836 Euros à Steeve Z...sous deux numéros Siren qui correspondent d'une part à la SARL Service Presse Contact dont il est le gérant et d'autre part à l'activité individuelle de Steve Z... Atia radiée le 31 décembre 2011.-147. 341 euros à Franck C...lequel ne déposait aucune déclaration fiscale depuis son immatriculation en 2008.-22. 993 euros à Jean-Pierre Branche sous le numéro Siren 399 749 696 qui correspond en réalité à Jean-Pierre D...ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 18 juin 1999 ; qu'il s'en induit que la SARL Les Editions Méditerranée n'a pas fait toutes les diligences nécessaires pour s'assurer que les numéros d'immatriculation des agents commerciaux avec lesquels elle sous-traitait étaient valides ; que, de plus, des rémunérations ont été déclarées versées au gérant Frédéric X...à la fois en qualité d'intermédiaire de commerce et comme salaires et encore comme heures supplémentaires exonérées et à M. E...sous un numéro Siren qui n'est pas le sien mais celui de Jean-Pierre D...en liquidation judiciaire depuis 1999, ainsi que des commissions à la société Leava (53. 166 euros) dont Frédéric X...est le gérant et associé à 40 % et à deux sociétés de droit israélien qui n'apparaissent pas répertoriées aux adresses mentionnées sur les factures ; que, par ailleurs, des versements ont été enregistrés comme ayant été fait à quatre sociétés Garaug Communication, DCS, Dream Air Production et Bureau Presse Communication dont l'activité a cessé entre 2011 et 2013 ; que ces éléments conjugués caractérisent concrètement les éléments déterminant une présomption de fausses factures ou factures de complaisance dans le but d'augmenter les charges de la société Les Editions Méditerranée, donc de fraude dans la passation des écritures comptables pour minorer le bénéfice imposable ; que l'autorisation de visites domiciliaires et de saisies pour rechercher des éléments complémentaires de preuve est donc bien fondée ; (...) que sur l'absence de désignation nominative des officiers de police judiciaire pour chacun des lieux dont la visite a été autorisée, l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales prévoit que le juge « désigne un officier de police judiciaire chargé d'assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement » ; qu'en l'espèce, le juge a régulièrement et nominativement désigné trois officiers de police judiciaire en indiquant précisément leur affectation professionnelle à Marseille, après avoir ainsi vérifié leur compétence territoriale sans qu'il soit nécessaire de préciser dans l'ordonnance pour chacun d'eux, dans quel lieu à visiter il devait se rendre puisque ceux-ci se trouvaient tous à Marseille, selon les termes de l'ordonnance ; »
Alors, en premier lieu, que le juge des Libertés et de la Détention doit vérifier le bien-fondé de la demande d'autorisation qui lui est soumise ; que pour déterminer l'existence d'une présomption de fausses factures ou de factures de complaisance dans le but d'augmenter les charges, le juge doit analyser l'ensemble des éléments sur lesquels reposent ladite présomption ; que, dans ses conclusions, la société LES EDITIONS MEDITERRANEE faisait valoir que la vérification de comptabilité de l'exercice clos au 31 décembre 2010 n'avait donné lieu à aucun redressement et que la vérification de comptabilité relative à l'exercice clos au 31 décembre 2009 n'avait donné lieu à aucune confirmation des chefs mineurs de redressements notifiés courant du mois de décembre 2012, à la suite de la réponse de la société LES EDITIONS MEDITERRANEE ; qu'elle faisait valoir également, concernant une précédente procédure de poursuites, à la suite de la constatation dans les écritures de l'existence de factures fictives, qu'il n'a jamais été démontré l'existence d'un lien entre ces agents et la société LES EDITIONS MEDITERRANEE ; que la société LES EDITIONS MEDITERRANEE rappelait qu'à la date de la demande d'autorisation au juge, l'URSSAF n'avait établi aucun rapport de notification des prétendues infractions ni notifier les conséquences qui auraient été tirées par les agents de l'URSSAF et que la société produisait plusieurs pièces relatives aux différents agents commerciaux qui montraient que les critiques de l'administration fiscale n'étaient pas sérieuses ; qu'en se bornant à considérer que les présomptions pouvaient reposer sur de précédents faits de fraude fiscale au travers d'autres sociétés ayant la même activité économique que la SARL LES EDITIONS MEDITERRANEE en raison d'irrégularité dans la tenue de la comptabilité, au résultat d'un contrôle URSSAF et aux premières constatations effectuées dans le cadre d'une procédure de vérification, sans tenir compte des éléments invoqués et produits par la société LES EDITIONS MEDITERRANEE, le magistrat délégué par le Premier Président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;
Alors, en deuxième lieu, que les visites et saisies domiciliaires qui constituent une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile, qui est garanti par l'article 8 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, doivent être strictement nécessaires et proportionnées au but recherché, en l'occurrence, la prévention des infractions pénales et, plus particulièrement, d'une fraude fiscale, ce qui suppose que d'autres mesures permettant d'atteindre le même but et moins attentatoires aux libertés ne puissent pas être utilisées par l'administration ; qu'en estimant que le juge des libertés et de la détention n'a pas à s'expliquer sur la proportionnalité de la mesure qu'il ordonne mais seulement sur la caractérisation des présomptions qu'il retient par des éléments concrets et justifiés, le magistrat délégataire du Premier Président a privé sa décision de base légale au regard des exigences de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Alors, en troisième lieu, que les visites et saisies domiciliaires qui constituent une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile, qui est garanti par l'article 8 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, doivent être strictement nécessaires et proportionnées au but recherché, en l'occurrence, la prévention des infractions pénales et, plus particulièrement, d'une fraude fiscale, ce qui suppose que d'autres mesures permettant d'atteindre le même but et moins attentatoires aux libertés ne puissent pas être utilisées par l'administration ; qu'en l'espèce, la société LES EDITIONS MEDITERRANEE faisait valoir que la vérification de comptabilité de l'exercice clos au 31 décembre 2010 n'avait donné lieu à aucun redressement et que la vérification de comptabilité relative à l'exercice clos au 31 décembre 2009 n'avait donné lieu à aucune confirmation des chefs mineurs de redressements notifiés courant du mois de décembre 2012, à la suite de la réponse de la société LES EDITIONS MEDITERRANEE ; qu'elle faisait valoir également, concernant une précédente procédure de poursuites à la suite de la constatation dans les écritures de l'existence de factures fictives liées à deux agents commerciaux qui plaçaient des encarts publicitaires auprès de différents syndicats professionnels de différentes administrations, qu'il n'a jamais été démontré l'existence d'un lien entre ces agents et la société LES EDITIONS MEDITERRANEE ; que la société LES EDITIONS MEDITERRANEE rappelait qu'à la date de la demande d'autorisation au juge, l'URSSAF n'avait établi aucun rapport de notification des prétendues infractions ni notifier les conséquences qui auraient été tirées par les agents de l'URSSAF et que la société produisait plusieurs pièces relatives aux différents agents commerciaux qui montraient que les critiques de l'administration fiscale n'étaient pas sérieuses ; qu'en estimant que les éléments fournis par l'administration fiscale caractérisaient concrètement les éléments déterminant une présomption de fausses factures ou factures de complaisance dans le but d'augmenter les charges de la société, sans rechercher si, compte tenu de l'atteinte portée à l'inviolabilité du domicile et aux libertés individuelles par les visites et saisies domiciliaires litigieuses, une vérification de comptabilité ne permettait pas d'atteindre le même but, le magistrat délégataire du Premier Président a privé sa décision de base légale au regard des exigences de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté le recours de la société LES EDITIONS MEDITERRANEE contre le déroulement des opérations de visite domiciliaire et de saisies effectuées le 25 septembre 2013,
Aux motifs qu'« (...) outre que l'attestation produite par les appelants est rédigée par un salarié de l'entreprise dont M. X...est le dirigeant, ce document ne fait pas la preuve de ce que M. X...aurait été empêché d'aller et venir pendant les opérations de visite domiciliaire au motif qu'il lui a été indiqué que sa présence était requise pendant leur déroulement ; qu e pour autant, il n'est pas fait état de ce qu'il a manifesté l'intention de s'en aller, ce qui aurait pu être mis en oeuvre avec la désignation par lui d'un représentant ; qu e la déclaration du salarié selon lequel M. X...aurait été suivi quasiment en permanence dans ses déplacements dans les locaux visités ne fait pas la preuve suffisante des irrégularités alléguées, s'agissant d'observations a posteriori par une personne qui ne connaissait manifestement pas les droits et obligations de chacune des personnes présentes ; que, de plus, il est relevé que M. X...a été assisté de son avocat « de façon intermittente » et qu'il n'a pas estimé utile de formuler des remarques sur le déroulement des opérations ainsi que la possibilité lui en a été offerte, avant de signer le procès-verbal ; que si l'article L. 16 B prévoit que « le contribuable peut faire appel à un conseil de son choix », il n'en résulte pas que les opérations ne peuvent commencer ou qu'elles doivent être suspendues en l'absence du conseil ; qu'en effet, la visite domiciliaire est une mesure particulière qu'il est nécessaire d'exécuter sans délai pour en préserver l'efficacité, les dispositions de l'article L. 16 B issues de la loi du 4 août 2008 ont été reconnues conformes à la Constitution, alors qu'un recours juridictionnel a été institué qui permet de débattre contradictoirement de la régularité et du bien-fondé de la décision du juge des libertés et de la détention et a posteriori de la régularité du déroulement des opérations ; que le texte visé ne prévoit pas la suspension des opérations de visite et de saisie qui sont d'ordre matériel, sans interrogatoire des personnes concernées ; »
Alors, en premier lieu, qu'une visite domiciliaire ne peut débuter sans que l'intéressé qui le souhaite bénéficie effectivement de l'assistance d'un avocat ; qu'ainsi, l'interprétation selon laquelle l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales prévoyant que le contribuable peut faire appel à un conseil de son choix permettrait de débuter les opérations de visite et de saisie sans la présence effective de l'avocat souhaité par le contribuable est contraire aux articles 6 § 1 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que, par ailleurs, la présence de l'avocat qu'entend avoir le contribuable ne constitue aucunement une présomption de l'existence d'une volonté d'exercer des recours ; qu'en retenant, toutefois, que la faculté de faire appel à un conseil de son choix ne suspend pas le début de l'exécution de la visite et saisie et qu'un recours juridictionnel a été institué permettant de débattre contradictoirement de la régularité et du bien-fondé de la décision du juge et de la régularité du déroulement des opérations, le Premier Président a méconnu l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales et les articles 6 § 1 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Alors, en second lieu, que durant la visite domiciliaire, qui est effectuée en présence de l'occupant des lieux, il ne peut pas être interdit à ce dernier d'aller et venir et de se restaurer ; qu'en l'espèce, les agents des finances publiques et l'Officier de police judiciaire ont interdit formellement au dirigeant, M. X..., de quitter les lieux, fut-ce pour déjeuner, et l'ont placé pendant tout le cours des opérations sous la garde effective de l'Officier de police judiciaire ; qu'en se bornant à écarter la déclaration d'un salarié, sans rechercher si M. X...avait effectivement fait l'objet d'une interdiction de se déplacer librement dans les locaux, n'avait pas sa liberté de mouvement pendant le cours des opérations matérielles de visites, n'avait pas la possibilité de quitter les lieux sans entrave et pouvait s'entretenir avec son avocat, le Premier Président a méconnu l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales.