LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Kemal X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 4e chambre, en date du 11 septembre 2014, qui a prononcé sur sa requête en relèvement de l'interdiction définitive du territoire français ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 mai 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Germain, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller GERMAIN et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 33 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 593, 702-1 et 703 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, un juste équilibre doit être assuré entre, d'une part, le droit au respect de la vie privée et familiale, d'autre part, les impératifs de la défense de l'ordre public, de la prévention des infractions pénales et de la protection de la santé publique ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., de nationalité serbe, a déposé, le 31 janvier 2013, une requête en relèvement de la peine complémentaire d'interdiction définitive du territoire français à laquelle il a été condamné, le 7 mars 2002, pour des infractions à la législation sur les stupéfiants ; qu'il a notamment exposé que, réfugié politique, il faisait l'objet d'une assignation à résidence depuis son élargissement le 9 février 2004 et qu'il était domicilié, avec son épouse et leurs quatre enfants, tous de nationalité française, en France, où il exerçait un emploi ;
Attendu que, pour rejeter cette requête, l'arrêt retient notamment que M. X..., qui ne justifie pas de démarches pour être admis dans un autre pays, bénéficie d'une assignation à résidence renouvelée tous les six mois, de sorte que le maintien de la mesure d'interdiction définitive du territoire national n'entraîne pas, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, une atteinte à sa vie privée et familiale disproportionnée au regard des impératifs de sûreté publique, de prévention des infractions pénales et de protection de la santé publique ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs contradictoires, et en méconnaissance du principe de proportionnalité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 11 septembre 2014, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois juin deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.