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28/05/2015 | FRANCE | N°14-82559

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 mai 2015, 14-82559


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Daniel X...,

contre l'arrêt de la cour d'assises de la GUYANE, en date du 28 janvier 2014, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 14 mars 2012 pourvoi n° 11-86.018), l'a condamné pour viols, tentative de viol et agressions sexuelles aggravés, à quinze ans de réclusion criminelle et dix ans de suivi socio-judiciaire ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1er avril 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Drai, con

seiller rapporteur, MM. Foulquié, Moignard, Castel, Raybaud, Mme Caron M. Moreau, co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Daniel X...,

contre l'arrêt de la cour d'assises de la GUYANE, en date du 28 janvier 2014, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 14 mars 2012 pourvoi n° 11-86.018), l'a condamné pour viols, tentative de viol et agressions sexuelles aggravés, à quinze ans de réclusion criminelle et dix ans de suivi socio-judiciaire ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1er avril 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, MM. Foulquié, Moignard, Castel, Raybaud, Mme Caron M. Moreau, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Beghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Wallon ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DRAI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;
Vu les mémoires personnel et ampliatif produits ;
Sur la recevabilité du mémoire personnel :
Attendu que le mémoire personnel, transmis à la Cour par l'avocat du demandeur le 28 février 2014 n'est pas recevable, la transmission par télécopie n'étant pas prévue par l'article 585 du code de procédure pénale ;
Sur le deuxième moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 310, 315, 316, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la cour, par un arrêt du 10 décembre 2009, a rejeté la demande formulée par la défense de donner acte du dépôt, dans le cadre de l'obligation de motivation, de conclusions au fond ;
"aux motifs que le donné acte contentieux a pour objet de permettre la constatation d'un fait survenu à l'audience ou d'un fait survenu hors de l'audience ; que le dépôt de conclusions évoquant des moyens de défense au fond, ne rentre pas dans les prévisions de l'article 316 du code de procédure pénale ; par ailleurs, le dépôt de telles conclusions, aux fins d'être conservés par la cour et le jury en vue de la délibération prévue par les articles 355 et suivants du code de procédure pénale, est contraire aux dispositions de l'article 347 du code de procédure pénale ;
"1°) alors que le donné acte a pour but de faire constater un fait survenu à l'audience ou d'un fait survenu hors de l'audience ; que dès lors, en rejetant la demande de donner acte tendant à faire constater le dépôt de conclusions au fond, en se fondant sur le motif inopérant selon lequel « le dépôt de conclusions évoquant des moyens de défense au fond, ne rentre pas dans les prévisions de l'article 316 du code de procédure pénale », la cour a violé les textes et principes susvisés ;
" 2°) alors que pour justifier le rejet des conclusions de donner acte tendant à la constatation du dépôt de conclusions au fond, la cour a relevé que le dépôt de conclusions, aux fins d'être conservés par la cour et le jury en vue de la délibération prévue par les articles 355 et suivants du code de procédure pénal, serait contraire aux dispositions de l'article 347 du code de procédure pénale ; qu'en se fondant sur un tel motif, bien que la demande de donner acte concernait uniquement le dépôt de conclusions au dossier de la procédure, la cour a privé sa décision de toute base légale" ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que l'avocat de l'accusé a saisi la cour de conclusions aux fins qu'il lui soit donné acte du dépôt de conclusions, devant être conservées pendant la délibération et développant des moyens de défense auxquels il devrait être répondu dans le cadre de l'obligation de motivation ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt énonce, d'une part que le dépôt de conclusions évoquant des moyens de défense au fond n'entre pas dans les prévisions de l'article 316 du code de procédure pénale, d'autre part que le dépôt de telles conclusions, aux fins d'être conservées par la cour et le jury en vue de la délibération, serait contraire aux dispositions de l'article 347 du code de procédure pénale ;
Attendu que la cour a rejeté à bon droit la demande de donné acte dès lors que, d'une part, les débats devant la cour d'assises sont oraux, d'autre part, ladite demande se heurte à la prohibition, pour le président, de conserver, pendant le délibéré, d'autres documents que ceux limitativement énumérés par l'article 347 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le premier moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 310, 315, 316, 346, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce qu'il résulte des énonciations du procès-verbal des débats qu'il a été donné acte à la défense de ce que la partie civile Mme Valentine F... faisant état de problème de santé qui l'empêchent de se présenter et produisant un certificat médical, elle demandait qu'un médecin soit désigné par la cour pour vérifier son état de santé ; que la présidente a alors observé que les parties civiles ne pouvaient être contraintes à comparaître devant la cour de sorte qu'elle n'entendait pas faire droit à cette demande ;
"alors que seule la cour est compétente lorsqu'elle est saisie d'un incident contentieux ; qu'en l'espèce, la défense avait demandé à la cour de désigner un médecin pour vérifier l'état de santé d'une partie civile qui avait décidé de ne pas se présenter et avait produit un certificat médical ; que dès lors, la présidente de la cour d'assises, en prenant seul la décision de refuser d'ordonner une telle mesure d'expertise, au lieu de saisir la cour de cet incident contentieux, a nécessairement excédé ses pouvoirs" ;
Vu l'article 315 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ce texte, la cour est tenue de statuer sur les conclusions déposées par l'accusé ou par son avocat ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que l'avocat de l'accusé a saisi oralement la cour d'une demande tendant à la désignation d'un expert aux fins de vérifier l'état de santé de l'une des parties civiles, absente lors des débats ; que, sans qu'il soit établi que les autres parties ont été entendues sur cette demande, le président a fait connaître qu'il n'entendait pas y faire droit, les parties civiles ne pouvant être contraintes de comparaître devant la cour d'assises ;
Mais attendu qu'en procédant ainsi, le président a méconnu le texte susvisé, dès lors que son refus avait fait naître un incident contentieux relevant de la compétence exclusive de la cour ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le troisième moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 6, §,3 de la Convention européenne des droits de l'homme, 348, 349, 350, 351, 352, 591 à 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des principes de l'oralité et du contradictoire ainsi que des droits de la défense ;
"en ce qu'il résulte des énonciations du procès-verbal des débats que, la présidente a déclaré les débat terminés ; qu' elle a ordonné que le dossier de la procédure soit déposé entre les mains du greffier, à l'exception de la décision de renvoi et de l'arrêt de la cour d'assises ayant statué en premier ressort ainsi que de la feuille de motivation qui l'accompagne qu'elle a conservée en vue de la délibération ; que le dossier a été remis au greffier ; que la présidente a ordonné la levée du huis-clos ; que les portes étant alors ouverte et le public étant autorisé à pénétrer dans la salle d'audience ; que la présidente a donné lecture des questions auxquelles la cour et le jury auront à répondre ; qu'à ce moment, Me Tshefu, avocat de l'accusé, a déposé des conclusions demandant à la cour de ne pas dénaturer les données du procès en formulant des questions subsidiaires qui ne résultent pas des faits et auditions lors des débats ; que la présidente a alors ordonné la réouverture des débats et la reprise du huis clos ; que sur ordre de la présidente, les personnes étrangères à l'affaire se sont retirées et les portes de la salle d'audience ont été fermées ; que la cour après avoir entendu le ministère public, les parties et leurs avocats l'accusé ayant eu la parole le dernier, a délibéré sans le concours des jurés et la président a prononcé l'arrêt suivant : (¿)la présidente a déclaré les débats terminés ; qu'elle a ordonnée que le dossier de la procédure soit déposé entre les mains du greffier, à l'exception de la décision de renvoi et de l'arrêt de la cour d'assises ayant statué en premier ressort ainsi que de la feuille de motivation qui l'accompagne qu'elle a conservée en vue de la délibération ; que le dossier a été remis au greffier ; que la présidente a ordonné la levée du huis-clos ; que les portes étant alors ouvertes et le public étant autorisé à pénétrer dans la salle d'audience ; que la présidente a donné lecture des questions auxquelles la cour et le jury auront à répondre ;
"alors que le président de la cour d'assises, qui a décidé de modifier les circonstances de fait ou de droit contenues dans le dispositif de la décision de mise en accusation, doit donner lecture des questions aux parties au plus tard avant le réquisitoire et les plaidoiries pour leur permettre de faire valoir toutes observations utiles à leur défense ; que dès lors qu'il ressort du procès-verbal des débats que la présidente n'a donné lecture des questions subsidiaires qu'elle souhaitait voir poser à la cour et au jury qu'après la clôture des débats et les plaidoiries au fond, soit à un moment ne permettant plus aux parties de faire valoir toutes observations utiles à leur défense sur le fond, la procédure est entachée de nullité" ;

Vu les articles 348 et 351 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme;
Attendu que, selon les dispositions combinées des deux premiers de ces textes, s'il résulte des débats une qualification légale autre que celle donnée par l'arrêt de renvoi, le président doit poser une question subsidiaire dont il est tenu de donner lecture, sauf si l'accusé ou son défenseur y renonce ;
Attendu qu'il résulte du texte conventionnel susvisé que tout accusé a droit notamment à être informé, dans le plus court délai, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui et doit disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats, qu'après la clôture de ceux-ci, le président a donné lecture des questions auxquelles la cour et le jury auraient à répondre ; que, saisie de conclusions de l'avocat de l'accusé s'opposant aux questions subsidiaires formulées ne résultant pas des débats, la cour, après avoir donné la parole au ministère public et aux parties, a rejeté la demande ; que le président a de nouveau donné lecture des questions auxquelles la cour et le jury auraient à répondre ;
Mais attendu qu'en procédant ainsi et sans qu'il ressorte des énonciations du procès-verbal des débats que, pour permettre à l'accusé ou à son avocat de faire valoir toutes observations utiles à la défense, le président ait prévenu les parties, avant les plaidoiries et réquisitions, qu'il envisageait de poser, comme résultant des débats, lesdites questions subsidiaires, fussent-elles déclarées sans objet, le président a méconnu les textes et les principes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est de nouveau encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'assises de la Guyane, en date du 28 janvier 2014, ensemble la déclaration de la cour et du jury et les débats qui l'ont précédée, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de la Martinique, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de la Guyane et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit mai deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-82559
Date de la décision : 28/05/2015
Sens de l'arrêt : Cassation et désignation de juridiction
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

COUR D'ASSISES - Questions - Question subsidiaire - Question posée après la clôture des débats - Droits de la défense - Violation

COUR D'ASSISES - Débats - Président - Questions - Question subsidiaire - Question posée après la clôture des débats - Droits de la défense - Violation

Méconnaît les dispositions des articles 348 et 351 du code de procédure pénale, ensemble celle de l'article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, le président de la cour d'assises qui, après la clôture des débats, donne lecture de questions subsidiaires auxquelles la cour et le jury auraient à répondre, alors qu'il ne résulte pas du procès-verbal des débats que, pour permettre à l'accusé ou à son avocat de faire valoir toutes observations utiles à la défense, le président ait, avant les plaidoiries et réquisitions, prévenu les parties de son intention de poser lesdites questions subsidiaires


Références :

Sur le numéro 1 : articles 310, 315 et 316 du code de procédure pénale
Sur le numéro 2 : article 347 du code de procédure pénale
Sur le numéro 3 : articles 348 et 351 du code de procédure pénale

article 6, § 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Cour d'assises de la Guyane, 28 janvier 2014

Sur le n° 1 : Sur la nécessité d'un arrêt de la cour d'assises en cas de refus de donner acte par le président créant un incident contentieux, à rapprocher :Crim., 10 novembre 1998, pourvoi n° 98-81810, Bull. crim. 1998, n° 293 (2) (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 mai. 2015, pourvoi n°14-82559, Bull. crim. criminel 2015, n° 130
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2015, n° 130

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Wallon
Rapporteur ?: Mme Drai
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.82559
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