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19/05/2015 | FRANCE | N°14-10366

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 mai 2015, 14-10366


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 8 octobre 2013), que la société Lavomanoir, propriétaire de terres données à bail rural à M. et Mme X..., a délivré à ces derniers un congé au visa de l'article L. 411-64 du code rural et de la pêche maritime à effet au 31 octobre 2012 ; que soutenant que ce congé était incompatible avec le jugement du 23 novembre 2006 ayant arrêté, pour une durée de onze ans, le plan de redressement judiciaire de M. X..., les preneurs ont saisi le tr

ibunal paritaire des baux ruraux en annulation de ce congé ;
Attendu que M. ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 8 octobre 2013), que la société Lavomanoir, propriétaire de terres données à bail rural à M. et Mme X..., a délivré à ces derniers un congé au visa de l'article L. 411-64 du code rural et de la pêche maritime à effet au 31 octobre 2012 ; que soutenant que ce congé était incompatible avec le jugement du 23 novembre 2006 ayant arrêté, pour une durée de onze ans, le plan de redressement judiciaire de M. X..., les preneurs ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation de ce congé ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de valider ce congé alors, selon le moyen, que lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée, le tribunal arrête dans ce but un plan de continuation qui met fin à la période d'observation ; que ce plan rend ses dispositions applicables à tous ; qu'en conséquence, le bailleur rural, créancier du preneur en redressement judiciaire, ne peut, antérieurement à la fin du plan de continuation qui lui est opposable, exercer son droit de reprise qui aboutit à l'éviction du preneur aux motifs que celui-ci a atteint l'âge de la retraite ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles L. 626-1 et suivants du code de commerce, d'ordre public ;
Mais attendu qu'après l'adoption d'un plan de redressement, les contrats en cours se poursuivent conformément aux règles qui leur sont applicables de sorte que le bailleur peut, au cours de l'exécution de ce plan, exercer son droit de refuser, pour le motif prévu à l'article L. 411-64 du code rural et de la pêche maritime, le renouvellement du bail rural consenti au débiteur ; que dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le plan de continuation homologué par jugement du 23 novembre 2006 n'interdit pas la délivrance d'un congé aux preneurs ayant atteint l'âge de la retraite pendant l'exécution de ce plan ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR validé le congé délivré par la SCI LAVOMANOIR aux époux X... sur le fondement de l'article L. 411-64 du code rural.
AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. Louis X... a été placé en règlement judiciaire par jugement du tribunal de grande instance du Mans rendu le 8 juin 2006 et la même juridiction a, par jugement du 23 novembre 2006 arrêté un plan de redressement d'une durée de 11 années dans le cadre duquel M. X... s'est engagé à rembourser les créances admises au passif à concurrence de 28 % la première année et de 7% les 10 années suivantes. En application de l'article L.626-11 du code de commerce, le jugement du 23 novembre 2006 est opposable à la SCI LAVOMANOIR en ce qui concerne sa créance déclarée admise au passif.Dans le cadre de cette procédure collective, la SCI LAVOMANOIR n'a pas mis en oeuvre la procédure prévue aux articles L.622-13 et L.622-14 du code de commerce aux fins d'obtenir la résiliation de plein droit du bail et M. Louis X... n'a lui-même pas demandé la résiliation du bail comme lui permet l'article L.627-2 du même code.Cependant, si, en l'absence de désignation d'un administrateur, M. Louis X... a légitimement exercé sa faculté d'exiger la poursuite du contrat de bail en cours, cette faculté ne peut cependant pas faire obstacle au congé qui lui a été délivré par la SCI LAVOMANOIR le 28 octobre 2011 en cours d'exécution du plan sur le fondement des dispositions d'ordre public de l'article L.411-64 du code rural.En effet le congé est fondé sur le fait qu'il a atteint l'âge de la retraite postérieurement au jugement de redressement judiciaire, cause indépendante du paiement d'une somme d'argent seul objet de la procédure collective. Ainsi, si le plan de continuation homologué le 23 novembre 2006 autorisant M. Louis X... à poursuivre son activité agricole aux fins de règlement du passif est opposable à la SCI LAVOMANOIR en ce qui concerne le remboursement de sa créance admise au passif, il ne fait pas obstacle, à la délivrance d'un congé fondé sur une cause survenue postérieurement sans aucun lien avec cette créance et qui ne constitue donc pas, pour M. Louis X..., une charge de remboursement nouvelle au sens de l'article L.626-10 alinéa 3 du code de commerce. Les dispositions du code de commerce relatives à la procédure collective dont l'objet est l'apurement du passif de M. X... ne peuvent faire échec aux dispositions d'ordre public du code rural et, notamment, à la faculté du bailleur de donner congé au preneur en application de l'article L.411-64 de ce code.C'est à bon droit que les premiers juges, constatant que la procédure tendant à l'annulation du congé délivré sur ce fondement et celle tendant à la poursuite de l'exploitation et à l'apurement du passif n'ont pas le même objet, en ont justement déduit que l'homologation du plan de continuation n'interdit pas la délivrance d'un congé au preneur ayant atteint l'âge de la retraite durant l'exécution de ce plan.Aucune disposition du code de commerce ne fait obligation au bailleur de prendre un engagement ferme, dans le cadre d'une procédure collective, avant l'âge de la retraite du preneur, sur la faculté de reprise des terres louées qui lui est offerte par l'article L.411-64 du code rural. Il ne peut donc utilement être reproché à la SCI LAVOMANOIR de n'avoir pas renoncé par anticipation, en 2006, à cette faculté qui ne lui a été offerte que 5 ans après.Par ailleurs, les époux X... ne rapportent pas la preuve que leur impossibilité de cultiver les 13ha 42a 55ca loués à la SCI LAVOMANOIR mettrait à néant les engagements de remboursement pris par M. Louis X... dans le cadre du plan de redressement alors que les appelants bénéficient de revenus nouveaux constitués par leurs pensions de retraite. En tout état de cause, il n'appartient qu'au tribunal de grande instance de dire si le refus de renouvellement du bail à compter du 31 octobre 2012, date à laquelle les preneurs atteindront l'âge de la retraite, constitue, comme le soutiennent ces derniers, une modification substantielle du plan de redressement dont bénéficie M. X... et de se prononcer sur le devenir de ce plan compte tenu de la réduction des surfaces cultivables et des nouveaux revenus de M. X....En conséquence, la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a validé le congé délivré par la SCI LAVOMANOIR » (arrêt p. 6 alinéas 1 et 2 et p. 7 alinéas 1, 2 et 3).ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU'« en vertu de l'article L 411-64 du code rural, le bailleur peut, par dérogation aux articles L 411-5 et L 411-46:- soit refuser le renouvellement du bail au preneur ayant atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles ;- soit limiter le renouvellement à l'expiration de la période triennale au cours de laquelle le preneur atteindra cet âge.Dans les deux cas ci-dessus, le bailleur doit prévenir le preneur de son intention de refuser le renouvellement du bail ou d'y mettre fin par acte extrajudiciaire signifié au moins dix-huit mois à l'avance.En l'espèce, ni la régularité formelle, ni l'absence de tardiveté du congé litigieux ne sont contestées.Le jugement rendu le 23 novembre 2006 ayant arrêté le plan de redressement litigieux concerne Monsieur Louis X... seul. Son épouse ne peut donc pas s'en prévaloir pour faire échec au congé délivré.Restent à examiner les effets du plan de redressement à l'égard de Monsieur Louis X....Selon l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.En l'espèce, l'objet et la cause de la demande de Monsieur Louis X... dans le cadre de la présente instance et dans le cadre de l'instance ayant donné lieu au jugement précité du 23 novembre 2006 sont radicalement distincts.Dans la première, l'objet de la demande est l'annulation d'un congé délivré par le bailleur et sa cause, les dispositions du statut du fermage, plus particulièrement l'article L411-64.Dans la seconde instance, l'objet de la demande tend à la poursuite de l'exploitation et à l'apurement du passif de l'exploitant, tandis que sa cause relève des dispositions applicables aux procédures collectives.En conséquence, il ne peut pas y avoir autorité de la chose jugée dans le cadre du présent litige.En vertu de l'article L626-10 du code de commerce, auquel renvoie l'article L631- l9, le plan de redressement désigne les personnes tenues de l'exécuter et mentionne l'ensemble des engagements qui ont été souscrits par elles et qui sont nécessaires à la sauvegarde de l'entreprise.Ces engagements portent sur l'avenir de l'activité, les modalités du maintien et du financement de l'entreprise, le règlement du passif soumis à déclaration ainsi que, s'il y a lieu, les garanties fournies pour en assurer l'exécution.Les personnes qui exécuteront le plan ne peuvent pas se voir imposer des charges autres que les engagements qu'elles ont souscrits au cours de sa préparation, sous réserve des dispositions prévues aux articles L626-3 et L626-16.Traditionnellement, le plan de redressement interdit aux créanciers admis à y participer d'exiger d'autres paiements que ceux fixés au plan et, plus généralement, d'exercer des poursuites individuelles à l'égard du débiteur qui respecte les remboursements fixés au plan. Ce principe interdit également la résiliation des contrats en cours fondée uniquement sur le non paiement d'une dette incluse dans le plan de redressement.En l'occurrence, la délivrance d'un congé ne constitue pas une action en résiliation de bail et, surtout, ce congé n'est pas fondé sur le non paiement d'une dette de la part de Monsieur Louis X....Le plan de redressement n'évoque nullement le sort des baux en cours dans le cadre de l'exploitation de l'intéressé et n'a donc pas pu imposer leur poursuite aux bailleurs concernés.Monsieur Louis X... ne peut reprocher cette omission à la SCI LA VOMANOIR. La procédure de redressement judiciaire est instituée au bénéfice du débiteur exploitant, non en faveur des créanciers. Si, pour la poursuite de son exploitation, Monsieur Louis X... souhaitait qu'il soit interdit aux bailleurs de mettre un terme aux contrats en cours, notamment en raison de son âge, il lui appartenait de soumettre la question lors de l'établissement du projet de redressement.En définitive, aucune disposition légale ou tirée du plan de redressement litigieux ne peut faire échec au congé délivré par la SCI LA VOMANOIR à Monsieur Louis X....
Ce congé doit en conséquence être validé » (jugement p. 3 alinéas 1, 2 et 3 des motifs, p. 4 et p. 5 alinéas 1 à 3).
ALORS QUE lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée, le Tribunal arrête dans ce but un plan de continuation qui met fin à la période d'observation ; que ce plan rend ses dispositions applicables à tous ; qu'en conséquence, le bailleur rural, créancier du preneur en redressement judiciaire, ne peut, antérieurement à la fin du plan de continuation qui lui est opposable, exercer son droit de reprise qui aboutit à l'éviction du preneur aux motifs que celui-ci a atteint l'âge de la retraite ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé par refus d'application les articles L.626-1 et suivants du code de commerce, d'ordre public.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-10366
Date de la décision : 19/05/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Redressement judiciaire - Plan de redressement - Jugement arrêtant le plan - Preneur ayant atteint l'âge de la retraite pendant l'exécution du plan - Refus de renouvellement du bail consenti au débiteur - Validité - Effet - Continuation des contrats en cours

BAIL RURAL - Bail à ferme - Congé - Congé délivré à un preneur âgé - Validité - Redressement judiciaire - Plan de redressement - Jugement arrêtant le plan - Effets - Détermination

Après l'adoption d'un plan de redressement, les contrats en cours se poursuivent conformément aux règles qui leur sont applicables de sorte que le bailleur peut, au cours de l'exécution de ce plan, exercer son droit de refuser, pour le motif prévu à l'article L. 411-64 du code rural et de la pêche maritime, le renouvellement du bail consenti au débiteur. Dès lors, c'est à bon droit qu'une cour d'appel a retenu que l'arrêté d'un plan de redressement n'interdisait pas la délivrance d'un congé aux preneurs ayant atteint l'âge de la retraite pendant l'exécution de ce plan


Références :

article L. 411-64 du code rural et de la pêche maritime

articles L. 626-1 et suivants du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 08 octobre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 mai. 2015, pourvoi n°14-10366, Bull. civ. 2015 n°5,IV, n°83
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2015 n°5,IV, n°83

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Schmidt
Avocat(s) : Me Copper-Royer, Me Foussard

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.10366
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