La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/04/2015 | FRANCE | N°14-87914

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 avril 2015, 14-87914


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Nordine X..., - M. Lotfi Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RIOM, en date du 28 octobre 2014, qui, dans l'information suivie contre eux, notamment, du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a prononcé sur leurs requêtes en annulation de pièces de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 mars 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article

567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Monfort, conseiller r...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Nordine X..., - M. Lotfi Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RIOM, en date du 28 octobre 2014, qui, dans l'information suivie contre eux, notamment, du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a prononcé sur leurs requêtes en annulation de pièces de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 mars 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Monfort, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller MONFORT, les observations de la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général BOCCON-GIBOD ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle en date du 15 janvier 2015 joignant les pourvois en raison de la connexité et prescrivant leur examen immédiat ;
Sur le pourvoi formé par M. Y... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
Sur le pourvoi formé par M. X... :
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1 et 8, de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire, des articles 80, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit que l'examen de la régularité de la procédure n'établissait pas l'existence d'une nullité tirée de la violation des dispositions de l'article 80 du code de procédure pénale ou d'une absence de loyauté dans le recueil des preuves ;
" aux motifs que sur le moyen tiré de la violation de l'article 80 du code de procédure pénale, les enquêteurs de la brigade des stupéfiants de la sûreté urbaine du Puy de Dôme agissant dans le cadre d'une commission rogatoire de Mme Z... juge d'instruction à Clermont-Ferrand ont été amené à procéder à l'interception d'une ligne téléphonique concernant une des personnes mises en cause, laquelle était détenue ; que dans le cadre de ces écoutes, ils ont été amenés à constater que ce téléphone était également utilisé par un autre détenu s'avérant être M. Rédouane Y... ; que celui-ci étant détenu provisoirement il leur était facile de déterminer dans le cadre de quelle information il l'était, de connaître le service en charge de l'enquête et d'aviser celui-ci de l'existence de ces conversations téléphoniques ; que c'est ainsi que les policiers du SRPJ de Clermont-Ferrand ont été avisé de l'existence de ces enregistrements, ont contacté le juge d'instruction mandant lequel a sollicité de son collègue la transmission de ces retranscriptions ainsi que de la commission rogatoire technique en vertu de laquelle elles avaient été diligentées ; qu'à ce stade de la procédure il n'y avait aucune nécessité pour l'un ou l'autre des juges d'instruction de saisir le procureur de la République de faits nouveaux, Mme Z... ne souhaitant manifestement pas une extension de saisine aux faits délictuels éventuellement révélés par ces conversations et Mme A... ayant la possibilité, ainsi que l'a reconnu de manière constante la jurisprudence, de procéder aux investigations nécessaires pour vérifier la réalité et l'étendue d'infractions nouvelles que révéleraient les pièces qui lui avaient été communiquées ; que c'est ce qu'elle a fait en poursuivant les investigations notamment en direction de Nordine X... dont les interceptions permettaient de penser qu'il était peut-être impliqué dans le trafic ; que lorsque les éléments qu'elle a jugé probants ont été recueillis elle a, avant de faire déférer devant elles les personnes que la poursuite de son information avait permis d'impliquer, transmis la procédure au ministère public le 26 janvier 2014 afin de lui permettre de la saisir de faits nouveaux, ce que le procureur de la République a fait par un réquisitoire supplétif du même jour (D933) ; que la procédure ne révèle en conséquence aucune atteinte aux dispositions de l'article 80 du code de procédure pénale ; que sur le moyen de la loyauté de la preuve, l'article 427 du code de procédure pénale pose le principe de la liberté de la preuve ; qu'il est néanmoins constant que le recueil des preuves doit répondre à un impératif de loyauté et que doivent être considérés comme nuls des éléments de preuve obtenus de manière déloyale ; que le fait de laisser se perpétrer un délit mineur dans le but de recueillir des éléments permettant de démanteler un réseau de trafiquants dont l'activité porte atteinte de manière grave à la santé publique et dont les profits conduisent souvent au financement d'activités, plus graves encore ne constitue pas en soi une atteinte au principe de loyauté ; qu'il n'en est autrement que lorsque les services d'enquête, par des actes positifs constituant un stratagème, poussent des individus à la commission d'une infraction ou portent atteinte volontairement à leur droit de ne pas s'auto-incriminer ; que c'est ainsi d'ailleurs que la CEDH opère la distinction entre preuve loyale et déloyale comme elle l'a rappelé dans un arrêt du 5 février 2008 (Ramanauskas c Lituanie) : « il y a provocation policière lorsque les agents impliqués ¿ membres des forces de l'ordre ou personnes intervenant à leur demande ¿ ne se limitent pas à examiner d'une manière purement passive l'activité délictueuse, mais exercent sur la personne qui en fait l'objet une influence de nature à l'inciter à commettre une infraction qu'autrement elle n'aurait pas commise, pour en rendre possible la constatation, c'est-à-dire en apporter la preuve et la poursuivre ; que les enquêteurs n'ont en l'espèce commis aucun acte positif pour inciter Redouane Y... à utiliser un téléphone en détention de sorte que la retranscription des conversations qu'il a tenues spontanément n'a pas été obtenue à l'aide d'un stratagème pouvant être considéré comme déloyal ; qu'il n'y a dès lors eu atteinte à aucune des règles légales ou conventionnelles évoquées par les requérants ;

" 1°) alors qu'il résulte de l'article 80 du code de procédure pénale que lorsque des faits nouveaux sont portés à la connaissance du juge d'instruction, celui-ci doit immédiatement communiquer au procureur de la République les procès-verbaux constatant les faits non visés au réquisitoire introductif ; que le juge d'instruction peut seulement vérifier la vraisemblance des faits nouveaux, sans avoir recours à des moyens coercitifs ou intrusifs tels que des écoutes téléphoniques ; qu'ainsi, en l'espèce, le juge d'instruction n'ayant communiqué au procureur de la République les faits nouveaux pour lesquels il a mis M. X... sur écoute téléphonique que trois mois et demi après leur découverte, la chambre de l'instruction aurait dû annuler les écoutes et la procédure subséquente, en ce qui concerne M. X... ;
" 2°) alors que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ; que la conjugaison du fait de laisser sciemment se poursuivre le délit de recel d'introduction illicite d'un téléphone portable dans une maison d'arrêt avec la mise sur écoute de la ligne téléphonique correspondante, constitue un stratagème et un procédé déloyal qui doit être sanctionné par la nullité des écoutes et de la procédure subséquente ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction aurait dû prononcer l'annulation des écoutes téléphoniques du téléphone utilisé par M. Y..., introduit illicitement en maison d'arrêt, qui ont conduit à mettre sur écoute la ligne téléphonique de M. X..., et donc annuler également les écoutes de ce dernier et sa mise en examen " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de l'interpellation de plusieurs individus détenteurs de stupéfiants, une information a été ouverte le 24 décembre 2012 au cabinet du juge d'instruction du tribunal de Cusset, du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants ; que M. Rédouane Y..., mis en cause comme fournisseur de produits, a été mis en examen, et placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de Clermont-Ferrand ; que les surveillances téléphoniques opérées en exécution d'une commission rogatoire délivrée par un juge d'instruction de Clermont-Ferrand, dans une information distincte, ont révélé que M. Y... organisait, depuis la maison d'arrêt, la dissimulation d'éléments intéressant l'information suivie au tribunal de grande instance de Cusset et poursuivait le trafic ; que le juge de Clermont-Ferrand a communiqué, par soit transmis, le 2 octobre 2013, au juge d'instruction de Cusset, une retranscription des conversations intéressant l'information dont celui-ci était chargé, orientant l'enquête vers M. Nordine X... ; que ce dernier a été placé sous écoute téléphonique ; qu'après interpellation de celui-ci, le 22 janvier 2014, ce magistrat a communiqué, le 26 janvier 2014, son dossier au procureur de la République, qui a requis qu'il soit instruit sur des faits nouveaux résultant de ces écoutes ; que M. X... mis en examen le même jour, a, le 30 juin 2014, déposé une requête aux fins d'annulation de pièces ;
Attendu que, pour écarter les griefs pris de la violation des limites de la saisine initiale du juge d'instruction par le recours à des écoutes téléphoniques afin d'établir des faits nouveaux de trafic illicite de stupéfiants, et de la déloyauté du procédé tenant à l'interception des communications téléphoniques passées clandestinement par un détenu, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, dont il résulte, d'une part, que les interceptions de communications téléphoniques ordonnées par le juge d'instruction de Cusset, à partir des renseignements légalement communiqués par le juge de Clermont-Ferrand, et à l'occasion desquelles ont été confirmés les indices de la commission de faits nouveaux, impliquant, notamment, M. X..., ont été mises en oeuvre régulièrement pour établir les délits dont le magistrat instructeur était initialement saisi et dont ils étaient le prolongement et n'ont été poursuivies que pour vérifier la vraisemblance de ces nouveaux faits, avant transmission des procès-verbaux les constatant au procureur de la République, d'autre part, que le recueil, par le juge d'instruction, des preuves résultant de l'exploitation des conversations téléphoniques passées clandestinement par M. Rédouane Y... à partir de son lieu de détention a été obtenu sans actes positifs de l'autorité publique susceptibles de caractériser un stratagème constituant un procédé déloyal, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze avril deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-87914
Date de la décision : 14/04/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PREUVE - Libre administration - Etendue - Limites - Atteinte au principe de la loyauté des preuves - Cas - Interceptions des communications passées clandestinement par un détenu (non)

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de la procédure - Annulation d'actes - Interception de conversations téléphoniques - Communications passées clandestinement par un détenu - Atteinte au principe de loyauté des preuves (non)

Ne porte pas atteinte au principe de loyauté des preuves l'exploitation, par le juge d'instruction, des interceptions, dûment autorisées, des communications passées clandestinement par un mis en examen à partir de son lieu de détention, dès lors que le recueil de ces preuves a été obtenu sans actes positifs de l'autorité publique susceptibles de caractériser un stratagème constituant un procédé déloyal


Références :

article préliminaire du code de procédure pénale

principe de loyauté de la preuve

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Riom, 28 octobre 2014

Sur l'atteinte au principe de loyauté des preuves en matière de provocation à l'infraction, à rapprocher :Crim., 7 janvier 2014, pourvoi n° 13-85246, Bull. crim. 2014, n° 1 (cassation), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 avr. 2015, pourvoi n°14-87914, Bull. crim. criminel 2015, n° 87
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2015, n° 87

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Boccon-Gibod (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Monfort
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.87914
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award