LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux époux X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Fidecompta ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 2262 du code civil, ensemble l'article L. 110-4 du code de commerce, dans leur version antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant actes établis les 8 janvier 1996 et 30 octobre 1996 par la société Cabinet juristes et conseils associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée d'avocats (l'avocat), les époux X... ont, d'abord, apporté à la société anonyme
X...
quatre titres de la société civile immobilière
X...
aux fins d'augmenter le capital de la société anonyme par la création de nouvelles actions à eux distribuées, avec la précision qu'ils entendaient bénéficier du report d'imposition de la plus-value d'apport en application de l'article 160-1 ter 4 du code général des impôts, ensuite, apporté ces actions à la société Financière Alain X... nouvellement créée ; que l'administration fiscale leur a notifié, le 20 octobre 1998, un redressement fondé sur le fait que la plus-value réalisée en janvier 1996 ne pouvait faire l'objet d'un report d'imposition et, le 31 mai 1999, un avis de mise en recouvrement ; que la contestation de ce redressement ayant été rejetée par le juge administratif, les époux X... ont, le 2 février 2011, assigné l'avocat en responsabilité ;
Attendu que, pour déclarer cette action irrecevable comme prescrite, l'arrêt énonce qu'il convient, en l'absence de dispositions contraires, de considérer que la prescription applicable à un litige entre une société commerciale à objet civil et une personne civile est la prescription commerciale, que l'avocat justifie être une société commerciale inscrite au registre du commerce et des sociétés de Marseille depuis le 4 mai 1992, et que plus de dix ans se sont écoulés entre l'avis de mise en recouvrement du 31 mai 1999 et l'assignation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en recherche de la responsabilité civile d'un avocat au titre de son activité de conseil et de rédaction d'acte, même lorsqu'elle est exercée sous la forme d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée, relève de la prescription contractuelle de droit commun, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Cabinet juristes et conseils associés aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à verser aux époux X... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action de M. et Mme X... contre la SELARL Cabinet Juristes et Conseils associés ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur et Madame X..., associés de la SCI Les Jardins de Castellane et de la SA X... ont, le 8 janvier 1996, suivant contrat rédigé par le Cabinet Juristes et Conseils associés, apporté à la SA X... quatre titres qu'ils détenaient dans la SCI X... aux fins de procéder à l'augmentation de capital de la SA et 360.000 actions ont été ainsi créées dans la société et distribuées à Monsieur et Madame X... ; (...) la volonté des associés de bénéficier du report d'imposition de la plus-value d'apport en application de l'article 160-1 ter 4 du code général des impôts était expressément indiquée dans l'acte ; (...) ces actions ont été apportées à une nouvelle société créée par eux, la société Financière Alain X... par contrat d'apport du 30 octobre 1996 rédigé par le Cabinet Juristes et Conseils associés, l'acte mentionnant la volonté des associés de bénéficier du report d'imposition de la plus-value d'apport ; (...) Monsieur et Madame X... ont reçu le 20 octobre 1998 une notification de redressement de l'administration fiscale dans la mesure où le montant de la plus-value de janvier 1996 de 3.590.000 francs n'avait pas été porté sur leur déclaration de plus-value, condition nécessaire pour pouvoir bénéficier d'un report d'imposition ; (...) Monsieur X... a contesté ce redressement et saisi le tribunal administratif de Marseille qui, par jugement du 29 novembre 2004, l'a débouté au motif que la déclaration de plus-value n'avait pas été faite dans les délais légaux de plus-value et qu'en tout état de cause, la note de la Direction générale des impôts sur laquelle il se fondait ne s'appliquait pas dès lors que la régularisation était soumise à la double condition que la déclaration d'ensemble des revenus de l'année de réalisation de la plus-value d'échange ait été souscrite dans les délais légaux et que les titres reçus en échange de l'apport n'aient pas été cédés à titre onéreux en totalité ; (...) sur les recours de Monsieur X..., sa requête a également été rejetée par la cour administrative d'appel de Marseille, pour les mêmes motifs, puis par le Conseil d'Etat ; (...) Monsieur et Madame X... recherchent la responsabilité du Cabinet Juristes et Conseils associés et de Fidecompta pour avoir manqué à leur devoir de diligence en omettant d'établir les déclarations dans les délais, et à leur devoir de conseil et d'information en ne les informant pas des conséquences fiscales de ces opérations d'apport ; (...) c'est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour d'adopte que le tribunal a estimé que l'action contre la société Fidecompta était prescrite en application de l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa version alors applicable, plus de dix ans s'étant écoulé entre l'avis de mise en recouvrement du 31 mai 1999 qui établissait le principe du dommage et l'assignation du 2 février 2011 ; (...) il convient en l'absence de dispositions contraires, de considérer que la prescription applicable à un litige entre une société commerciale à objet civil et une personne civile est la prescription commerciale ; (...) la société Cabinet Juristes et Conseils associés justifiant être une société commerciale inscrite au registre du commerce et des sociétés de Marseille depuis le 4 mai 1992, cette prescription lui est applicable et (...) il y a lieu par des motifs identiques à ceux concernant la société Fidecompta et ci-dessus rappelés, de déclarer l'action engagée à son encontre irrecevable comme prescrite ;
1°) ALORS QUE l'action en responsabilité civile dirigée contre une société d'avocats en raison de son activité de conseil et de rédaction d'actes n'est pas soumise à la prescription de l'article L.110-4 du code de commerce ; qu'ainsi, en considérant que la prescription commerciale serait applicable à l'action en responsabilité civile dirigée contre la société d'avocats Juristes et Conseils associés, après avoir constaté que cette société d'avocats avait engagé sa responsabilité par la rédaction des contrats d'apport de titres des 8 janvier et 30 octobre 1996 et les conseils donnés à l'occasion de la rédaction de ces actes, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L.110-4 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE l'action en responsabilité dirigée contre une société d'avocats en raison de son activité de conseil et rédaction d'actes était soumise, avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, à la prescription contractuelle trentenaire de droit commun et relève, depuis l'entrée en vigueur de cette loi, le 19 juin 2008, d'une prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil ; que ce délai réduit a commencé à courir au jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ; qu'ainsi, en considérant que l'action dirigée contre le cabinet d'avocats Juristes et Conseils associés, en raison de la rédaction des contrats d'apport de titres des 8 janvier et 30 octobre 1996 et des conseils donnés à l'occasion de la rédaction de ces actes, est irrecevable comme prescrite, après avoir fixé le point de départ du délai de prescription au 31 mai 1999 et constaté que les époux X... ont assigné la société Juristes et Conseils associés le 2 février 2011, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article 26-II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.