LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1315 et 2314 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par actes des 30 juillet 2004 et 3 août 2005, M. X... (la caution) s'est rendu caution solidaire envers la Banque populaire du Sud Ouest, devenue la Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique (la banque), des concours consentis à l'EARL Abadie X... (la société) ; que la société ayant été mise en redressement judiciaire le 27 octobre 2009 et un plan de redressement par continuation sur douze ans ayant été adopté le 22 avril 2011, la banque a assigné la caution en exécution de son engagement ;
Attendu que pour condamner la caution au paiement d'une certaine somme au profit de la banque et dire que les mesures conservatoires autorisées par le juge de l'exécution étaient fondées sur un titre exécutoire, l'arrêt, après avoir constaté que la déclaration de créances de la banque avait été faite hors délai et que cette dernière n'était pas admise dans la répartition des dividendes prévus par le plan de continuation, retient que la caution n'établit pas qu'elle aurait pu tirer un avantage effectif d'être admise dans les répartitions et dividendes, ni ne démontre l'existence d'une perte de chance ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que c'est au créancier de prouver que la perte du droit préférentiel dont se plaint la caution n'a causé aucun préjudice à celle-ci, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second grief :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la société Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X... et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Christian X... au paiement de la somme de 83.136,89 euros, en sa qualité de caution de l'EARL Abadie X..., au profit de la Banque Populaire du Sud Ouest, devenue banque Populaire Aquitaine Centre, et d'avoir dit que les mesures conservatoires autorisées par le juge de l'exécution dans son ordonnance du 14 juin 2010 prises par la Banque Populaire sur le patrimoine de M. Christian X... étaient désormais fondées sur un titre exécutoire ;
Aux motifs qu'« il est constant que l'EARL Abadie X... gérée par M. Christian X... a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement du 27 octobre 2009, et que le 20 avril 2011, le tribunal de grande instance de Tarbes a décidé de la continuation de l'activité de l'EARL Abadie X... et a arrêté un plan de continuation sur 12 ans ; qu'il est également constant que la déclaration de créances faite par la Banque Populaire a été faite hors délai et que sa demande de relevé de forclusion a été rejetée ; que la SA Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique n'est donc pas admise dans la répartition des dividendes prévus par le plan de continuation ; que l'article 2313 du code civil dispose que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette ; que l'article L.631-14 dernier alinéa du code de commerce, afférent à la procédure de redressement judiciaire, dispose que les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne bénéficient pas de l'inopposabilité prévue au deuxième alinéa de l'article L.622-26 et ne peuvent pas se prévaloir des dispositions prévues au premier alinéa de l'article L.622-28 du code de commerce ; qu'il en résulte que les créances non déclarées régulièrement dans les délais sont opposables aux cautions pendant l'exécution du plan et que les cautions ne peuvent pas se prévaloir de l'arrêt du cours des intérêts ; que l'article L.631-20 du code de commerce dispose que les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan ; que la créance non déclarée n'est pas éteinte, et l'exception afférente au défaut de déclaration de la créance ne constitue pas une exception inhérente à la dette et ne peut donc pas être opposée par 1a caution pour se soustraire à ses obligations ; que le créancier conserve son droit de poursuite envers la caution pendant l'exécution du plan de redressement judiciaire ; que l'article 2314 du Code Civil dispose que la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus par le fait du créancier s'opérer en faveur de la caution ; que toute clause contraire sera réputée non écrite ;qu'il est régulièrement admis que la caution doit établir qu'elle subit un préjudice dû au manquement du créancier, et qu'elle ne peut être déchargée qu'à concurrence de la valeur des droits pouvant lui être transmis par subrogation et dont elle a été privée par le fait exclusif du créancier ; que la valeur de ses droits doit s'apprécier à la date de l'exigibilité de l'obligation de la caution ; qu'en l'espèce, M. Christian X... n'établit pas qu'il aurait pu tirer un avantage effectif d'être admis dans les répartitions et dividendes ; que M. Christian X... n'établit pas l'existence d'une perte de chance ; que par ailleurs la créance ne disparaît pas, et si la caution règle la créance, elle peut bénéficier de la subrogation de l'article 2306 du code civil envers le débiteur principal ; que M. Christian X... est donc redevable envers la SA Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique de la somme restant due par l'EARL Abadie X... dans les limites de son engagement » ;
1/ Alors que, d'une part, lorsque le créancier a omis de déclarer sa créance, peu important la nature de celle-ci, la caution est déchargée de son obligation si cette dernière avait pu tirer un avantage effectif du droit d'être admise dans les répartitions et dividendes, susceptible de lui être transmis par subrogation ; qu'il revient au créancier, pour ne pas encourir la déchéance de ses droits contre la caution, d'établir que la subrogation devenue impossible n'aurait pas été efficace ; qu'en retenant, pour écarter la responsabilité de la Banque Populaire à l'égard de la caution, qui avait déclaré tardivement sa créance au passif de l'EARL Abadie X... et avait été jugée forclose, que M. X... n'établissait pas qu'il aurait pu tirer un avantage effectif d'être admis dans les répartitions et dividendes, quand il appartenait à la Banque Populaire d'établir que la subrogation, devenue impossible, n'aurait pas été efficace, la cour d'appel a violé les articles 2314 et 1315 du code civil ;
2/ Alors que, d'autre part, en toute hypothèse, en jugeant qu'il n'était pas établi que M. X... aurait pu tirer un avantage de l'exercice de son recours subrogatoire dans le cadre de la procédure collective de l'EARL pour laquelle il s'était porté caution, après avoir pourtant constaté que l'EARL Abadie X... avait fait l'objet d'un plan de redressement par continuation, prévoyant le paiement des créanciers, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 2314 du code civil.