Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Akram X...,- M. Nadir Y...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 7 novembre 2014, qui, dans l'information suivie contre le premier, des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, association de malfaiteurs, usage de fausses plaques d'immatriculation en récidive, refus d'obtempérer en récidive, rébellion en récidive, blanchiment en récidive, le second, des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, usage de fausses plaques d'immatriculation, refus d'obtempérer, a prononcé sur leurs demandes d'annulation d'actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 mars 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAUTHIER ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 15 janvier 2015, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;
I-Sur le pourvoi formé par M. Y...:
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II-Sur le pourvoi formé par M. X...:
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 47, § 3, de la Convention du 19 juin 1990 d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, 1 et 2 de la décision 2003/ 1701/ JAI du Conseil de l'Union européenne du 27 février 2003, 14, 18, 171, 206, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure examinée jusqu'à la cote D. 203 ;
" aux motifs que l'examen des pièces de la procédure permet de révéler ; que le 12 juillet 2014 à 17h00, la police judiciaire de Lyon a été avisée par le commandant de police M. Philippe A..., officier de liaison français à Malaga, qu'un renseignement recueilli au plan local signalait l'arrivée le même jour dans une urbanisation privée, dénommée « Le Village » à Marbella ; qu'un véhicule Mercedes Classe E de couleur noire immatriculée ...(logo 66) qui serait utilisé par des malfaiteurs lyonnais s'apprêtant à faire l'acquisition de résine de cannabis et à l'acheminer en région lyonnaise selon le procédé dit du « go fast » (D 2) ; que le 14 juillet 2014 à 09h00 le même officier de liaison a informé la police judiciaire de Lyon que le véhicule Mercedes Classe E de couleur noire immatriculée ...(logo 66) aurait quitté Marbella la veille en soirée (D 3) ; que toujours le 14 juillet 2014 la police judiciaire de Lyon a été rendue destinataire d'une note d'information de l'officier de liaison reprenant ces informations (D 3) ; que c'est à la suite de ces renseignements que les services de police ont mis en place un dispositif de surveillance sur l'autoroute A9 à la barrière du péage du Boulou, dispositif permettant de constater le passage de ce véhicule le 14 juillet 2014 à 19h50 avec à son bord deux individus de type maghrébin (D 4) ; qu'après avoir projeté d'autres véhicules pour jalonner l'autoroute, il a été constaté que le véhicule Mercedes était accompagné d'un second véhicule Citroën C4 de couleur noir immatriculé ...(logo 38), le dispositif mis en place révélant que les deux véhicules circulaient en convoi en direction de Lyon et que la Citroën C4 jouait le rôle « d'ouvreuse », la Mercedes évitant le péage de Vienne en empruntant la sortie de Chanas, et regagnant l'A7 par le péage de Ampuis et qu'arrivée à hauteur de Lyon, elle avait poursuivi sa progression vers le nord de la France, le dispositif de filature étant interrompu à hauteur de la sortie Chalon-sur-Saône Sud le 5 juillet 2014 à 02h20 alors que le véhicule Mercedes roulait à 230 km/ h (D 4) ; que le 19 juillet 2014 à 07h07, la Citroën C4 était détectée au Lapi de Sigean (11) comme circulant dans le sens Nord/ Sud (D 15) ; qu'à la suite de cette détection la police judiciaire de Lyon a informé l'officier de liaison de Malaga (D 16) qui s'est alors rendu le 21 juillet 2014 à 12h00 à Marbella et a relevé la présence d'un véhicule Mercedes classe E de couleur noir identique à celui précédemment aperçu dans ce quartier mais supportant l'immatriculation ... avec le logo 01 ; que selon l'officier de liaison, qui les a photographiés, se trouvait également sur place un second véhicule Mini Cooper immatriculé ...(logo 13), le véhicule Citroën C4 ne s'y trouvant pas (D18) ; que le 23 juillet 2014 à 12h00 l'officier de liaison français à Malaga a à nouveau informé la police judiciaire de Lyon de ce que se trouvaient toujours à Marbella les deux véhicules Mercedes classe E et Mini Cooper mais que se trouvaient également deux autres véhicules, une Opel Zafira immatriculé ...(avec le logo 38) et une Seat Leon immatriculée ... avec le logo 34) (D22) ; que le jour même l'attaché de sécurité intérieure de l'ambassade de France à Madrid a fait parvenir une note à l'Octris et à la DTPJ de Lyon relatant ces informations, note accompagnée de clichés photographiques des véhicules signalés (D 24) ; que le 25 juillet 2014 l'officier de liaison français à Malaga a à nouveau informé la police judiciaire de Lyon de ce qu'il avait constaté le jour même à 21h00 l'absence sur le parking de la résidence « Le Village » à Marbella des véhicules Mercedes classe E et Seat Leon (D 25) ; que cette information a permis de mettre en place un dispositif de surveillance continu au péage du Boulou à compter du 26 juillet 2014 à 09h00 et ensuite le signalement de la Mercedes ... à la barrière du Boulou le 27 juillet 2014 à 00h10 ; que le dit signalement a ensuite permis la filature de ce véhicule jusqu'à l'interpellation sur la commune de Sainte Foy Les Lyon des quatre personnes mises en examen (D26) ; qu'il s'en suit que les officiers de liaison français en poste à Malaga ont d'une part recueilli des renseignements locaux, se sont transportés à Marbella au lieu dit « Le Village » pour y constater la présence ou l'absence de véhicules, les ont photographiés et d'autre part transmis l'ensemble de ces renseignements et documentations à la police judiciaire de Lyon ; qu'aux termes de l'article 2 de la décision 2003/ 170/ JAI du Conseil de l'Union européenne, en date du 27 février 2003, relative à l'utilisation commune des officiers de liaison détachés par les autorités répressives des Etats membres, les officiers de liaison contribuent à la collecte et à l'échange d'informations pouvant être utiles pour lutter contre les formes les plus graves de la criminalité organisée transfrontière et que ces officiers de liaison exercent leurs fonctions dans le cadre de leurs attributions et dans le respect des dispositions figurant dans les législations de leur pays et dans les accords éventuellement conclus avec les Etats d'accueil ; qu'en l'espèce, les actes auxquels les officiers de liaisons français ont procédé peuvent être qualifiés d'actes de collecte et d'échange d'informations pouvant être utiles pour lutter contre les formes les plus graves de la criminalité organisée transfrontière ; que ces officiers ont exercé leurs attributions dans le respect des dispositions de ce qu'il aurait été possible de réaliser et d'acter dans le cadre français, si ces actes avaient été réalisés en France ; qu'ils n'ont par ailleurs réalisé aucun acte de police intrusif susceptible de revêtir de caractère contraignant ; que n'existe pas d'accord spécifique entre la France et l'Espagne sur ce point ; que les renseignements recueillis et transmis par les officiers de liaison étaient seulement destinés à guider et à faciliter d'éventuelles investigations de police judiciaire et que dès lors les renseignements recueillis et transmis par les officiers de liaison ne constituaient pas des actes de police judiciaire puisqu'ils étaient seulement destinés à guider d'éventuels actes de la police judiciaire en France ; que, dès lors, les dispositions de l'article 18 du code de procédure pénale ne leur étaient pas applicables ; que, par ailleurs, les actes auxquels ont procédé les officiers de liaisons français et qui ont été renseignés dans les procès-verbaux D 2, D 16, D 18, D 22, D 24 et D 25 ne permettent pas de dire que ces officiers se soient introduits dans un lieu privé en violation de la loi espagnole, dont le requérant ne justifie d'ailleurs pas, les renseignements et clichés photographiques ayant donné lieu aux dits procès-verbaux établissant que l'ensemble de ces constatations avaient été réalisées depuis un lieu accessible au public et que les emplacements sur lesquels les véhicules étaient stationnés étaient visibles d'un lieu public ; qu'il s'en suit que les actes réalisés par les officiers de liaison français en poste à Malaga sont dépourvus de toute nullité ;
" alors qu'en application de l'article 18 du code de procédure pénale, la compétence des officiers de police judiciaire ne peut s'exercer sur le territoire d'un Etat étranger en l'absence d'un traité international liant la France et l'Etat étranger ; que les officiers de liaison envoyés dans un ou plusieurs pays tiers ou organisations internationales pour établir des contacts avec les autorités de ce ou ces pays ou organisations internationales, en vue de contribuer à prévenir ou élucider des infractions pénales, ne sont pas compétents pour l'exécution autonome de mesures de police ; qu'il ressort en l'espèce des pièces de la procédure, que les officiers de liaison français en poste à Malaga (Espagne) ne se sont pas bornés à collecter et à transmettre des informations qu'ils auraient recueillies auprès des autorités espagnoles, mais ont procédé à de véritables actes de police judiciaire en se déplaçant, à plusieurs reprises, pour procéder à un repérage de véhicules, en prenant des photographies et en effectuant une surveillance dont ils ont immédiatement rendu compte à leurs collègues de la police judiciaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que des fonctionnaires de la police judiciaire de Lyon, en possession de renseignements communiqués successivement par des officiers de liaison en poste à Malaga (Espagne) sur une organisation de trafiquants, originaires de la région lyonnaise, qui, arrivés à Marbella, importait des produits stupéfiants en France à l'aide de véhicules rapides, ont saisi 834, 85 kilogrammes de résine de cannabis ainsi qu'une somme d'argent et arrêté, le 27 juillet 2014, plusieurs membres du groupe dont MM. Nadir Y...et Akram X..., mis en examen le 30 juillet 2014 ; que par ordonnance en date du 3 septembre 2014, le juge d'instruction a saisi la chambre de l'instruction pour qu'il soit statué sur la régularité de la procédure et de sa désignation ; que les avocats des mis en examen ont présenté une requête aux fins notamment d'annulation du recueil des renseignements fournis par les officiers de liaison et des actes et pièces dont ces renseignements étaient le support nécessaire ;
Attendu que, pour rejeter les requêtes en nullité, l'arrêt énonce que, dans un rapport du 12 juillet 2014, l'officier de liaison avait informé la police judiciaire de Lyon qu'il avait appris d'une source humaine locale, digne de confiance, qu'un groupe de trafiquants de la région lyonnaise, installé à Marbella, s'apprêtait à organiser un transport de résine de cannabis ; qu'après avoir informé du départ et du retour des véhicules en cause les 13 et 21 juillet 2014, l'officier de liaison a transmis des photographies des véhicules utilisés et a indiqué leur départ le 25 juillet 2014, permettant au dispositif de surveillance mis en place sur le territoire français d'intercepter les véhicules circulant en convoi ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision, dès lors que les renseignements collectés, lors des déplacements successifs des officiers de liaison, ne constituaient pas des actes de police judiciaire, mais des informations utiles pour lutter contre la criminalité transfrontière et destinées seulement à guider d'éventuelles investigations entreprises en France par la police judiciaire ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier avril deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.