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26/03/2015 | FRANCE | N°14-11206

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 26 mars 2015, 14-11206


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 octobre 2013), que Jean X... a souscrit le 5 janvier 1999 auprès de l'Association française d'épargne et de retraite (l'AFER) un contrat d'assurance sur la vie et désigné son épouse, Mme Y..., en qualité de bénéficiaire ; qu'aux termes d'une lettre manuscrite datée du 5 juillet 2000, reçue le 20 juillet 2000 par l'AFER, il a désigné ses enfants Mme Nadine X... et M. André X... (les consorts X...) en qua

lité de bénéficiaires de ce contrat, en lieu et place de Mme Y... ; qu'in...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 octobre 2013), que Jean X... a souscrit le 5 janvier 1999 auprès de l'Association française d'épargne et de retraite (l'AFER) un contrat d'assurance sur la vie et désigné son épouse, Mme Y..., en qualité de bénéficiaire ; qu'aux termes d'une lettre manuscrite datée du 5 juillet 2000, reçue le 20 juillet 2000 par l'AFER, il a désigné ses enfants Mme Nadine X... et M. André X... (les consorts X...) en qualité de bénéficiaires de ce contrat, en lieu et place de Mme Y... ; qu'invoquant cette lettre, les consorts X... ont assigné Mme Y..., ainsi que l'AFER, afin de voir juger que leur mère, qui se prévalait de l'acceptation préalable, au 10 juillet 2000, de la clause bénéficiaire initiale la désignant, ne pouvait prétendre au bénéfice du contrat ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de faire droit à la demande principale des consorts X... sur le fondement des dispositions de l'article L. 132-9 du code des assurances et de dire que Jean X... a valablement révoqué le 5 juillet 2000, au bénéfice de ses deux enfants, le contrat d'assurance-vie stipulé initialement en faveur de son épouse Mme Y..., alors, selon le moyen, que les actes sous seing privé n'ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans les actes dressés par des officiers publics, tels que procès-verbaux de scellé ou d'inventaire ; que l'acte unilatéral par lequel le souscripteur d'un contrat d'assurance vie modifie son bénéficiaire est soumis aux dispositions de l'article 1328 du code civil à l'égard des tiers non signataires dudit acte ; qu'en retenant que « Mme Y..., qui a accepté la clause bénéficiaire n'est pas un tiers au sens des dispositions de l'article 1328 du code civil », cependant que celle-ci n'était pas signataire de l'acte de révocation et n'y avait aucunement souscrit, la cour d'appel a violé l'article 1328 du code civil par refus d'application ;
Mais attendu que l'article 1328 du code civil, selon lequel les actes sous seing privé n'ont date certaine contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, n'est pas applicable aux contrats d'assurance et à leurs actes modificatifs ;
Que par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
Et attendu qu'il n'y pas lieu de statuer sur les autres branches du moyen, annexées, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement déféré en ce qu'il avait rejeté la demande principale des consorts André et Nadine X... sur le fondement des dispositions de l'article L. 132-9 du Code des assurances, et, statuant à nouveau de ce chef, d'avoir dit que Monsieur Jean X... a valablement révoqué le 5 juillet 2000, au bénéfice de ses deux enfants André et Nadine X..., le contrat d'assurance-vie numéro 122 868 52 stipulé initialement en faveur de son épouse Madame Y..., et, y ajoutant, d'avoir déclaré le présent arrêt opposable au GIE Association Française d'Epargne et de Retraite (AFER) ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la révocation par feu Jean X... de la clause bénéficiaire en application de l'article L. 132-9 du Code des assurances : Que Jean X... a souscrit de son vivant auprès de l'Association Française d'Epargne et de Retraite deux contrats d'assurance-vie :- le 15 avril 1990 : adhésion n° 2 665 107 : versement de 300. 000 francs,- le 5 janvier 1999 : transfert de la somme de 213. 577 francs du contrat d'origine vers le contrat collectif sur la vie dit DSK, adhésion n° 122 868 52, ces contrats désignant comme bénéficiaires, en cas de décès, son conjoint, ou à défaut ses enfants ; Que Madame Y... son épouse a accepté la clause bénéficiaire du contrat n° 122 868 52 par courrier non daté, mais reçu par l'AFER le 10 juillet 2000 ; Que Jean X... a adressé à l'AFER un courrier daté du 5 juillet 2000, reçu par l'AFER le 20 juillet 2000 aux termes duquel il « désigne, dans le contrat n° 122 868 52 comme nouveaux bénéficiaires à compter de ce jour, ses enfants X... André et X... Nadine pour parts égales à défaut ses ayants droits légaux » ; Qu'en application de l'article L. 132-9 du Code des assurances, I, « sous réserve des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 132-4-1, la stipulation en vertu de laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à un bénéficiaire déterminé devient irrévocable par l'acceptation de celui-ci, effectuée dans les conditions prévues au II du présent article » ; Que dans son courrier daté du 5 juillet 2000, écrit de sa main et signé par lui, Jean X... désigne « comme nouveaux bénéficiaires à compter de ce jour mes enfants X... André et X... Nadine pour parts égales à défaut mes ayants droits légaux » ; Que cet acte exprime clairement, sans équivoque la volonté du souscripteur de modifier la clause bénéficiaire au profit de ses deux enfants et de révoquer le droit de son épouse, volonté confirmée par l'envoi de la lettre à l'AFER, qui l'a reçue le 20 juillet, soit dans le même trait de temps ; Que la preuve de l'intention révocatoire de Jean X... est ainsi établie au 5 juillet 2000, date de la lettre l'exprimant, étant observé que la révocation est un acte unilatéral qui n'est soumis à aucune règle de forme et que Madame Y..., qui a accepté la clause bénéficiaire n'est pas un tiers au sens des dispositions de l'article 1328 du Code civil ; Que l'appelante n'établit pas la fausseté de la date de l'écrit contenant la révocation ; Qu'en conséquence, l'acceptation de Madame Y... par lettre non datée mais reçue le 10 juillet par l'AFER, date non contestée, qui doit donc être prise en considération, est intervenue postérieurement à la révocation, qui était donc possible et a été valablement effectuée par Jean X... ; que l'acceptation de Madame Y... est sans aucun effet ; que le bénéfice du contrat d'assurance-vie litigieux souscrit par Jean X... revient ainsi à ses deux enfants désignés, Monsieur André X... et Madame Nadine X... ; que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande principale des consorts André et Nadine X... sur le fondement des dispositions de l'article L. 132-9 du Code des assurances, mais confirmé en ce qu'il a jugé que Madame Micheline Y... veuve X... ne peut prétendre au bénéfice du contrat d'assurance-vie numéro 122 868 52 et que Monsieur André X... et Madame Nadine X... en sont les seuls bénéficiaires et dit en conséquence que l'AFER sera tenue de verser à ces derniers chacun pour moitié le capital issu dudit contrat d'assurance-vie, dans les meilleurs délais à compter du jour de notification d'une décision exécutoire » ;

1°/ ALORS QUE les actes sous seing privé n'ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans les actes dressés par des officiers publics, tels que procès-verbaux de scellé ou d'inventaire ; que l'acte unilatéral par lequel le souscripteur d'un contrat d'assurance vie modifie son bénéficiaire est soumis aux dispositions de l'article 1328 du Code civil à l'égard des tiers non signataires dudit acte ; qu'en retenant que « Madame Y..., qui a accepté la clause bénéficiaire n'est pas un tiers au sens des dispositions de l'article 1328 du Code civil » (arrêt, p. 7, § 5), cependant que celle-ci n'était pas signataire de l'acte de révocation et n'y avait aucunement souscrit, la Cour d'appel a violé l'article 1328 du Code civil par refus d'application ;
2°/ ALORS QUE, subsidiairement, dans les assurances sur la vie, l'assuré peut modifier jusqu'à son décès le nom du bénéficiaire dès lors que la volonté du stipulant est exprimée d'une manière certaine et non équivoque et que l'assureur en a eu connaissance ; que dès lors, cette modification est dépourvue d'effet lorsqu'elle n'est portée à la connaissance de l'assureur que postérieurement à l'acceptation du bénéficiaire initial ; qu'en l'espèce, il était constant que l'AFER n'avait eu connaissance de la modification du bénéficiaire du contrat d'assurance-vie que le 20 juillet 2000, soit dix jours après avoir reçu l'acceptation de Madame Y... de bénéficier du contrat (arrêt, p. 7, § 1 et 7) ; qu'il en résultait que la modification du bénéficiaire était dépourvue d'effet ; qu'en retenant pourtant que « l'acceptation de Madame Y... par lettre non datée mais reçue le 10 juillet par l'AFER, date non contestée, qui doit donc être prise en considération, est intervenue postérieurement à la révocation, qui était donc possible et a été valablement effectuée par Jean X... », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 132-9 du Code des assurances dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-1775 du 17 décembre 2007 applicable en la cause ;
3°/ ALORS QUE, en toute hypothèse, dans les assurances sur la vie, l'assuré peut modifier jusqu'à son décès le nom du bénéficiaire dès lors que la volonté du stipulant est exprimée d'une manière certaine et non équivoque et que l'assureur en a eu connaissance ; que la volonté demeure incertaine et équivoque tant que son auteur ne s'en est pas dessaisi, c'est-à-dire jusqu'au jour de son émission ; que pour considérer que « l'acceptation de Madame Y... par lettre non datée mais reçue le 10 juillet par l'AFER (...) est intervenue postérieurement à la révocation », la Cour d'appel a retenu que « la preuve de l'intention révocatoire de Jean X... est ainsi établie au 5 juillet 2000, date de la lettre l'exprimant » et que cette intention aurait été « confirmée par l'envoi de la lettre à l'AFER, qui l'a reçue le 20 juillet, soit dans le même trait de temps » (arrêt, p. 7, § 4 et 5) ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à établir la date de l'émission de la volonté de modifier le bénéficiaire de l'assurance et, partant, le caractère certain et non équivoque de cette volonté, la Cour d'appel a violé l'article L. 132-9 du Code des assurances dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-1775 du 17 décembre 2007 applicable en la cause.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-11206
Date de la décision : 26/03/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PREUVE - Preuve littérale - Acte sous seing privé - Date certaine (article 1328 du code civil) - Application - Exclusion - Cas - Contrats d'assurance et leurs actes modificatifs

ASSURANCE DE PERSONNES - Assurance-vie - Bénéficiaires - Modification ou substitution - Acte unilatéral sous seing privé - Date certaine - Article 1328 du code civil - Application (non)

L'article 1328 du code civil, selon lequel les actes sous seing privé n'ont date certaine contre les tiers que du jour où ils sont enregistrés, n'est pas applicable aux contrats d'assurance et à leurs actes modificatifs. Dès lors, se trouve légalement justifié, par ce motif de pur droit, l'arrêt qui, constatant que le souscripteur d'une assurance sur la vie a révoqué avant qu'elle ne soit acceptée la stipulation par laquelle le bénéfice de l'assurance était attribué à son épouse, décide que cet acte de révocation est valable, peu important qu'il ait ou non, à l'égard de cette dernière, date certaine au sens de l'article précité


Références :

article 1328 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 17 octobre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 26 mar. 2015, pourvoi n°14-11206, Bull. civ. 2015, II, n° 83
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2015, II, n° 83

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat général : M. Lautru
Rapporteur ?: M. Besson
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.11206
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