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10/03/2015 | FRANCE | N°13-21711

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 mars 2015, 13-21711


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société B...-C..., en qualité de liquidateur de M. X..., que sur le pourvoi incident relevé par M. Z..., en qualité de liquidateur de M. X..., et MM. Y... et A..., en qualité d'administrateurs provisoires de l'étude de M. Z... ;
Sur les moyens uniques des pourvois principal et incident, rédigés en termes identiques, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 29 mars 2013), que M. X... a été mis en redressement puis liquidation judiciaires

les 7 juillet 1999 et 28 mars 2002, M. Z... étant désigné liquidateur ; ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société B...-C..., en qualité de liquidateur de M. X..., que sur le pourvoi incident relevé par M. Z..., en qualité de liquidateur de M. X..., et MM. Y... et A..., en qualité d'administrateurs provisoires de l'étude de M. Z... ;
Sur les moyens uniques des pourvois principal et incident, rédigés en termes identiques, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 29 mars 2013), que M. X... a été mis en redressement puis liquidation judiciaires les 7 juillet 1999 et 28 mars 2002, M. Z... étant désigné liquidateur ; que le 3 février 2012, ce dernier a été suspendu provisoirement de ses fonctions de mandataire judiciaire en application de l'article L. 811-13 du code de commerce et MM. Y... et A... désignés administrateurs provisoires pour accomplir les actes nécessaires à la gestion de son cabinet ; que le 29 août 2012, M. Z..., agissant en qualité de liquidateur de M. X..., a relevé appel d'un jugement du 20 juillet 2012 statuant sur une action qu'il avait engagée le 23 décembre 2010 ; que MM. A... et Y...sont intervenus volontairement à l'instance d'appel par conclusions du 28 septembre 2012 ; que par jugement du 7 janvier 2013, le tribunal saisi de la liquidation judiciaire de M. X... a déchargé M. Z... de sa mission de liquidateur et désigné M. B...pour le remplacer ; que ce dernier est intervenu à l'instance d'appel par conclusions du 30 janvier 2013 ;
Attendu que la société B...-C..., ès qualités, M. Z..., ès qualités, et MM. Y... et A..., ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer nul l'acte d'appel du 29 août 2012 et irrecevable l'appel interjeté par M. Z..., en qualité de liquidateur de M. X..., alors, selon le moyen, que les actes professionnels accomplis par un administrateur judiciaire suspendu, en méconnaissance de la prohibition d'accomplir tout acte professionnel, peuvent être déclarés affectés d'une nullité de fond, le prononcé de cette nullité ressortant d'une simple possibilité et non d'une obligation ; que, tout en constatant que ce n'est que par jugement du 7 janvier 2013 que, dans la procédure concernant la liquidation de M. X..., et sur la requête de MM. Y... et A..., administrateurs provisoires uniquement désignés pour accomplir les actes nécessaires à la gestion du cabinet de M.
Z...
, le tribunal a déchargé M. Z... de sa mission de liquidateur et désigné en ses lieu et place M. B..., la cour d'appel qui a cependant déclaré irrecevable l'appel interjeté par M. Z... le 29 août 2012 du jugement rendu le 20 juillet 2012 par le tribunal de grande instance de Saintes, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles M. Z... était encore régulièrement habilité à agir en justice et ainsi à interjeter cet appel non entaché d'une nullité de fond de plein droit jusqu'au 7 janvier 2013, au regard des dispositions de l'article L. 811-15 du code de commerce qu'elle a ainsi violé ;
Mais attendu que l'obligation faite par l'article L. 811-15, alinéa 1, du code de commerce à l'administrateur judiciaire suspendu de s'abstenir de tout acte professionnel, rendue applicable au mandataire judiciaire par l'article L. 812-9 du même code, lui interdit d'exercer des mandats de justice, peu important qu'il n'en ait pas été déchargé par les juridictions mandantes ; que l'acte de procédure accompli en violation de cette obligation n'encourt pas la nullité facultative prévue par l'article L. 811-15, alinéa 2, dudit code mais est entaché d'une irrégularité de fond relevant des dispositions des articles 117 et suivants du code de procédure civile ; qu'ayant retenu que l'appel avait été interjeté par M. Z..., en qualité de liquidateur de M. X..., à une date à laquelle il ne disposait pas du pouvoir d'accomplir un acte professionnel en raison de sa suspension provisoire, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que cet acte était atteint d'une irrégularité de fond prévue par l'article 117 du code de procédure civile ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne la société B...-C..., en qualité de liquidateur de M. X..., M. Z..., en qualité de liquidateur de M. X..., et MM. Y... et A..., en qualité d'administrateurs provisoires de l'étude de M. Z..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit par Me Brouchot, avocat aux Conseils, pour M. B..., ès qualités, demandeur au pourvoi principal, et MM. Z..., Y... et A..., ès qualités, demandeurs au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nul l'acte d'appel du 29 août 2012 en application de l'article 117 du code de procédure civile, d'AVOIR dit en conséquence irrecevable l'appel interjeté par Me Z..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. X..., du jugement rendu le 20 juillet 2012 par le tribunal de grande instance de Saintes, d'AVOIR constaté que cette irrégularité n'a pas été valablement régularisée et d'AVOIR déclaré en conséquence les conclusions d'intervention volontaire de Me Y..., Me A..., ès qualités d'administrateurs provisoires de l'étude de Me Z..., et de Me B..., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. X..., irrecevables ;
AUX MOTIFS QUE par application de l'article L. 811-13 du code de commerce, " tout administrateur judiciaire qui fait l'objet d'une poursuite pénale ou disciplinaire peut être suspendu provisoirement de l'exercice de ses fonctions par le tribunal de grande instance du lieu où il est établi " ; que la décision du tribunal de grande instance d'Angoulême en date du 3 février 2012 concernant la suspension provisoire de Me Z... est exécutoire par provision et implique l'application des dispositions de l'article L. 811-15 du code de commerce puisqu'il énonce que : " Le tribunal, statuant par jugement contradictoire mis à disposition au greffe susceptible de recours dans les conditions de l'article R. 811-55 du code de commerce,- Vu les jugements du 13 janvier 2012,- Vu les articles L. 811-13 et suivants du code de commerce (...)- Ordonne la suspension provisoire de Me Z... de ses fonctions de mandataire judiciaire,- Rappelle que cette décision est assortie de l'exécution provisoire et que les dispositions de l'article L. 811-15 du code de commerce trouvent application,- Condamne Me Z... aux entiers dépens " ; que par ordonnance du même jour, exécutoire au seul vu de la minute, la mission de Me Y...et de Me A..., désignés comme administrateurs provisoires, était précisée ainsi : " désignons sans délai, en qualité d'administrateurs provisoires pour accomplir les actes nécessaires à la gestion du cabinet de Me Z..., mandataire judiciaire dont l'étude principale est située (...), Me Y...(...) et Me A... (...) " ; que c'est donc en application de cette désignation que le jugement entrepris a été signifié le 21 août 2012 à Me Y...et Me A...de sorte que ces derniers ne pouvaient ignorer la décision entreprise ni les délais d'appel induits ; qu'il convient de relever qu'il est manifeste qu'au jour où Me Z... a personnellement fait appel, il connaissait la décision de suspension provisoire puisque depuis déjà plusieurs mois les administrateurs provisoires étaient en charge de la gestion de son cabinet ; qu'il ne peut être soutenu que la décision de remplacement de Me Z... dans la procédure concernant M. X... n'ayant été prise qu'au 07 janvier 2013, Me Z... avait la capacité de poursuivre sa mission en qualité de liquidateur ; qu'en effet, il résulte de l'article L. 811-15 du code de commerce expressément cité dans le jugement ordonnant sa suspension provisoire que " l'administrateur judiciaire interdit, radié ou suspendu doit s'abstenir de tout acte professionnel " ; que dès lors, il ne peut non plus être argué du contenu de la mission dévolue aux administrateurs provisoires étant observé qu'en tout état de cause, la mission confiée " d'accomplir les actes nécessaires à la gestion du cabinet de Me Z... " ne signifie nullement que soient exclus les actes professionnels de suivi des dossiers en cours ; que l'article L. 811-15 du code de commerce ajoute que " les actes accomplis au mépris de cette prohibition peuvent être déclarés nuls, à la requête de tout intéressé ou du ministère public, par le tribunal statuant en chambre du conseil. La décision est exécutoire à l'égard de toute personne " ; que selon l'article 117 du code de procédure civile, " constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte : le défaut de capacité d'ester en justice, le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice, le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice (...) " ; que l'article 121 du même code ajoute que " dans le cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue " ; qu'il s'ensuit que l'appel relevé le 29 août 2012 par Me Z..., liquidateur de M. X..., alors que par application de l'article L. 811-15 du code de commerce il ne disposait d'aucun pouvoir pour exercer un acte professionnel en raison de sa suspension provisoire prononcée en matière disciplinaire, est atteint d'une nullité de fond prévue par l'article 117 du code de procédure civile laquelle ne nécessite pas la preuve d'un grief étant observé qu'en raison de la liquidation judiciaire, M. X... était également dans l'incapacité juridique d'agir ; qu'en application de l'article 121 du code de procédure civile, une telle nullité est susceptible d'être couverte à condition que la régularisation intervienne avant la fin du délai d'appel ; que le jugement contesté ayant été signifié le 21 août 2012, l'intervention volontaire des administrateurs provisoires par voie de conclusions signifiées le 28 septembre 2012, après l'expiration du délai d'appel, ne peut permettre de régulariser la procédure ; qu'il sera d'ailleurs observé que le jugement entrepris a été signifié à Me A... et Me Y..., administrateurs provisoires, le 21 août 2012 de sorte que la difficulté résultant du fait que lorsque le jugement du tribunal de grande instance de Saintes a été rendu, il l'a été en dehors de la présence des administrateurs provisoires est inopérante, Me Y...et Me A... ayant eu la possibilité de régulariser l'appel et soulever cette difficulté dans le cadre d'une procédure d'appel régulière ; que Me B...soutient que la procédure est désormais régularisée par son intervention volontaire ès qualités de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de M. X..., fonctions auxquelles il a été désigné en lieu et place de Me Z... par jugement en date du 7 janvier 2013 et demande que son appel soit déclaré recevable ; que, cependant, il convient de relever que Me B...n'a pas interjeté appel et demande dans le dispositif de ses conclusions : " Déclarer Me B...ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de M. X..., fonctions auxquelles il a été désigné en remplacement de Me Z..., recevable en son intervention volontaire " ; qu'or, compte tenu de la nullité de l'appel, il ne peut intervenir volontairement à une procédure réputée non pendante ; qu'en tout état de cause, même si son intervention pouvait être analysée comme valant appel, les dispositions de l'article 554 du code de procédure civile ne peuvent lui être appliquées en l'espèce ;

ALORS QUE les actes professionnels accomplis par un administrateur judiciaire suspendu, en méconnaissance de la prohibition d'accomplir tout acte professionnel, peuvent être déclarés affectés d'une nullité de fond, le prononcé de cette nullité ressortant d'une simple possibilité et non d'une obligation ; que, tout en constatant que ce n'est que par jugement du 7 janvier 2013 que, dans la procédure concernant la liquidation de M. X..., et sur la requête de Mes Y...et A..., administrateurs provisoires uniquement désignés pour accomplir les actes nécessaires à la gestion du cabinet de Me Z..., le tribunal a déchargé Me Z... de sa mission de mandataire à la liquidation judiciaire et désigné en ses lieu et place Me B..., la cour d'appel qui a cependant déclaré irrecevable l'appel interjeté par Me Z... le 29 août 2012 du jugement rendu le 20 juillet 2012 par le tribunal de grande instance de Saintes, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles Me Z... était encore régulièrement habilité à agir en justice et ainsi à interjeter cet appel non entaché d'une nullité de fond de plein droit jusqu'au 7 janvier 2013, au regard des dispositions de l'article L. 811-15 du code de commerce qu'elle a ainsi violé.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-21711
Date de la décision : 10/03/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Organes - Administrateur judiciaire - Pouvoirs - Exercice de mandats de justice - Interdiction - Effets à l'égard de l'administrateur suspendu - Effets - Obligation de s'abstenir de tout acte professionnel

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Organes - Administrateur judiciaire - Pouvoirs - Exercice de mandats de justice - Interdiction - Absence de décharge par les juridictions mandantes - Absence d'influence PROCEDURE CIVILE - Acte de procédure - Nullité - Irrégularité de fond - Définition - Obligation prévue à l'article L. 811-15, alinéa 1er, du code de commerce - Violation

L'obligation faite par l'article L. 811-15, alinéa 1er, du code de commerce à l'administrateur judiciaire suspendu de s'abstenir de tout acte professionnel lui interdit d'exercer des mandats de justice, peu important qu'il n'en ait pas été déchargé par les juridictions mandantes. L'acte de procédure accompli en violation de cette obligation n'encourt pas la nullité facultative prévue par l'article L. 811-15, alinéa 2, du même code mais est entaché d'une irrégularité de fond relevant des dispositions des articles 117 et suivants du code de procédure civile


Références :

article L. 811-15, alinéa 1 et 2, du code de commerce

articles 117 et suivants du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 29 mars 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 mar. 2015, pourvoi n°13-21711, Bull. civ. 2015, IV, n° 45
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2015, IV, n° 45

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Texier
Avocat(s) : Me Brouchot, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.21711
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