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03/03/2015 | FRANCE | N°13-20474;13-20475;13-20476;13-20477;13-20478;13-20479;13-20480;13-20481;13-20482;13-20483;13-20484;13-20485;13-20487;13-20488;13-20489;13-20490;13-20491;13-20492;13-20494

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 mars 2015, 13-20474 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° Y 13-20. 474 à K 13-20. 485, N 13-20. 487 à T 13-20. 492 et V 13-20. 494 ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Attendu que le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'a

miante ou des matériaux contenant de l'amiante, et se trouve, par le fait de l'emp...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° Y 13-20. 474 à K 13-20. 485, N 13-20. 487 à T 13-20. 492 et V 13-20. 494 ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Attendu que le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, et se trouve, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, subit un préjudice spécifique d'anxiété ; que l'indemnisation accordée au titre d'un préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mmes X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E..., F..., G...
H..., I... et MM. J..., B..., K..., L..., Victor et Vincente M..., O... et P..., ont été engagés par la société Federal Mogul Sealing Systems et employés sur le site de Saint-Priest ; que par arrêté ministériel du 3 juillet 2000 ce site a été inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), que bénéficiaires de cette allocation, ils ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice économique et de leur préjudice d'anxiété lié au risque de contracter une maladie professionnelle ;
Attendu que pour les débouter de leur demande en paiement de dommages-intérêts au titre de leur préjudice d'anxiété et d'un préjudice découlant du bouleversement dans les conditions d'existence, les arrêts retiennent que les salariés doivent rapporter la preuve de la réalité et de l'étendue des préjudices que leur a causé le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, que la seule inscription de la société sur la liste des établissements ayant exposé leurs salariés à l'amiante ne permet pas de présumer l'existence du préjudice d'anxiété et du préjudice découlant du bouleversement des conditions d'existence, qu'aucun élément factuel ne conduit à établir un lien automatique et nécessaire entre l'exposition à l'amiante et un ressenti anxieux, que ni le document émanant du service médical de l'assurance maladie Rhône-Alpes, ni l'enquête psychologique menée en Normandie ne permettent de reconnaître obligatoirement un préjudice d'anxiété aux salariés ayant été exposés à l'amiante ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, les arrêts rendus le 3 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la société Federal Mogul Sealing Systems aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Federal Mogul Sealing Systems à payer aux salariés la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen commun produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X... et dix-huit autres salariés, demandeurs aux pourvois n° Y 13-20. 474 à K 13-20. 485, N 13-20. 487 à T 13-20. 492 et V 13-20. 494.
IL EST FAIT GRIEF aux arrêts infirmatifs attaqués D'AVOIR DEBOUTE les demandeurs au pourvoi, anciens salariés de la Société Federal Mogul Sealing Systems, de leur demande en paiement de dommages et intérêts, au titre de leur préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 4121-1 du code du travail fait peser sur l'employeur l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; que le danger inhérent aux poussières a été stigmatisé par un décret du 10 mars 1894 qui exigeait que les poussières soient évacuées au fur et à mesure de leur production et que soit installés dans les ateliers des systèmes de ventilation aspirante ; que plusieurs décrets ultérieurs ont édicté des réglementations de plus en plus strictes pour préserver les salariés des poussières ; que le danger sur la santé des salariés causé par l'amiante a été admis par le droit du travail et le droit de la sécurité sociale ; qu'ainsi, la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières renfermant de l'amiante a été inscrite au tableau des maladies professionnelles le 2 août 1945 ; que l'asbestose qui trouve sa cause dans l'inhalation de poussières d'amiante a été inscrite au tableau des maladies professionnelles le 31 août 1950 ; que le décret du 17 août 1977 a pris des mesures particulières d'hygiène pour les établissements où les salariés étaient exposés aux poussières d'amiante et a notamment exigé un contrôle de l'atmosphère, la mise en place d'installations de protection collective et la mise à la disposition des salariés d'équipements de protection individuelle ; que l'établissement de Saint-Priest de la société Federal Mogul Sealing Systems a été inscrit sur la liste des établissements dont les salariés ont été exposés à l'amiante entre 1916 et 1994 ; que le salarié verse des résultats d'analyse dont il résulte qu'ont été retrouvés : sur 170 prélèvements moins d'une fibre d'amiante par centimètre cube et sur 22 prélèvements une à deux fibres d'amiante par centimètre cube en 1985, sur 224 prélèvements moins d'une demi fibre d'amiante par centimètre cube et sur 4 prélèvements plus d'une fibre d'amiante par centimètre cube en 1992 ; qu'il en résulte que la société a exposé ses salariés aux poussières d'amiante même après qu'elle ait été informée des risques causés par ce matériau ; qu'elle ne verse aucune pièce sur son organisation et son fonctionnement, ni ne justifie qu'elle a mis en oeuvre une quelconque mesure pour protéger ses salariés des dangers provoqués par l'amiante et dont elle avait connaissance ; qu'en conséquence, la société Federal Mogul Sealing Systems a failli à son obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de ses travailleurs ; que se plaçant hors du champ de la législation sur les risques professionnels, le salarié, pour obtenir une indemnisation, doit rapporter la preuve de la réalité et de l'étendue des préjudices que lui a causés le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; que la seule inscription de la société employeur sur la liste des établissements ayant exposé leurs salariés à l'amiante ne permet pas de présumer l'existence du préjudice d'anxiété et du préjudice découlant du bouleversement dans les conditions d'existence ; que d'une part, aucun texte légal n'instaure une telle présomption et d'autre part, aucun élément factuel ne conduit à établir un lien automatique et nécessaire entre l'exposition à l'amiante et un ressenti anxieux ou un bouleversement dans les conditions d'existence ; qu'ainsi, il est versé aux débats par les salariés un document émanant du service médical de l'assurance maladie Rhône-Alpes et faisant état des résultats du suivi médical qui a été opéré entre octobre 2003 et décembre 2005 sur plusieurs centaines de personnes ayant été exposées à l'amiante ; qu'une enquête psychologique menée en Normandie a montré que « le fait de savoir que l'on a été exposé à l'amiante est associé chez 22 % des personnes à une augmentation significative de l'anxiété » ; que la faiblesse de ce pourcentage interdit de reconnaître obligatoirement un préjudice d'anxiété aux salariés ayant été exposés à l'amiante ; qu'enfin, les salariés ne versent aucune étude relative aux conséquences de l'exposition à l'amiante sur les conditions d'existence ; que tous les salariés, à l'exception de Mme N..., ont été reconnus travailleurs de l'amiante par l'attribution de l'allocation de cessation anticipée d'activité ; que certains salariés justifient du passage d'examens médicaux de surveillance ou de contrôle, d'autres pas ; qu'ils ne versent aucune autre pièce ; qu'ils ne prouvent donc pas que leur exposition ancienne à l'amiante leur génère un sentiment d'anxiété, ni ne modifie leurs conditions d'existence ; qu'ils seront en conséquence déboutés de leur demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'anxiété ;
1°) ALORS QUE le préjudice d'anxiété des travailleurs de l'amiante est caractérisé par le seul fait qu'un salarié a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités de l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, de sorte qu'il se trouve, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, peu important qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté :- que l'établissement de Saint-Priest de la société Federal Mogul Sealing Systems faisait partie des établissements mentionnés à l'article 41 précité, et avait été inscrit sur la liste correspondante établie par arrêté ministériel en raison d'une exposition à l'amiante de son personnel entre 1916 et 1994,- que durant cette période les salariés intimés avaient travaillé au sein de cet établissement et enfin,- que la société Federal Mogul Sealing Systems avait exposé ses salariés aux poussières d'amiante même après qu'elle ait été informée des risques causés par ce matériau, qu'elle avait ainsi failli à son obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de ses travailleurs ; qu'il résultait de ces constatations que les salariés se trouvaient par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, ce dont s'évinçait l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété dont il appartenait au juge du contrat de travail d'ordonner la réparation ; qu'en refusant de reconnaître un tel préjudice, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4221-1 du Code du travail, ensemble l'article 1147 du Code civil ;
2°) ALORS QU'il entre dans l'office du juge du contrat de travail de décider que certains manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, causent nécessairement un préjudice au salarié ; qu'en écartant l'existence d'un préjudice d'anxiété aux motifs inopérants qu'aucun texte légal ne permettait de le présumer à l'endroit des salariés dont l'employeur a été inscrit sur la liste des établissements ayant exposé leurs salariés à l'amiante, et qu'aucun élément factuel ne conduisait à établir un lien automatique et nécessaire entre l'exposition à l'amiante et un ressenti anxieux, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4221-1 du Code du travail et 1147 du Code civil ;
3°) ALORS QUE l'existence du préjudice d'anxiété des travailleurs de l'amiante n'est soumis ni au passage de contrôles et examens médicaux réguliers, ni aux résultats de ceux-ci ; qu'en se référant, pour écarter ce préjudice, à une étude de la CPAM de Rhône Alpes relative aux résultats du suivi médical de plusieurs centaines de personnes exposées à l'amiante, la cour d'appel de plus fort, a violé les articles L. 4121-1 et L. 4221-1 du Code du travail, et 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-20474;13-20475;13-20476;13-20477;13-20478;13-20479;13-20480;13-20481;13-20482;13-20483;13-20484;13-20485;13-20487;13-20488;13-20489;13-20490;13-20491;13-20492;13-20494
Date de la décision : 03/03/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de résultat - Manquement - Préjudice - Préjudice spécifique d'anxiété - Preuve - Présomption - Conditions - Inscription de l'établissement sur une liste établie par arrêté ministériel - Portée

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de résultat - Manquement - Préjudice - Préjudice spécifique d'anxiété - Caractérisation - Soumission du salarié à un suivi médical régulier - Nécessité (non) CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de résultat - Manquement - Préjudice - Préjudice spécifique d'anxiété - Indemnisation - Etendue - Troubles psychologiques - Cas - Troubles liés au bouleversement dans les conditions d'existence - Droit à une indemnisation distincte (non)

Le salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, et se trouve, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, subit un préjudice spécifique d'anxiété dont l'indemnisation répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante. Viole l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, la cour d'appel qui, pour débouter les salariés de leur demande au titre du préjudice d'anxiété et du préjudice découlant du bouleversement dans les conditions d'existence, retient que la seule inscription de l'entreprise sur la liste ministérielle ne permet pas de présumer l'existence de ces préjudices et que les intéressés doivent rapporter la preuve de la réalité et de l'étendue de leurs préjudices


Références :

article L. 4121-1 du code du travail

article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 03 mai 2013

Sur l'absence d'exigence de justification d'un suivi médical régulier par le salarié remplissant les conditions d'adhésion prévues à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, à rapprocher :Soc., 3 mars 2015, pourvoi n° 13-20486, Bull. 2015, V, n° 31 (cassation), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 mar. 2015, pourvoi n°13-20474;13-20475;13-20476;13-20477;13-20478;13-20479;13-20480;13-20481;13-20482;13-20483;13-20484;13-20485;13-20487;13-20488;13-20489;13-20490;13-20491;13-20492;13-20494, Bull. civ. 2015, V, n° 42
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2015, V, n° 42

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat général : Mme Courcol-Bouchard
Rapporteur ?: Mme Wurtz
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.20474
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