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17/02/2015 | FRANCE | N°13-25662

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 février 2015, 13-25662


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la recevabilité du pourvoi, en ce qu'il est formé par la société Andolina Shipping, contestée par la défense :
Vu l'article 609 du code de procédure civile ;
Attendu que la société Andolina Shipping est sans intérêt à obtenir la cassation de la décision qui l'a exonérée de toute responsabilité ;
D'où il suit que son pourvoi est irrecevable ;
Et sur le pourvoi en ce qu'il est formé par le capitaine commandant le navire Windsong :
Sur le moyen unique, pris en ses deux pr

emières branches :
Vu l'article 4-2 a) de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la recevabilité du pourvoi, en ce qu'il est formé par la société Andolina Shipping, contestée par la défense :
Vu l'article 609 du code de procédure civile ;
Attendu que la société Andolina Shipping est sans intérêt à obtenir la cassation de la décision qui l'a exonérée de toute responsabilité ;
D'où il suit que son pourvoi est irrecevable ;
Et sur le pourvoi en ce qu'il est formé par le capitaine commandant le navire Windsong :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 4-2 a) de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le transporteur maritime n'est pas responsable pour perte ou dommage résultant ou provenant des actes, négligence ou défaut du capitaine, des marins ou de ses préposés dans la navigation ou dans l'administration du navire ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 30 mars 2010, pourvoi n° 09-11.397), que des sacs de farine ont été chargés à Anvers (Belgique) sur le navire « Windsong » à destination de la société Afri Belg Ind. Corp., suivant deux connaissements ; que, des manquants et avaries ayant été constatés à l'arrivée au port de Luanda (Angola), le destinataire, puis les sociétés Axa Corporate solutions assurances, MMA IARD, Allianz marine et aviation France, Generali France assurances, SIAT et The British Foreign et Marine Insurance Company (les assureurs), subrogés dans ses droits pour l'avoir indemnisée, ont assigné en réparation des pertes et dommages le capitaine du navire, en sa qualité de représentant des armateurs, propriétaires et exploitants de celui-ci ;
Attendu que, pour condamner le capitaine, ès qualités, à payer aux assureurs les sommes de 158 168 US dollars et 8 850 euros, l'arrêt retient que, compte tenu des fautes et négligences qui ont été relevées et qui sont constitutives d'une faute nautique, sa responsabilité est engagée, ès qualités, sur le fondement délictuel ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu une faute nautique comme cause exclusive des pertes et dommages, de sorte que le transporteur maritime, à qui n'était imputée aucune faute personnelle, était exonéré de toute responsabilité, la cour d'appel, qui ne pouvait condamner, sur un fondement délictuel, le capitaine du navire, en sa seule qualité de représentant du transporteur, dès lors qu'il en résultait la condamnation de ce dernier, nécessairement exclue par ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
Déclare irrecevable le pourvoi, en ce qu'il est formé par la société Andolina Shipping ;
Et sur le pourvoi, en ce qu'il est formé par le capitaine commandant le navire « Windsong » :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne le capitaine, commandant le navire Windsong, en qualité de représentant des armateurs/propriétaires et exploitant du navire, à payer aux sociétés Axa Corporate solutions assurance, Allianz marine et aviation, la Mutuelle du Mans assurances IARD, Generali France assurance, SIAT et The British and Foreign Marine Insurance Company Ltd, les sommes de 158 168 US dollars et 8 850 euros, l'arrêt rendu le 25 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne les sociétés Italiana Assicurazioni E Riassicurazioni, The British and Foreign Marine Insurance Company Ltd, Mutuelle du Mans assurances IARD, Allianz marine et aviation France, Axa Corporate solutions assurance et Generali France assurance aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

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Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour le capitaine commandant le navire Windsong et la société Andolina Shipping Ltd Cyprus.
Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir condamné M. le capitaine commandant le navire Windsong, ès qualités de « représentant des armateur/propriétaire et exploitant du navire », à payer aux sociétés AXA Corporate solutions Assurance, Allianz Marine et Aviation, venant aux droits d'AGF MAT, La mutuelle du Mans Assurances IARD, Generali France Assurance, S.I.A.T. et The British and Foreign Marine Insurance Company Ltd, les sommes de 158.168 US dollars et 8.850 € ;
AUX MOTIFS QUE sur les dommages afférents au connaissement n° 10 (cale n° 1) il est constant que, à l'arrivée du bateau à Luanda, il a été constaté que la cale n° 1 était totalement inondée et que l'eau recouvrait les sacs de farine qui y étaient entreposés ; que la demande d'indemnisation des assureurs à ce titre est fondée sur les dispositions de la Convention de Bruxelles amendée du 25 août 1924, dont il résulte une responsabilité de plein droit pour le transporteur maritime, à défaut de réserve au connaissement pour les dommages de toutes sortes constatés à la livraison ; que les appelantes entendent se prévaloir de l'article 4-2 de cette convention, concernant la faute nautique et le péril en mer, qui constituent des causes exonératoires de la responsabilité du transporteur maritime ; qu'il ne peut être raisonnablement soutenu par les assureurs que le navire Windsong n'était pas en état de navigabilité au départ d'Anvers, alors que le rapport d'expertise judiciaire de M. X... confirme que le certificat de classe était en cours de validité et que les multiples visites, qui ont été faites avant le chargement, attestent qu'il a été réalisé uniquement lorsque les cales ont été considérées comme acceptables au chargement : que par ailleurs, à l'exception des rapports d'expertise privée de M. Y..., établis à la demande des assureurs, tous les autres experts (Angola Global Survey, Saybolt, Maritime Mutual Services Angola Ltd, Evrard) ayant déposé un rapport dans la présente affaire, y compris l'expert judiciaire, M. X..., ont estimé que pour ce qui concerne la cale n° 1, l'eau de mer avait pénétré par le système d'ancrage du navire, la porte d'accès au compartiment bâbord du puits aux chaînes étant restée ouverte ; qu'ainsi selon l'expert, les causes de l'inondation de la cale n° 1 sont la faute nautique et la tempête ; que c'est ainsi qu'il précise : « d'après les documents qui nous ont été communiqués, l'envahissement partiel de la cale n° 1 est la conséquence : 1) de l'arrachage par les paquets de mer de la protection du passage de la chaîne bâbord, protection qui a pour but d'éviter le remplissage du puits à chaîne de mouillage, 2) de la non-fermeture de la porte étanche d'accès au puits à chaîne babord, 3) des conditions météorologiques particulièrement défavorables. Nous considérons que le point n° 1 résulte d'une fortune en mer ou (et) d'une négligence du personnel si le bouchon était mal réalisé. Le point n° 2 est incontestablement une négligence du personnel. Le point n° 3 est une fortune de mer » ; qu'il ajoute que « l'obturation du passage des chaînes n'est pas un dispositif réglementaire mais résulte d'un usage courant pour éviter le remplissage des puits à chaîne » et que « cette protection ait été mal réalisée ou pas réalisée du tout ne change rien à la cause de l'entrée d'eau qui est une conséquence du mauvais temps rencontré » ; qu'il a également réfuté de manière convaincante l'argumentation de l'expert privé des assureurs, M. Y..., en soulignant qu'environ 35 minutes après la disparition du bouchon d'obturation des passages de chaîne, l'eau a commencé à pénétrer dans la cale et que « moins d'une heure (55 minutes) est suffisante pour y accumuler 200 m3 d'eau » et qu'en « adaptant la durée de l'entrée d'eau en fonction de la période de tangage, le rapport de 1 à 6 est à notre avis parfaitement significatif » ; que M. X... a répondu à l'objection de M. Y... selon laquelle l'eau n'avait pas pu s'infiltrer par le chemin décrit par l'équipage car la porte aurait dû céder sous la pression de l'eau, en observant que le bas de la porte présentait un trou de corrosion de 0,125 m3, ce qui permettait le passage de l'eau sans dommage ; que s'agissant de l'affirmation de celui-ci, selon laquelle le capitaine aurait dû envoyer un homme d'équipage faire des rondes pour vérifier l'état des cales marchandises, il affirme que, sur ce type de navire, « dépourvu de tunnel d'accès de la partie arrière à la partie avant du navire », « une décision de cette nature serait équivalente à la disparition en mer quasi certaine de cet homme » ; qu'il relève également « qu'aucun des rapports en ce qui concerne la cale n° 1 ne retient une non-étanchéité des panneaux de cale pour expliquer l'inondation de la cale 1 inférieure » ; que l'ensemble de ces éléments établit que les dommages sont la conséquence du fait d'avoir laissé ouverte la porte étanche du système d'ancrage du navire, ce qui constitue une faute nautique de l'équipage à laquelle se sont ajoutés des périls de mer, le navire ayant rencontré pendant la traversée des vagues énormes avec un vent de force 10 Beaufort ; que c'est ce qu'avait retenu la cour d'appel de céans du 26 novembre 2008, qui n'a pas été cassé sur le moyen tiré de l'absence de faute nautique, la cour de cassation estimant ce moyen non fondé au motif que « l'arrêt relève que les constatations et déductions techniques claires et précises du rapport d'expertise judiciaire désignent pour cause du sinistre la non-fermeture d'une porte étanche par l'équipage, que ce manquement aux règles de sécurité du navire tandis que celui-ci naviguait pendant trente-six heures par gros temps, était soumis à des vents violents et à des vagues de dix à douze mètres de haut, constitue un événement touchant à la navigation et affectant directement la sécurité du navire, qu'il retient encore que ni la navigabilité du navire, ni l'étanchéité de ses panneaux de cale n'étaient en cause et que la cour d'appel, appréciant ainsi les éléments de preuve qui lui étaient soumis sans dénaturer le rapport d'expertise ni méconnaître les termes du litige, a pu en déduire l'existence d'une faute nautique exonérant le transporteur de sa responsabilité en application de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 » ; que le jugement dont appel doit donc être infirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité du transporteur pour ces dommages, les assureurs devant être déboutés de leur demande d'indemnisation contre la société Andolina Shipping, relative aux marchandises voyageant en cale n° 1 sous le connaissement n° 10 ; que par contre, compte tenu des fautes et négligences relevées ci-dessus, la responsabilité du capitaine du navire, es qualité, est engagée sur le fondement délictuel ; qu'aucune contestation sérieuse n'existe quant au détail de la réclamation des assureurs, alors qu'il est établi, par la production des factures du 17 décembre 2000, que la marchandise a été vendue par la société Soafrimex à la société Afri Belg et que les assureurs justifient être subrogés dans les droits de cette dernière pour un montant de 150.411 USD par la production de l'acte de subrogation et du justificatif du paiement par virement du 3 mai 2001 ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné celui-ci à leur payer la somme de 150.411 USD avec les intérêts à compter du 28 mars 2001, et avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;
1°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé et qu'une motivation inintelligible ou imprécise équivaut à une absence de motif ; qu'en se bornant à affirmer que « compte tenu des fautes et négligences relevées ci-dessus, la responsabilité du capitaine du navire, ès qualités, est engagée sur le fondement délictuel », sans indiquer ni en quelle qualité, ni sur quel fondement précis sa responsabilité était retenue, la cour d'appel n'a pas mise la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE selon les articles 1er, 2 et 3 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924, le transporteur comprend le propriétaire et l'armateur du navire, et dans tous les contrats de transport de marchandises par mer, il est quant au chargement, à la manutention, à l'arrimage, au transport, à la garde, aux soins et au déchargement des dites marchandises, soumis aux responsabilités et obligations, comme il bénéficiera des droits et exonérations, énoncés par cette convention ; qu'en conséquence, en condamnant sur le fondement délictuel le capitaine du navire, ès qualités « de représentant des armateur/propriétaire et exploitant du navire », après avoir pourtant constaté l'existence d'une faute nautique exonératoire de la responsabilité du transporteur, la cour d'appel a violé les articles 1, 2, 3 et 4 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 ;
3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'après avoir retenu l'existence d'une faute nautique pour exonérer le propriétaire, tenu pour transporteur par défaut du transporteur connu, de sa responsabilité, la cour d'appel, qui a condamné le capitaine du navire, ès qualités « de représentant des ¿ propriétaire », sur le fondement délictuel, a violé les articles 1382 du code civil et 4 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 ;
4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ; que le propriétaire d'un navire ne peut donc être tenu pour responsable, à l'égard du destinataire des marchandises, d'une faute nautique de l'équipage ; qu'en condamnant le capitaine du navire ès qualités de « représentant des propriétaire et exploitant » du navire, sans constater l'existence d'une faute personnelle du propriétaire et exploitant du navire, ni un lien de causalité avec le dommage causé à la marchandise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
5°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ; que l'armateur d'un navire ne peut être responsable des actes de ses préposés, que s'il a conservé un pouvoir d'usage, de direction et de contrôle sur l'équipage et le navire ; qu'en condamnant le capitaine du navire, ès qualités de « représentant des armateur .. et exploitant » du navire, sans caractériser que l'armateur avait conservé le pouvoir d'usage, de direction et de contrôle sur le navire pendant le transport, cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-25662
Date de la décision : 17/02/2015
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité partielle et cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Transport international - Convention de Bruxelles du 25 août 1924 - Responsabilité du transporteur - Exonération - Faute nautique - Capitaine d'un navire - Qualité de représentant du transporteur - Responsabilité délictuelle - Exclusion - Cas

Il résulte de l'article 4, § 2, a, de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement que le transporteur maritime n'est pas responsable pour perte ou dommage résultant ou provenant des actes, négligence ou défaut du capitaine, des marins ou de ses préposés dans la navigation ou dans l'administration du navire. Aussi, une cour d'appel, dès lors qu'elle a retenu une faute nautique comme cause exclusive des pertes et dommages et exonéré, en conséquence, le transporteur maritime de toute responsabilité en application de ce texte, ne peut condamner, sur un fondement délictuel, le capitaine du navire, en sa seule qualité de représentant du transporteur, dont la responsabilité est nécessairement exclue par le constat de cette faute


Références :

article 4, § 2, a, de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 fév. 2015, pourvoi n°13-25662, Bull. civ. 2015, IV, n° 40
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2015, IV, n° 40

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Vallansan
Avocat(s) : SCP Ortscheidt, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.25662
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