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15/01/2015 | FRANCE | N°13-25634

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 janvier 2015, 13-25634


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2013) que, le 14 novembre 2007, M. X..., inspecteur des impôts, s'apprêtant à vérifier la comptabilité d'une société sur le lieu de son siège social, a accepté la demande de M. Y..., son gérant, de filmer leur entretien ; qu'un désaccord étant survenu ensuite sur la façon de procéder au contrôle fiscal, un procès-verbal d'opposition à sa réalisation a été dressé le 27 novembre 2007 ; que M. Y... ayant publié sur so

n « blog » un article intitulé « Un espace de non-droit », renvoyant, par un lien ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2013) que, le 14 novembre 2007, M. X..., inspecteur des impôts, s'apprêtant à vérifier la comptabilité d'une société sur le lieu de son siège social, a accepté la demande de M. Y..., son gérant, de filmer leur entretien ; qu'un désaccord étant survenu ensuite sur la façon de procéder au contrôle fiscal, un procès-verbal d'opposition à sa réalisation a été dressé le 27 novembre 2007 ; que M. Y... ayant publié sur son « blog » un article intitulé « Un espace de non-droit », renvoyant, par un lien hypertexte, à la vidéo réalisée lors du contrôle fiscal, M. X..., invoquant une atteinte au respect de son droit sur l'utilisation de son image, l'a assigné aux fins de voir ordonner le retrait de la vidéo, et le paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen :
1°/ que la liberté de communication des informations autorise la publication d'images de personnes impliquées dans un événement ou pour illustrer un débat d'intérêt général, sous la seule réserve du respect de la dignité de la personne humaine ; que, auteur d'un ouvrage dénonçant la déloyauté de certaines pratiques des services fiscaux, il faisait valoir que la publication de la vidéo litigieuse sur son site internet dédié à l'information du public sur la pratique des contrôles fiscaux constituait une illustration d'un débat d'intérêt général sur le respect des droits des citoyens pendant les contrôles fiscaux, si bien qu'en se déterminant comme elle l'a fait sans examiner le contexte dans lequel la vidéo litigieuse avait été diffusée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 du code civil ;
2°/ qu'il faisait valoir que, au-delà de son cas personnel, les ouvrages qu'il avait publiés et son blogue étaient destinés à informer le public et à provoquer une réflexion dans le cadre d'un débat d'intérêt général et d'actualité relatif à la pression fiscale et à la problématique essentielle du respect des droits des citoyens dans le cadre des contrôles fiscaux, si bien qu'en se bornant à relever que l'opposition de l'appelant au contrôle fiscal couramment pratiqué dont il faisait l'objet et à ses suites, ne constituait pas un événement d'actualité, la cour d'appel n'a pas répondu au moyen dont elle était saisie, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que rien ne justifie que le visage du fonctionnaire de l'administration des impôts procédant à un contrôle fiscal soit diffusé et soumis à la curiosité du public, sans son consentement, hors les cas où il viendrait illustrer avec pertinence soit un événement d'actualité, ce que n'est pas un tel contrôle, qui procède d'une pratique courante, soit un débat d'intérêt général, dans la définition duquel n'entre pas l'opposition d'un contribuable à sa réalisation, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ; le condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Ce moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit qu'Henri Y... avait porté atteinte au droit à l'image de Louis X..., de l'avoir condamné à lui verser un euro à titre de dommages et intérêts et d'avoir ordonné sous astreinte le retrait de la vidéo enregistrée lors du contrôle de la société LES HAUTS DE COCRAUD sur laquelle Louis X... est filmé ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'action engagée par Louis X... se fonde sur l'atteinte au respect de son droit sur l'utilisation de son image consistant en la diffusion de celle-ci au moyen du support vidéo lors de la tentative de contrôle fiscal et accessible aux internautes, diffusion qu'il n'avait pas autorisée ; que le tribunal, ayant exactement relevé que rien ne justifiait que le visage du fonctionnaire de l'administration fiscale procédant au contrôle, Louis X..., incontestablement visible sur le film mis en ligne par l'appelant, soit diffusé et soumis à la curiosité du public, par des motifs pertinents approuvés par la cour, a retenu à bon droit qu'Henri Y... avait porté atteinte au droit que possédait Louis X... sur son image et a fait droit aux demandes d'indemnisation de celui-ci et tendant à voir ordonner le retrait de ce film du blog d'Henri Y... ;
Qu'en effet : - le droit à la preuve invoqué par l'appelant ne saurait justifier la diffusion auprès du public de l'image du fonctionnaire, puisque cette preuve, en l'admettant utile, n'aurait, le cas échéant, à être rapportée qu'à l'occasion d'un recours devant l'administration ou d'une instance judiciaire engagée à propos des conditions de mise en oeuvre du contrôle fiscal, d'une opposition au contrôle ou du redressement auquel il a donné lieu, ce moyen étant ainsi dépourvu de pertinence pour contester la décision des premiers juges,
- dès lors, une telle diffusion est sans relation avec le droit au respect des biens de l'appelant, conventionnellement garanti,
- l'opposition de l'appelant au contrôle fiscal couramment pratiqué, dont il faisait l'objet, et à ses suites ne constitue pas un événement d'actualité et n'entre pas dans la définition d'un débat d'intérêt général pouvant justifier qu'il soit illustré par la diffusion de l'image du fonctionnaire agissant dans le cadre de ses fonctions pour effectuer ce contrôle,
- la liberté d'expression trouve ses limites dans les atteintes qu'une telle liberté peut entraîner sur les droits légitimes et protégés des personnes, tels que celui qu'elles détiennent sur l'utilisation de leur image, et la violation du droit que possède l'intimé sur l'utilisation et la diffusion de son image lui porte nécessairement préjudice, - l'utilisation, légitime ou non, faite du jugement par l'administration fiscale dans le cadre de la procédure d'opposition au contrôle fiscal est sans incidence sur le bien fondé du jugement ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE s'il peut être légitime pour un contribuable de se constituer la preuve des conditions dans lesquelles se déroule un contrôle fiscal, notamment en le filmant avec l'accord de l'inspecteur des impôts ¿ comme tel a été le cas en la cause ¿, et, dans les limites reconnues à la liberté d'expression, de faire état de son sentiment sur les procédures de contrôle fiscal dans un blog mis en ligne, rien en revanche ne saurait justifier que l'image du fonctionnaire procédant au contrôle soit diffusée et soumise à la curiosité du public sans avoir été préalablement rendue non identifiable, hors le cas où cette image viendrait illustrer avec pertinence un événement d'actualité ou un débat d'intérêt général, ce qui n'est pas démontré en l'espèce, alors que toute personne dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l'utilisation qui en est faite d'un droit exclusif, protégé notamment par l'article 9 du Code civil, ce qui lui permet de s'opposer à sa diffusion sans son autorisation ;
1) ALORS QUE la liberté de communication des informations autorise la publication d'images de personnes impliquées dans un événement ou pour illustrer un débat d'intérêt général, sous la seule réserve du respect de la dignité de la personne humaine ; que Monsieur Y..., auteur d'un ouvrage dénonçant la déloyauté de certaines pratiques des services fiscaux, faisait valoir que la publication de la vidéo litigieuse sur son site internet dédié à l'information du public sur la pratique des contrôles fiscaux constituait une illustration d'un débat d'intérêt général sur le respect des droits des citoyens pendant les contrôles fiscaux, si bien qu'en se déterminant comme elle l'a fait sans examiner le contexte dans lequel la vidéo litigieuse avait été diffusée, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 du Code civil ;
2) ALORS QUE Monsieur Y... faisait valoir que, au-delà de son cas personnel, les ouvrages qu'il avait publiés et son blog étaient destinés à informer le public et à provoquer une réflexion dans le cadre d'un débat d'intérêt général et d'actualité relatif à la pression fiscale et à la problématique essentielle du respect des droits des citoyens dans le cadre des contrôles fiscaux, si bien qu'en se bornant à relever que l'opposition de l'appelant au contrôle fiscal couramment pratiqué dont il faisait l'objet et à ses suites, ne constituait pas un événement d'actualité, la Cour d'appel n'a pas répondu au moyen dont elle était saisie, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-25634
Date de la décision : 15/01/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE - Respect de la vie privée - Droit à l'image - Atteinte - Défaut - Cas - Diffusion d'images illustrant avec pertinence un événement d'actualité ou un débat d'intérêt général

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE - Respect de la vie privée - Droit à l'image - Atteinte - Caractérisation - Cas - Diffusion d'images d'un contrôle fiscal

Rien ne justifie que le visage d'un fonctionnaire de l'administration des impôts procédant à un contrôle fiscal soit, sans son consentement, diffusé et soumis à la curiosité du public, hors les cas où son image viendrait illustrer avec pertinence soit un événement d'actualité, ce que n'est pas un tel contrôle, qui procède d'une pratique courante, soit un débat d'intérêt général, dans la définition duquel n'entre pas l'opposition du contribuable à sa réalisation


Références :

article 9 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 jan. 2015, pourvoi n°13-25634, Bull. civ. 2015, I, n° 12
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2015, I, n° 12

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Sudre
Rapporteur ?: M. Gridel
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.25634
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