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09/12/2014 | FRANCE | N°13-10423

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 décembre 2014, 13-10423


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 8 octobre 2012), que la société Bitumes et émulsions guyanaises (la SBEG), qui a pour activité la fabrication et la fourniture de revêtements de routes, a fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement (AMR) émis par l'administration des douanes, le 25 juillet 2008, au titre de l'octroi de mer sur la vente d'enrobés dans le cadre de marchés de travaux au cours des années 2005 à 2007 ; que l'admi

nistration des douanes ayant rejeté sa contestation, la SBEG l'a assign...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 8 octobre 2012), que la société Bitumes et émulsions guyanaises (la SBEG), qui a pour activité la fabrication et la fourniture de revêtements de routes, a fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement (AMR) émis par l'administration des douanes, le 25 juillet 2008, au titre de l'octroi de mer sur la vente d'enrobés dans le cadre de marchés de travaux au cours des années 2005 à 2007 ; que l'administration des douanes ayant rejeté sa contestation, la SBEG l'a assignée en annulation de l'AMR ;
Attendu que l'administration des douanes fait grief à l'arrêt d'annuler l'AMR du 25 juillet 2008 alors, selon le moyen :
1°/ que toute vente entraîne transfert de propriété à l'acquéreur du bien qui en est l'objet ; qu'en affirmant que la propriété de l'enrobé utilisé pour le revêtement des routes n'avait pas été transférée aux donneurs d'ordre, tout en relevant que l'enrobé leur avait été « vendu » et que la SBEG avait pour activité, non seulement de poser le revêtement, mais aussi « de le vendre », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1582 et 1583 du code civil ;
2°/ que les marchés de travaux emportent nécessairement transfert de propriété au profit des donneurs d'ordre des biens qui sont utilisés pour la réalisation des travaux et dont ils peuvent user comme des propriétaires ; qu'en considérant que la propriété des enrobés utilisés par la société SBEG pour le revêtement des routes ne serait pas transférée aux donneurs d'ordre qui ne pourraient en user comme propriétaires, tout en relevant que ces enrobés étaient fournis dans le cadre de marchés de travaux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1er de la directive n° 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, de l'article 1er du code des marchés publics et de l'article 2 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
Mais attendu que la loi n° 639-2004 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer énonce, dans son l'article 1-2°, que sont soumises à cette taxe en Guyane les livraisons de biens faites à titre onéreux par des personnes qui y exercent des activités de production et que la livraison d'un bien s'entend du transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire ; que l'arrêt ayant retenu que dans un marché de travaux portant sur le revêtement de route, l'enrobé n'est pas vendu en l'état comme un bien meuble, sa pose se trouvant nécessairement liée à sa fourniture, la cour d'appel en a exactement déduit, peu important que le transfert de propriété de l'ouvrage s'opère lors de la réception des travaux, que les enrobés utilisés dans l'activité de revêtement de route de la SBEG n'étaient pas soumis à l'octroi de mer ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le grief de la première branche n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
Rejette le pourvoi ;
Condamne l'administration des douanes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Bitumes et émulsions guyanaises la somme de 3 000 euros ; rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour le directeur général des douanes et droits indirects, le chef de l'agence de poursuites de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et le directeur général des douanes et droits indirects de la Guyane.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé l'avis de mise en recouvrement émis le 25 juillet 2008 à l'encontre de la société SBEG pour la somme de 507.694 euros et d'AVOIR dit n'y avoir lieu à inscription du privilège du Trésor sur la base de cet avis de mise en recouvrement ;
AUX MOTIFS QU'en droit et par application des dispositions de l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en l'espèce, les parties s'opposent sur l'application à la SBEG des dispositions de l'article 1-2° de la loi n° 639-2004 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer ; que tandis que la DGDDI soutient que l'activité principale de la SBEG relève de cette disposition, l'intimée affirme le contraire ; qu'au terme de l'article premier de la loi précitée, sont soumises notamment en Guyane à une taxe dénommée octroi de mer : « 1° l'importation de marchandises, 2° les livraisons de biens faites à titre onéreux par des personnes qui y exercent des activités de production » ; qu'il résulte des déclarations fiscales versées aux débats que la SBEG déclare exercer une activité de « revêtement de route » ; qu'elle expose que dans le cadre de cette activité, elle réalise la fourniture et la pose d'enrobés dans le cadre de marchés de travaux qui ne peuvent être assimilés, selon elle, à la livraison de biens à titre onéreux visée à l'article 1-2° de la loi du 2 juillet 2004 ; qu'elle admet vendre en l'état mais de manière résiduelle des enrobés ; et que la DGDDI ne conteste pas que cette activité de vente en l'état est exonérée de l'octroi de mer interne pour ne pas dépasser, en chiffre d'affaires, le montant de 550.000 euros prévu pour l'exonération ; qu'il apparaît à la lecture des déclarations fiscales versées aux débats que l'activité de la SBEG nécessite des installations techniques, du matériel et des outillages industriels d'une valeur retenue de plus de trois millions d'euros ; que le feuillet 3 des déclarations distingue les ventes de marchandises des productions vendues, dans lesquelles sont également distinguées les biens et les services ; que la SBEG ne déclare aucune vente de marchandises (alors qu'il est admis qu'elle vend résiduellement de l'enrobé) et distingue comme elle en a l'obligation fiscalement, la part des services et des biens dans la production qu'elle vend dans le cadre de son activité de revêtement de route ; qu'aucune autre pièce relative à l'activité de la SBEG n'a été versée aux débats ; que dès lors que la contestation porte sur l'application d'un texte de loi, la juridiction doit apprécier le texte litigieux strictement et son application dans le litige qu'elle tranche au vu des pièces qui lui sont soumises ; que les articles 1er et 2 de la loi du 2 juillet 2004 entendent soumettre à une taxation particulière, dite octroi de mer, toute marchandise importée dans les régions visées et toute personne exerçant de manière indépendante une activité de production dans ces régions ; que le dernier alinéa de l'article 1er dispose que « la livraison d'un bien s'entend du transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire » ; et que le dernier alinéa de l'article 2 précise que « sont considérées comme des activités de production les opérations de fabrication, de transformation ou de rénovation de biens meubles corporels, ainsi que les opérations agricoles et extractives » ; que l'activité de revêtement de route n'est ni agricole, ni extractive ; qu'elle ne relève pas d'une activité de fabrication ou de rénovation de biens meubles corporels ; et qu'elle ne peut être non plus assimilée à une activité de transformation d'un bien meuble corporel ; que la propriété de l'enrobé utilisé pour le revêtement n'est pas transférée au donneur d'ordre qui ne peut en user comme propriétaire ; que la DGDDI ne démontre pas que l'activité de la SBEG est autre que celle visée dans ses déclarations fiscales et qu'elle consiste en réalité à fournir sans les poser des enrobés ; qu'elle ne verse aux débats aucune pièce à l'appui du moyen qu'elle invoque, à savoir un transfert de propriété des enrobés et émulsions dans le cadre de ventes conclues entre la SBEG et un acheteur de biens et de services ; qu'elle ne fournit non plus aucun élément d'appréciation sur la répartition quantitative des matériels et des moyens humains utilisés pour l'activité de production de l'enrobé et l'activité de pose de celui-ci ; qu'or, compte tenu de l'activité déclarée par la SBEG, à savoir le revêtement de routes et non la fabrication d'enrobés et émulsions, il appartient à la DGDDI de rapporter la preuve contraire, ce qu'elle ne fait pas ; que l'activité de revêtement de route déclarée par la SBEG ne peut, sans élément précis de preuve le démontrant, être séparée en deux activités distinctes, la pose de l'enrobé se trouvant nécessairement liée à sa fourniture dans un marché de travaux portant sur le revêtement de route ; que l'enrobé n'est pas vendu comme un bien mais comme un moyen de revêtement ; et que le travail confié à la SBEG est bien de poser le revêtement et non pas uniquement de le vendre ; que compte tenu de ce qui précède, l'activité de revêtement de route exercée par la SBEG ne relève pas de la taxation prévue par l'article 1-2° de la loi du 2 juillet 2004 et les seules ventes en l'état d'enrobés ou émulsions réalisées par la SBEG n'excèdent pas le montant de 550.000 euros fixé comme seuil d'exonération ; que c'est donc par de justes motifs que la Cour adopte que le premier juge a annulé l'avis de mise en recouvrement n° 973/08/0007 ; que la décision dont appel sera donc confirmée de ce chef et en ce qu'elle a rejeté la demande de la DGDDI d'inscrire un privilège du Trésor sur la base de cet avis ;
1°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en affirmant que l'administration des douanes n'avait versé aux débats aucune pièce de nature à établir que les enrobés et émulsions bitumeux utilisés pour le revêtement des routes avaient fait l'objet d'un transfert de propriété dans le cadre de ventes conclues par la société SBEG avec des acheteurs de biens et de services, tout en constatant elle-même que le feuillet n° 3 des déclarations fiscales versées aux débats distinguait, au sein des « productions vendues », la part des services et des biens dans la production que la société SBEG « vend » dans le cadre de son activité de revêtement de route, ce dont il résultait que la société SBEG avait bien transféré la propriété de biens à des cocontractants dans le cadre de son activité de revêtement de route, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a, ainsi, méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE toute vente entraîne transfert de propriété à l'acquéreur du bien qui en est l'objet ; qu'en affirmant que la propriété de l'enrobé utilisé pour le revêtement des routes n'avait pas été transférée aux donneurs d'ordre, tout en relevant que l'enrobé leur avait été « vendu » et que la société SBEG avait pour activité, non seulement de poser le revêtement, mais aussi « de le vendre », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1582 et 1583 du Code civil ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, les marchés de travaux emportent nécessairement transfert de propriété au profit des donneurs d'ordre des biens qui sont utilisés pour la réalisation des travaux et dont ils peuvent user comme des propriétaires ; qu'en considérant que la propriété des enrobés utilisés par la société SBEG pour le revêtement des routes ne serait pas transférée aux donneurs d'ordre qui ne pourraient en user comme propriétaires, tout en relevant que ces enrobés étaient fournis dans le cadre de marchés de travaux, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1er de la directive n° 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, de l'article 1er du Code des marchés publics et de l'article 2 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-10423
Date de la décision : 09/12/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

DOUANES - Droits - Octroi de mer - Champ d'application - Exclusion - Enrobés utilisés dans l'activité de revêtements de routes

DOUANES - Droits - Octroi de mer - Champ d'application - Exclusion - Effets - Absence de vente de l'enrobé en l'état comme bien meuble DOUANES - Droits - Octroi de mer - Champ d'application - Exclusion - Enrobés utilisés dans l'activité de revêtements de routes - Transfert de propriété de l'ouvrage lors de la réception des travaux - Absence d'influence

La loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer énonce, dans son article 1, 2°, que sont soumises à cette taxe en Guyane les livraisons de biens faites à titre onéreux par des personnes qui y exercent des activités de production et que la livraison d'un bien s'entend du transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire. Fait l'exacte application de ce texte l'arrêt qui retient que dans un marché de travaux portant sur le revêtement de routes, l'enrobé n'est pas vendu en l'état comme un bien meuble, sa pose se trouvant nécessairement liée à sa fourniture, ce dont il déduit, peu important que le transfert de propriété de l'ouvrage s'opère lors de la réception des travaux, que les enrobés utilisés dans l'activité de revêtements de routes d'une société n'étaient pas soumis à l'octroi de mer


Références :

article 1, 2°, de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004

Décision attaquée : Cour d'appel de Cayenne, 08 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 déc. 2014, pourvoi n°13-10423, Bull. civ. 2014, IV, n° 181
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, IV, n° 181

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat général : M. Debacq
Rapporteur ?: M. Grass
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.10423
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