LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 15 et 16, 1°, d, de la Convention franco-tunisienne, du 28 juin 1972 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y..., tous deux de nationalité tunisienne, se sont mariés en Tunisie le 5 novembre 2006 ; que, le 21 juillet 2010, l'épouse a déposé une requête en divorce devant une juridiction française ; que l'époux a soulevé une exception de litispendance internationale tirée de l'engagement préalable, le 19 juillet 2010, d'une instance en divorce en Tunisie ; que, par ordonnance de non-conciliation du 30 juin 2011, un juge aux affaires familiales a rejeté cette exception et a statué sur les mesures provisoires ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, l'arrêt, après avoir rappelé que la compétence du juge tunisien en matière de divorce exige, selon la Convention franco-tunisienne du 28 juin 1972, que deux conditions impératives soient remplies, à savoir la nationalité tunisienne du requérant et sa résidence habituelle en Tunisie depuis au moins un an à la date de la requête introductive d'instance, relève que, si M. X... remplit la première condition, la seconde ne l'est pas puisqu'il ne résidait pas en Tunisie depuis un an lors du dépôt de la requête et en déduit que la décision à intervenir en Tunisie n'est pas susceptible d'être reconnue en France ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les deux époux ayant la nationalité tunisienne, les juridictions tunisiennes étaient compétentes pour connaître de ce litige concernant l'état des personnes, en application de l'article 16, 1°, d, de la Convention franco-tunisienne, de sorte que l'une des conditions, relative à la compétence juridictionnelle, à laquelle l'article 15 de cette Convention subordonne la reconnaissance des décisions tunisiennes en France était remplie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'exception de litispendance soulevée par M. Mustapha X... et en conséquence d'AVOIR déclaré compétent le juge aux affaires familiales près le Tribunal de grande instance de Grenoble, d'AVOIR constaté l'impossibilité d'une conciliation, d'AVOIR autorisé les époux à introduire l'instance en divorce, de les AVOIR renvoyés à saisir le juge aux affaires familiales, pour qu'il prononce le divorce et statue sur ses effets et d'AVOIR statué sur les mesures provisoires ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'exception d'incompétence, M. Mustapha X... soulève l'incompétence du juge français ; qu'il soutient avoir saisi en premier le juge tunisien compétent à connaître du divorce, en application de la convention franco-tunisienne du juin 1972, nonobstant le lieu de résidence des époux ; que Mme Soumaya Y... s'est opposée à la compétence du juge tunisien et a contesté sa décision ; que la compétence du juge tunisien en matière de divorce - telle qu'elle résulte de la convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 (article 16-1 et 15-1-d et i) - exige que soient remplies deux conditions impératives : - la nationalité tunisienne du requérant, - sa résidence habituelle en TUNISIE, depuis au moins un an à la date de la requête introductive d'instance ; qu'il est établi que si M. Mustapha X... remplissait la première condition, la seconde ne l'était pas, puisqu'il résidait alors habituellement en France - ce qu'il a d'ailleurs reconnu à l'audience ; que dans ces conditions, le premier juge a considéré à bon droit que la juridiction tunisienne était incompétente pour connaître de la demande en divorce présentée par M. Mustapha X..., qui ne résidait pas en Tunisie depuis un an lors du dépôt de sa requête ; qu'il convient donc de confirmer cette décision, parfaitement conforme aux exigences de la convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE les deux époux sont de nationalité tunisienne ; que la requête en divorce de Mme Soumaya Y... épouse X... a été déposée au greffe le 21 juillet 2010 ; que M. Mustapha X... fait valoir qu'il a saisi le juge tunisien d'une requête en divorce le 19 juillet 2010, soit antérieurement à la saisine par Mme Soumaya Y... épouse X... du juge français ; qu'il nous demande, en vertu de l'article 16 de la convention franco-tunisienne du 28 juin 1972, sa saisine étant antérieure à celle de son épouse, de déclarer son exception de litispendance recevable et de nous déclarer incompétent au profit du juge tunisien, en relevant que le juge tunisien est également compétent, nonobstant le lieu de résidence des époux ; qu'il ajoute que Mme Soumaya Y... épouse X... qui a donné procuration à son père pour la représenter à l'audience de conciliation du 29 octobre 2010 devant le juge tunisien a acquiescé implicitement à la compétence du juge ; que Mme Soumaya Y... épouse X... conclut à l'irrecevabilité de l'exception de litispendance au motif que si conformément à l'article 16 de la convention précitée, M. Mustapha X... est de nationalité tunisienne, en revanche il n'a pas son domicile habituel en Tunisie depuis un an, autre condition prévue par cet article ; qu'en application de l'article 15-1-d) et i) de la convention du 28 juin 1972 entre la République française et la République Tunisienne, la compétence de l'autorité judiciaire de l'Etat dans lequel la décision a été rendue est fondée ; d) en cas d'action en divorce, lorsque le demandeur avait la nationalité de l'Etat où la décision a été rendue et résidait habituellement depuis au moins un an sur le territoire de cet Etat à la date de l'acte introductif d'instance ; i) lorsque le défendeur a présenté des défenses au fond sans avoir contesté la compétence du Tribunal d'origine ; qu'il ressort des pièces versées par M. Mustapha X... que sa requête en divorce a été déposée auprès du juge tunisien le 16 juillet 2010, soit antérieurement à la requête de Mme Soumaya Y... épouse X... ; que s'il est constant que M. Mustapha X... est de nationalité tunisienne, ce dernier ne justifie pas qu'à la date du dépôt de sa requête, il résidait habituellement en Tunisie depuis au moins un an ; qu'il ressort d'ailleurs notamment du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 23 décembre 2009 produit par le défendeur que Mme Soumaya Y... est entrée en France, le 26 avril 2009 pour rejoindre son époux résident régulièrement en France, lequel a le 26 septembre 2009 formulé une demande d'autorisation de déposer un dossier de regroupement familial sur place, étant relevé que le deuxième enfant du couple, Isra est née le 30 janvier 2010 à Echirolles (Isère) ; qu'il ressort d'une autre pièce produite (certificat de travail du 15 octobre 2010) qu'il a été employé comme ouvrier polyvalent par l'Association Régré de quartier Villeneuve - Village Olympique Grenoble du 1er août 2008 au 8 octobre 2010 ; que par ailleurs, il n'est nullement démontré que Mme Soumaya Y... épouse X... a présenté des défenses au fond devant le juge tunisien ; qu'ainsi au regard de l'article 16-1 d) et i) la juridiction tunisienne n'est pas compétente pour connaître de la demande en divorce présentée par M. Mustapha X... qui ne résidait pas depuis un an en Tunisie au dépôt de sa requête ; que dans ces conditions, il convient de rejeter l'exception de litispendance soulevée par M. Mustapha X..., la décision à intervenir en Tunisie n'étant pas susceptible d'être reconnue en France ;
1) ALORS QUE le juge devant lequel une exception de litispendance est soulevée doit rechercher si la décision à intervenir à l'étranger pourra être reconnue en France ; qu'en se prononçant sur la compétence directe des juges tunisiens et français quand M. X... avait soulevé une exception de litispendance, les juridictions de l'Etat tunisien ayant été saisies en premier d'une demande de divorce sur le fondement de la nationalité tunisienne commune des parties (v. ses dernières conclusions du 26 septembre 2012, p. 3, antépénultième al. et s.) et qu'il lui appartenait donc de rechercher si la décision à intervenir en Tunisie pourrait être reconnue en France, la Cour d'appel a violé l'article 100 du Code de procédure civile, ensemble les principes qui régissent la compétence judiciaire internationale et les articles 15 et 16, 1°, d, de la convention franco-tunisienne relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires du 28 juin 1972 ;
2) ALORS QU'en toute hypothèse il résulte des articles 15 et 16, 1°, d, de la convention franco-tunisienne relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires du 28 juin 1972 que sont rendues par une juridiction dont la compétence indirecte est établie et doivent partant être reconnue les décisions tranchant un litige concernant l'état, la capacité des personnes ou les droits et obligations personnels et pécuniaires découlant des rapports de famille, donc notamment en matière de divorce, qui émanent de l'Etat dont les parties ont toutes la nationalité ; qu'en affirmant dès lors que la décision à intervenir en Tunisie ne serait pas reconnue en France car la juridiction saisie dans cet Etat serait incompétente, bien qu'il ait été acquis aux débats que les parties étaient toutes de nationalité tunisienne et que les juridictions tunisiennes avaient été les premières saisies de l'action en divorce, la Cour d'appel a violé l'article 100 du Code de procédure civile, ensemble les principes qui régissent la compétence judiciaire internationale et les articles 5 et 16, 1°, d, de la convention franco-tunisienne précitée ;
3) ALORS QU'en toute hypothèse la faculté de reconnaître en France des décisions à intervenir à l'étranger doit être appréciée au regard du droit commun de la régularité internationale des jugements dès lors que celui-ci est plus favorable que la convention bilatérale applicable ; qu'en excluant que la décision tunisienne à intervenir puisse être reconnue en France car en application des dispositions de la convention franco-tunisienne la juridiction saisie serait incompétente, quand en application du droit commun cette décision pourrait être reconnue en France, en raison de l'existence d'un lien de proximité suffisant entre le litige et le juge tunisien premier saisi, tenant à la nationalité tunisienne commune des parties, la Cour d'appel a violé les articles 100 et 509 du Code de procédure civile et les principes qui régissent la compétence judiciaire internationale.