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02/12/2014 | FRANCE | N°13-20203

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 décembre 2014, 13-20203


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 28 janvier 2013), qu'ayant exécuté des travaux pour le compte de l'établissement de Kourou de la société SII Societa Italiana di Ingegneria Pero SRL (la société SII), société de droit italien, la société Siged, aux droits de laquelle vient la société Sigedi, n'a pas été réglée par la société SII ; que, par ordonnance de référé du 15 mai 2006, devenue définitive, celle-ci a été condamnée à payer à la société Sigedi une pr

ovision de 242 272,62 euros, ses autres demandes portant sur des sommes de 298 555,01 eur...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 28 janvier 2013), qu'ayant exécuté des travaux pour le compte de l'établissement de Kourou de la société SII Societa Italiana di Ingegneria Pero SRL (la société SII), société de droit italien, la société Siged, aux droits de laquelle vient la société Sigedi, n'a pas été réglée par la société SII ; que, par ordonnance de référé du 15 mai 2006, devenue définitive, celle-ci a été condamnée à payer à la société Sigedi une provision de 242 272,62 euros, ses autres demandes portant sur des sommes de 298 555,01 euros et 24 761,44 euros étant rejetées ; qu'un jugement statuant sur le fond le 19 février 2010 a désigné un expert pour établir les comptes définitifs ; que, le 23 décembre 2009, le tribunal de Milan a ouvert une procédure principale d'insolvabilité à l'égard de la société SII ; que la société Sigedi a saisi le tribunal mixte de commerce de Cayenne d'une demande d'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité en France ;
Attendu que la société Sigedi fait grief à l'arrêt de rejeter cette demande alors, selon le moyen :
1°/ que l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité peut être demandée par toute personne habilitée à demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité en vertu de la loi de cet Etat ; qu'en vertu de la loi française, tout créancier peut demander l'ouverture d'une telle procédure, peu important que sa créance soit contestée par le débiteur et qu'elle fasse l'objet d'une procédure pour en déterminer le montant ; qu'en décidant que le créancier devait, dès son assignation, justifier d'une créance certaine, liquide et exigible, ce que n'étaient pas les créances de la société Sigedi, fondées sur des factures contestées par la société SII et ayant donné lieu à la désignation d'un expert par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse ayant pour mission de faire les comptes entre les parties, la cour d'appel a violé l'article L. 640-5 du code de commerce, ensemble l'article 27 du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 ;
2°/ que la société Sigedi soutenait que l'ouverture d'une procédure secondaire était le seul moyen pour elle de produire sa créance, compte tenu du refus opposé par le mandataire italien, du fait que cette créance intéressait un établissement étranger, et donc de poursuivre la procédure pendante devant le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse, en sorte que le défaut d'ouverture de la procédure secondaire était susceptible d'entraîner un déni de justice ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la société Sigedi ne contestait plus, en cause d'appel, ne disposer d'aucune créance judiciairement reconnue envers la société SII, dès lors qu'elle avait reçu la somme de 242 272,62 euros, en exécution de l'ordonnance de référé, avant la délivrance de son assignation tendant à l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité, et que les deux autres créances invoquées par elle, de 298 555 euros et 24 761,44 euros, reposaient sur des factures contestées par la société SII, cette contestation ayant d'ailleurs conduit à la désignation d'un expert judiciaire dont la mission était encore en cours, la cour d'appel en a exactement déduit, répondant ainsi aux conclusions prétendument délaissées, que, faute de pouvoir justifier d'une créance certaine, liquide et exigible sur la société SII au jour de son assignation en ouverture de cette procédure secondaire d'insolvabilité, la société Sigedi n'avait pas la qualité de créancier exigée par l'article L. 640-5, alinéa 2, du code de commerce ni, par conséquent celle, visée à l'article 29 b) du règlement CE n° 1346/2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, d'autre personne habilitée à demander l'ouverture d'une procédure secondaire en vertu du droit applicable à cette procédure ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sigedi aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Sigedi.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement dont appel en ce qu'il a ouvert une procédure secondaire d'insolvabilité à l'encontre de la SARL SOCIETA ITALIANA DI INGENERIA PERO SRL concernant son établissement de Kourou et en ce qu'il a prononcé la liquidation judiciaire de cette société en application des dispositions communautaires issues du règlement CE du 29.05.2000 et, statuant à nouveau, d'avoir débouté la SAS SIGEDI de sa demande tendant à l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité de la SARL SOCIETA ITALIANA DI INGENERIA PERO ;
Aux motifs que « il résulte des conclusions et moyens soulevés devant la cour que la société SII et la SAS SIGEDI, soutenue dans son argumentaire par Me BES, s'opposent sur l'application combinée des dispositions issues, d'une part du règlement CE du 29.05.2000 en ses articles 27 et suivants, et d'autre part, des articles L.640-1 et suivants et R.641-1 et suivants du code de commerce ; qu'il n'est pas contesté devant la cour qu'ensuite de l'ouverture à Milan, par décision du 23.12.2009 versée aux débats, d'une procédure de liquidation judiciaire de la société SII, l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité peut être demandée en France puisque cette société y a un établissement secondaire ; qu'il s'agit là de l'application non contestable et non contestée d'ailleurs des dispositions des articles 3-2 et 27 et suivants du règlement CE du 29.05.2000, justement retenus par les premiers juges ; qu'en application de l'article 27 du règlement CE, l'insolvabilité du débiteur n'a pas à être examinée lors de l'ouverture de la procédure secondaire qui ne peut être qu'une procédure de liquidation (article 3 du règlement) dont les effets sont limités aux biens du débiteur situés sur le territoire de l'Etat d'ouverture de la procédure secondaire ; que les articles 28 et 29 du même règlement disposent, pour le premier que « la loi applicable à la procédure secondaire est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure secondaire est ouverte » et pour le second que l'ouverture de la procédure secondaire peut être demandée notamment par toute personne « autorisée ou habilitée à demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité en vertu de la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel l'ouverture de la procédure secondaire est demandée » ; qu'en application des dispositions de l'article L.640-5 du code de commerce, la procédure de liquidation peut être ouverte « sur l'assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa créance » ; que l'article R631-2 du même code, auquel renvoie l'article R.640-1 relatif à l'ouverture de la liquidation judiciaire, dispose que l'assignation du créancier « précise la nature et le montant de la créance » ; qu'il résulte de la lecture combinée des articles 29 du règlement CE du 29.05.2000 et L.640-5 du code de commerce qu'un créancier peut demander l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité sans avoir à démontrer que les conditions d'insolvabilité du débiteur sont réunies, dès lors que l'article 27 du règlement CE exclut expressément cet examen ; qu'il n'a donc qu'à justifier de sa qualité de créancier comme l'exige la loi française ; qu'en l'espèce, la SAS SIGEDI ne conteste pas devant la cour qu'elle ne dispose pas, comme elle l'a soutenu en première instance, d'une créance reconnue par un jugement à l'encontre de la société SII, puisqu'il est établi par les pièces produites qu'elle a été payée de la créance de 242.272,62 euros reconnue judiciairement par ordonnance de référé rendue le 15.05.2006 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Belley statuant en matière commerciale ; que ce paiement étant intervenu avant l'assignation en vue de l'ouverture de la procédure secondaire d'insolvabilité devant le tribunal mixte de commerce de Cayenne, les juges de ce tribunal ne pouvaient, comme ils l'ont fait, ordonner l'ouverture de la liquidation sur le fondement de cette créance ; que la SAS SIGEDI maintient cependant sa demande principale et invoque au soutien de celle-ci l'existence d'autres créances, pour un montant de 298.555 euros et 24.761 euros ; que ces créances seraient selon elle fondées sur des bons de commande et justifiées par des factures et auraient été reconnues par la société SII au moins dans un courrier ; que cependant, pour pouvoir demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou liquidation judiciaire, le créancier doit justifier, et ce dès son assignation, d'une créance certaine, liquide et exigible ; qu'en l'espèce, la créance invoquée en cause d'appel par la SAS SIGEDI est fondée sur des factures qui sont contestées par la société SII, cette contestation ayant d'ailleurs conduit à la désignation d'un expert par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse (jugement du 19.02.2010 versé au débats) ; que cette expertise, dont la mission consiste notamment à faire les comptes entre les parties, semble être toujours en cours ; qu'il en résulte que, faute de pouvoir justifier d'une créance certaine, liquide et exigible, la SAS SIGEDI n'avait pas qualité pour requérir l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire de la société SII, puisqu'elle n'avait pas qualité, au sens des dispositions de l'article L.640-5 du code de commerce, pour requérir l'ouverture d'une procédure de liquidation en droit français ; que le jugement dont appel sera donc infirmé et la SAS SIGEDI déboutée de sa demande principale d'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité à l'égard de la société SII » (arrêt pages 4 et 5) ;
1°) Alors que l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité peut être demandée par toute personne habilitée à demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité en vertu de la loi de cet Etat ; qu'en vertu de la loi française, tout créancier peut demander l'ouverture d'une telle procédure, peu important que sa créance soit contestée par le débiteur et qu'elle fasse l'objet d'une procédure pour en déterminer le montant ; qu'en décidant que le créancier devait, dès son assignation, justifier d'une créance certaine, liquide et exigible, ce que n'étaient pas les créances de la société SIGEDI, fondées sur des factures contestées par la société SII et ayant donné lieu à la désignation d'un expert par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse ayant pour mission de faire les comptes entre les parties, la cour d'appel a violé l'article L.640-5 du code de commerce, ensemble l'article 27 du règlement CE n°1346 du 29 mai 2000 ;
2°) Alors que la société SIGEDI soutenait que l'ouverture d'une procédure secondaire était le seul moyen pour elle de produire sa créance, compte tenu du refus opposé par le mandataire italien, du fait que cette créance intéressait un établissement étranger, et donc de poursuivre la procédure pendante devant le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse, en sorte que le défaut d'ouverture de la procédure secondaire était susceptible d'entraîner un déni de justice (conclusions, page 11 et page 12 § 1 - 2) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-20203
Date de la décision : 02/12/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Liquidation judiciaire - Ouverture - Procédure - Saisine - Procédure secondaire d'insolvabilité - Demandeur - Qualité de créancier - Défaut - Effets - Absence de créance certaine, liquide et exigible

UNION EUROPEENNE - Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 - Procédures d'insolvabilité - Article 29, b - Personne habilitée à demander l'ouverture d'une procédure secondaire - Demandeur - Exclusion - Effets - Absence de créance certaine, liquide et exigible

Faute de pouvoir justifier à l'égard du débiteur, soumis à une procédure principale d'insolvabilité, d'une créance certaine, liquide et exigible au jour de son assignation en ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité, le demandeur à cette ouverture n'a pas la qualité de créancier exigée par l'article L. 640-5, alinéa 2, du code de commerce ni, par conséquent, celle, visée à l'article 29, b, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, d'autre personne habilitée à demander l'ouverture d'une procédure secondaire en vertu du droit applicable à cette procédure


Références :

article L. 640-5, alinéa 2, du code de commerce

articles 27 et 29, b, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité

Décision attaquée : Cour d'appel de Cayenne, 28 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 déc. 2014, pourvoi n°13-20203, Bull. civ. 2014, IV, n° 176
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, IV, n° 176

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat général : Mme Bonhomme
Rapporteur ?: M. Arbellot
Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.20203
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