LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 24 juillet 2013), que, réunis en assemblée le 29 juin 2009, les associés de la société par actions simplifiée dénommée société d'exploitation de l'Hôtel Casadelmar (la société Casadelmar) ont décidé, à la majorité simple, d'attribuer une rémunération au président de cette dernière à compter du 1er janvier 2009 ; que, faisant valoir que l'attribution d'une rémunération au président s'analysait en une convention qui aurait dû être soumise à la procédure de contrôle prévue à l'article L. 227-10 du code de commerce, la société Grand Sud investissements (la société Grand Sud) a fait assigner la société Casadelmar et la société Syracuse Investissements, associé majoritaire ; qu'elle a demandé, à titre principal, la condamnation de cette dernière au remboursement du montant de la rémunération et, à titre subsidiaire, l'annulation pour abus de majorité de la décision du 29 juin 2009 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Grand Sud fait grief à l'arrêt de rejeter la première de ces demandes alors, selon le moyen, que la convention, portant sur la rémunération du président de la société par actions simplifiée, doit être soumise à la procédure de contrôle des conventions réglementées ; que si les statuts prévoyaient que les modalités d'une éventuelle rémunération étaient fixées dans la décision de nomination, la nomination du président en exercice n'avait précisément prévu aucune rémunération, si bien que la décision de le rémunérer devait faire l'objet d'une convention réglementée ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que la décision de nomination du président ne prévoyait aucune rémunération ne devait pas conduire à observer la procédure relative aux conventions réglementées, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 227-10 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, qu'il résultait des statuts de la société Casadelmar que la rémunération de son président devait être fixée par une décision collective des associés prise à la majorité simple, la cour d'appel en a exactement déduit, sans avoir à faire d'autre recherche, que la société Grand Sud n'était pas fondée à se prévaloir de l'inobservation des dispositions de l'article L. 227-10 du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Grand Sud fait encore grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'annulation pour abus de droit de la décision des associés du 29 juin 2009 alors, selon le moyen :
1°/ que l'abus de majorité est constitué par une décision prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité ; qu'une rémunération ne peut être regardée comme conforme à l'intérêt de la société du seul fait qu'elle n'est pas disproportionnée avec le résultat de celle-ci ; qu'en ayant écarté l'existence d'un abus de majorité, résultant du vote de l'associé majoritaire en faveur d'une rémunération versée à lui-même, en se bornant à comparer le montant de cette rémunération avec le dernier bénéfice connu, sans rechercher en quoi l'intérêt de la société n'avait pas été méconnu par le refus concomitant d'accepter la proposition de M. X... d'exercer bénévolement la présidence, ceci dans le contexte de crise, invoqué par l'associé majoritaire lui-même, ayant conduit à la décision prise lors de la même assemblée générale d'affecter tous les résultats bénéficiaires à la constitution d'un fonds de roulement en prévision de la vente du fonds de commerce, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ que l'abus de majorité est constitué par une décision prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité ; qu'une rémunération ne peut être regardée comme conforme à l'intérêt de la société du seul fait qu'elle n'est pas disproportionnée avec le résultat de celle-ci ; qu'en ayant écarté l'existence d'un abus de majorité, résultant du seul vote de l'associé majoritaire en faveur d'une rémunération versée à lui-même, en se bornant à comparer le montant de cette rémunération avec le dernier bénéfice connu, sans se prononcer, ainsi qu'elle y était invitée, sur le fait que les fonctions de président n'impliquaient aucune charge de travail, notamment du fait que l'établissement était géré par un directeur sur place en permanence, et que le président de la société s'était consacré secrètement à compter de 2009 au lancement d'une nouvelle société ayant une activité concurrente, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs adoptés, que le président de la société Casadelmar assumait la responsabilité, tant civile que pénale, inhérente à ses fonctions sociales, et précisé, par motifs propres et adoptés, que la rémunération allouée à ce dernier s'élevait à la somme annuelle brute de 55 000 euros tandis que la société avait réalisé en 2008, dernier exercice dont les chiffres étaient connus à la date de l'assemblée litigieuse, un résultat net de 410 000 euros, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la rémunération des fonctions exercées par le président de la société ne saurait être considérée comme excessive et contraire à l'intérêt social ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre la société Grand Sud dans le détail de son argumentation, a pu décider que l'abus de majorité invoqué n'était pas établi ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Grand Sud investissements aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Grand Sud investissements
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Grand Sud Investissements de sa demande dirigée contre la résolution 29 juin 2009 par laquelle l'assemblée générale ordinaire de la société d'exploitation de l'hôtel Casadelmar a décidé d'accorder au président une rémunération annuelle brute de 55 000 euros à compter du 1er janvier 2009, et tendant au remboursement des sommes versées en exécution de cette résolution ;
Aux motifs que le tribunal avait retenu que la rémunération du président était déterminée dans les conditions fixées par les statuts, que le vote à la majorité simple par l'assemblée générale ordinaire était conforme aux dispositions statutaires, et que la rémunération d'un dirigeant ne procédait pas d'une convention réglementée soumise aux conditions de l'article L. 227-10 du code de commerce ; qu'en effet, l'attribution d'une rémunération des dirigeants d'une société par actions simplifiée était de nature purement contractuelle et il convenait dès lors de s'en rapporter aux statuts ; que les statuts prévoyaient au paragraphe 17 des dispositions relatives à la rémunération en vertu desquelles le principe de la rémunération au président était stipulé et les modalités d'attribution de cette rémunération étaient précisées ; qu'en ce qui concernait ces modalités, il était renvoyé à la décision de nomination qui stipulait « une décision collective des associés prise à la majorité des associés » ; que l'appelante ne pouvait opposer aux intimés le non-respect des dispositions de l'article L. 227-10 du code de commerce, cette procédure ayant vocation à s'appliquer en l'absence de dispositions relatives à cette question dans les statuts de la société qui valaient convention entre les actionnaires de la société par actions simplifiée ;
Alors que la convention portant sur la rémunération du président de la société par actions simplifiée doit être soumise à la procédure de contrôle des conventions règlementées ; que si les statuts prévoyaient que les modalités d'une éventuelle rémunération étaient fixées dans la décision de nomination, la nomination du président en exercice n'avait précisément prévu aucune rémunération, si bien que la décision de le rémunérer devait faire l'objet d'une convention réglementée ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que la décision de nomination du président ne prévoyait aucune rémunération ne devait pas conduire à observer la procédure relative aux conventions réglementées, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 227-10 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de condamnation de la société Syracuse investissements pour abus de droit ;
Aux motifs que le tribunal avait relevé que l'abus de majorité désignait l'utilisation abusive du droit de vote par la majorité des votants lors de l'assemblée générale ayant permis d'obtenir des décisions contraires aux intérêts de l'organisation ou de favoriser les votants majoritaires au détriment des minoritaires ; qu'il avait retenu que le président assumait la responsabilité tant civile que pénale relative aux fonctions sociales de président, que les chiffres d'affaires réalisés par la SAS pour les exercices 2008 et 2009 étaient respectivement de 5 744 264 et 5 344 583 euros et les résultats nets de 467 000 et 413 000 euros et que la rémunération avait été fixée à la somme brute annuelle de 55 000 euros ; qu'au vu de ces éléments, le tribunal avait considéré que cette rémunération n'était ni excessive ni contraire à l'intérêt de la SAS et que la société Grand Sud Investissements ne rapportait par la preuve de ce que la rémunération du président serait contraire à l'intérêt social ; qu'en cause d'appel, elle soutenait que les intimés ne pouvaient valablement invoquer ni la charge de travail du président en raison de l'emploi d'un directeur sur place en permanence, ni le principe d'une rémunération nécessaire en raison de la responsabilité civile et pénale incombant au président ; que la société Grand Sud Investissements faisait valoir, essentiellement, que le résultat net de la société était en constante baisse (410 000 euros en 2008, 140 000 euros en 2009, 138 900 euros en 2010, 40 000 euros en 2011), que l'effectif des salariés était aussi en diminution et faisait état des propos du président, à l'occasion de l'assemblée générale, relatifs à la non distribution des dividendes pour atteindre un nouveau fonds de roulement compatible avec celui de l'entreprise et, passé ce stade, la vente du fonds de commerce envisagée ; que l'appelante indiquait également qu'à la suite du vote de la rémunération du président, ce dernier s'était investi à titre personnel dans la création et le lancement d'une activité concurrente à la SAS et que M. X... avait proposé, lors de l'assemblée générale, de remplir les fonctions de président à titre bénévole ; que les intimes contestaient le caractère abusif de la rémunération dont il s'agissait, invoquant la jurisprudence constante selon laquelle l'intérêt social impliquait que le gérant soit justement rémunéré en fonction de ses talents et des résultats, ainsi que le montant de cette rémunération qui était très inférieur à celle du directeur et du chef de cuisine ; qu'elle soutenait que l'appelante ne rapportait pas la preuve de ce que cette rémunération serait contraire à l'intérêt social ;
Qu'après analyse de l'ensemble des éléments et pièces soumis à l'appréciation de la cour et au vu notamment du montant de la rémunération allouée au président de la SAS, à savoir la somme annuelle brute de 55 000 euros, soit environ 3 500 euros nettes mensuelle, et des résultats de la SAS lors de la date de cette assemblée générale, les derniers chiffres connus étant ceux de l'exercice 2008 et présentant un résultat net de 410 000 euros, l'abus de majorité invoqué par l'appelante n'apparaissait pas établi ;
Alors que, 1°) l'abus de majorité est constitué par une décision prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité ; qu'une rémunération ne peut être regardée comme conforme à l'intérêt de la société du seul fait qu'elle n'est pas disproportionnée avec le résultat de celle-ci ; qu'en ayant écarté l'existence d'un abus de majorité, résultant du vote de l'associé majoritaire en faveur d'une rémunération versée à lui-même, en se bornant à comparer le montant de cette rémunération avec le dernier bénéfice connu, sans rechercher en quoi l'intérêt de la société n'avait pas été méconnu par le refus concomitant d'accepter la proposition de M. X... d'exercer bénévolement la présidence, ceci dans le contexte de crise, invoqué par l'associé majoritaire lui-même, ayant conduit à la décision prise lors de la même assemblée générale d'affecter tous les résultats bénéficiaires à la constitution d'un fonds de roulement en prévision de la vente du fonds de commerce, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Alors que, 2°) l'abus de majorité est constitué par une décision prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité ; qu'une rémunération ne peut être regardée comme conforme à l'intérêt de la société du seul fait qu'elle n'est pas disproportionnée avec le résultat de celle-ci ; qu'en ayant écarté l'existence d'un abus de majorité, résultant du seul vote de l'associé majoritaire en faveur d'une rémunération versée à lui-même, en se bornant à comparer le montant de cette rémunération avec le dernier bénéfice connu, sans se prononcer, ainsi qu'elle y était invitée, sur le fait que les fonctions de président n'impliquaient aucune charge de travail, notamment du fait que l'établissement était géré par un directeur sur place en permanence, et que le président de la société s'était consacré secrètement à compter de 2009 au lancement d'une nouvelle société ayant une activité concurrente, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.