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07/10/2014 | FRANCE | N°12-16844

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 octobre 2014, 12-16844


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 octobre 2011), que la société Tod's SpA est propriétaire des droits de propriété artistique sur un modèle de tongs, dénommé Fiji, de la marque Tod's, commercialisé en France depuis novembre 2003, où il est distribué par la société Tod's France, qui gère également le réseau de distribution sélective de la marque Tod's ; qu'ayant appris que la société La Redoute offrait à la vente en France des chaussures reproduisant ou imitant les caractéristiques du modèle Fiji, les sociétés Tod's SpA et Tod's France ont fait dresser un const

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Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 octobre 2011), que la société Tod's SpA est propriétaire des droits de propriété artistique sur un modèle de tongs, dénommé Fiji, de la marque Tod's, commercialisé en France depuis novembre 2003, où il est distribué par la société Tod's France, qui gère également le réseau de distribution sélective de la marque Tod's ; qu'ayant appris que la société La Redoute offrait à la vente en France des chaussures reproduisant ou imitant les caractéristiques du modèle Fiji, les sociétés Tod's SpA et Tod's France ont fait dresser un constat d'achat du modèle litigieux sur le site internet de cette société, puis l'ont fait assigner devant le tribunal de commerce pour contrefaçon et concurrence déloyale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société La Redoute fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir appliquer la loi italienne, d'avoir dit n'y avoir lieu à questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), et de l'avoir condamnée pour contrefaçon et concurrence déloyale alors, selon le moyen :
1°/ que le principe de libre circulation des marchandises à l'intérieur de l'Union européenne impose, compte tenu de la disparité qui existe dans la protection accordée aux oeuvres des arts appliqués en matière de droits d'auteur par les législations des différents États de l'Union européenne, afin d'éviter qu'un produit licitement mis dans le commerce dans un premier État de l'Union soit jugé contrefaisant d'un modèle créé dans ce même État par une juridiction d'un second État, cependant qu'il n'est pas établi qu'il en soit ainsi dans son État d'origine (premier État), que la juridiction de ce second État apprécie à la fois la validité des droits invoqués et l'existence des actes de contrefaçon en appliquant le droit de l'État d'origine de ce produit ; que le respect du principe de libre circulation des marchandises s'apprécie de manière concrète et effective ; qu'en l'espèce, en affirmant qu'il ne pouvait être soutenu que le modèle de la société Tod's SpA ne pouvait pas relever du droit d'auteur en vertu de la loi italienne, dès lors que le décret législatif italien n° 95 du 2 février 2011 aurait transposé la protection par le droit d'auteur des modèles présentant une originalité certaine, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le droit italien protégeait désormais concrètement et effectivement des modèles de chaussures comme celui faisant l'objet du litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 34 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
2°/ qu'il convient de saisir la CJUE de la question suivante : "le principe de libre circulation des marchandises à l'intérieur de l'Union européenne, tel qu'il résulte de l'article 34 TFUE, n'impose-t-il pas, compte tenu de la disparité qui existe dans la protection accordée aux oeuvres des arts appliqués en matière de droits d'auteur par les législations des différents États de l'Union européenne et de l'article 5 de la Convention de Berne de 1886, afin d'éviter qu'un produit licitement mis dans le commerce dans un premier État de l'Union soit jugé contrefaisant d'un modèle créé dans ce même État par une juridiction d'un second État, cependant qu'il n'est pas établi qu'il en soit ainsi dans son État d'origine (premier État), que la juridiction de ce second État apprécie à la fois la validité des droits invoqués et l'existence des actes de contrefaçon en appliquant le droit de l'État d'origine de ce produit ?" ;
3°/ que dans ses conclusions récapitulatives, la société La Redoute soutenait qu'il n'était pas établi que la protection des modèles par le droit d'auteur était assurée en Italie, contrairement à la situation prévalant en France, de sorte que le principe de prévisibilité et de sécurité juridique résultant de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales était remis en cause ; qu'en affirmant qu'il n'était pas argué que, en France ou en Italie, la protection légale fluctuerait de manière telle que la norme deviendrait effectivement imprévisible, au point de porter atteinte à l'objectif fondamental de libre circulation des produits entre États membres de l'Union européenne, pour en déduire qu'il n'y avait pas lieu de s'interroger ni d'interroger la CJUE sur la méconnaissance de cette norme, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ qu' il convient de saisir la CJUE de la question suivante : « En matière de dessins et modèles, la législation des pays de l'Union européenne a été harmonisée par la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 relative à la protection juridique de dessins ou modèles. Néanmoins, l'article 17 de ladite directive qui a maintenu la théorie dite "de l'unité de l'art" et qui permet également aux dessins et modèles de bénéficier de la protection du droit d'auteur et dispose que "la portée et les conditions d'obtention de cette protection, y compris le degré d'originalité requis, sont déterminés par chaque Etat membre". En conséquence, cet article qui a en quelque sorte désharmonisé la protection des oeuvres des arts appliqués au sein de l'Union européenne en permettant à chaque Etat membre de déterminer objectivement les conditions de la protection desdits dessins et modèles n'est-il pas contraire aux principes de prévisibilité et de sécurité juridique, qui est un des objectifs fondamentaux de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, et de nature à porter atteinte à la libre circulation des produits au sein de l'Union européenne, puisqu'un modèle fabriqué licitement en Italie est susceptible de devenir contrefaisant au seul motif qu'il est commercialisé en France ?" ;
Mais attendu, en premier lieu, que la CJUE ayant jugé que les articles 34 TFUE et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens que les restrictions au commerce à l'intérieur de l'Union auxquelles peut donner lieu la disparité des législations nationales en matière de protection du droit d'auteur sont, en principe, justifiées au titre de l'article 36 TFUE dès lors qu'elles résultent de la différence des régimes et que celle-ci est indissociablement liée à l'existence même des droits exclusifs (21 juin 2012, C-5/11, Procédure pénale c/ Titus Donner, points 31 à 37) et l'article 5, 2°, de la Convention de Berne, applicable à la cause, énonçant que la jouissance et l'exercice des droits de l'auteur sont indépendants de l'existence de la protection dans le pays d'origine et que l'étendue de la protection est réglée par la législation du pays où la protection est réclamée, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche invoquée à la première branche, ni à saisir la CJUE de la question proposée par la deuxième branche, a pu statuer comme elle a fait ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que des différences dans la protection du droit d'auteur résultent du droit souverain de chaque Etat membre de légiférer dans ce domaine et qu'elles ne portent pas atteinte au droit à l'intelligibilité et à la prévisibilité de la règle de droit, dès lors que le droit national en la matière est normalement accessible ; qu'il constate qu'il n'est pas soutenu que la législation française prête à confusion, s'agissant de la protection du produit en cause tant par le droit des dessins et modèles que par le droit d'auteur ; qu'il relève encore qu'il n'est pas argué qu'en France ou en Italie, la protection légale fluctuerait de manière telle que la norme deviendrait effectivement imprévisible, au point de porter atteinte à l'objectif fondamental de libre circulation des produits entre les États membres de l'Union européenne ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les termes du litige, a pu décider qu'il n'y avait pas lieu de saisir la CJUE de la question formulée à la quatrième branche ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le deuxième moyen :
Attendu que la société la Redoute fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que la protection due à l'auteur d'un pays unioniste est dévolue par la législation du pays où elle est réclamée ; que la législation du pays où la protection est réclamée est non pas celle du pays où le dommage est subi, ni celle de l'Etat dont le tribunal est saisi, mais celle de l'État sur le territoire duquel s'est produit le fait générateur de la contrefaçon, à savoir la fabrication et la vente par son fabricant de l'oeuvre en cause ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que le modèle de sandales argué de contrefaçon avait été fabriqué en Italie et vendu par son fabricant à la société La Redoute ; qu'en affirmant que la loi française devait régir l'action en cause, dès lors que cette loi correspondait à la loi de la juridiction saisie et celle du pays où la protection était demandée, que le juge français était saisi d'actes d'importation sur le territoire national de modèles argués de contrefaçon, pour en déduire que la référence au fait générateur, défini comme celui du lieu de fabrication du modèle litigieux, était inopérante, la cour d'appel a violé l'article 5, 2°, de la Convention de Berne du 9 septembre 1886 ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'aux termes de l'article 5, 2°, de la Convention de Berne, la jouissance et l'exercice des droits de l'auteur de l'oeuvre sont indépendants de l'existence de la protection dans le pays d'origine et que l'étendue de la protection est réglée par la législation du pays où la protection est réclamée, et retenu que la protection était demandée en France, où des actes d'importation et de proposition à la vente d'un modèle contrefaisant s'étaient produits, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que la loi française était applicable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le troisième moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société La Redoute aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer aux sociétés Tod's SpA et Tod's France la somme globale de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société La Redoute
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à questions préjudicielles et, en conséquence, d'AVOIR débouté la société LA REDOUTE tendant à voir appliquer la loi italienne, d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait dit la société de droit italien AMBROSI SpA recevable et bien fondée en l'exception d'incompétence qu'elle a soulevée, s'était déclaré incompétent sur la mise en cause de la Société de droit italien AMBROSI SpA au profit du Tribunal de Grande Instance de Paris, dit qu'à défaut de contredit dans le délai légal, il serait fait application de l'article 97 du CPC, dit qu'il n'y avait pas lieu de joindre les causes et s'est déclaré compétent pour connaître de la procédure engagée par les sociétés TOD'S à l'encontre de la SA LA REDOUTE, dit qu'en offrant à la vente un modèle de tong contrefaisant le modèle de tong FIJI appartenant à la société TOD'S SpA, la SA LA REDOUTE s'est rendue coupable de contrefaçon à l'encontre de la société TOD'S SpA, interdit à la SA LA REDOUTE, la détention, la distribution, l'offre à la vente et la vente de chaussures reproduisant ou imitant le modèle de chaussures FIJI de la société TOD'S, condamné la SA LA REDOUTE à payer à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis, les sommes de 25 000 ¿ à la société TOD'S au titre de la contrefaçon, 10 000 € à la société TOD'S FRANCE au titre de la concurrence déloyale, ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie, condamné l'exposante à payer à chacune des sociétés TOD'S la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et d'AVOIR dit que l'astreinte de 1 000 € par infraction constatée commencerait à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours de la signification de l'arrêt et d'AVOIR condamné la société LA REDOUTE à payer à chacune des sociétés TOD'S FRANCE et TOD'S SpA la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « la société La Redoute demande à la Cour de poser à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes : « Au regard du principe fondamental de libre circulation des produits à l'intérieur de l'Union européenne, et compte tenu de la disparité qui existe dans la protection accordée aux oeuvres des arts appliqués par les différents pays de l'Union européenne et de l'article 5 de la Convention de Berne de 1886, afin d'éviter qu'un produit licitement mis dans le commerce dans un pays de l'Union européenne (pays A) soit jugé contrefaisant d'un modèle créé dans ce même pays (pays A) par une juridiction d'un pays tiers (pays B) alors qu'il n'est pas établi qu'il en soit ainsi dans son pays d'origine (pays B) la juridiction dudit pays tiers (pays B) ne doit-elle pas apprécier à la fois la validité des droits invoqués et l'existence des actes de contrefaçon en appliquant le droit du pays d'origine tant du produit authentique (pays A) ? En matière de dessins et modèles, la législation des pays de l'Union européenne a été harmonisée par la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 relative à la protection juridique de dessins ou modèles. Néanmoins, l'article 17 de ladite directive qui a maintenu la théorie dite "de l'unité de l'art" et qui permet également aux dessins et modèles de bénéficier de la protection du droit d'auteur et dispose que "la portée et les conditions d'obtention de cette protection, y compris le degré d'originalité requis, sont déterminés par chaque Etat membre". En conséquence, cet article qui a en quelque sorte dé-harmonisé la protection des oeuvres des arts appliqués au sein de l'Union européenne en permettant à chaque Etat membre de dé terminer objectivement les conditions de la protection desdits dessins et modèles, n'est-il pas contraire aux principes de prévisibilité et de sécurité juridique, qui est un des objectifs fondamentaux de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, et de nature à porter atteinte à la libre circulation des produits au sein de l'Union européenne, puisqu'un modèle fabriqué licitement en Italie est susceptible de devenir contrefaisant au seul motif qu'il a franchi les Alpes ? » Considérant que la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 sur la protection juridique des dessins ou modèles, qui, consacrant le principe de l'unité de l'art, assure à l'article 17 la protection par le droit d'auteur des modèles présentant une originalité certaine, a été transposée en droit italien par le décret législatif n° 95 du 2 février 2001 (G.U, 4 aprile 2001, Suppl. Ord,), qui a modifié les articles 25 /5 à 2583 du Code civil et la loi n° 633 du 22 avril 1941 sur la protection du droit d'auteur et des droits connexes à son exercice ; que la société La Redoute peut d'autant moins le contester qu'elle fait expressément référence au décret législatif italien à la cote 6 de son dossier de plaidoirie ; Considérant que l'argument de la société La Redoute, selon lequel aucune décision de justice italienne n'a jamais statué sur la question des chaussures Tod's, est inopérant, l'intervention d'une décision de justice ne relevant que d'initiatives individuelles, de sorte que l'absence de décision en la matière, à la supposer établie, ne serait pas pertinente ; Considérant qu'il ne peut donc être soutenu que le modèle de la société Tod's SpA ne peut relever du droit d'auteur en vertu de la loi italienne, ce qui entraînerait une différence fondamentale de protection entre le pays de production et du siège de la société productrice et celui de commercialisation et déterminerait un obstacle substantiel a la libre circulation des marchandises au sein de l'Union européenne ; Considérant que le droit à l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi a été consacré comme un principe de valeur constitutionnelle par les décisions du Conseil constitutionnel n° 99-421 DC du 16 décembre 1999 et n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005 ; que, pour citer la dé finition classique du Conseil d'Etat dans son rapport public 2006, ce principe « implique que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables, en mesure de dé terminer ce qui est permis et ce qui est défendu par le droit applicable ; pour parvenir à ce résultat, les normes édictées doivent être claires et intelligibles, et ne pas être soumises, dans le temps, à des variations trop fréquentes, et surtout imprévisibles » ; Considérant qu'il n'est pas soutenu que la législation française prête à confusion s'agissant de la protection du produit tant par le droit des dessins et modèles que par le droit d'auteur, d'où il suit que l'intelligibilité de la norme n'est pas contestée ; Considérant que la protection cumulative des arts appliqués par le droit des dessins et modèles et le droit d'auteur a été consacrée législativement, de manière générale, en France et en Italie par le décret législatif n° 95 du 2 février 2001 ; qu'il n'est pas argué que dans l'un ou l'autre de ces pays, la protection légale fluctuerait de manière telle que la norme deviendrait effectivement imprévisible, au point de porter atteinte à l'objectif fondamental de libre circulation des produits entre Etats membres de l'Union européenne ; Considérant, enfin, que des différences de protection au niveau du droit d'auteur qui est consacré dans le principe dans chacun des pays, relèvent du droit de chaque État de légiférer souverainement dans ce domaine, rappelé au considérant 8 de la directive 98/71/CE et ne peuvent porter atteinte au droit à l'intelligibilité et à la prévisibilité normales de la règle de droit, alors qu'il n'est pas soutenu que le droit national en la matière ne soit normalement accessible ; Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il n'y a pas lieu à question préjudicielle » ;
1. ALORS QUE le principe de libre circulation des marchandises à l'intérieur de l'Union européenne impose, compte tenu de la disparité qui existe dans la protection accordée aux oeuvres des arts appliqués en matière de droits d'auteur par les législations des différents États de l'Union européenne, afin d'éviter qu'un produit licitement mis dans le commerce dans un premier État de l'Union soit jugé contrefaisant d'un modèle créé dans ce même État par une juridiction d'un second État, cependant qu'il n'est pas établi qu'il en soit ainsi dans son État d'origine (premier État), que la juridiction de ce second État apprécie à la fois la validité des droits invoqués et l'existence des actes de contrefaçon en appliquant le droit de l'État d'origine de ce produit ; que le respect du principe de libre circulation des marchandises s'apprécie de manière concrète et effective ; qu'en l'espèce, en affirmant qu'il ne pouvait être soutenu que le modèle de la société TOD'S SpA ne pouvait pas relever du droit d'auteur en vertu de la loi italienne, dès lors que le décret législatif italien n° 95 du 2 février 2011 aurait transposé la protection par le droit d'auteur des modèles présentant une originalité certaine, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le droit italien protégeait désormais concrètement et effectivement des modèles de chaussures comme celui faisant l'objet du litige, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 34 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
2. ALORS subsidiairement QU' il convient de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question suivante : « le principe de libre circulation des marchandises à l'intérieur de l'Union européenne, tel qu'il résulte de l'article 34 TFUE, n'impose-t-il pas, compte tenu de la disparité qui existe dans la protection accordée aux oeuvres des arts appliqués en matière de droits d'auteur par les législations des différents États de l'Union européenne et de l'article 5 de la Convention de Berne de 1886, afin d'éviter qu'un produit licitement mis dans le commerce dans un premier État de l'Union soit jugé contrefaisant d'un modèle créé dans ce même État par une juridiction d'un second État, cependant qu'il n'est pas établi qu'il en soit ainsi dans son État d'origine (premier État), que la juridiction de ce second État apprécie à la fois la validité des droits invoqués et l'existence des actes de contrefaçon en appliquant le droit de l'État d'origine de ce produit ? » ;
3. ALORS QUE dans ses conclusions récapitulatives (p. 6, deux derniers alinéas et p. 7, quatre premiers alinéas), la société LA REDOUTE soutenait qu'il n'était pas établi que la protection des modèles par le droit d'auteur était assurée en Italie, contrairement à la situation prévalant en France, de sorte que le principe de prévisibilité et de sécurité juridique résultant de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme était remis en cause ; qu'en affirmant qu'il n'était pas argué que, en France ou en Italie, la protection légale fluctuerait de manière telle que la norme deviendrait effectivement imprévisible, au point de porter atteinte à l'objectif fondamental de libre circulation des produits entre États membres de l'Union européenne, pour en déduire qu'il n'y avait pas lieu de s'interroger ni d'interroger la CJUE sur la méconnaissance de cette norme, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
4. ALORS subsidiairement QU' il convient de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question suivante : « En matière de dessins et modèles, la législation des pays de l'Union européenne a été harmonisée par la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 relative à la protection juridique de dessins ou modèles. Néanmoins, l'article 17 de ladite directive qui a maintenu la théorie dite "de l'unité de l'art" et qui permet également aux dessins et modèles de bénéficier de la protection du droit d'auteur et dispose que " la portée et les conditions d'obtention de cette protection, y compris le degré d'originalité requis, sont déterminés par chaque Etat membre ". En conséquence, cet article qui a en quelque sorte désharmonisé la protection des oeuvres des arts appliqués au sein de l'Union européenne en permettant à chaque Etat membre de déterminer objectivement les conditions de la protection desdits dessins et modèles, n'est-il pas contraire aux principes de prévisibilité et de sécurité juridique, qui est un des objectifs fondamentaux de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, et de nature à porter atteinte à la libre circulation des produits au sein de l'Union européenne, puisqu'un modèle fabriqué licitement en Italie est susceptible de devenir contrefaisant au seul motif qu'il est commercialisé en France ? »

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société LA REDOUTE tendant à voir appliquer la loi italienne et, en conséquence, d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait dit la société de droit italien AMBROSI SpA recevable et bien fondée en l'exception d'incompétence qu'elle a soulevée, s'était déclaré incompétent sur la mise en cause de la Société de droit italien AMBROSI SpA au profit du Tribunal de Grande Instance de Paris, dit qu'à défaut de contredit dans le délai légal, il serait fait application de l'article 97 du CPC, dit qu'il n'y avait pas lieu de joindre les causes et s'est déclaré compétent pour connaître de la procédure engagée par les sociétés TOD'S à l'encontre de la SA LA REDOUTE, dit qu'en offrant à la vente un modèle de tong contrefaisant le modèle de tong FIJI appartenant à la société TOD'S SpA, la SA LA REDOUTE s'est rendue coupable de contrefaçon à l'encontre de la société TOD'S SpA, interdit à la SA LA REDOUTE, la détention, la distribution, l'offre à la vente et la vente de chaussures reproduisant ou imitant le modèle de chaussures FIJI de la société TOD'S, condamné la SA LA REDOUTE à payer à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis, les sommes de 25 000 € à la société TOD'S au titre de la contrefaçon, 10 000 € à la société TOD'S FRANCE au titre de la concurrence déloyale, ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie, condamné l'exposante à payer à chacune des sociétés TOD'S la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et d'AVOIR dit que l'astreinte de 1 000 € par infraction constatée commencerait à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours de la signification de l'arrêt et d'AVOIR condamné la société LA REDOUTE à payer à chacune des sociétés TOD'S FRANCE et TOD'S SpA la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « la question de la détermination de la loi applicable est régie par l'article 5.2 de la Convention de Berne du 9 septembre 1886, qui énonce, d'une part, que la jouissance et l'exercice des droits de l'auteur sont indépendants de l'existence de la protection dans le pays d'origine, d'autre part, que l'étendue de la protection est réglée par la législation du pays où la protection est réclamée ; Considérant qu'en l'espèce, la loi française correspond à la loi de la juridiction saisie comme à celle du pays où la protection est demandée ; qu'elle est également celle qui gouverne l'incrimination des actes en cause, puisque le juge français est saisi d'actes d'importation sur le territoire national de modèles argués de contrefaçon ; Considérant que la référence au fait générateur, défini comme étant celui du lieu de fabrication du modèle litigieux, est en conséquence inopérante ; Considérant qu'il se déduit de ces constatations que la loi française est applicable au litige » ;
ALORS QUE la protection due à l'auteur d'un pays unioniste est dévolue par la législation du pays où elle est réclamée ; que la législation du pays où la protection est réclamée est non pas celle du pays où le dommage est subi, ni celle du l'État dont le tribunal est saisi, mais celle de l'État sur le territoire duquel s'est produit le fait générateur de la contrefaçon, à savoir la fabrication et la vente par son fabricant de l'oeuvre en cause ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que le modèle de sandales argué de contrefaçon avait été fabriqué en Italie et vendu par son fabricant à la société LA REDOUTE ; qu'en affirmant que la loi française devait régir l'action en cause, dès lors que cette loi correspondait à la loi de la juridiction saisie et celle du pays où la protection était demandée, que le juge français était saisi d'actes d'importation sur le territoire national de modèles argués de contrefaçon, pour en déduire que la référence au fait générateur, défini comme celui du lieu de fabrication du modèle litigieux, était inopérante, la Cour d'appel a violé l'article 5.2 de la Convention de Berne du 9 septembre 1886.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait dit la société de droit italien AMBROSI SpA recevable et bien fondée en l'exception d'incompétence qu'elle a soulevée, s'était déclaré incompétent sur la mise en cause de la Société de droit italien AMBROSI SpA au profit du Tribunal de Grande Instance de Paris, dit qu'à défaut de contredit dans le délai légal, il serait fait application de l'article 97 du CPC, dit qu'il n'y avait pas lieu de joindre les causes et s'est déclaré compétent pour connaître de la procédure engagée par les sociétés TOD'S à l'encontre de la SA LA REDOUTE, dit qu'en offrant à la vente un modèle de tong contrefaisant le modèle de tong FIJI appartenant à la société TOD'S SpA, la SA LA REDOUTE s'est rendue coupable de contrefaçon à l'encontre de la société TOD'S SpA, interdit à la SA LA REDOUTE, la détention, la distribution, l'offre à la vente et la vente de chaussures reproduisant ou imitant le modèle de chaussures FIJI de la société TOD'S, condamné la SA LA REDOUTE à payer à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis, les sommes de 25 000 € à la société TOD'S au titre de la contrefaçon, 10 000 € à la société TOD'S FRANCE au titre de la concurrence déloyale, ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie, condamné l'exposante à payer à chacune des sociétés TOD'S la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et d'AVOIR dit que l'astreinte de 1 000 € par infraction constatée commencerait à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours de la signification de l'arrêt et d'AVOIR condamné la société LA REDOUTE à payer à chacune des sociétés TOD'S FRANCE et TOD'S SpA la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société Tod's Spa présente les caractéristiques essentielles de son modèle de tong en cuir ainsi qu'il suit : - un empiècement principal en forme de T, délimité par des doubles surpiqûres, - la barre horizontale du T part du côté intérieur de la chaussure pour rejoindre 1'empiècement extérieur de la chaussure, un empiècement extérieur qui comporte une boucle argentée ovale et un ardillon délimité par des doubles surpiqûres, - la barre verticale du T qui se termine par un oeillet argenté ovale - une boucle en cuir qui sort de l'avant de la semelle intérieure de la chaussure au niveau du gros orteil et qui passe dans l'oeillet de la partie verticale du T, - une semelle intérieure en cuir avec une surpiqûre apparente suivant le contour de la semelle et constituant un arc de cercle au niveau de la plante du pied, - une semelle de forme particulière en gomme qui se rétrécit au niveau de la voute plantaire, - des picots figurant sur l'arrière de la chaussure ainsi que sur le dessous du pied, - des picots figurant également au niveau du talon ; Considérant qu'il est constant que ce modèle a été divulgué en France sous la marque Tod's SpA ; que cette dernière est donc présumée titulaire des droits sur le modèle Fiji ; qu'en effet, en l'absence de revendication de la part d'un auteur l'exploitation d'une oeuvre par une personne morale sous son nom fait présumer, à l' égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l'oeuvre, qu'elle soit collective ou non, du droit de propriété incorporelle de l'auteur ; Considérant que la société La Redoute soutient que l'ensemble des éléments revendiqués est parfaitement "antériorisé" comme faisant partie du domaine public ; Qu'elle produit un dépôt du 17 juillet 1971 de M. Jean-Claude X... domicilié à Liège en Belgique d'un modèle, reprenant selon elle des caractéristiques de la chaussure en cause et des photos des modèles Kickers, Gizeh, Ramses, Kairo, Medina et Scholl, dont la création n'est pas datée ; Considérant ceci rappelé qu'il est inopérant de relever, comme le font les intimées que les modèles antérieurs produisent une impression d'ensemble différente puisque l'originalité d'un modèle ne se déduit pas de l'impression différente que peuvent produire les modèles qui sont antérieurs ; Qu'il importe en revanche de dégager au regard des créations existantes en 2003 si la combinaison des caractéristiques revendiquées est ou non porteuse de l'empreinte personnelle de son auteur ; Considérant qu'il est indéniable que la société Tod's SpA a conçu son modèle à partir d'un type de chaussure connu de tous de longue date et communément appelé tong ; que la présence d'un empiècement extérieur qui comporte une boucle est une caractéristique déjà divulguée dans le modèle déposé en 1971 ; Considérant que cependant les autres caractéristiques comme la barre verticale du T qui se termine par un oeillet argenté ovale, et la boucle en cuir qui sort de l'avant de la semelle intérieure de la chaussure au niveau du gros orteil et qui passe, dans l'oeillet de la partie verticale du T, sont absentes, hormis sur les modèles dont la date de création est inconnue ; Considérant que, par la combinaison des caractéristiques revendiquées, le modèle créé se singularise des modèles existants et porte l'empreinte de la personnalité de son auteur, ce qui détermine sa protection par le livre I du Code de la propriété intellectuelle ; Considérant que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré original ledit modèle ; Sur la contrefaçon alléguée : Considérant que la société Tod's SpA, titulaire des droits patrimoniaux sur le modèle Fiji, est bien fondée à agir en réparation de l'atteinte portée à ses droits ; Considérant que le modèle, commercialisé par la société La Redoute reprend, dans la même combinaison, les caractéristiques du modèle de la société Tod's SpA ; Qu'il importe peu que l'aspect des boucles et les semelles soit différent dès lors que ces différences ne sont que de détail ; Considérant que la société Tod's SpA est par conséquent fondée à se prévaloir du risque de confusion et à soutenir que son modèle a été contrefait ; Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire : Considérant que la société Tod's France fait valoir que le modèle contrefait était un modèle connu de la collection, que le modèle contrefaisant en est la reprise, et que son prix de vente inférieur en renforce le caractère attractif servi par un vaste réseau de distribution qui s'étend sur l'ensemble du territoire national, pour en conclure que l'appelante a commis une faute constitutive de concurrence déloyale ; Considérant toutefois que la prétention selon laquelle le modèle Fiji aurait été un modèle notoire de la collection Tod's n'est pas démontrée ; Considérant par contre que les faits de contrefaçon commis au préjudice de la société Tod's SpA constituent pour la société Tod's France, qui distribue et commercialise le modèle original, des actes de concurrence déloyale et non des actes parasitaires, les deux sociétés étant concurrentes sur le marché ; Que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a reconnu des actes de concurrence déloyale et infirmé en ce qu'il a reconnu des actes parasitaires ; Sur les mesures réparatrices : Considérant qu'il sera fait droit dans les termes du dispositif ci-après aux mesures d'interdiction sollicitées, suffisantes pour prévenir tout renouvellement des actes de contrefaçon, sans qu'il soit nécessaire d'y ajouter des mesures de publication, les chaussures n'étant plus commercialisées ; Considérant que l'atteinte à la propriété de la société Tod's Spa a été exactement réparée par les premiers juges par l'allocation de la somme de vingt cinq mille euros, au vu des pièces produites au débat ; Considérant qu'outre le gain manqué par la société Tod' France, il convient de prendre en considération les investissements de promotion dont, certes, la société Tod's France ne produit qu'une approche d'ensemble, mais qui démontre l'importance de ses investissements pour la promotion de son modèle ; Qu'au vu de l'ensemble de ces données, il convient de confirmer le montant alloué par les premiers juges à la société Tod's France au titre de la concurrence déloyale et ce sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la communication de pièces supplémentaires par la société La Redoute ; Sur les frais irrépétibles : Considérant qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge des sociétés intimées les frais irrépétibles qu'elles ont exposés en la présente instance ; Que la société La Redoute sera condamnée à leur payer à chacune la somme de quatre mille euros - 4.000 € - à ce titre, les frais irrépétibles exposés en première instance étant par ailleurs confirmés ; Considérant que la société appelante, partie succombante, doit être déboutée de sa demande formé e au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Sur les dépens ; Considérant que la société La Redoute, partie succombante, doit les dépens de la présente instance, la décision des premiers juges concernant les dépens de première instance étant par ailleurs confirmée » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU' « aux termes de l'article L. 113-1 du CPI, la titularité des droits appartient à celui qui a divulgué l'oeuvre, sauf preuve contraire ; que, par la production de factures de commercialisation en date des 20 novembre 2003 et avril 2004, TOD'S SpA justifie avoir divulgué le modèle de tong FIJI en cause ; qu'en l'absence de revendication contraire, elle est donc réputée en être titulaire ; que le modèle de chaussure en cause est une tong en cuir caractérisée notamment par une combinaison d'empiècements dont les principaux éléments sont : - un empiècement principal en forme de T, dé limité par des doubles surpiqûres : la barre horizontale du T part du côté intérieur de la chaussure pour rejoindre l'empiècement extérieur de la chaussure qui comporte une boucle argentée ovale, - la barre verticale du T se termine par un oeillet argenté ovale, - l'empiècement extérieur comporte une boucle argentée ovale et un ardillon et est (sic) délimité par des doubles surpiqûres, - une boucle de cuir qui sort de l'avant de la semelle intérieure de la chaussure au niveau du gros orteil et qui passe dans l'oeillet de la partie verticale du T, - une semelle intérieure en cuir avec une surpiqûre apparente suivant le contour de la semelle et constituant un arc de cercle au niveau de la plante du pied, une semelle de forme particulière en gomme qui se rétrécit au niveau de la voûte plantaire, des picots figurent au niveau du talon, sur l'arrière de la chaussure ainsi que sur le dessous du pied ; -que la combinaison de ces éléments présente un caractère d'originalité propre qui dénote un effort de création spécifique dans un domaine où le champ de la création apparaît limité par les aspects techniques ; que, de leur examen, les antériorités avancées par LA REDOUTE n'apparaissent pas pouvoir être qualifiées d'être de toutes pièces et pour quelques-unes d'entre elles, notamment celles de KICKERS, avoir date certaine, qu'en tant que telles, elles ne seront donc pas retenues par le tribunal ; que, par conséquent, le modèle de tong FIJI appartenant à TOD' S SpA apparaît digne de bénéficier de la protection légale réservée aux oeuvres de création ; Attendu que la contrefaçon s'apprécie sur la ou les ressemblances en fonction de ce qu'en pense un consommateur d'attention moyenne ; que le tribunal a pu disposer des modèles en cause, le modèle FIJI et le modèle de LA REDOUTE argué de contrefaçon ; que de leur comparaison à laquelle le tribunal s'est livré, il ressort une ressemblance manifeste tant en ce qui concerne la forme du T, la présence de surpiqûres, la disposition des éléments les composant tels 1'oeillet, l'empiècement, la couleur de la semelle, seule la forme de la boucle étant différente, de telle sorte que le modèle de LA REDOUTE apparaît bien contrefaire le modèle FIJI et en constituer la copie quasi servile ,- II dira donc qu'en offrant à la vente un modèle de tong contrefaisant le modèle FIJI, LA REDOUTE s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon à l'encontre de TOD'S SpA, déboutant LA REDOUTE de sa demande contraire. Il interdira donc à LA REDOUTE, la détention, la distribution, l'offre à la vente et la vente de chaussures reproduisant ou imitant le modèle de chaussures FIJI de TOD'S » ;
1. ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que, pour établir l'antériorité, par rapport au modèle de tong revendiqué par la société TOD'S SpA, de la boucle en cuir qui sort de l'avant de la semelle intérieure de la chaussure au niveau du gros orteil et qui passe, dans l'oeillet de la partie verticale du T de l'empiècement de la sandale, la société LA REDOUTE produisait un extrait de son catalogue printemps/été 1997 qui présentait cette caractéristique ; que pour retenir l'originalité de celle-ci sur le modèle litigieux, la Cour d'appel a affirmé que cette caractéristique était absente des modèles produits par la société LA REDOUTE, hormis sur les modèles dont la date de création était inconnue (arrêt, p. 10, al. 4) ; qu'en statuant ainsi, quand le modèle reproduit dans le catalogue printemps/été 1997 de la société LA REDOUTE qui présentait cette caractéristique, et dont la date n'était pas contestée, était nécessairement antérieur à la divulgation du modèle litigieux en 2003, la Cour d'appel a dénaturé ce document, en violation du principe susénoncé ;
2. ALORS QUE pour bénéficier de la protection du droit d'auteur, les choix opérés par l'auteur doivent porter l'empreinte de la personnalité de celui-ci ; qu'il importe peu, à cet égard, que le défendeur ne puisse pas apporter la preuve d'une antériorité de toute pièce ; qu'en l'espèce, pour affirmer que le modèle de tong revendiqué par la société TOD'S SpA portait la personnalité de son auteur, la Cour d'appel a retenu, par motifs adoptés (cf. jugement, p. 9, al. 10), que les antériorités avancées par la société LA REDOUTE ne pouvaient pas être qualifiées de toute pièce ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles L. 112-1 et L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
3. ALORS en toute hypothèse QUE la concurrence déloyale suppose l'existence de faits distincts de ceux à raison desquels est prononcée une condamnation au titre de la contrefaçon ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a estimé que les faits de contrefaçon commis au préjudice de la société TOD'S SpA constituaient pour la société TOD'S FRANCE, « qui distribue et commercialise le modèle original », des actes de concurrence déloyale ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser des faits distincts de ceux à raison desquels elle prononçait condamnation au titre de la contrefaçon, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
4. ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; que pour retenir que les faits de contrefaçon litigieux constituaient pour la société TOD'S FRANCE des actes de concurrence déloyale, la Cour d'appel a énoncé que cette dernière société « distribue et commercialise le modèle original » (arrêt, p. 11, al. 1er) ; que l'arrêt attaqué a cependant relevé par ailleurs que les chaussures en cause n'étaient plus commercialisées (arrêt, p. 11, al. 3) ; qu'en statuant par de tels motifs contradictoires, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-16844
Date de la décision : 07/10/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention d'Union de Berne du 9 septembre 1886 - Protection des oeuvres littéraires et artistiques - Article 5, 2° - Contrefaçon - Loi applicable - Loi du lieu de commission des faits

CONFLIT DE LOIS - Contrefaçon - Loi applicable - Convention d'Union de Berne du 9 septembre 1886 - Article 5, 2° - Loi du lieu de commission des faits

Selon l'article 5, 2°, de la Convention de Berne, la jouissance et l'exercice des droits de l'auteur de l'oeuvre sont indépendants de l'existence de la protection dans le pays d'origine et l'étendue de la protection se règle exclusivement d'après la législation du pays où la protection est réclamée. En conséquence, justifie sa décision une cour d'appel qui, ayant relevé que la protection était demandée en France, où des actes d'importation et de proposition à la vente d'un modèle contrefaisant s'étaient produits, en déduit que la loi française était applicable


Références :

Sur le numéro 1 : article 36 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne
Sur le numéro 2 : article 5, 2°, de la convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques du 9 septembre 1886

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 octobre 2011

Sur le n° 2 : Sur l'application de la loi du lieu de commission des faits, dans le même sens que : 1re Civ., 12 juillet 2012, pourvois n° 11-15.165, 11-15.188, Bull. 2012, I, n° 162 (cassation partielle) (1)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 oct. 2014, pourvoi n°12-16844, Bull. civ. 2014, IV, n° 146
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, IV, n° 146

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: M. Grass
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.16844
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