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01/10/2014 | FRANCE | N°13-22853

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 01 octobre 2014, 13-22853


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 812 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en référé, qu'ayant décidé de mettre en place, à titre expérimental, du 26 septembre au 2 octobre 2011, une permanence d'avocats au sein de la zone d'attente de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) a obtenu du président du tribunal de grande instance de Bobigny, statuant sur requÃ

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Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 812 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en référé, qu'ayant décidé de mettre en place, à titre expérimental, du 26 septembre au 2 octobre 2011, une permanence d'avocats au sein de la zone d'attente de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) a obtenu du président du tribunal de grande instance de Bobigny, statuant sur requête, la désignation d'un huissier de justice aux fins de constater les difficultés matérielles rencontrées par les avocats ayant participé à la permanence les 26 et 27 septembre 2011 ; que l'Etat a sollicité la rétractation de cette ordonnance ;
Attendu que pour accueillir sa demande, l'arrêt énonce que, par la généralité de la mission, qui n'est sollicitée par aucun étranger déterminé afin de préserver ses droits, à un instant donné et dans un lieu précis, le cas échéant dans le cadre d'une procédure devant le juge des libertés et de la détention, le constat requis est manifestement insusceptible d'être utile lors d'un litige relevant de la compétence de l'autorité judiciaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le constat en cause pouvait, le cas échéant, être produit devant le juge des libertés et de la détention à l'occasion d'une éventuelle prolongation du maintien en zone d'attente d'un étranger décidée sur le fondement des articles L. 222-1 et L. 222-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'était ainsi pas manifestement insusceptible d'être utile lors d'un litige relevant de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rétracte l'ordonnance sur requête du 29 septembre 2011, l'arrêt rendu le 15 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Agent judiciaire de l'Etat à payer l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rétracté l'ordonnance sur requête du 29 septembre 2011 du président du tribunal de grande instance de Bobigny ;
AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article 145 du code de procédure civile, toute personne qui dispose d'un motif légitime peut obtenir du juge des référés la désignation d'un technicien pour rechercher et établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un procès éventuel, sauf lorsque l'action au fond qui motive la demande d'expertise est manifestement vouée a l'échec ; qu'il résulte de l'article 493 du même code que les mesures d'instruction précitées peuvent être ordonnées sur requête lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ; que le juge de la requête n'est compétent pour ordonner une mesure tendant à des constatations matérielles que si l'ordre de juridiction auquel il appartient est lui-même compétent pour connaître, fût-ce pour partie, de l'action au fond que motive la demande ; que c'est aux termes de la requête que le juge doit apprécier la compétence des juridictions de l'ordre auquel il appartient ; qu'en l'espèce, la requête indique qu'« il s'agit de voir respecter la prescription de l'arrêt du Conseil d'Etat susvisé (du 30 juillet 2003) selon lequel l'avocat a droit d'accéder à la zone d'attente, et l'autorité réglementaire a été enjointe de prendre les mesures nécessaires afin de prévoir que dans chaque zone d'attente, soit installé un local adapté permettant la confidentialité des échanges mais surtout équipé du matériel adapté permettant de « faire usage des voies de recours qui lui sont ouvertes » de manière concrète et pratique » ; qu'elle sollicite du juge de la requête de « bien vouloir désigner un huissier de justice compétent aux fins de dresser un procès-verbal de constat permettant d'établir dans quelles conditions s'effectue la permanence d'avocats en zone d'attente de Roissy, organisée de manière expérimentale, du 26 septembre au 2 octobre 2011 » ; que, par la généralité de la mission, qui n'est sollicité par aucun étranger déterminé afin de préserver ses droits, à un instant donné et dans un lieu précis, le cas échéant dans le cadre d'une procédure devant le juge des libertés et de la détention, le constat requis, comme le démontrent encore les pièces annexées à la requête, est manifestement insusceptible d'être utile lors d'un litige relevant de la compétence de l'autorité judiciaire ; qu'eu égard à l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour connaître des demandes de l'ANAFE au profit des juridictions administratives, la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 29 septembre 2011 est bien fondée ; que l'ordonnance entreprise sera infirmée, sauf en ce reçu l'ADDE, le Groupe d'Information et de Soutien des Immigres (GISTI), la Ligue des droits de l'Homme (LDH), le Syndicat des Avocats de France et le Syndicat de la Magistrature en leur intervention volontaire ;
ALORS QUE le Président du Tribunal de grande instance peut ordonner sur requête une mesure de constat d'huissier avant tout procès, sans que soit en cause le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, dès lors que le constat d'huissier n'est pas manifestement insusceptible d'être utile lors d'un litige relevant de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'en retenant l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour connaître de la demande de l'ANAFE au motif que par la généralité de la mission, qui n'est sollicité par aucun étranger déterminé afin de préserver ses droits, à un instant donné et dans un lieu précis, le constat requis est manifestement insusceptible d'être utile lors d'un litige relevant de la compétence de l'autorité judiciaire, alors qu'au contraire le constat fût-il demandé par l'Association en charge de l'assistance des étrangers maintenus en zone d'attente à Roissy-Charles de Gaulle, pouvait le cas échéant être produit par ces derniers lors d'un litige éventuel relevant de la compétence du juge judiciaire gardien des libertés individuelles, la Cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et les articles 493 et 812 du code de procédure civile, ensemble l'article 66 de la Constitution ;
ALORS ENCORE QU'en ignorant la motivation expresse de la demande de constat énoncée par l'ANAFE aux termes de sa requête selon laquelle la mesure est nécessaire afin que les personnes maintenues en zone d'attente de Roissy puissent faire constater les conditions d'accès effectif à l'exercice de leurs droits, et spécialement à l'assistance d'avocats, et en prêtant au rappel des exigences du Conseil d'Etat en matière d'accès des avocats aux zones d'attente une portée qu'il n'avait pas, la Cour d'appel a dénaturé la requête du 29 septembre 2011 en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS ENFIN QU'en retenant la compétence exclusive des juridictions administratives, sans expliquer sur quel fondement ces dernières pouvaient être éventuellement saisies, et alors qu'aucun litige relevant de la compétence des juridictions de l'ordre administratif n'avait pas été envisagé par l'ANAFE aux termes de sa requête, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de la loi des 16-24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III et des articles 493 et 812 du code de procédure civile, ensemble l'article 66 de la Constitution.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-22853
Date de la décision : 01/10/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Requête à fin de constat d'huissier au sein de la zone d'attente d'un aéroport - Conditions - Détermination

PROCEDURE CIVILE - Ordonnance sur requête - Requête - Désignation d'un huissier - Mesure de constatation au sein de la zone d'attente d'un aéroport - Domaine d'application - Conditions - Détermination

Le président du tribunal de grande instance est compétent pour statuer sur la requête en désignation d'un huissier de justice présentée par une association aux fins de procéder à des constatations au sein de la zone d'attente d'un aéroport, dès lors que ce constat peut, le cas échéant, être produit devant le juge des libertés et de la détention à l'occasion d'une éventuelle prolongation du maintien en zone d'attente d'un étranger et n'est ainsi pas manifestement insusceptible d'être utile lors d'un litige relevant de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire


Références :

loi des 16-24 août 1790

décret du 16 fructidor an III

article 812 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 novembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 01 oct. 2014, pourvoi n°13-22853, Bull. civ. 2014, I, n° 159
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, I, n° 159

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Cailliau
Rapporteur ?: Mme Canas
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.22853
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