LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 avril 2013), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 12 mai 2010, pourvoi n° 09-14.387), que la société Euromarché, aux droits de laquelle se trouve la société Immobilière Carrefour, a donné à bail, dénommé bail à construction, à la société Eris restauration, aux droits de laquelle s'est trouvée la société Phenix Richelieu, un lot de volume dépendant d'un ensemble immobilier ; que la société Phenix Richelieu a cédé ce bail à la société civile immobilière du Centre commercial de Stains (la SCI) ; que la société Immobilière Carrefour lui ayant délivré plusieurs commandements de payer visant la clause résolutoire, la SCI l'a informée qu'elle avait cédé le bail à la société civile immobilière Synergie HM ; que la société Immobilière Carrefour a assigné la SCI en requalification du contrat en bail commercial et à défaut en résolution du bail à construction aux torts de la SCI ; que la société civile immobilière Synergie HM est intervenue volontairement à la procédure ;
Attendu que la société Immobilière Carrefour fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en résiliation judiciaire du bail, alors, selon le moyen, que la clause d'agrément, stipulée dans un bail à construction, subordonnant la cession du contrat à l'accord du bailleur, est valable, car elle se borne à restreindre le droit du preneur à céder son bail, sans lui interdire de le faire ; qu'en annulant la clause d'agrément figurant dans le bail à construction liant la société Immobilière Carrefour à la SCI du Centre commercial de Stains, sous prétexte qu'elle restreignait la liberté de cession du preneur titulaire d'un droit réel immobilier, la cour d'appel a violé les articles L. 251-3 et L. 251-8 du code de la construction et de l'habitation ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que, le bail à construction conférant au preneur un droit réel immobilier, la clause soumettant la cession à l'agrément du bailleur, qui constitue une restriction au droit de céder du preneur contraire à la liberté de cession, est nulle et de nul effet ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Immobilière Carrefour aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Immobilière Carrefour à payer à la SCI du Centre commercial de Stains la somme de 3 000 euros et à M. X... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Immobilière Carrefour ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la société Immobilière Carrefour
II est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait débouté la société IMMOBILIERE CARREFOUR de sa demande subsidiaire en résiliation judiciaire du bail
AUX MOTIFS QUE si, en matière de bail à construction, certaines restrictions qui ne sont pas contraires aux dispositions d'ordre public des articles L. 251-3 et suivants du code de la construction et l'habitation, peuvent être apportées à la liberté de céder dont bénéficie le preneur, le fait de soumettre la cession du bail à l'accord écrit du bailleur constitue cependant une restriction du droit de céder du preneur, contraire à la liberté de cession qui est de l'essence même du bail à construction, en ce qu'il confère au preneur un droit réel immobilier ; que la clause d'agrément du bailleur à la cession dans un bail qui ne supportait pas d'autre qualification que celle de bail à construction, devait donc être déclarée nulle et de nul effet ; qu'il convenait d'ailleurs d'observer que lors de cessions antérieures, il n'était pas fait état de l'intervention du bailleur ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « eu égard à sa nature de bail à construction de l'acte litigieux, c'est à bon droit que la SCI SYNERGIE invoque les articles L. 251-3 et L. 251-8 du code de la construction et de l'habitation, pour faire valoir que la faculté donnée légalement au preneur de céder tout ou partie de ses droits ou de les apporter en société est exclusive de quelque limitation ou restriction que ce soit, de par son caractère d'ordre public ; il s'en déduit que la stipulation prévue au titre « VI - Cession et apport en société », qui entend soumettre l'exercice par le preneur de la faculté susmentionnée à « l'accord express et par écrit du bailleur », est nulle et de nul effet, dès lors qu'elle est contraire aux dispositions légales prévues aux articles de loi susvisés ; en conséquence, la société IMMOBILIERE CARREFOUR ne saurait invoquer valablement le non-respect, par la SCI DU CENTRE COMMERCIAL DE SAINS, de ladite stipulation ; la cession de bail intervenue entre la SCI DU CENTRE COMMERCIAL DE STAINS et la SCI SYNERGIE est donc régulière et opposable au bailleur » ;
ALORS QUE la clause d'agrément, stipulée dans un bail à construction, subordonnant la cession du contrat à l'accord du bailleur, est valable, car elle se borne à restreindre le droit du preneur à céder son bail, sans lui interdire de le faire ; qu'en annulant la clause d'agrément figurant dans le bail à construction liant la société IMMOBILIERE CARREFOUR à la SCI du Centre commercial de Stains, sous prétexte qu'elle restreignait la liberté de cession du preneur titulaire d'un droit réel immobilier, la cour d'appel a violé les articles L. 251-3 et L. 251-8 du code de la construction et de l'habitation.