LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Josselyne X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 12 juillet 2013, qui, pour diffamation publique envers un particulier et atteintes à la vie privée, l'a condamnée à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 juin 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Monfort, conseiller rapporteur, M. Beauvais, conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Desportes ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller MONFORT et les conclusions de M. l'avocat général BERKANI ;
Vu le mémoire personnel et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Mme X..., en conflit avec la famille Y..., occupante d'un logement voisin du sien, a publié sur son site internet conscience-vraie.info une série de textes et d'images censés décrire, sous la forme d'une "étude de cas", le comportement agressif de ses voisins ; qu'à la suite d'une plainte déposée, le 13 mars 2012, par Mme Ingrid Y... et d'une enquête préliminaire menée par les services de gendarmerie, Mme X... a été convoquée, par acte du 10 janvier 2013, devant le tribunal correctionnel, pour y répondre des délits de diffamation publique envers un particulier, et atteintes à la vie privée par l'enregistrement de paroles et d'images de Mme Y..., captées à son insu dans son domicile ; que le tribunal ayant retenu la prévenue dans les liens de la prévention, Mme X... et le ministère public ont relevé appel de cette décision ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593, 427 du code de procédure pénale, 114-4, 226-1 du code pénal, 23, 29, 48-6 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'atteinte à la vie privée dont elle a déclaré la prévenue coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 53, 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Vu l'article 65, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que, selon ce texte, en matière d'infractions à la loi sur la liberté de la presse, avant l'engagement des poursuites, seules les réquisitions aux fins d'enquête articulant et qualifiant les provocations, outrages, diffamations et injures à raison desquels l'enquête est ordonnée sont interruptives de prescription ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique soulevée par la prévenue, l'arrêt énonce qu'il résulte des pièces de la procédure que plusieurs actes d'enquête ont été effectués entre le 10 mars 2012, date de mise en ligne des propos incriminés, et le 11 juin 2012, date d'expiration du délai de trois mois prévu par la loi du 29 juillet 1881, soit l'audition de Mme Y..., le 13 mars 2012, les investigations effectuées le 16 avril 2012 sur le site "conscience-vraie.info", et l'audition de Mme X..., le 7 juin 2012 ; que les juges retiennent que ces éléments d'enquête ont chacun interrompu la prescription durant la période alléguée ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'aucun acte de poursuite ou d'instruction, ni aucune réquisition d'enquête articulant et qualifiant la diffamation, n'ont été réalisés entre la date des faits et la mise en mouvement de l'action publique par la délivrance, le 10 janvier 2013, d'une convocation en justice à la prévenue, et qu'un délai de plus de trois mois s'étant ainsi écoulé, l'action publique du chef de diffamation était éteinte par l'effet de la prescription, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que la Cour de cassation appliquera directement la règle de droit, ainsi que le permet l'article L.411-3 du code de l'organisation judiciaire, concernant la poursuite du chef de diffamation publique;
Par ces motifs :
CONSTATE la prescription de l'action publique concernant le délit de diffamation publique envers particulier ;
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon en date du 12 juillet 2013 en ses seules dispositions relatives à la peine et aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
ET pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize septembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;