La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/09/2014 | FRANCE | N°13-18136

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 11 septembre 2014, 13-18136


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en ses deux premières branches :

Vu les articles L. 426 -1 et L. 426-4 du code de l'environnement et 1382 du code civil ;
Attendu qu'il résulte des deux premiers de ces textes que la possibilité d'une indemnisation par la fédération départementale des chasseurs ne laisse subsister le droit d'exercer contre le responsable des dommages qu'une action fondée sur l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se plaignant de dégâts causés à ses

récoltes et cultures, la société civile d'exploitation agricole Gerot (la socié...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en ses deux premières branches :

Vu les articles L. 426 -1 et L. 426-4 du code de l'environnement et 1382 du code civil ;
Attendu qu'il résulte des deux premiers de ces textes que la possibilité d'une indemnisation par la fédération départementale des chasseurs ne laisse subsister le droit d'exercer contre le responsable des dommages qu'une action fondée sur l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se plaignant de dégâts causés à ses récoltes et cultures, la société civile d'exploitation agricole Gerot (la société), qui exploite un domaine agricole en limite d'un massif boisé, a cité devant un tribunal d'instance l'association Les Fays de Maulnes (l'association), titulaire d'un droit de chasse dans ce massif, en indemnisation des ces dégâts ;
Attendu que pour condamner l'association à payer à la société une certaine somme, l'arrêt énonce que le régime spécial d'indemnisation des dégâts matériels causés aux cultures et aux récoltes par un gibier quelconque, institué et organisé par les articles L. 426-1 à L. 426-8 du code précité, qui a une portée générale et s'applique à toute action en réparation des dommages de toute nature, notamment celle fondée sur les articles 1382 et 1383 du code civil, ne comporte pas d'exclusion de celles fondées sur l'article 544 du même code et sur le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage ; que mettre à la disposition du gibier certaines quantités de nourriture, l'agrainage, a pour effet de fixer les population d'animaux sauvages sur le territoire concerné et de favoriser leur reproduction ; que cette pratique entraîne une prolifération du gibier, en l'espèce, non compensée par la mise en oeuvre d'actions de régulation ; que le territoire de chasse de l'association se trouve bordé de clôtures sur les côtés est, ouest, et en partie sud, destinées à protéger deux autres exploitations agricoles ; que cette situation, liée à l'exercice du droit de chasse par l'association sur les terres voisines de celles de la société provoque pour celle-ci des inconvénients anormaux de voisinage lui ouvrant droit à une indemnisation correspondant aux dommages subis ;
Qu'en statuant ainsi, sans relever une faute de nature à engager la responsabilité de l'association sur le fondement de l'article 1382 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Gerot aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Gerot, la condamne à payer à l'association Les Fays de Maulnes la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour l'association Les Fays de Maulnes.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que l'association de chasse Les Fays de Maulnes commet, par son activité, un trouble anormal de voisinage au détriment de la société Gerot et d'avoir condamné en conséquence l'association de chasse Les Fays de Maulnes à payer à la SCEA Gerot la somme de 7965 euros ;
Aux motifs que la SCEA Gerot exploite diverses parcelles agricoles situées sur la commune d'Arthonnay à proximité de la forêt de Maulnes sur laquelle l'association Les Fays de Maulnes exerce un droit de chasse ; qu'il ressort du rapport de l'expert désigné par le juge d'instance en application de l'article R 426-24 du Code de l'environnement, qu'une grande partie des îlots de culture exploités par la SCEA Gerot présentaient lors des visites effectuées les 28 juin, et 19 juillet 2010, des dégâts de divers types, piétinement, broutage et fouilles causés par le gibier, quasi exclusivement des sangliers ; que l'expert énonce en page 21 et suivantes de son rapport que l'ensemble de ces îlots est situé au nord de la forêt de Maulnes, certains la jouxtant directement et les autres s'inscrivant dans un rayon maximum de 700m ; que l'expert affirme que « compte tenu de la disposition géographique du secteur, les sangliers incriminés proviennent de la forêt de Maulnes, et en très grande partie du territoire des Fays de Maulnes. Cet état de fait est amplifié par deux phénomènes :- les clôtures posées sur le côté est, ouest et en partie sud du massif forestier obligeant les sangliers à sortir du massif côté ferme du Moulin,- l'agrainage pratiqué par la société de chasse Les Fays de Maulnes » ; que l'expert affirme aussi que « le gibier est en nombre excessif, du fait de l'agrainage et surtout de l'échec des règles de régulation mises en place dans le cadre de l'application des plans de chasse grand gibier » ; qu'il est ainsi suffisamment établi d'une part, que la SCEA Gerot subit des dommages résultant de l'incursion sur ses terres d'animaux sauvages, surtout des sangliers, d'autre part que ces animaux proviennent essentiellement du territoire de la forêt de Maulnes, sur laquelle l'association Les Fays de Maulnes exerce le droit de chasse, dont l'un des objectifs évoqué dans l'article L 421-5 du Code précité est incontestablement la régulation de la population de ces animaux ; que le régime spécial d'indemnisation des dégâts matériels causés aux cultures et aux récoltes par un gibier quelconque, institué et organisé par les articles L 426-1 à L 426-8 du Code précité, qui a une portée générale et s'applique à toute action en réparation des dommages de toute nature, notamment celle fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, ne comporte pas d'exclusion de celles fondées sur l'article 544 du même Code et sur le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage ; qu'il ressort des constatations et conclusions de l'expert, que la pratique, non contestée par l'association Les Fays de Maulnes, consistant à mettre à la disposition du gibier certaines quantités de nourriture (l'agrainage) même si elle est effectuée selon les prescriptions réglementaires, a pour effet de fixer les population d'animaux sauvages sur le territoire concerné, et même d'y attirer des sujets provenant d'autres régions, et de favoriser leur reproduction ; que cette pratique qui a pour objectif d'assurer aux chasseurs membres de l'association, un nombre suffisant de proies, présente l'inconvénient d'entrainer une prolifération du gibier qui, en l'espèce, n'est manifestement pas compensée par la mise en oeuvre d'actions spécifiques de régulation ; qu'ainsi, l'association Les Fays de Maulnes affirme qu'elle respecte le plan de chasse mais ne prouve pas et ne prétend d'ailleurs même pas, qu'elle aurait organisé des opérations de destruction autorisées par le classement des sangliers en espèce nuisible ;qu'il ressort également des constatations de l'expert, que le territoire de chasse de l'association se trouve bordé de clôtures sur les côtés est, ouest, et en partie sud, destinées à protéger deux autres exploitations agricoles, les fermes de Bel Air et de Maulnes ; que le technicien commis fait observer que cette configuration oblige ou au moins incite les sangliers à sortir du massif forestier par le côté nord, donnant directement sur les terres de la SCEA Gerot ; que le Tribunal a justement retenu que cette situation, liée à l'exercice du droit de chasse par l'association Les Fays de Maulnes sur les terres voisines de celles de la SCEA Gerot provoque pour celle-ci des inconvénients anormaux de voisinage lui ouvrant droit à une indemnisation correspondant aux dommages subis ;

1°- Alors que le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage est sans application à l'action en réparation des dégâts de gibier par le titulaire du droit de chasse ; qu'en statuant comme elle l'a fait sur le fondement d'un trouble anormal de voisinage, la Cour d'appel a violé le principe susvisé, l'article 544 du Code civil et l'article L 426-4 du Code de l'environnement ;
2°- Alors que le titulaire du droit de chasse n'est responsable des dommages causés par le gibier provenant des parcelles sur lesquelles il dispose de ce droit, que si ce gibier est en nombre excessif et s'il a par sa faute ou par sa négligence, favorisé sa multiplication ou omis de prendre les mesures propres à en assurer la destruction ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans caractériser la faute de l'association Les Fays de Maulnes, et après avoir constaté au contraire dans le dispositif de sa décision qu'aucune faute n'est démontrée contre l'association de chasse Les Fays de Maulnes, la Cour d'appel a violé les articles L 426-4 du Code de l'environnement et 1382 du Code civil ;
3°- Alors qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que l'objectif de l'activité de l'association Les Fays de Maulnes qui exerce le droit de chasse, est la régulation de la population des animaux sauvage et surtout des sangliers et que l'agrainage réalisé conformément à la réglementation permet de fixer la population concernée sur le territoire de chasse, ce dont il résulte que grâce à l'activité de l'association Les Fays de Maulnes, les animaux nourris par agrainage, ne vont pas chercher leur nourriture dans les cultures avoisinantes et sont attirés sur le territoire de chasse pour pouvoir être régulés et ce dont il résulte par conséquent que l'activité de cette association loin de constituer la source des troubles de voisinage causés par les dégâts de gibiers, permettait au contraire de limiter ces troubles par une meilleure régulation du gibier dévastateur, la Cour d'appel a violé l'article 544 du Code civil et le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
4°- Alors qu'en énonçant que le territoire de chasse de l'association se trouve bordé de clôtures sur les côtés est, ouest, et en partie sud, destinées à protéger deux autres exploitations agricoles, les fermes de Bel Air et de Maulnes et que le technicien commis fait observer que cette configuration oblige ou au moins incite les sangliers à sortir du massif forestier par le côté nord, donnant directement sur les terres de la SCEA Gerot, ainsi victime d'un trouble de voisinage, sans répondre aux conclusions de l'association Les Fays de Maulnes qui faisait valoir (conclusions p. 12) que la SCEA Gerot est mal venue à se prévaloir de l'absence de clôture du côté de ses terres, dès lors qu'elle a refusé à plusieurs reprises, la proposition de la Fédération Départementale des Chasseurs de l'Yonne de poser des clôtures électriques autour de sa propriété, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
5°- Alors que le classement d'un animal en espèce nuisible autorise le propriétaire, le possesseur ou le fermier à détruire cet animal sur ses terres ; qu'en énonçant que l'association Les Fays de Maulnes affirme qu'elle respecte le plan de chasse mais ne prouve pas et ne prétend d'ailleurs même pas, qu'elle aurait organisé des opérations de destruction autorisées par le classement des sangliers en espèce nuisible quand cette destruction incombait à la SCEA Gerot laquelle ne pouvait se plaindre d'un trouble de voisinage résultant de sa carence à organiser des opérations de destruction des nuisibles sur ses terres, la Cour d'appel a violé les articles L 427-8, R 427-8 du Code de l'environnement, 544 du Code civil et le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
6°- Alors en tout état de cause, que l'indemnité peut être réduite s'il est constaté que la victime des dégâts a une part de responsabilité dans la commission des dégâts ; qu'en ne répondant pas aux conclusions de l'association Les Fays de Maulnes qui invoquait la responsabilité de la société Gerot à l'origine de son préjudice et partant la réduction de l'indemnité, dès lors qu'elle avait refusé l'installation d'une clôture électrique offerte par la Fédération Départementale des Chasseurs de l'Yonne, la Cour d'appel a encore violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 13-18136
Date de la décision : 11/09/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

CHASSE - Gibier - Dégâts causés aux récoltes - Sangliers ou grands gibiers - Régime spécial de responsabilité et d'indemnisation - Action fondée sur un autre régime de responsabilité - Possibilité - Détermination - Portée

ANIMAUX - Gibier - Dégâts causés aux récoltes - Régime spécial de responsabilité et d'indemnisation - Action fondée sur un autre régime des responsabilité - Possibilité - Détermination - Portée

Il résulte des articles L. 426-1 et L. 426-4 du code de l'environnement que la possibilité d'une indemnisation par la fédération départementale des chasseurs ne laisse subsister contre le responsable du dommage qu'une action fondée sur l'article 1382 du code civil


Références :

articles L. 426-1 et L. 426-4 du code de l'environnement

article 1382 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 février 2013

Dans le même sens : 2e Civ., 13 décembre 2012, pourvoi n° 11-27538, Bull. 2012, II, n° 205 (cassation sans renvoi)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 11 sep. 2014, pourvoi n°13-18136, Bull. civ. 2014, II, n° 183
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, II, n° 183

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat général : M. Girard
Rapporteur ?: M. Grellier
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.18136
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award