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02/07/2014 | FRANCE | N°13-15605

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 juillet 2014, 13-15605


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 novembre 2012) que Pôle emploi venant aux lieu et place du groupement des Assedic de la région parisienne (GARP), des Assedic respectivement de la Guyane, de la région Guadeloupe, de la région Martinique et de la région Réunion, a assigné notamment les sociétés France Télévisions, France 2 et Réseau France Outre-Mer (RFO) devant le tribunal de grande instance de Paris, d'une part, pour faire juger que, du fait de leur forme commerciale, France 2 et RFO étaient tenues e

n application de l'article L. 3253-6 du code du travail d'assurer ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 novembre 2012) que Pôle emploi venant aux lieu et place du groupement des Assedic de la région parisienne (GARP), des Assedic respectivement de la Guyane, de la région Guadeloupe, de la région Martinique et de la région Réunion, a assigné notamment les sociétés France Télévisions, France 2 et Réseau France Outre-Mer (RFO) devant le tribunal de grande instance de Paris, d'une part, pour faire juger que, du fait de leur forme commerciale, France 2 et RFO étaient tenues en application de l'article L. 3253-6 du code du travail d'assurer leurs salariés contre le risque de non-paiement de leurs salaires en cas de procédure de sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, et, d'autre part, pour obtenir la condamnation de la société France Télévisions venant aux droits des sociétés précitées à lui fournir sous astreinte les déclarations des salaires versés depuis le 1er janvier 2006 aux salariés sous contrat de droit privé et à payer diverses sommes à titre provisionnel pour chaque société ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur les deuxième et troisième moyens réunis :
Attendu que la société France Télévisions fait grief à l'arrêt de la condamner, d'une part, en tant que venant aux droits de la société France 2, à fournir sous astreinte à Pôle emploi, pour la période du 1er janvier 2006 au 14 mai 2008, les déclarations des salaires versés à ses salariés de droit privé et à payer à cet organisme une somme provisionnelle à valoir sur les cotisations dues pour cette période, et d'autre part, en tant que venant aux droits de RFO, à fournir sous astreinte à Pôle emploi les déclarations des salaires versés à ses salariés de droit privé pour les mois de janvier et février 2008, et à lui verser une somme à titre de provision à valoir sur les cotisations dues pour ces deux mois alors, selon le moyen,
1°/ qu'aux termes de l'article L. 3253-6 du code du travail tout employeur ayant la qualité de personne morale de droit privé doit assurer ses salariés contre le risque de non-paiement, en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail ; qu'au regard du principe général « specialia generalibus derogant » ce texte de loi relatif aux sociétés privées n'est cependant applicable aux personnes morales appartenant en tout ou partie à l'État que dans la mesure où il ne s'avère pas contraire aux dispositions spécifiques de leurs statuts légaux ; qu'en application des articles 44 et 47 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 France 2 et RFO sont intégralement détenues par l'État ; qu'en outre au regard de leurs missions de service public, notamment en situation de crise, des modalités particulières de fonctionnement et des dispositions de leurs statuts, approuvés par décret, selon lesquels « la société ne peut être dissoute (...) qu'en vertu d'une loi », le régime légal spécifique de France 2 et de RFO déroge, en leur qualité de société nationale de programme, à la législation de droit commun normalement applicable aux sociétés anonymes ; que précisément compte tenu du caractère inconciliable de leur statut légal avec la législation de droit commun sur les entreprises en difficulté, l'obligation de cotisation au titre de la garantie des salaires ne leur est pas applicable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 3253-6 et L. 3253-18 du code du travail, les articles 44 à 57 de la loi du 30 septembre 1986, ensemble le principe général « specialia generalibus derogant » ;
2°/ que selon l'article L. 3253-6 du code du travail tout employeur ayant la qualité de personne morale de droit privé doit assurer ses salariés contre le risque de non-paiement, en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail ; que l'obligation d'assurance contre le risque d'insolvabilité ne peut donc être imposée qu'à l'employeur susceptible de voir appliquer sur ses biens une procédure collective d'apurement du passif telle que prévue par le droit commun des entreprises en difficulté ; qu'en l'espèce il ressort des propres constatations de la cour d'appel qu'au regard de la spécificité des statuts légaux de France 2 et de RFO, chacune « ne peut être dissoute que par l'effet de la loi » et « il est perm is d'exclure qu'elle puisse être en état de cessation des paiements et soumise à une procédure collective » ; que dès lors en retenant néanmoins que France 2 et RFO devaient cotiser auprès de Pôle emploi au titre de l'assurance garantie des salaires, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé articles L. 3253-6 et L. 3253-18 du code du travail et les articles 44 à 57 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, interprétés à la lumière des Directives CEE 80/987 du 20 octobre 1980 et CE 2008/94 du 22 octobre 2008 ;
Mais attendu, d'abord, que selon l'article L. 3253-6 du code du travail, tout employeur de droit privé assure ses salariés, y compris ceux détachés à l'étranger ou expatriés mentionnés à l'article L. 5422-13, contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ; que l'alinéa premier de l'article L. 3253-18 prévoit que l'assurance est financée par des cotisations des employeurs assises sur les rémunérations servant de base au calcul des contributions au régime d'assurance-chômage ;
Attendu, ensuite, qu'ainsi que l'a retenu à bon droit la cour d'appel, l'assujettissement de l'employeur à l'obligation d'assurance des salariés résulte de sa seule qualité de personne morale de droit privé, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de son statut particulier, et notamment de l'origine de son capital, de la nature de ses ressources, du contrôle économique et financier de l'Etat auquel il est soumis, du mode de désignation de ses administrateurs et de la mission de service public dont il est investi ;
Et attendu, enfin qu'ayant constaté que les sociétés France 2 et RFO, qui en vertu de l'article 47 de la loi 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication modifiée par la loi du 1er février 1994, étaient soumises à la législation sur les sociétés anonymes, avaient la qualité de personne morale de droit privé, ce dont il résulte que la condition d'assujettissement au versement des cotisations dues au titre de l'assurance de garantie des salaires était remplie, la cour d'appel a, par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société France Télévisions aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Pôle emploi la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société France Télévisions.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable la demande de Pôle Emploi à l'encontre de la Société FRANCE TELEVISIONS, venant aux droits de FRANCE 2, au titre de la mise en demeure du 14 mai 2008 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE «les cotisations dont Pôle Emploi réclame le paiement doivent être recouvrées dans les conditions édictées par l'article L. 5422-15 du code du travail ; qu'il résulte de ces dispositions que les poursuites engagées par l'organisme de recouvrement contre un employeur doivent être précédées d'une mise en demeure qui doit permettre au redevable de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation ; Que Pôle Emploi a adressé deux courriers recommandés à France 2 les 10 mars 2008 et 14 mai 2008 ; Que le courrier du 10 mars 2008, portant pour objet « assujettissement à l'Assurance de Garantie des Salaires », ne fait qu'énoncer le principe selon lequel le groupe France Télévision, étant une société anonyme, serait redevable de la cotisation AGS, sans plus de précision sur les cotisations appelées ; Que la lettre du 14 mai 2008 explicite et développe le principe de l'assujettissement de la Société France Télévisions à la cotisation de Garantie des Créances des Salariés et ajoute une véritable mise en demeure, dans les termes suivants : « En conséquence, nous vous mettons en demeure de nous retourner les bordereaux joints, à effet du 01/01/2006 afin de régulariser votre situation au regard de l'AGS. A défaut de réponse de votre part dans les 15 jours suivant la réception de la présente, nous nous réservons le droit d'engager des poursuites à votre encontre » ; Que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que ce courrier valait mise en demeure régulière de la Société France Télévisions venant aux droits de France 2 en ce que celle-ci, en lecture de ce courrier avait connaissance de la nature et de la cause des droits réclamés (cotisations AGS en application de l'article L 143-11-1 du code du travail) ainsi que de leur étendue, la réclamation portant sur la période postérieure au 1er janvier 2006, étant ajouté que le montant des cotisations dues dépendait de la déclaration des salaires réclamée par l'organisme à l'employeur ; Que les poursuites de Pôle Emploi contre la Société France Télévisions venant aux droits de France 2 doivent en conséquence être déclarées recevables pour la période courant du 1er janvier 2006 au 14 mai 2008 » ;ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « le 14 mai 2008, le GARP renouvelait sa réclamation en exposant les termes de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ayant modifié l'article L.143-11 du code du travail, relatif au champ d'application du régime de garantie des salaires et en soutenant que peu importait que le capital d'une entreprise soit majoritairement détenu par l'État ou que celle-ci ait une mission de service public ; Que le GARP indiquait que dès lors qu'elle a la qualité de personne morale de droit privé, elle doit être assujettie au régime de garantie des salaires ; Que ce courrier se concluait en ces termes : "en conséquence, nous vous mettons en demeure de nous retourner les bordereaux joints, à effet du 1er janvier 2006 afin de régulariser votre situation au regard de L'AGS. A défaut de réponse de votre part, dans les 15 jours suivant la réception de la présente, nous nous réservons le droit d'engager des poursuites à votre encontre."; Que FRANCE 2 par courrier du 20 mai contestait le bien-fondé de cette réclamation ; Que le courrier du 14 mai 2008 respecte les exigences requises pour valoir mise en demeure, dès lors qu'il permettait à son destinataire de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation et qu'ainsi Pôle Emploi sera déclaré recevable en ses demandes à l'encontre de FRANCE 2 » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE toute action intentée ou poursuite engagée par Pôle emploi contre un employeur doit être précédée d'une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que cette mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'à cette fin la mise en demeure doit préciser, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations réclamées, et la période à laquelle elle se rapporte ; qu'en retenant qu'était régulière la mise en demeure adressée par le Pôle Emploi à FRANCE 2 par lettre du 14 mai 2008, et en décidant en conséquence que l'action engagée par Pôle Emploi était recevable, quand cette mise en demeure ne précisait ni la nature du redressement, ni un montant de cotisations réclamées à FRANCE 2, ni la période à laquelle elle se rapportait, ce qui l'entachait irrémédiablement de nullité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L.5422-15, R.5422-9, L.5422-17 et L.3253-18 du code du travail ; ALORS, D'AUTRE PART ET PLUS ENCORE, QU'en retenant que la lettre du 14 mai 2008 valait mise en demeure régulière du Pôle Emploi à l'égard de FRANCE 2 « en ce que celle-ci, en lecture de ce courrier avait connaissance de la nature et de la cause des droits réclamés (cotisations AGS en application de l'article L 143-11-1 du code du travail) ainsi que de leur étendue », cependant que dans ladite lettre le Pôle Emploi se bornait à réclamer à l'exposante « de nous retourner les bordereaux joints, à effet du 01/01/2006 afin de régulariser votre situation au regard de l'AGS », sans préciser, ni la nature du redressement, ni le montant de cotisations réclamées, ni la période à laquelle le redressement se rapportait, la cour d'appel a dénaturé la lettre susvisée et violé le principe de l'interdiction faite au juge du fond de dénaturer les pièces versées aux débats et l'article 1134 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Société FRANCE TELEVISIONS, venant aux droits de FRANCE 2, pour la période du 1er janvier 2006 au 14 mai 2008, à fournir sous astreinte au Pôle Emploi les déclarations des salaires versés à ses salariés de droit privé, et de l'AVOIR condamné à verser à Pôle Emploi une somme provisionnelle de 320.000 € à valoir sur les cotisations dues par FRANCE 2 pour cette période ; AUX MOTIFS QUE «l'article L 3253-6 du code du travail (ancien article L 143-11-1 du code du travail) dispose : « Tout employeur de droit privé assure ses salariés, y compris ceux détachés à l'étranger ou expatriés mentionnés à l'article L 5422-13, contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire » ; que Pôle Emploi réclame le versement des cotisations dues au titre de cette assurance des salaires à France 2 et à RFO à raison de leur forme de sociétés de droit privé, alors que la Société France Télévisions, venant aux droits de ces sociétés depuis le 1er janvier 2009, soutient au contraire qu'elles n'y étaient pas assujetties en raison de la particularité de leur statut et de leur mission de service public ; Qu'il ressort de la jurisprudence de la cour de cassation, après le revirement opéré en 2000 à propos de la société TSFE, exploitant la chaîne publique « La Cinq», que le critère de l'assujettissement de l'employeur, personne morale de droit privé, à l'obligation d'assurance des salariés ne tient plus compte ni de la mission de service public confiée à la personne morale, ni de l'origine de son capital, ni de la possibilité pour elle d'être effectivement soumise à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, la seule condition devant être retenue étant celle de sa nature de personne morale de droit privé ; Qu'il n'est pas discuté que, pour la période qui intéresse le litige, la Société France 2 avait le statut d'une société anonyme ; que la particularité de ses statuts - qui prévoient qu'elle ne peut être dissoute que par l'effet de la loi - la participation exclusive de l'État dans la composition de son capital social - qui permet d'exclure qu'elle puisse être en état de cessation des paiements et soumise à une procédure collective - et la nature de sa mission de service public ne sont pas de nature à la dispenser du paiement de cette cotisation obligatoire ; qu'il en est de même pour RFO ; Que c'est en vain que la Société France Télévisions souligne que le texte de l'article L 3253-6 du code du travail prévoit que les cotisations sont dues par l'employeur pour assurer « ses » salariés contre le risque de non-paiement de leurs salaires et qu'il s'agirait dès lors d'une assurance individualisée dont les cotisations ne pourraient être appelées contre un employeur dont les salariés ne courraient pas ce risque ; qu'en effet, l'utilisation de l'article possessif « ses » vise à définir l'assiette des cotisations dues par l'employeur et non à déterminer un droit individuel de chaque salarié à l'assurance de garantie des salaires, Pôle Emploi rappelant à juste titre que le mécanisme d'assurance est collectif puisque le droit des salariés est garanti indépendamment du paiement effectif des cotisations par leur employeur ; Que c'est également en vain que la Société France Télévisions invoque le droit communautaire, la directive nº 80/987 énonçant, dans ses considérants, qu'elle a pour objet de rapprocher les législations en vue de protéger les salariés en cas d'insolvabilité de leur employeur pour leur garantir le paiement de leurs créances impayées, mais renvoyant les États membres, dans son article 5, à fixer les modalités de l'organisation, du financement et du fonctionnement des institutions de garantie ; que la jurisprudence de la CJUE ne va pas à l'encontre de cette liberté des États membres dans le financement de la garantie des salaires ; Qu'il convient d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris déféré et de dire: - que la Société France Télévisions venant aux droits de France 2 devra fournir à Pôle Emploi, pour la période du 1er janvier 2006 au 14 mai 2008, les déclarations des salaires versés à ses salariés de droit privé, et ce dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, sous peine d'une astreinte de 5.000 ¿ par jour de retard passé ce délai, et lui verser une somme provisionnelle de 320.000 € » ;ALORS D'UNE PART QU'aux termes de l'article L. 3253-6 du code du travail tout employeur ayant la qualité de personne morale de droit privé doit assurer ses salariés contre le risque de non-paiement, en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail ; qu'au regard du principe général « specialia generalibus derogant » ce texte de loi relatif aux sociétés privées n'est cependant applicable aux personnes morales appartenant en tout ou partie à l'État que dans la mesure où il ne s'avère pas contraire aux dispositions spécifiques de leurs statuts légaux ; qu'en application des articles 44 et 47 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 FRANCE 2 est intégralement détenue par l'État; qu'en outre au regard de ses missions de service public, notamment en situation de crise, de ses modalités particulières de fonctionnement et des dispositions de ses statuts, approuvés par décret, selon lesquels « la société ne peut être dissoute (...) qu'en vertu d'une loi », le régime légal spécifique de FRANCE 2 déroge, en sa qualité de société nationale de programme, à la législation de droit commun normalement applicable aux sociétés anonymes ; que précisément compte tenu du caractère inconciliable de son statut légal avec la législation de droit commun sur les entreprises en difficulté, l'obligation de cotisation au titre de la Garantie des Salaires ne lui est pas applicable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 3253-6 et L.3253-18 du code du travail, les articles 44 à 57 de la loi du 30 septembre 1986, ensemble le principe général « specialia generalibus derogant » ;

ALORS D'AUTRE PART QUE selon l'article L. 3253-6 du code du travail tout employeur ayant la qualité de personne morale de droit privé doit assurer ses salariés contre le risque de non-paiement, en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail ; que l'obligation d'assurance contre le risque d'insolvabilité ne peut donc être imposée qu'à l'employeur susceptible de voir appliquer sur ses biens une procédure collective d'apurement du passif telle que prévue par le droit commun des entreprises en difficulté ; qu'en l'espèce il ressort des propres constatations de la cour d'appel qu'au regard de la spécificité de ses statuts légaux, FRANCE 2 « ne peut être dissoute que par l'effet de la loi » et « il est perm is d'exclure qu'elle puisse être en état de cessation des paiements et soumise à une procédure collective » (arrêt p. 6 dernier §) ; que dès lors en retenant néanmoins que FRANCE 2 devait cotiser auprès de Pôle Emploi au titre de l'Assurance Garantie des Salaires, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé articles L. 3253-6 et L. 3253-18 du code du travail et les articles 44 à 57 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, interprétés à la lumière des Directives CEE 80/987 du 20 octobre 1980 et CE 2008/94 du 22 octobre 2008.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Société FRANCE TELEVISIONS venant aux droits du RÉSEAU FRANCE OUTREMER (RFO), à fournir sous astreinte à Pole Emploi les déclarations des salaires versés à ses salariés de droit privé pour les mois de janvier et février 2008, et à lui verser une somme provisionnelle de 6.268,90 € à valoir sur les cotisations dues pour ces deux mois ;
AUX MOTIFS QUE «l'article L 3253-6 du code du travail (ancien article L 143-11-1 du code du travail) dispose : « Tout employeur de droit privé assure ses salariés, y compris ceux détachés à l'étranger ou expatriés mentionnés à l'article L 5422-13, contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire » ; que Pôle Emploi réclame le versement des cotisations dues au titre de cette assurance des salaires à France 2 et à RFO à raison de leur forme de sociétés de droit privé, alors que la Société France Télévisions, venant aux droits de ces sociétés depuis le 1er janvier 2009, soutient au contraire qu'elles n'y étaient pas assujetties en raison de la particularité de leur statut et de leur mission de service public ; Qu'il ressort de la jurisprudence de la cour de cassation, après le revirement opéré en 2000 à propos de la société TSFE, exploitant la chaîne publique « La Cinq», que le critère de l'assujettissement de l'employeur, personne morale de droit privé, à l'obligation d'assurance des salariés ne tient plus compte ni de la mission de service public confiée à la personne morale, ni de l'origine de son capital, ni de la possibilité pour elle d'être effectivement soumise à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, la seule condition devant être retenue étant celle de sa nature de personne morale de droit privé ; Qu'il n'est pas discuté que, pour la période qui intéresse le litige, la Société France 2 avait le statut d'une société anonyme ; que la particularité de ses statuts - qui prévoient qu'elle ne peut être dissoute que par l'effet de la loi - la participation exclusive de l'État dans la composition de son capital social - qui permet d'exclure qu'elle puisse être en état de cessation des paiements et soumise à une procédure collective - et la nature de sa mission de service public ne sont pas de nature à la dispenser du paiement de cette cotisation obligatoire ; qu'il en est de même pour RFO ; Que c'est en vain que la Société France Télévisions souligne que le texte de l'article L 3253-6 du code du travail prévoit que les cotisations sont dues par l'employeur pour assurer « ses » salariés contre le risque de non-paiement de leurs salaires et qu'il s'agirait dès lors d'une assurance individualisée dont les cotisations ne pourraient être appelées contre un employeur dont les salariés ne courraient pas ce risque ; qu'en effet, l'utilisation de l'article possessif « ses » vise à définir l'assiette des cotisations dues par l'employeur et non à déterminer un droit individuel de chaque salarié à l'assurance de garantie des salaires, Pôle Emploi rappelant à juste titre que le mécanisme d'assurance est collectif puisque le droit des salariés est garanti indépendamment du paiement effectif des cotisations par leur employeur ; Que c'est également en vain que la Société France Télévisions invoque le droit communautaire, la directive nº 80/987 énonçant, dans ses considérants, qu'elle a pour objet de rapprocher les législations en vue de protéger les salariés en cas d'insolvabilité de leur employeur pour leur garantir le paiement de leurs créances impayées, mais renvoyant les États membres, dans son article 5, à fixer les modalités de l'organisation, du financement et du fonctionnement des institutions de garantie ; que la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne ne va pas à l'encontre de cette liberté des États membres dans le financement de la garantie des salaires; Qu'il convient d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris et de dire : (...) - que la Société France Télévisions venant aux droits de RFO devra fournir à Pôle Emploi les déclarations des salaires versés à ses salariés de droit privé pour les mois de janvier et février 2008, et ce dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, sous peine d'une astreinte de 5.000 € par jour de retard passé ce délai, et lui verser une somme provisionnelle de 6.268,90 € » ; ALORS D'UNE PART QU'aux termes de l'article L. 3253-6 du code du travail tout employeur ayant la qualité de personne morale de droit privé doit assurer ses salariés contre le risque de non-paiement, en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail; qu'au regard du principe général « specialia generalibus derogant » ce texte de loi relatif aux sociétés privées n'est cependant applicable aux personnes morales appartenant en tout ou partie à l'État que dans la mesure où il ne s'avère pas contraire aux dispositions spécifiques de leurs statuts légaux ; qu'en application des articles 44 et 47 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 RFO est, par l'intermédiaire de FRANCE TELEVISIONS, intégralement détenue par l'État ; qu'en outre, au regard de ses missions de service public, notamment en situation de crise, de ses modalités particulières de fonctionnement et des dispositions de son statut, approuvées par décret, selon lesquelles « la société ne peut être dissoute (...) qu'en vertu d'une loi », le régime légal de RFO déroge à la législation de droit commun normalement applicable aux sociétés anonymes ; que précisément compte tenu du caractère inconciliable de son statut légal avec la législation de droit commun sur les entreprises en difficulté, l'obligation de cotisation au titre de la Garantie des Salaires ne lui est pas applicable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 3253-6 et L. 3253-18 du code du travail et les articles 44 à 57 de la loi du 30 septembre 1986, ensemble le principe général « specialia generalibus derogant » ;ALORS D'AUTRE PART QUE selon l'article L. 3253-6 du code du travail tout employeur ayant la qualité de personne morale de droit privé doit assurer ses salariés contre le risque de non-paiement, en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail ; que l'obligation d'assurance contre le risque d'insolvabilité ne peut donc être imposée qu'à l'employeur susceptible de voir appliquer sur ses biens une procédure collective d'apurement du passif telle que prévue par le droit commun des entreprises en difficulté ; qu'en l'espèce il ressort des propres constatations de la cour d'appel qu'au regard de la spécificité de ses statuts légaux, RFO « ne peut être dissoute que par l'effet de la loi » et « il est perm is d'exclure qu'elle puisse être en état de cessation des paiements et soumise à une procédure collective » (arrêt p. 6 dernier §) ; que dès lors en retenant néanmoins que RFO devait cotiser auprès de Pôle Emploi au titre de l'Assurance Garantie des Salaires, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 3253-6 et L. 3253-18 du code du travail et les articles 44 à 57 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, interprétés à la lumière des Directives CEE 80/987 du 20 octobre 1980 et CE 2008/94 du 22 octobre 2008.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-15605
Date de la décision : 02/07/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Redressement et liquidation judiciaires - Créances des salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Assujettissement - Personnes assujetties - Société anonyme - Conditions - Détermination - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Redressement et liquidation judiciaires - Créances des salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Obligation d'affiliation - Etendue ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Redressement judiciaire - Salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Personnes assujetties - Personne morale de droit privé - Notion - Détermination - Portée

Selon l'article L. 3253-6 du code du travail, tout employeur de droit privé assure ses salariés, y compris ceux détachés à l'étranger ou expatriés mentionnés à l'article L. 5422-13, contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. L'alinéa premier de l'article L. 3253-18 prévoit que l'assurance est financée par des cotisations des employeurs assises sur les rémunérations servant de base au calcul des contributions au régime d'assurance-chômage. Ainsi que l'a retenu à bon droit la cour d'appel, l'assujettissement de l'employeur à l'obligation d'assurance des salariés résulte de sa seule qualité de personne morale de droit privé, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de son statut particulier, et notamment de l'origine de son capital, de la nature de ses ressources, du contrôle économique et financier de l'Etat auquel il est soumis, du mode de désignation de ses administrateurs et de la mission de service public dont il est investi. Dès lors, remplissaient la condition d'assujettissement au versement des cotisations dues au titre de l'assurance de garantie des salaires les sociétés France 2 et RFO, aux droits desquelles est venue la société France Télévisions, lesquelles, en vertu de l'article 47 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication modifiée par la loi du 1er février 1994, étaient soumises à la législation sur les sociétés anonymes et avaient la qualité de personne morale de droit privé


Références :

articles L. 3253-6, L. 3253-18 et L. 5422-13 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 novembre 2012

Sur l'assujettissement à l'AGS de personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public, à rapprocher :Soc., 1er juin 1978, pourvoi n° 77-13652, Bull. 1978, V, n° 427 (cassation), et les arrêts cités ;Soc., 21 avril 1988, pourvoi n° 85-14659, Bull. 1988, V, n° 245 (rejet). Sur l'assujettissement à l'AGS au vu du seul critère de personne morale de droit privé, dans le même sens que :Soc., 7 septembre 2004, pourvoi n° 02-21384, Bull. 2004, V, n° 224 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 jui. 2014, pourvoi n°13-15605, Bull. civ. 2014, V, n° 161
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, V, n° 161

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Finielz (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Deurbergue
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.15605
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