LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 3 de la Convention de La Haye, du 4 mai 1971, sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière, ensemble les articles 4 et 28 du règlement n° (CE) 864/2007, dit "Rome II" ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 22 novembre 2010, M. X... a été victime d'un accident de la circulation routière, survenu en Espagne, alors qu'il se trouvait, en tant que passager, à bord d'un véhicule automobile conduit par Mme Y..., immatriculé en France et assuré par la compagnie Axa ; qu'un autre véhicule, immatriculé en Espagne, était impliqué dans l'accident ; que M. X... a assigné, devant une juridiction française, en référé-expertise et en référé-provision, Mme Y..., la société Axa assurances IARD (l'assureur), ainsi que la CPAM des Pyrénées-Atlantiques ; que le régime social des indépendants (RSI) est intervenu volontairement à l'instance pour avoir versé des prestations au profit de M. X... ; que le juge des référés, retenant l'application de la loi française, sur le fondement du règlement n° 864/2007, en tant que loi du pays de la résidence habituelle commune de M. X... et de Mme Y..., a ordonné une expertise médicale et condamné in solidum cette dernière et son assureur à payer, d'une part, au RSI, certaines sommes au titre des débours et frais d'hospitalisation et au titre de l'indemnité forfaitaire de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, et, d'autre part, à M. X..., une certaine somme à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel ;
Attendu que, pour retenir l'application du règlement n° 864/2007, l'arrêt énonce que, conformément au paragraphe 2 de son article 28, ce règlement prévaut sur la Convention de La Haye ratifiée par la France et l'Espagne, toutes deux membres de l'Union européenne ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la Convention de La Haye en cause n'ayant pas été conclue exclusivement entre des Etats membres de l'Union européenne, mais également par des Etats tiers, le règlement n° 864/2007 ne prévalait pas sur celle-ci, de sorte qu'il n'affectait pas l'application de cette Convention au litige dans les rapports entre M. X..., Mme Y... et son assureur, les autres parties échappant, en leur qualité d'organismes de sécurité sociale, à l'application de la Convention, en vertu de l'article 2, paragraphe 6, de celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier pour défaut d'application et les deux derniers pour fausse application ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a condamné in solidum la compagnie Axa Assurances IARD et Mme Y... à payer certaines sommes à la caisse Régime spécial des indépendants, l'arrêt rendu le 29 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD et Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR retenu l'application de la loi française en vertu des dispositions du Règlement (CE) n° 846/ 2007 du 11 juillet 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, et en conséquence, d'AVOIR ordonné une mesure d'expertise médicale, d'AVOIR condamné in solidum la société AXA ASSURANCES IARD devenue AXA FRANCE IARD et Madame Y... à payer à la Caisse Régime social des Indépendants les sommes de 120.757,47 euros à titre de débours provisoires et frais d'hospitalisation exposés et 997 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale, et à payer à Monsieur X... la somme de 20.000 euros à titre de provision,
AUX MOTIFS QUE « l'article 28 du Règlement CE n° 864/2007 dispose que :
1. Le présent règlement n'affecte pas l'application des conventions internationales auxquelles un ou plusieurs états membres sont parties lors de l'adoption du présent règlement et qui règlent les conflits de lois en matière d'obligations non contractuelles.
2. Toutefois, le présent règlement prévaut entre les Etats membres sur les conventions conclues exclusivement entre deux ou plusieurs d'entre eux dans la mesure où elles concernent des matières réglées par le présent règlement ».
Il stipule dans son article 1er, 1 et 2, qu'il s'applique dans les situations comportant un conflit de lois aux obligations non contractuelles relevant de la matière civile et commerciale, et ne prévoit aucune exclusion en ce qui concerne les dommages causés à l'occasion des accidents de la circulation. Il s'ensuit, conformément au paragraphe 2 de son article 28, que le règlement prévaut sur la Convention de La Haye ratifiée par la France et l'Espagne, toutes deux membres de l'UE, et doit donc s'appliquer en l'espèce. L'article 4 du Règlement prévoit que la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, mais que toutefois lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, c'est la loi de ce pays qui s'applique. Il n'est pas contesté qu'au moment de l'accident Madame Y... avait sa résidence habituelle en France. Contrairement aux affirmations des appelants, il ressort également des pièces produites que Monsieur X..., ressortissant britannique, y avait sa résidence habituelle, s'étant installé à Biarritz. (¿) Madame Y... et Monsieur X... ayant leur résidence habituelle en France lors de la survenance du dommage, Madame Y... et sa compagnie d'assurance ne saurait remettre en cause l'application de la loi française. L'ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions, le premier juge ayant fait justement application des dispositions des articles 145 et 808 du Code de procédure civile pour ordonner l'expertise médicale de la victime et allouer en l'absence de contestation sérieuse les provisions à valoir sur l'indemnisation du préjudice de Monsieur Louis X... et les débours de la caisse RSI » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « il résulte du règlement (CE) n° 846/2007 du 11 juillet 2007 (dit Rome II) fixant la loi applicable aux obligations non contractuelles, en son article 2, que : « Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent. Toutefois, lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s'applique ». Qu'en l'espèce Monsieur X... cherche à engager la responsabilité de Madame Y... la conductrice du véhicule, puisqu'il avait la qualité de passager transporté. Que les deux parties ont un domicile sur le territoire national et qu'en conséquence les dispositions de l'article 2§2 du règlement peuvent trouver application » ;
ALORS QUE, l'article 28-1° du Règlement n° 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles dit Rome II dispose que « Le présent règlement n'affecte pas l'application des conventions internationales auxquelles un ou plusieurs États membres sont parties lors de l'adoption du présent règlement et qui règlent les conflits de lois en matière d'obligations non contractuelles » ; que l'article 28-2° précise toutefois, « le présent Règlement prévaut entre les Etats membres sur les Conventions conclues exclusivement entre deux ou plusieurs Etats membres dans la mesure où elles concernent des matières réglées par le présent Règlement » ; que la FRANCE et l'ESPAGNE étant parties à la Convention internationale de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière, laquelle convention constitue une Convention internationale nonexclusivement signée entre des Etats membres de l'U.E., cette convention primait, en l'espèce, sur le Règlement n°846/2007 ; qu'en jugeant néanmoins la loi française applicable sur le fondement de l'article 4 du Règlement du 11 juillet 2007, cependant que ce Règlement n'était pas applicable, du fait de la signature par la FRANCE et l'ESPAGNE de la Convention de La Haye du 4 mai 1971, laquelle Convention, en vertu de son article 3, conduisait à déclarer la loi espagnole, lieu de survenance du dommage, applicable au présente litige, la Cour d'appel a violé ensemble les articles 28 du Règlement n°846/2007 du 11 juillet 2007 et 3 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971.
ALORS QUE, en outre, l'article 809 du Code de procédure civile subordonne l'octroi d'une provision à la condition que l'obligation ne soit pas sérieusement contestable ; qu'en condamnant AXA France IARD à indemniser la victime, cependant qu'il existait une contestation sérieuse sur l'existence de l'obligation d'AXA France IARD puisque cette dernière dépendait de la loi applicable, laquelle dépendait de la règle de conflit retenue, soit celle issue du Règlement Rome II, soit celle issue de la Convention de La Haye du 4 mai 1971, la Cour d'appel a, en tranchant elle-même ce conflit, excédé ses pouvoirs et violé l'article 809 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, en toute hypothèse, le juge des référés excède ses pouvoirs s'il statue sur le fond du litige ; qu'en déclarant applicable au litige la loi française après avoir reconnu son applicabilité en application du Règlement n°846/2007 du 11 juillet 2007, la Cour d'appel a statué sur le fond du droit excédant ainsi ses pouvoirs, en violation des articles 484 et 809 du Code de procédure civile..