LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société MAAF assurances, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre spéciale des mineurs, en date du 2 mai 2013, qui, dans la procédure suivie contre Dylan X... du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 mars 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Pers, conseiller rapporteur, M. Fossier, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller PERS, les observations de Me LE PRADO, de la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BERKANI ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1382, 1383, 1384 du code civil, 2, 3, 464, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Y..., assuré auprès de la MAAF, civilement responsable de son fils Dylan X... ;
"aux motifs que selon le jugement rendu le 17 mars 2009 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Laon les parents M. Y... et Mme X... exercent en commun l'autorité parentale à l'égard de leurs six enfants dont Dylan, la résidence des enfants étant fixée chez la mère, le père se voyant accorder un droit de visite et d'hébergement à l'égard des enfants les première, troisième, et cinquième fins de semaine de chaque mois du samedi à 14 heures au dimanche à 19 heures, la première moitié des congés scolaires les années paires et la seconde moitié des congés scolaires les années impaires ; que les faits se déroulés le 13 avril 2011, soit à une date hors congés scolaires dans l'Académie d'Amiens zone B les congés de printemps débutant le samedi 16 avril 2011 et le 13 avril 2011 étant le mercredi précédant ; que cependant il y a lieu de retenir la responsabilité de M. Y... ; qu'en effet, M. Y..., père de Dylan X... et exerçant en commun avec Mme X... l'autorité parentale sur lui et devant donc en répondre s'est totalement désintéressé de son enfant au point de ne pas exercer son droit de visite et d'hébergement pendant plusieurs années, de ne pas prendre de nouvelles de celui-ci, et a ainsi hormis la procédure dans laquelle il risquait de se voir condamner à payer une pension alimentaire, été totalement absent de la vie de son fils alors qu'il était tenu tout autant que la mère d'éduquer l'enfant commun, étant observé que depuis les faits il a perduré dans cette attitude en ne se présentant à aucun des stades de la procédure malgré les citations ; que ce comportement fautif du père a un lien direct avec le comportement délictuel de Dylan et les faits pour lesquels celuici a été condamné : en effet, selon notamment l'expertise psychiatrique du 5 mars 2012 du docteur Michel Z... : petit, Dylan était proche de son père, qui bricolait, réparait plein de choses ensemble avec lui, l'emmenant faire du quad avec lui, les parents se séparant alors que Dylan âgé de dix ans était en CM1, qu'au départ le père prenait les enfants, appelait également au téléphone puis progressivement n'est plus venu les prendre et n'a plus donné de nouvelles et il apparaît au vu des pièces du dossier que c'est essentiellement à partir de cette période que Dylan a commencé à présenter des difficultés scolaires avec d'abord un certain désintérêt scolaire puis une opposition, à laquelle sa mère n'a, seule, pu faire face ; qu'en conséquence il n'y a pas lieu de dire que le jugement de première instance ne saurait être rendu opposable à l'encontre de la MAAF qui restera tenue à garantie de son assuré responsable civilement M. Y..., père de Dylan X..., dont M. Y... doit répondre en ce qu'exerçant l'autorité parentale et bénéficiant d'un droit de visite et d'hébergement il n'a aucunement exercé son pouvoir de surveillance et de contrôle de l'éducation de Dylan, qui poursuit ses études en France conformément aux conditions générales du contrat d'assurance régulièrement communiqué par la MAAF, le jugement étant confirmé de ces chefs ;
"1°) alors que la responsabilité du parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant n'a pas été fixée ne peut, sans faute de sa part, être engagée ; qu'en retenant la responsabilité de M. Y... sur le fondement de l'article 1384 du code civil, après avoir pourtant relevé que la résidence de l'enfant mineur en cause avait été fixée judiciairement au domicile de la mère tandis que le père s'était vu réserver un simple droit de visite et d'hébergement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi méconnu les dispositions susvisées ;
"2°) alors, et en toute hypothèse que la responsabilité du parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant n'a pas été fixée ne peut, sans faute de sa part, être engagée ; et que la juridiction répressive est incompétente pour rechercher si le civilement responsable, cité en cette qualité, a commis une faute personnelle au sens de l'article 1382 du code civil ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité de M. Y... pour avoir commis une faute personnelle en n'exerçant pas « son pouvoir de surveillance et de contrôle de l'éducation de Dylan », la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"3°) alors, et en tout état de cause, que la responsabilité du fait personnel suppose un rapport de causalité direct et certain entre la faute et le dommage ; qu'en ne caractérisant pas en quoi les difficultés scolaires et l'opposition de Dylan X..., imputables selon elle à l'attitude de M. Y... qui n'aurait pas exercé son pouvoir de surveillance et de contrôle de l'éducation de son fils, auraient un lien de causalité direct et certain avec l'incendie certes dramatique mais accidentel d'une grange, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Vu les articles 1384, alinéa 4, du code civil, 2 et 3 du code de procédure pénale ;
Attendu que la responsabilité de plein droit prévue par le premier de ces textes incombe au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée, quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement, exercerait conjointement l'autorité parentale et aurait commis une faute civile personnelle dont l'appréciation ne relève pas du juge pénal ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Dylan X..., mineur de 14 ans, a mis le feu à de la paille dans un hangar agricole, causant ainsi la mort de Jonathan A... ; que le tribunal pour enfants l'a définitivement reconnu coupable d'homicide involontaire ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant condamné le mineur, in solidum avec son père et sa mère, cités en qualité de civilement responsables, à des réparations civiles, l'arrêt, après avoir énoncé que le jugement de divorce a fixé la résidence de l'enfant au domicile de sa mère, attribué un droit de visite et d'hébergement au père et conservé à chacun des parents l'exercice conjoint de l'autorité parentale, retient le comportement fautif du père qui s'est désintéressé de son enfant et n'a aucunement exercé son pouvoir de surveillance et de contrôle de l'éducation de celui-ci ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la résidence habituelle de l'enfant mineur était judiciairement fixée au domicile de la mère, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que,n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sansrenvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisationjudiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 2 mai 2013, en ses seules dispositions ayant déclaré M. Nicolas Y... civilement responsable de son fils mineur, l'ayant condamné in solidum à indemniser la partie civile et ayant déclaré la décision commune à la MAAF et condamné celle-ci aux dépens, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf avril deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;