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21/06/1990 | FRANCE | N°89-82965

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 juin 1990, 89-82965


CASSATION sur les pourvois formés par :
- X...,
- Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre chargée des affaires de mineurs, en date du 11 juillet 1988, qui, dans la procédure suivie contre X... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 223-1 du Code de l'organisation judiciaire, 8 de l'ordonnance du 2 février 1945,

591 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a été prononcé pa...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- X...,
- Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre chargée des affaires de mineurs, en date du 11 juillet 1988, qui, dans la procédure suivie contre X... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 223-1 du Code de l'organisation judiciaire, 8 de l'ordonnance du 2 février 1945, 591 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a été prononcé par la chambre spéciale des mineurs siégeant en audience publique ;
" alors que, s'agissant de l'appel d'une décision du juge des enfants, la décision attaquée devait être prononcée en chambre du conseil après que les débats se furent eux-mêmes déroulés en chambre du conseil " ;
Attendu qu'en prononçant en audience publique l'arrêt attaqué, rendu sur appel, non d'une décision du juge des enfants ainsi qu'il est inexactement allégué, mais d'un jugement du tribunal pour enfants, la cour d'appel s'est conformée aux dispositions combinées des articles L. 223-1 du Code de l'organisation judiciaire et 14 de l'ordonnance du 2 février 1945 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 592 du Code de procédure pénale :
" en ce que lors des débats, la Cour était composée de Mme Bernard, faisant fonction de président, qui a fait le rapport de l'affaire (p. 2 et 9) et de MM. Ellul et Chamouton, conseillers ; que, lors du délibéré, elle était composée de M. Orsini, président, et de M. Ellul et de Mlle Margaillan, conseillers (p. 10) ; que l'arrêt ne mentionne pas la composition de la Cour lors de son prononcé ;
" alors, d'une part, qu'il ressort de l'arrêt attaqué (p. 9 et 10) que les magistrats présents lors des débats n'étaient pas les mêmes que ceux qui étaient présents lors du délibéré, sans que soit constatée une réouverture des débats ;
" alors, d'autre part, qu'il ressort de l'arrêt (p. 2, 9 et 10) que Mme Bernard, rapporteur, n'était pas présente lors du délibéré, en violation du principe selon lequel le magistrat qui a fait le rapport doit participer à la délibération et au prononcé de l'arrêt ;
" alors, de troisième part, que l'arrêt indique à la page 3 que M. le président a prononcé l'arrêt, sans préciser le nom de ce président, ce qui laisse subsister une incertitude sur son identité compte tenu du changement de président intervenu entre les débats et le délibéré " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que seuls les juges devant lesquels l'affaire a été débattue peuvent en délibérer ;
Attendu qu'il ressort des mentions de l'arrêt que l'audience des débats était présidée par Mme Bernard, qui avait pour assesseurs les conseillers Ellul et Chamouton et qui a fait le rapport de l'affaire, alors qu'ont été " présents lors du délibéré " M. Orsini, président, M. Ellul et Mlle Margaillan, conseillers ;
Attendu qu'il résulte de ces énonciations que la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1384, alinéas 4 et 5, du Code civil, 2 et 591 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré " M. Y... civilement responsable de son petit-fils X... " (dispositif p. 9) ;
" aux motifs qu'aucune présomption de responsabilité ne pèse sur Y... à raison du dommage causé par son petit-fils dont il était le tuteur légal au moment des faits ;
" qu'il y a lieu de rechercher s'il a commis une faute personnelle de surveillance et d'éducation à l'égard de l'adolescent qui, le 9 avril 1986, habitait chez lui, ce que Y... reconnaît ;
" qu'en laissant son pupille aller et venir librement au domicile de ses grands-parents paternels en leur absence alors qu'existait un risque de danger, malgré l'autorisation donnée par ces derniers, Y... a commis une faute grave de surveillance engageant sa responsabilité civile ;
" alors, d'une part, que les personnes civilement responsables, sur lesquelles pèse une présomption de responsabilité, sont limitativement énumérées à l'article 1384, alinéas 4 et 5, du Code civil ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'aucune présomption de responsabilité ne pesait sur Y... relativement au dommage causé par son petit-fils, d'où il suit qu'en déclarant néanmoins dans son dispositif Y... " civilement responsable ", la cour d'appel s'est contredite ;
" alors, d'autre part, que Y... n'ayant ni la qualité de victime, ni celle de prévenu, ni celle de civilement responsable (n'étant que le tuteur et non le père du mineur), une éventuelle faute qu'il aurait commise (article 1382 du Code civil) échappait à la compétence de la juridiction répressive ; d'où il suit qu'en condamnant Y... à réparer le dommage, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, devant la juridiction pénale, seul le prévenu peut être condamné à des réparations civiles en raison de sa faute personnelle ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que le mineur X..., habitant chez son grand-père maternel Y... qui était aussi son tuteur, s'est rendu avec un camarade, Z..., au domicile de son autre grand-père, A... ; qu'en jouant avec une arme à feu appartenant à ce dernier, il a grièvement blessé Z... ; qu'il a été poursuivi devant le tribunal pour enfants du chef de blessures involontaires, et que Y... a été cité en qualité de civilement responsable ;
Attendu que, pour reconnaître à ce dernier ladite qualité et le condamner solidairement avec X... au paiement de dommages-intérêts envers la partie civile, les juges d'appel, considérant " qu'aucune présomption de responsabilité ne pèse sur Y... à raison du dommage causé par son petit-fils dont il était le tuteur légal au moment des faits ", énoncent " qu'il y a lieu de rechercher s'il a commis une faute personnelle de surveillance et d'éducation à l'égard de l'adolescent " qui habitait chez lui ; qu'ils déduisent ensuite de leur analyse des faits de la cause que Y... " a commis une faute grave de surveillance engageant sa responsabilité civile ", et " qu'il doit être à ce titre déclaré civilement responsable de son petit-fils X... pour l'acte commis par ce dernier " ;
Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte alors que Y... n'avait pas été lui-même poursuivi du chef de blessures involontaires, de sorte qu'aucune condamnation civile ne pouvait être prononcée contre lui par la juridiction pénale à raison d'une faute qu'il aurait personnellement commise, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que l'arrêt encourt également la censure de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le quatrième moyen de cassation :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 11 juillet 1988, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 89-82965
Date de la décision : 21/06/1990
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° MINEUR - Cour d'appel - Audience - Appel d'un jugement du tribunal pour enfants - Prononcé de l'arrêt - Audience publique.

1° Il résulte des dispositions combinées des articles L. 223-1 du Code de l'organisation judiciaire, 8 et 14 de l'ordonnance du 2 février 1945, que, si l'arrêt rendu par la chambre chargée des affaires de mineurs sur appel d'une décision du juge des enfants doit être prononcé en chambre du conseil, l'arrêt rendu par la même juridiction sur appel d'un jugement du tribunal pour enfants doit être prononcé en audience publique (1).

2° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Composition - Composition identique - Nécessité - Arrêt mentionnant deux compositions pour l'audience des débats et pour celle du délibéré.

2° Seuls les juges devant lesquels l'affaire a été débattue peuvent en délibérer

3° ACTION CIVILE - Fondement - Faute - Faute personnelle - Condamnation - Personne autre que le prévenu (non).

3° Devant la juridiction pénale, seul le prévenu peut être condamné à des réparations civiles en raison de sa faute personnelle


Références :

Code civil 1384 al. 4, al. 5
Code de l'organisation judiciaire L223-1
Code de procédure pénale 2
Code de procédure pénale 592
Ordonnance du 02 février 1945 art. 8, art. 14

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre chargée des affaires de mineurs), 11 juillet 1988

CONFER : (1°). (1) Cf. A rapprocher : Chambre criminelle, 1984-03-06 , Bulletin criminel 1964, n° 92, p. 229 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 jui. 1990, pourvoi n°89-82965, Bull. crim. criminel 1990 N° 256 p. 658
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1990 N° 256 p. 658

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Perfetti
Rapporteur ?: Rapporteur :M. de Bouillane de Lacoste
Avocat(s) : Avocats :la SCP Boré et Xavier, MM. Vuitton, Boullez

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:89.82965
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