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09/04/2014 | FRANCE | N°13-16774

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 avril 2014, 13-16774


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Strasbourg, 19 avril 2013), que, par un accord d'entreprise conclu le 26 mai 2011, a été mis en place un « comité d'établissement dérogatoire » au sein de l'établissement de Strasbourg, employant moins de cinquante salariés, de la société Alliance Healthcare ; que le syndicat CFDT Chimie énergie Alsace (le syndicat) a désigné le 7 mars 2013 M. X... en qualité de délégué syndical au sein de cet établissement ;
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u que M. X... et le syndicat font grief au jugement de déclarer recevable le rec...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Strasbourg, 19 avril 2013), que, par un accord d'entreprise conclu le 26 mai 2011, a été mis en place un « comité d'établissement dérogatoire » au sein de l'établissement de Strasbourg, employant moins de cinquante salariés, de la société Alliance Healthcare ; que le syndicat CFDT Chimie énergie Alsace (le syndicat) a désigné le 7 mars 2013 M. X... en qualité de délégué syndical au sein de cet établissement ;
Attendu que M. X... et le syndicat font grief au jugement de déclarer recevable le recours formé par la société Alliance Healthcare et d'annuler cette désignation, alors, selon le moyen :
1°/ que la reconnaissance d'un établissement distinct pour la mise en place d'un comité d'établissement permet nécessairement la désignation d'un délégué syndical dans ce même périmètre, sauf accord collectif plus favorable en disposant autrement en prévoyant un périmètre plus restreint ; qu'il résulte des constatations du tribunal que l'établissement de Strasbourg est reconnu comme étant un établissement distinct dans lequel est mis en place un comité d'établissement, que le syndicat CFDT y est représentatif et que M. X... remplit lui-même les conditions d'audience requises ; qu'en annulant néanmoins la désignation, par le syndicat CFDT, de M. X... en qualité de délégué syndical dans cet établissement, sans constater l'existence d'un accord collectif plus favorable prévoyant un périmètre plus restreint pour la désignation de délégués syndicaux, le tribunal a violé les articles L. 2121-1- 5°, L. 2122-1, L. 2141-10 et L. 2143-3 du code du travail ;
2°/ que seul un accord collectif plus favorable, prévoyant un périmètre de désignation des délégués syndicaux plus restreint, permet de déroger au principe selon lequel le périmètre de désignation des délégués syndicaux est le même que celui retenu, lors des dernières élections, pour la mise en place du comité d'entreprise ou d'établissement ; que ne sont pas licites les stipulations d'un accord ayant pour effet de priver les salariés d'un établissement reconnu comme étant un établissement distinct et doté d'un comité d'établissement mais employant moins de cinquante salariés, du droit de bénéficier de la désignation d'un délégué syndical, en créant une différence de traitement entre salariés d'une même entreprise, selon qu'ils travaillent dans un établissement atteignant ou non l'effectif de cinquante salariés ; qu'en statuant comme il l'a fait alors que les stipulations de l'accord du 26 mai 2011, ayant pour effet de priver les salariés des établissements de moins de cinquante salariés -dont l'établissement de Strasbourg- de toute représentation syndicale propre en violation du principe de liberté syndicale et du principe constitutionnel d'égalité, ne permettaient pas de déroger de façon licite au principe de concordance des périmètres, le tribunal a violé les principes susvisés, l'article 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, les articles 1, 5 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et les articles L. 2141-4, L. 2141-10 du code du travail ;
Mais attendu que le tribunal d'instance a constaté que si l'accord du 26 mai 2011 prévoyait une dérogation à la condition d'effectif de cinquante salariés pour la mise en place des comités d'établissement, il écartait expressément cette dérogation conventionnelle pour les désignations des représentants syndicaux par les organisations syndicales ; qu'il en a exactement déduit que la désignation des délégués syndicaux ne pouvait s'effectuer qu'aux conditions prévues par les textes légaux ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quatorze et signé par M. Bailly, conseiller doyen, qui en a délibéré, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en raison de l'empêchement du conseiller rapporteur.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X... et le syndicat CFDT chimie énergie Alsace
Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR déclaré recevable le recours formé par la SAS ALLIANCE HEALTHCARE et annulé la désignation de Monsieur Arnold X... par le syndicat CFDT CHIMIE ENERGIE ALSACE en qualité de délégué syndical, en date du 7 mars 2013 ;
AUX MOTIFS QUE par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 mars 2013, le syndicat CFDT CHIMIE ENERGIE ALSACE a informé le directeur de la société ALLIANCE HEALTHCARE sise 5 rue de Bourgogne à 67100 STRASBOURG de la désignation, sur le fondement des articles L 2143-3 et R 2143-2 du code du travail de Monsieur Arnold X... en qualité de délégué syndical ; la société ALLIANCE HEALTHCARE a contesté cette désignation par lettre enregistrée au greffe le 13 mars 2013 ; la présente procédure est recevable et il ne saurait y avoir jonction, la procédure RG 11-13-000411 ayant été déclarée irrecevable ; l'article L 2143-3 du code du travail prévoit la désignation d'un délégué syndical par chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement de 50 salariés ou plus, qui constitue une section syndicale, parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel ; il est constant que la société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION a un effectif largement supérieur à 50 salariés, qu'elle est divisée en différents établissements, dont celui de STRASBOURG dont l'effectif est inférieur à 50 salariés, que par conséquent seul l'article L 2143-3 du code du travail est applicable au présent litige, à l'exception de l'article L 2143-6 du code du travail ; la demanderesse soutient que le syndicat défendeur, dont la représentativité est établie et n'est pas contestée, ne peut désigner de délégué syndical, l'établissement de STRASBOURG ne comptant pas 50 salariés ou plus ; il résulte de l'accord d'entreprise du 26 mai 2011 relatif au fonctionnement des institutions représentatives au sein de la société AHR que la société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION et les organisations syndicales représentatives de l'entreprise ont déterminé la liste des établissements distincts de la société, que l'établissement de STRASBOURG constitue effectivement un établissement distinct ; l'accord du 26 mai 2011 précise que les institutions représentatives du personnel sont élues dans le cadre de ces établissements distincts, sous condition d'atteinte des effectifs requis ; y est inséré le paragraphe suivant : " il est également ici rappelé que la désignation de représentants syndicaux (DS, RS, et RSS) ne peut se faire que dans les établissements distincts de 50 salariés et plus, indépendamment de la reconnaissance de la qualité d'établissement distinct et de la mise en place de comités d'établissement dérogatoires dans les établissements de moins de 50 salariés (cf accord relatif à l'audience syndicale et au droit syndical) " ; s'il est constant que la jurisprudence récente de la Cour de Cassation, postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008, affirme que la reconnaissance d'un établissement distinct pour la mise en place d'un comité d'établissement permet nécessairement la désignation d'un délégué syndical dans ce même périmètre, encore faut-il que les conditions légales d'effectif, mentionnées à l'article L 2143-3 du code du travail, soient remplies ; par ailleurs, si un accord dérogatoire plus favorable est possible, tel que l'accord d'entreprise du 26 mai 2011, qui prévoit la mise en place d'un comité d'établissement dérogatoire dans les établissements de moins de 50 salariés, et si les clauses conventionnelles restrictives du droit syndical sont illicites, force est de constater que l'accord du 26 mai 2011, a entendu limiter aux conditions d'effectif légales la désignation de représentants syndicaux ; le paragraphe 3-1 de l'accord du 26 mai 2011 ne peut être considéré comme illicite, alors qu'il reprend à son compte l'exigence d'un effectif de 50 salariés ou plus comme condition de désignation d'un délégué syndical au sein de l'établissement distinct ; par conséquent, l'établissement distinct de STRASBOURG de la SAS ALLIANCE HEALTHCARE, dans lequel la représentativité de la CFDT et de Monsieur X... est acquise, ne peut désigner de délégué syndical, la condition d'effectif de 50 salariés ou plus, exigée tant par l'article L 2143-3 du code du travail que par l'accord d'entreprise du 26 mai 2011 n'étant pas remplie ; le tribunal ne pourra par conséquent que prononcer l'annulation de la désignation de Monsieur Arnold X... par le syndicat CFDT CHIMIE ENERGIE ALSACE en qualité de délégué syndical, en date du 7 mars 2013 ;
ALORS QUE la reconnaissance d'un établissement distinct pour la mise en place d'un comité d'établissement permet nécessairement la désignation d'un délégué syndical dans ce même périmètre, sauf accord collectif plus favorable en disposant autrement en prévoyant un périmètre plus restreint ; qu'il résulte des constatations du tribunal que l'établissement de STRASBOURG est reconnu comme étant un établissement distinct dans lequel est mis en place un comité d'établissement, que le syndicat CFDT y est représentatif et que Monsieur X... remplit lui-même les conditions d'audience requises ; qu'en annulant néanmoins la désignation, par le syndicat CFDT, de Monsieur X... en qualité de délégué syndical dans cet établissement, sans constater l'existence d'un accord collectif plus favorable prévoyant un périmètre plus restreint pour la désignation de délégués syndicaux, le tribunal a violé les articles L 2121-1- 5°, L. 2122-1, L. 2141-10 et L. 2143-3 du code du travail ;
Et ALORS QUE seul un accord collectif plus favorable, prévoyant un périmètre de désignation des délégués syndicaux plus restreint, permet de déroger au principe selon lequel le périmètre de désignation des délégués syndicaux est le même que celui retenu, lors des dernières élections, pour la mise en place du comité d'entreprise ou d'établissement ; que ne sont pas licites les stipulations d'un accord ayant pour effet de priver les salariés d'un établissement reconnu comme étant un établissement distinct et doté d'un comité d'établissement mais employant moins de 50 salariés, du droit de bénéficier de la désignation d'un délégué syndical, en créant une différence de traitement entre salariés d'une même entreprise, selon qu'ils travaillent dans un établissement atteignant au non l'effectif de 50 salariés ; qu'en statuant comme il l'a fait alors que les stipulations de l'accord du 26 mai 2011, ayant pour effet de priver les salariés des établissements de moins de 50 salariés ¿ dont l'établissement de STRASBOURG ¿ de toute représentation syndicale propre en violation du principe de liberté syndicale et du principe constitutionnel d'égalité, ne permettaient pas de déroger de façon licite au principe de concordance des périmètres, le tribunal a violé les principes susvisés, l'article 6 du Préambule de la constitution du 27 octobre 1946, les articles 1, 5 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et les articles L 2141-4, L 2141-10 du code du travail.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

SYNDICAT PROFESSIONNEL - Délégué syndical - Désignation - Cadre de la désignation - Comité d'établissement - Condition d'effectif - Dérogation conventionnelle - Portée

REPRESENTATION DES SALARIES - Délégué syndical - Désignation - Cadre de la désignation - Etablissement distinct - Limites - Condition d'effectif - Dérogation conventionnelle - Portée REPRESENTATION DES SALARIES - Cadre de la représentation - Etablissement distinct - Reconnaissance - Portée

Un accord collectif peut valablement prévoir une dérogation à la condition d'effectif de cinquante salariés pour la mise en place des comités d'établissement, en écartant expressément cette dérogation conventionnelle pour les désignations des représentants syndicaux par les organisations syndicales. C'est dès lors à bon droit qu'un tribunal d'instance annule la désignation d'un délégué syndical opérée dans un établissement employant moins de cinquante salariés et au sein duquel avait été mis en place un comité d'établissement en application d'un accord collectif, dès lors que celui-ci ne dérogeait qu'à la condition d'effectif pour cette institution et que cette désignation ne répondait pas aux exigences légales


Références :

article L. 2143-3 du code du travail

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Strasbourg, 19 avril 2013

Sur la portée de la reconnaissance d'un établissement distinct pour la mise en place d'un comité d'établissement, s'agissant de la désignation d'un délégué syndical, évolution par rapport à :Soc., 10 novembre 2010, pourvoi n° 09-60451, Bull. 2010, V, n° 256 (rejet). Sur la règle selon laquelle, sauf accord collectif en disposant autrement, le périmètre de désignation des délégués syndicaux est celui retenu pour la mise en place du comité d'entreprise ou d'établissement, à rapprocher :Soc., 18 mai 2011, pourvoi n° 10-60383, Bull. 2011, V, n° 120 (cassation)


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 09 avr. 2014, pourvoi n°13-16774, Bull. civ.Bull. 2014, V, n° 105
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2014, V, n° 105
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Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Lalande
Rapporteur ?: M. Struillou
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 09/04/2014
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 13-16774
Numéro NOR : JURITEXT000028844709 ?
Numéro d'affaire : 13-16774
Numéro de décision : 51400782
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2014-04-09;13.16774 ?
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