LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué (juridiction de proximité de Marseille, 13 février 2013), que, le 2 mai 2012, M. et Mme X..., titulaires de billets d'avion, pour deux vols aller-retour, le premier, Marseille-Paris, avec la compagnie Air France, le second, Paris-Male (Maldives) via Colombo (Sri Lanka), avec une autre compagnie (Srilankan Airlines), ont vu leur premier vol retardé, l'heure de départ initialement fixée à 10 heures 20 ayant été reportée à 13 heures 35, ce qui ne leur a pas permis de rejoindre l'aéroport à temps pour embarquer sur le second vol, dont le départ était prévu à 15 heures, et les a contraints à acheter de nouveaux billets pour poursuivre leur voyage, avec une autre compagnie (Emirate Airlines) ; qu'ils ont assigné la société Air France en indemnisation de leur préjudice, tant matériel, pour un montant correspondant au prix de rachat des billets, que moral ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu que la société Air France fait grief au jugement de la condamner, sur le fondement de la Convention de Montréal, à payer aux époux X... la somme de 1 760,36 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice matériel, alors selon le moyen :
1°/ que la convention de Montréal du 28 mai 1999 s'applique aux seuls transports internationaux, l'expression transport international s'entendant de tout transport dans lequel, d'après les stipulations des parties, le point de départ et le point de destination, qu'il y ait ou non interruption de transport ou transbordement, sont situés sur le territoire de deux Etats parties ; que la convention conclue entre la société Air France et M. et Mme X... concernait un transport interne, entre Marseille et Paris, peu important que ces derniers aient par ailleurs été parties à une opération distincte impliquant un transport à destination d'un pays tiers ; qu'en retenant que la convention de Montréal était applicable à la demande d'indemnisation formée par M. et Mme X... en raison du retard du vol interne assuré par la société Air France, le juge de proximité a violé l'article 1er de la Convention de Montréal du 28 mai 1999 pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international ;
2°/ que, lorsqu'un transporteur aérien prévoit raisonnablement qu'un vol sera retardé par rapport à l'heure de départ de deux heures ou plus pour les vols de 1 500 kilomètres ou moins, il doit proposer aux passagers des rafraîchissements et des possibilités de se restaurer, ainsi que la possibilité d'effectuer gratuitement deux appels téléphoniques ; que le vol interne Marseille-Paris de moins de 1 500 km effectué par la société Air France est arrivé à destination avec un retard de 2 heures 27 ; qu'en décidant que la société Air France était tenue d'indemniser M. et Mme X... du préjudice matériel consécutif à ce retard, la juridiction de proximité a violé les articles 6 et 9 du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004 ;
3°/ que, selon les articles 5, 6 et 7 du règlement CE n° 261/2004, les passagers de vols retardés ne peuvent être assimilés aux passagers de vols annulés aux fins de l'application du droit à indemnisation et ne peuvent ainsi invoquer le droit à indemnisation prévu à l'article 7 du règlement que lorsqu'ils atteignent leur destination finale trois heures ou plus après l'heure d'arrivée initialement prévue par le transporteur aérien ; qu'en l'espèce, la juridiction de proximité a constaté que le vol AF 7663 a atteint sa destination finale avec 2 heures 27 de retard ; qu'en jugeant pourtant que M. et Mme X... étaient en droit de solliciter et d'obtenir une indemnisation, le juge de proximité a violé les articles 6 et 7 du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004 ;
Mais attendu que le règlement (CE) n° 889/2002, applicable à la date des faits litigieux, étendant l'application des dispositions de la Convention de Montréal aux transports aériens effectués sur le territoire d'un seul Etat membre, et l'indemnisation prévue par les articles 19 et 22, paragraphe 1, de cette Convention, en cas de dommage résultant d'un retard dans le transport aérien de passagers, étant complémentaire des diverses mesures d'indemnisation et d'assistance des passagers, prescrites par le règlement (CE) n° 261/2004, c'est à bon droit que la juridiction de proximité a fait application de la Convention de Montréal ; qu'en ses trois premières branches, le moyen n'est pas fondé ;
Et sur la quatrième branche du moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief au jugement d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, que le débiteur n'est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu'il a pu prévoir lors de la conclusion du contrat ; que M. et Mme X... ont acquis, d'une part, auprès d'un voyagiste un voyage « all inclusive » dont le départ était prévu depuis Paris et l'arrivée à Male (Maldives), et d'autre part, un billet Paris-Marseille auprès de la société Air France, sans que les opérations soient liées d'aucune façon ; qu'en condamnant la société Air France à indemniser les époux X... du préjudice matériel résultant de l'obligation dans laquelle ils se sont trouvés de racheter un billet à destination de Male, sans expliquer comment la société Air France pouvait ou devait prévoir, lors de la conclusion du contrat, que le terme du voyage n'était pas Paris, destination finale figurant sur le billet, le juge de proximité a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1150 du code civil ;
Mais attendu que s'il résulte des articles 19 et 22, paragraphe 1, de la Convention de Montréal, dont l'application est exclusive de celle de l'article 1150 du code civil, que seul le dommage prévisible, lors de la conclusion du contrat, est réparable, il ne ressort ni des énonciations du jugement attaqué, ni d'aucune des autres productions, que la société Air France ait soutenu qu'elle ne pouvait prévoir, lors de la conclusion du contrat, que le terme du vol faisant l'objet de celui-ci, n'était pas la destination finale des intéressés et que ces derniers avaient conclu un autre contrat de transport aérien, avec une autre compagnie aérienne, pour poursuivre leur voyage ; que, dès lors, la juridiction de proximité n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Air France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer aux époux X... la somme globale de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la société Air France
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR condamné la société Air France à payer à M. et Mme X... la somme de 1.760,36 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice matériel ;
AUX MOTIFS QUE les requérants démontrent à l'appui de leur demandes qu'ils n'ont pu se présenter à l'embarquement du vol Paris-Colombo en raison du retard de plus de 2 heures à l'arrivée du vol Marseille-Paris réservé auprès de la société Air France ; qu'en application de la Convention de Montréal et notamment de l'article 19, le transporteur aérien est responsable du dommage résultat d'un retard dans le transport aérien des passages faute par lui de prouver qu'il a pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s'imposer pour éviter le dommage ; que Mr et Mme X... ont subi du fait du retard du vol Marseille-Paris un préjudice important, en l'espèce l'impossibilité de pouvoir s'embarquer sur le vol Paris-Colombo ; que les requérants ont dû racheter des billets d'avion pour rejoindre leur lieu de séjour, dont le montant s'élève à 1760,36 euros ; qu'il convient de condamner la société Air France à réparer le préjudice matériel subi par les époux X... et à leur payer la somme de 1760,36 euros ;
1) ALORS QUE la convention de Montréal du 28 mai 1999 s'applique aux seuls transports internationaux, l'expression transport international s'entendant de tout transport dans lequel, d'après les stipulations des parties, le point de départ et le point de destination, qu'il y ait ou non interruption de transport ou transbordement, sont situés sur le territoire de deux Etats parties ; que la convention conclue entre la société Air France et M. et Mme X... concernait un transport interne, entre Marseille et Paris, peu important que ces derniers aient par ailleurs été parties à une opération distincte impliquant un transport à destination d'un pays tiers ; qu'en retenant que la convention de Montréal était applicable à la demande d'indemnisation formée par M. et Mme X... en raison du retard du vol interne assuré par la société Air France, le juge de proximité a violé l'article 1er de la Convention de Montréal du 28 mai 1999 pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international ;
2) ALORS QUE lorsqu'un transporteur aérien prévoit raisonnablement qu'un vol sera retardé par rapport à l'heure de départ de deux heures ou plus pour les vols de 1.500 kilomètres ou moins, il doit proposer aux passagers des rafraichissements et des possibilités de se restaurer, ainsi que la possibilité d'effectuer gratuitement deux appels téléphoniques ; que le vol interne Marseille-Paris de moins de 1.500 km effectué par la société Air France est arrivé à destination avec un retard de 2h27 ; qu'en décidant que la société Air France était tenue d'indemniser M. et Mme X... du préjudice matériel consécutif à ce retard, la juridiction de proximité a violé les articles 6 et 9 du règlement (CE) n°261/2004 du 11 février 2004 ;
3) ALORS QUE selon les articles 5, 6 et 7 du règlement CE n°261/2004, les passagers de vols retardés ne peuvent être assimilés aux passagers de vols annulés aux fins de l'application du droit à indemnisation et ne peuvent ainsi invoquer le droit à indemnisation prévu à l'article 7 du règlement que lorsqu'ils atteignent leur destination finale trois heures ou plus après l'heure d'arrivée initialement prévue par le transporteur aérien ; qu'en l'espèce, la juridiction de proximité a constaté que le vol AF 7663 a atteint sa destination finale avec 2h27 de retard ; qu'en jugeant pourtant que M. et Mme X... étaient en droit de solliciter et d'obtenir une indemnisation, le juge de proximité a violé les articles 6 et 7 du règlement (CE) n°261/2004 du 11 février 2004 ;
4) ALORS, en toute hypothèse, QUE le débiteur n'est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu'il a pu prévoir lors de la conclusion du contrat ; que M. et Mme X... ont acquis d'une part auprès d'un voyagiste un voyage « all inclusive » dont le départ était prévu depuis Paris et l'arrivée à Male (Maldives), et d'autre part un billet Paris-Marseille auprès de la société Air France, sans que les opérations soient liées d'aucune façon ; qu'en condamnant la société Air France à indemniser les époux X... du préjudice matériel résultant de l'obligation dans laquelle ils se sont trouvés de racheter un billet à destination de Male, sans expliquer comment la société Air France pouvait ou devait prévoir, lors de la conclusion du contrat, que le terme du voyage n'était pas Paris, destination finale figurant sur le billet, le juge de proximité a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1150 du Code civil.